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Citations de Idir Tas (33)


L'air du train

C’est un air qui me vient
En regardant les nuages
Les beaux nuages du pays Cathare
Ralliant les rives de la Méditerranée

Entre Sète et Montpellier
Jijel me revient
Entre Sète et Montpellier
S’endort ma souffrance
Là-bas les refrains que chantait ma mère
Au-dessus de mon lit traversent l’aire bleue

C’est un air qui me vient
En regardant passer les collines
à travers les vitres pressées
Toute hâte soudain me quitte
Je vois les douces collines du pays de Bosco
Et le Pont d’Avignon où dansent les chansons

C’est un air qui me vient
En regardant passer les collines
à travers les vitres pressées
Toute hâte soudain me quitte

Je découvre le chèche du Mont Ventoux
Dans sa pureté irréprochable
Et c’est Yemma Gouraya qui me salue
En m’envoyant un signe

Alors je sais
Que les paysages se croisent
Que les destins s’entremêlent
Alors je sais
Que je peux avancer
En toute quiétude et sérénité
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Au cours de son deuxième stage en France, en mai 2001, ma sœur vint me rendre visite à Guilherand-Granges où j’habitais à l’époque. Je lui fis découvrir mes coins préférés de la Drôme et de l’Ardèche : le Château de Crussol, le Port de l’Épervière, les bords du Rhône, le Parc Jouvet où elle apprécia de voir les oiseaux exotiques des volières et la beauté des immenses platanes, Crest où elle plongea ses pieds dans la Drôme avec un bonheur identique au mien.
En quelques jours, en quelques heures devrais-je plutôt dire, elle partagea tous mes secrets de vie, elle sut tout ce qui me procurait de la joie et elle inscrivit la sienne dans ces lieux qui m’étaient devenus familiers, par la force des choses, par la force de l’exil, qui ‒ je dois bien l’avouer ‒ était parfois très doux.
En arrivant à Crest, j’avais garé la voiture sur le parking en face de l’établissement scolaire privé de Saint-Louis et nous avions longé la route qui rejoint la départementale menant à Die. Nous marchions tranquillement tout en parlant de choses et d’autres. Je ne me souviens plus de quoi. Brusquement ma sœur s’était arrêtée devant la sculpture dressée en l’honneur de l’Europe. Elle avait lu à haute voix chacune des inscriptions qui contenaient toutes une réflexion sur ce que les pays pourraient s’offrir dans l’idéal.
À son timbre de voix enthousiaste j’avais compris que ces réflexions notées sur le ciment en lettres noires rejoignaient ses propres attentes en matière de géopolitique. Que les peuples soient unis ! Voilà ce que souhaitait ma sœur et en cela je ne l’admirais que davantage.
Je ne suis plus jamais passé à côté de cette statue sans penser à elle. C’était un peu la sienne à cause de toutes ses pensées gravées qui auraient pu sortir de son esprit humaniste et généreux. J’ai fait une photo de cette œuvre d’art qui reflète le rêve pur des rassembleurs du monde aux antipodes des laideurs diviseuses qui se déroulent dans tant d’endroits où règnent le désordre et la souffrance, à commencer hélas par notre propre pays foudroyé par la guerre civile.
Ce chef-d’œuvre de la pensée pacifiée ressemble à une table en ciment ou à une roue couchée dans l’herbe où le plus beau de l’Homme aurait trouvé à s’enraciner en quelques mots, car c’est avec des mots que l’on façonne le monde. D’abord et essentiellement.
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Après ce moment de grâce où excellaient les plus belles valeurs, nous avions retrouvé le chemin qui longe la Drôme. La Tour se dressait au loin, majestueuse dans ses atours d’ivoire jauni. Ma sœur l’avait admirée et m’avait demandé à quelle époque elle avait été édifiée et en quelles circonstances.
Heureusement je m’étais informé sur cette Tour que j’aimais beaucoup comme le symbole d’une ville où je venais presque chaque semaine me ressourcer et je pus répondre aux questions de ma sœur. Je n’aurais pas aimé caler devant elle autant pour ne pas la décevoir dans sa volonté de savoir que par fierté de grand-frère pourvoyeur de connaissances.
Au-delà du camping, nous étions passés près du ranch où une jument bai courait avec son poulain dans un des enclos, ce qui nous avait ravis comme des enfants. Puis nous avions emprunté le sentier qui mène à Aouste-sur-Sye dans l’épaisseur d’un sous-bois qui n’était pas sans rappeler la forêt d’Akfadou. On trouvait là des mûriers, des aulnes, des frênes. Une végétation déjà méditerranéenne.
Ensuite, nous avions obliqué à gauche et après quelques enjambées au milieu des herbes sauvages nous avions débouché dans ce que j’appelais à l’époque une crique. Des plaques schisteuses striaient la rive en créant des plis qui recueillaient les offrandes de la rivière en crue, essentiellement des bouts de bois torsadés par les circonvolutions du courant.
Nous nous étions assis juste au bord de l’eau et nous avions regardé passer un groupe de canoéistes qui nous avait salués en riant. Nous les avions suivis des yeux jusqu’à ce qu’ils deviennent de petits points de couleur. Je lui avais alors demandé si elle aussi ne voulait pas faire du canoë.
— Peut-être un jour, m’avait-elle répondu en laissant la place à l’avenir.
Les minutes avaient passé lentement… Élixir de vie régénératrice… Plénitude… Parenthèse d’or dans la précarité des jours…
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Anacnu (Chantons)

Aḥiḥa (Refrain)
Anacnu ana sfru (Chantons rimons)
Aṭṭnaẓḍ am usaru (Tissons les fils comme une histoire)
Ḍḍa lhu aḍḍa sn’arnu (Apportons notre joie)
Sal faḍliḳ avava inu (Grâce à toi ô notre père)

Anacnu fusan ɛadan (Chantons sur les jours passés)
Usan ičuran ḍḍa lhu (Les jours remplis d’allégresse)
Usan icebḥan yiḍan (Les jours qui embellissent les nuits)
Asagi atid nacfu (Aujourd’hui nous nous les remémorons)

Sal faḍliḳ avava inu (Grâce à toi ô notre père)
Atfaγd afus alaman (Donne-nous ta main confiante)
Asagi atid naru (Aujourd’hui nous les écrivons)
Aḍḍ’ṭṭiriqen am aman (Pour qu’ils scintillent comme l’eau)

Aḥiḥa (Refrain)

Anacnu af ziḳani (Chantons sur le passé)
Asmi iṭerγa aduniṭ (Quand le monde a brûlé)
Arubia aṭwazaɛ iggeni (L’avion a renversé le ciel)
Ṭara alǧawi ḍḍa lḥantiṭ (Pulvérisant la pierre de feu en henné)

Muhand Velqasem ak ḍḍa L'Hacmi (Mohand Belkacem et L’Hachemi)
Atfen ag siḍḍi rabi (S’en remettent à Dieu)
Af lahna inaṭṭ naḍḍi (C’est la paix qu’ils attendent)
Amazka anaḳs uli (Demain au pâturage ils mèneront les moutons)

Aḥiḥa (Refrain)

Anacnu af yiḍali (Chantons sur hier)
Af yigaḍḍ imegren irḍḍen (Sur ceux qui fauchent le blé)
Ḍḍrifa ṭḥuḍḍar Lili (Sur Drifa qui veille sur Lili)
Ḍḍ’Vuǧemɛa ig selqamen (Sur Boudjemaâ qui aiguise ses outils)

Ḥmimi yeṭṭruẓ ṭili (Ahmed dort sous l’ombre cassée d’un arbre)
Zinev aṭqim ggarasen (Zineb reste tout près)
Ar ṭasirṭ cagaɛ Aḳli (Au moulin à eau on envoie Akli)
Adiẓaḍ sin imuren (Pour moudre deux parts de blé)

Idir Tas
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Aya ɛasas a tala (Ô gardien de la fontaine)

Aḥiḥa (Refrain)
Aya ɛasas a tala (Ô gardien de la fontaine)
Aql iyi ḍḍeg yir ḥala (Je suis en piteux état)
Ul iw imenad ṭamurṭ (Mon cœur désire revoir la Kabylie)
A ẓhaṛ iw yenad ala (Alors que mon destin lui s’y oppose)

A ṭala urgaγ aman im (Fontaine j’ai rêvé de ton eau)
Ḍḍeg nevḍḍu ḍḍi semaḍan (Toute fraîche en été)
Ṭṭwaliγ ḍḍi lexyal im (J’ai revu ta silhouette)
Acercur gger yevlaḍen (Ton ruissellement entre les dalles)
Aqli γerqeγ ḍḍi ṭṭexmim (Je suis submergé de pensées)
Ṭasa ak aḍḍ ul caḍen (Mon foie et mon cœur en sont noyés)

Aḥiḥa (Refrain)

Urgaγ amzun ḍḍi ṭefsuṭ (Je rêve d’une belle histoire)
Ṭṭwaliγ ḍḍi laxyalaṭ (Je vois des silhouettes)
S’leḥcic ṭezeggzew ṭmurṭ (L’herbe rend le pays tout verdoyant)
Ṭala ṭečur ḍḍa lxalaṭ (La fontaine est pleine de femmes)
Amzun la ḳerzeγ ṭaγzuṭ (Comme si je labourais un champ)
Awid aγrum a ṭṭazarṭ (Apporte-moi de la galette et des figues sèches)

Aḥiḥa (Refrain)

Γas inid ṭiḍḍeṭṭ xaqeγ (Je vais dire la vérité j’ai la nostalgie)
Aqli yi cṭaqeγ aḍḍ zhuγ (Je ne profite plus de la belle vie)
Ḍḍi leɛqel iw sexḍḍameγ (Je ne fais travailler que mon esprit)
Acuγar ṭṭɛabiγ ranuγ (Pourquoi ma charge augmente sans cesse)
Ufiγ ḍḍa ṣvar ixṭaraγ (J’ai trouvé que c’est l’endurance que j’ai choisie)
Aḍḍa rẓeγ wala aḍḍ ḳnuγ (Plutôt se casser que se courber)

Aḥiḥa (Refrain)

Alan wigad yentteren (Il y a ceux qui sont très atteints)
Ula ḍḍa lheḍḍra ulac (Ils ont perdu même la parole)
Rγan gger ḍḍaxel ṣevren (Ils brûlent à l’intérieur mais ils endurent)
Ulawen nsen ḍḍi leγcac (Le cœur plongé dans la tourmente)
Yenza lḥeq syeḍḍrimen (La vérité s’achète avec de l’argent)
Cfut felas ay arac (Souvenez-vous garçons)

Aḥiḥa (Refrain)

A ṭala acuγer ikem urgaγ (Ô fontaine pourquoi j’ai rêvé de toi)
Laxatter ɛziẓeḍ g ul iw (Parce que tu es chère dans mon cœur)
Dḍa mezyan ikem furqeγ (J’étais enfant lorsque je t’ai quittée)
Dḍi lγerva ig cav y ixf’iw (Dans l’exil j’ai pris des cheveux gris)
Nek meqer la daqareγ (Moi au moins je dis)
Ayen yelan deg ul iw (Ce que j’ai dans mon cœur)

Aḥiḥa (Refrain)

Akagi iṭfuk ṭargiṭ (C’est ainsi que s’est terminé le rêve)
Γaf ṭala n tadarṭ naγ (De la fontaine de mon village)
Kul as yesɛa ṭamediṭ (Chaque journée a son après-midi)
Rebi aken yevγa aṭṭafaγ (Dieu seul connaît l’issue)
Mi duḳiγ kulci ulaciṭ (À mon réveil tout a disparu)
Yebɛed wansi iduγaleγ (Il est loin le lieu d’où je reviens)

Slimane Azem [1918 – 1983]
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Ya qqes iyi w’azrem (Un serpent m’a piquée)

Aḥiḥa (Refrain)
Ya qqes iyi w’azrem (Un serpent m’a piquée)
I ğayi sem is (Il m’a laissé son venin)
Am asa aḍḍ ya ndem (Un jour il regrettera son forfait)
Aḍḍ ya ndem ul is (Son cœur le regrettera)

I qqes iyi w’azrem (Un serpent m’a piquée)
I qqes iyi as laman (Il m’a piquée en ayant ma confiance)
Nek iṭiḥuben (C’est moi qui l’ai aimé)
As xaḍḍmaγ leḥcan (Je voulais lui faire du bien)
Am asa aḍḍ ya ndem (Un jour il regrettera son forfait)
Aḍḍ vedlen w’usan (Les jours changeront)

Aḥiḥa (Refrain)

I qqes iyi w’azrem (Un serpent m’a piquée)
Aḍḍ nek ig εamḍḍan (Et moi je l’ai laissé faire)
Maḍḍ nek susmaγ (Je me suis tue)
Aḍḍ hadran meden (De peur du qu’en dira-t-on)
Am asa aḍḍ ya ndem (Un jour il regrettera son forfait)
Aḍḍ ya ndem ul is (Son cœur le regrettera)

Aḥiḥa (Refrain)

I qqes iyi w’azrem (Un serpent m’a piquée)
I wiyi lεamr iw (Il a volé ma vie)
Neki iṭiḥemlen (C’est moi qui l’ai aimé)
Anig ab ul iw (Au-dessus de mon cœur)
Am asa aḍḍ ya ndem (Un jour il regrettera son forfait)
Aḍḍi ḥrak ul is (Son cœur brûlera)

Bahia Farah [1917 – 1985]
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La loi du 18 juillet 1974 a institué le remaniement cadastral, opération qui consiste en la refonte complète des documents cadastraux dans les communes où le plan n’offre plus la qualité suffisante et où la valeur foncière des terrains s’est notablement accrue. Selon l’importance du chantier, les travaux de remaniement sont à classer en trois groupes :

1) Chantiers importants confiés aux brigades foncières des directions régionales ou nationales (BRF – BNF).

2) Chantiers de moindre importance exécutés par les géomètres des centres des impôts fonciers (CDIF) et traités avec l’assistance de la photogrammétrie (atelier de l’École Nationale du Cadastre de Toulouse).

3) Chantiers de taille moyenne, de superficie inférieure à 300 hectares, exécutés par les géomètres des CDIF et traités par procédés terrestres.
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À travers le treillis des branches, un amoncellement de nuages charbonneux, continûment épaissis, se déversait à pleines pelletées sur la futaie. Gonflées d’animosité, les nues exhalaient des touffeurs viciées, conspirant en vue d’un éclatement. On entendit un long grincement amplifié, puis des cris déchirants ; toute la forêt se mit alors à bramer, à colporter des brandons de révolte qui couvaient. Les arbres fendirent l’air stagnant, levèrent en un balancement uni leurs bras tordus, insufflèrent leur haine féroce à la terre soumise aux flagellations et aux coups répétés des poings aveugles. À corps perdu, les branchages cognaient, resserraient l’étreinte comme un foulard noué. Un éclair creva le ciel et au milieu des clameurs frénétiques s »abattirent des hallebardes, renversant à terre, criblant et incisant. Le piochon du ciel retourna le sol et le saigna largement, ouvrant des plaies abyssales baignées d’un pus noir.
Quand Akli retrouva les villageois, la pluie avait cessé et un silence étrange régnait. Les hommes qui formaient un cercle s’écartèrent à son approche pour laisser apparaître le corps de Babouh inerte, gisant dans la boue, sa hache à ses côtés.
Akli le fixa du regard.
— C’est de sa faute, vociféra Mohand. Il a fait peur à ma vache qui l’a chargé.
— N’est-ce pas, mes amis ? Dit encore Mohand, cauteleux.
— Oui, Si Mohand, reprirent ensemble les autres.

Through the fatigues dress of branches, a pile of sooty clouds, continuously thickened, poured in full scooped on the forest. Swollen with hostility, the naked exhaled polluted suffocating heat, conspiring with the aim of an explosion. We heard a long amplified grating, then heart-rending shouts ; all the forest began then squalling, hawking firebrands of revolt which hatched. Trees split the stagnant air, raised in a united balance the twisted arms, breathed their wild hatred into the earth submitted to the whippings and to the knocks repeated by the blind fists. Wholeheartedly, the boughs banged, tightened the embrace as a knotted scarf. A flash of lightning burst the sky and in the middle of the fervent clamors brought down halberds, overturning on the ground, riddling and making an incision. The pickaxe of the sky returned the ground and bled it widely, opening abyssal wounds bathed by a black pus.
When Akli found the villagers, the rain had stopped and a strange silence reigned. The men who formed a circle moved away in his approach to let appear the body of sluggish Babouh, being lying in the mud, its ax by his side.
— It's his fault, shouted out Mohand. He frightened my cow which charged him.
Akli stared at him.
— Is not it, my friends ? still says Mohand, hypocritical.
— Yes, Si Mohand, took back together the others.
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Anuḥ anruḥ (Partir partir )

(Aḥiḥa – Refrain)
Ayabdad alwaqt anruḥ (Il est temps de partir)
anuḥ ar'tmurt anruḥ (Partir au pays partir)
attnzar dyuγal aruḥ (En le voyant l’âme va renaître)
artmurt asa anruḥ (Au pays aujourd’hui nous partons)

Asagi anuḥ anruḥ (Ce jour nous partons nous partons)
d'Vgayet iγitt radjun (C’est Béjaïa qui nous attend)
Attn'zar dyuγal aruḥ (En la voyant l’âme va renaître)
aneks alkiq amaγbun (La misérable nostalgie va disparaître)

Yemma Guraya aεlayen (Yemma Gouraya la très haute)
adedwu ak idmawen (Va éclairer tous Les visages)

Aḥiḥa – Refrain

Asif asif anadu (Fleuve fleuve nous te longeons)
anawad ar Sidiεic (Tu nous mènes à Sidi-Aïch)
dina igelha waḍu (Là où l’air est clément)
dina igeqwem wemεic (Là où la nourriture est délicieuse)

Acik Aḥadad iγna (Le Cheikh Hadad est riche)
arawis ak dilahna (De ses enfants tous en paix)

Aḥiḥa – Refrain

Abrid abrid dasawen (Par le chemin pentu nous grimpons)
anali ar ukafadu (Nous atteignons Akfadou)
akal ledjdud aγlayen (Chère terre de nos ancêtres)
dalmuḥal adaknattu (Jamais nous ne t’oublierons)

Agasmi inala gaduḥ (Depuis le berceau)
ismik ayazdaγ agul (Ton nom habite notre cœur)
γas akan nγab nruḥ (Même exilés même partis loin)
andi nala agdnefk azul (Là où nous sommes nous te saluons)

A Sidi M'hand aεzizen (Sidi M'hand Arrezag)
chabḥaγd chabḥaγd usanen (Va illuminer nos jours)

Ayabdad alwaqt anruḥ (Il est temps de partir)
anuḥ ar'tmurt anruḥ (Partir au pays partir)
artmurt asa anruḥ (Au pays aujourd’hui nous partons)
attnzar dyuγal aruḥ (En le voyant l’âme va renaître)


Leave leave

(Tune)
It's Time to leave
Leave to the Country leave
Seeing it the soul can be reborn
In the country today we leave

This day we leave we leave
It is Béjaïa which waits for us
By seeing it the soul is going to be reborn
Miserable nostalgia is going to disappear

Yemma Gouraya the very high
Is going to light all the faces

Tune

River river we follow you
You lead us to Sidi-Aïch.
Where the air is clement
Where the food is delicious

The Sheik hadad is rich
In is children all in peace

Tune

By the sloping way we climb
We reach Akfadou
Expensive earth of our ancestors
Never we shal not forget you

Since the cradle your name lives in our heart
Even exiled even left far
Where we are greet each
Other to you

Sidi M'hand Arrezag
Is going to illuminate our days

It's time to leave
Leave to the country leave
In the country today we leave
Seeing it the soul is going to be reborn
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Congo

Si j’écoutais mon cœur
Je descendrais des mois durant
Le fleuve Congo
Sur un bateau chargé
Comme l’Arche de Noé
Où femmes et hommes parmi les bêtes
Élèveraient leurs chants dans la nuit

(Refrain)
Afrique ô Continent des âmes bien trempées
Ô Terre de tous les risques et de tous les exploits

J’aurais pour toit une bâche jaune
Qui se mettrait à battre la mesure
Au rythme du vent et au rythme de la pluie
Sur des fours improvisés
Il y aurait des poissons
Pêchés dans le Grand Fleuve
Au goût de limon de liberté
à la chair parfumée e safran et de grand large

Refrain

Notre capitaine saurait faire face
à toutes les situations
Il sauverait notre rafiot
De l’enlisement et du naufrage
J’aiderais le perchiste à sonder les fonds
Tournant cette longue tige de gondolier
Fendant d’un bras magique
L’onde imprévisible

Refrain

Homme noir valeureux
Il y a en toi une telle élégance une dignité
J’envie ton self contrôle
Ton savoir et ta sagesse

Aucune peur ne sourd de ton visage impassible
Comme si tu traversais le bouillonnement du monde
Tel un funambule confirmé
J’aimerais te ressembler
J’aimerais avoir ta force
Et ta philosophie


Congo

If I listened to my heart
I would come down for months
The river Congo
On a boat loaded as the Noah's Ark
Where women and men among animals
Would raise their singing at night

(Tune)
Africa o Continent of the well dipped souls
O Earth of all the risks and of all the exploits

I would have roof a yellow cover
Which would begin beating time
At the rate of the wind
And at the rate of the rain
On improvised ovens there would be fishes
Fished in the Big River
To the taste of silt of freedom
In the perfumed flesh of saffron and big wide

Tune

Our captain would know how to deal
With all the situations
He would save our old tub
Of the sticking and the wreck
I would help the pole vaulter
To sound funds turning this
Gondolier's long stalk slitting by a magic arm
The unpredictable wave

Tune

Brave black man
There is in you a such elegance a dignity
I envy your self-control
Your knowledge
And your wisdom

No fear rises from your poker face
As if you crossed the bubbling of the world
Like a confirmed tightrope walker
I would like to look like you
I would like to have your strength
And your philosophy
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Enfant je voulais
Aller voir les Indiens
Au pays du Grand Canyon
Entendre les mille sabots
Des bisons dans les prairies

Enfant je voulais
Aller voir la danse de feu
Des pierres séculaires
Caresser l’aile de leurs dos
Galoper en ombre bleue

Là-bas était mon rêve
Là-bas filait mon songe
Sous l’arche de grands arbres
Ouverts comme un tunnel
Sur un monde merveilleux

Que de fois je suis allé
En esprit dans ce pays
Je retrouvais cette impression
De marcher dans une forêt
De séquoias géants

Mes oncles d’Amérique
Mes amis les Indiens
M’ont appris que
Fumer le calumet de la paix
Est le vrai but de la vie



Child I wanted
To go and see the Indians
In the country of the Grand Canyon
Hear thousand hoofs
Of bisons in meadows

Child I wanted
To go and see the dance of fire
Of the secular stones
Caress the wing of the backs
Gallop blue shadow there

Over there was my dream
Over there spun my dream
Under the arc of big trees
Opened as a tunnel
On a wonderful world

That of time I went
In spirit in this country
I found this impression
To walk in a forest
Of giant sequoias

My uncles of America
My friends Indians
Taught me that
To smoke the peace pipe
Is the real purpose of the life
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Après le départ de cette Femme, une chose s’est produite. Quoi exactement ? Je ne saurai le dire. Mais je ne suis presque plus bloqué dans mon cagibi. Libéré, je me suis mis à rêver d’une ville bâtie sur des rochers, d’un fleuve aux contours voilés irriguant ses profondeurs. Puis je suis descendu le long d’une cascade. Et j’ai cru caresser la crinière d’un cheval blanc dont je ne vois pas les sabots, malgré la saccade vivante de toutes ses courses recommencées et la prodigieuse mobilité de ses flancs humides. Je me suis retrouvé dans une caverne, puis dans une autre. Ma conscience s’est élargie. J’ai senti à quel point la volonté d’un homme peut déplacer sur terre bien des limites. Je suis nulle part et partout à la fois. Pourtant, il m’a semblé apercevoir dans ce labyrinthe toutes les sources de l’univers rassemblées là dans des citernes souterraines coupées du reste tumultueux…

After the departure of this Woman, a thing occurred. What exactly ? I shall not know how to say it. But I am not almost more blocked in my cupboard. Freed, I began dreaming about a city built on rocks, about river in veiled outlines irrigating its depths. Then I came down along a waterfall. And I believed to caress the mane of a white horse clogs, in spite of the alive jerk of all its begun again races and the prodigious of which I do not see mobility of the wet sides. I found myself in a cave, then in an other one. My consciousness widened. I felt to what extent the will of a man can move on good earth limits. I am nowhere and everywhere at the same time. Nevertheless, it seemed to me to perceive in this labyrinth all the sources of the universe gathered there in cut underground tanks besides tempestuous…
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Qui est cette femme ? Que veut-elle ?
Je la contemple sans me soucier de ses réactions. Elle n’est pas déterminée à engager la conversation. Moi, non plus. J’en profite pour suivre les lignes de son visage que l’obscurité travaille à rendre plus sculptural. Ses yeux sont noirs et brillent terriblement. Elle regarde à présent la pièce, doucement, puis elle baisse la tête. Pour une fois, le silence ne silence ne m’est pas pesant. Pour elle, non plus, on dirait. La moisissure derrière elle l’entoure d’un halo assorti.

Who is this woman ? What does she want ?
I contemplate her without caring about his reactions. She is not determined to strike up a conversation. I, either. I take advantage of it to follow the lines of the face which the darkness works to make more sculptural. The eyes are black and shine terribly. She looks at the moment at the room, slowly, then she lowers the head. For once, the silence not silence is not me heavy step. For her, either, we would say. The mold behind her surrounds him with a matched halo.
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Je vis dans une pièce.
À moins que ce soit elle qui vive en moi.
Régulièrement quelqu’un vient.
Raclement de ferraille, craquement d’os, gémissements rauques, autant de bruits annonçant sa venue à chaque fois.
Ses passages sont brefs. Il ne reste pas. Derrière lui, j’entends la porte qui se referme. [...]


I live in a room.
Unless it is it which lives in me.
Regularly somebody comes.
Scraping of scrap, crackle of bones, hoarse groans, so many noises announcing his coming every time.
His passages are brief. He does not stay. Behind him, I hear the door which closes. [...]
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[Pages 15-16]

Le tableau ci-dessous donne l’année de l’établissement du plan napoléonien dans quelques communes du département de l’Isère.

Code INSEE Commune Année Echelle (1/...)
  009 ANJOU 1813 1250
  058 BREZINS 1833 1250 & 2500
111 CLAIX 1811 2500
126 CORENC 1809 2500
229 MEYLAN 1809 2500
347 ROYBON 1826 5000
495 LA SONE 1830 2500
523 VARACIEUX 1827 2500
526 VATILIEU 1825 1250
545 VIF 1811 2500


[Page 43]

Le tableau ci-dessous indique l’année du remaniement de quelques communes du département de l’Isère.

Code INSEE Commune Année
  053 BOURGOIN-JALLIEU 1992 – 1998 – 2014
111 CLAIX 1990
151 ÉCHIROLLES 1984 – 1987
158 EYBENS 1987
163 LE HAUT-BREDA 2017
193 L’ISLE D’ABEAU 1993 – 1999
214 LUMBIN 2018
229 MEYLAN 1990 – 1991
252 MONTCHABOUD 2017
298 LE-PÉAGE-DE-ROUSSILLON 1976
405 SAINT-JOSEPH-DE-RIVIERE 1998
503 LA TERRASSE 2017
537 LA VERPILLIERE 1985
538 LE VERSOUD 1999 – 2000
545 VIF 2013
559 VINAY 2015
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Du plus loin que je m’en souvienne, durant toute mon adolescence, j’ai essayé de reconstituer une image de l’Algérie. La seule certitude que j’avais était que ce pays m’échappait toujours. Il m’échappe encore aujourd’hui, mais j’ai cessé de vouloir en connaître les raisons. Tout pays n’est-il pas une idée flottante, un ensemble de connaissances qui s’enfuient dès que l’on voudrait les rassembler en un bouquet ? Tout fluctue, même la représentation que l’on se fait des lieux où l’on a vu le jour.

Quand j’assistais aux cours d’Histoire, j’écoutais attentivement mes professeurs, pensant qu’eux seuls pourraient me délivrer cette vérité que je m’efforçais de saisir. Mais ils étaient aussi démunis que moi pour cerner l’Histoire de la vaste Algérie tantôt entre les mains des uns, tantôt des autres. Tout ce que je retins, c’est que le pays où j’habitais s’était constitué en strates, comme bien d’autres nations, à travers une mécanique implacable, où ce qui existait était renversé et remplacé par un système de valeurs complètement différent. Je voyais la matière historique par le petit bout de la lorgnette.

Ce que j’observais du haut de mes quinze ans, c’était que l’Histoire algérienne s’écrivait presque avec les mêmes lettres ; elle était violentée, prise en main par de nouveaux conquérants, contrainte de se plier à d’autres mœurs. C’était la logique d’une civilisation dominante qui en chassait une autre.

Malgré tout, quelque chose résistait et c’était cette chose-là qu’il m’importait de saisir, cette permanence qui m’intéressait en dépit des accumulations.
Qu’est-ce que les Grecs avaient laissé ? Les Phéniciens ? Les Romains ? Les Vandales ? Les Byzantins ? Les Arabes ? Les Espagnols ? Les Turcs et plus tard les Français ? Qu’est-ce qui est resté immuable depuis le temps où les premiers Berbères respiraient sous le soleil de la Numidie ? J’aurais eu besoin de répondre à toutes ces questions, pour savoir d’où je venais, qui j’étais, et sans doute où j’allais et où iraient un jour mes propres enfants avec cet immense patrimoine qu’on m’avait légué et que je devais transmettre sans trop savoir comment ni avec quels mots.

Mes oncles avaient grandi en apprenant l’Histoire de France. Ainsi avaient-ils les mêmes ancêtres que Charles de Gaulle. C’était un sujet de plaisanterie entre eux, comme si le Roi Soleil ou Napoléon portaient une gandoura et traversaient les territoires convoités à dos de chameau. Nous assistions à une farce lointaine et incompréhensible jouée par des puissants qui portaient des noms exotiques. Nous avions à nous incorporer à cette risible comédie, aux côtés des personnages du musée Grévin.

Mais nous avions d’autres ancêtres. Nous le savions tous. Massinissa, Jugurtha et tous les Numides qui eurent à œuvrer en faveur de ces terres dites barbares. Les rebelles surtout comme Takfarinas à qui nous nous identifiions le plus. Nous leur attribuions sur notre frise personnelle une place de choix. Nous leur redonnions leur rôle essentiel, certains que leur inexistence eût changé le cours du monde.

Moi aussi, je revisitais l’Histoire à ma fantaisie, m’appropriant certaines figures, en écartant d’autres. Mais ce que je ne voulais pas m’avouer à travers mes remaniements historiques, mes manipulations romanesques, c’était que j’étais d’abord en quête de ces héros qui avaient fait l’histoire des Berbères et que l’on avait condamnés au silence de l’ombre.

C’était eux, mes vrais héros, eux que je cherchais, eux dont j’avais besoin pour me dresser comme un arbre sur cette terre où le hasard m’avait placé et auquel je m’accrochais. J’ai grandi au sein de toutes ces contradictions, porté ou peut-être desservi par toutes ces strates.
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Mon père et moi sommes comme deux frères. Nous partageons tout ; logement, repas, points de vue, émerveillements. Je croyais tout connaître sur sa vie et voilà qu’un jour je découvre ses activités clandestines à Paris. Je me trouvais seul dans l’appartement à chercher l’extrait de naissance que la mairie de Bouzaréah m’avait envoyé. Soudain je me souvins que Saïd avait une serviette en cuir marron où il mettait tous les documents précieux. Peut-être y avait-il rangé mon extrait de naissance. C’était la première fois que j’osais prendre cette serviette. Je l’ouvris et commençai à en fouiller le contenu. Je tombai par hasard sur un document du même format qu’un extrait de naissance. Je le dépliai et le lus. Il s’agissait d’une attestation certifiant que Saïd était membre de l’Organisation Clandestine du Front de Libération Nationale. Ce soir-là, dès que mon père eut franchi le seuil de la porte, je voulus en savoir plus. Après m’être excusé d’avoir ouvert sa serviette, je l’interrogeai :
— C’est vrai ce qui est écrit sur l’attestation ?
— Oui, me répondit-il calmement.
— Durant cinq ans tu étais membre de l'OCFLN !
— Oui, mais je n’ai jamais tiré une balle, ni même touché une arme.
— Tu faisais quoi au juste ?
— Le guet lors des réunions de nos chefs de quartier. J’ai également acheminé du courrier, parfois un peu d’argent venant des cotisations de nos concitoyens.
Les yeux de mon père se perdirent dans le vide. Quand il reprit conscience de ma présence, je lui demandai :
— Que t’apporte aujourd’hui cette attestation ?
— Les autorités algériennes ont comptabilisé ces cinq années pour ma retraite.
— Pourquoi ne m’as-tu jamais rien dit ?
— Ce que j’ai fait n’a rien d’exceptionnel. Et puis je ne voulais pas éveiller les mauvais souvenirs. Il y en a tant qui me hantent. J’ai encore devant les yeux les mains de Mohand Saïd liées derrière le dos. Ils lui avaient même ligoté les pieds. Ils l’ont mis dans un sac et l’ont jeté du haut d’un pont, un de ces nombreux ponts qui enjambent la Seine. Heureusement il cachait toujours un petit canif dans ses chaussettes. Et il a pu s’en tirer… C’était lors des manifestations d’octobre 1961…
Il garda le silence si longtemps que je ne savais pas comment reprendre le fil de la conversation. À un moment je le sentis tellement prisonnier de son passé que je finis par dire :
— Tu as l’air de suivre un souvenir encore plus douloureux.
— Je repense à l’exécution d’un partisan de Messali El Hadj, juste à quelques pas de moi…
Il resta quelques instants sans parler, puis :
— C’était la troisième fois que j’allais le voir dans son appartement pour lui répéter les mêmes paroles : « Il faut que tu rallies notre cause et que tu t’acquittes de ta cotisation. » Il m’a répondu qu’il n’avait pas attendu la création de notre front pour œuvrer pour l’indépendance de notre pays. Je lui ai alors suggéré de payer sa cotisation à sa place. Il me rendrait l’argent plus tard. Je lui ai promis de ne rien dire aux autres. Il a alors rétorqué : « Ce n’est pas une question d’argent, mais de principe. Tu peux t’en aller tranquille, frère. Je ne t’en veux pas, malgré tes menaces. Quant aux autres, ceux qui t’envoient, ils parlent beaucoup, mais passent peu à l’acte. » Je suis allé faire mon rapport à ces autres comme il les avait désignés. Ils attendaient dans un bar. J’ai essayé d’atténuer l’entêtement de ce messaliste. Ils ont quitté le bar sans dire un mot. Quand je suis ressorti à mon tour, le partisan de Messali gisait dans une mare de sang, en pleine rue, devant son immeuble.
Les yeux de Saïd se perdirent de nouveau dans le vide.
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Chanson de la légèreté

Oh oh petit bonhomme
Tu cours le long des montagnes
Elles t’accompagnent dans ta danse
Se réjouissent de ta joie

Oh oh petit bonhomme
Tu t’agenouilles et baisses le front
Dans l’onde pure tes lèvres emportent
Le goût du breuvage céleste

Oh oh petit bonhomme
Ton ombre cherche à te devancer
Mais tu te joues de son audace
Les montagnes se courbent de rire
En te voyant filer plus vite

Oh oh petit bonhomme
Tu te caches derrière un olivier
Ses branches bleues t’enveloppent
Tu ressembles à un oiseau
Ton souffle est aérien

Oh oh petit bonhomme
Emmène-moi avec toi
Au pays des nuages
Où tout est vraiment léger
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Le rêve américain

Je venais de recevoir une carte de Djamal. Il vivait à présent à Athens en Georgie, lui dont personne n’aurait soupçonné qu’il puisse s’exiler aussi loin, tellement il paraissait plus attaché que nous à nos montagnes. Finalement il avait réussi à obtenir un poste à l’université, dans le département de recherches biologiques et agricoles. Je me souviens encore de ses moments de réjouissances, lorsqu’il songeait à son retour au bled. Il rêvait à voix haute devant nous des heures de cours qu’il dispenserait à ses futurs élèves à l’université de Béjaïa. Il avait acheté une 505 en prévision de son départ. Elle était restée garée plusieurs mois chez le concessionnaire Peugeot-Bernard, cours Jean Jaurès.

Un jour, un courrier arriva de Caen. On lui proposait un poste d’assistant associé. Alors il n’eut d’autre choix que de revendre sa voiture achetée hors TVA, ce qui ne lui permettait pas de rouler sur le sol français, à moins de payer les 20 % du prix du véhicule. Il préférait acheter une autre voiture lorsqu’il retournerait en Algérie. à Caen, il resta deux ans. Puis il envoya sa candidature dans une université américaine où il fut accepté.

D’après ce qu’il écrivait sur sa carte, de sa belle écriture d’écolier studieux, il paraissait plutôt heureux. « Ici, concluait-il, pour l’instant, ça va. » Cette carte offrait un aperçu du vieux campus dans lequel il vivait. Deux phrases en anglais précisaient : « Strolling the streets of Athens, one can enjoy delicious dining, excellent shopping and quaint scenery. The University of Georgia's Old campus is beautifully designed to meet the streets of Athens. » Probablement ce campus se trouvait-il en plein centre-ville.

Quand je pense à Djamal, il me revient toujours cette scène où il nous explique que malgré la prononciation -el, son prénom s’écrit à la fin -al. Il tenait à ce que l’on n’oublie jamais cela comme à la prunelle de ses yeux. Je ne me souviens plus si c’est une erreur de retranscription ou si c’est le choix de son père.

Juste avant son départ à Caen, nous avions déjeuné dans un restaurant grenoblois tenu par un couple mixte : Djida, une Kabyle, et Yohan, un Breton. Au menu : couscous au lait caillé, accompagné d’une grillade. À la fin du savoureux repas, Djamal était allé féliciter Djida. Elle l’avait informé de l’existence d’un livre d’or où il pouvait écrire un mot s’il le souhaitait. En parcourant les pages Djamal avait découvert les lignes du chanteur Idir. Sa joie avait été immense lorsqu’il avait joint les siennes à celles de notre idole. Il m’avait fait savoir qu’il avait assisté au concert du chanteur, au palais des sports de Grenoble, en 1984. Et dire que nous ne nous étions pas vus ! Ce jour-là, avait-il précisé, les filles étaient sur leur 31. Il s’était d’ailleurs demandé d’où venait cette expression. Peut-être, avait-il suggéré, par référence à la nuit de la Saint-Sylvestre où l’on s’habille bien. Il avait apprécié que les filles dansent jusqu’à la fin du spectacle comme au bled. Ses confidences nous avaient rapprochés.

J’ai gardé sa carte d’Athens dans mes archives personnelles. Ce qui arriva à mon ami par la suite la rend plus précieuse encore.
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Le jour commençait à décliner lorsque sa sœur apparut à l’orée du bois. Les feuilles des arbres les plus bas la coiffaient d’une chéchia mouvante et lui donnaient l’apparence des dryades qu’il avait vues quelquefois dans ses livres de classe.
— Il faut rentrer, dit-elle simplement. On t’attend.
À ce moment-là, Rex qui avait dû reconnaître sa voix, surgit d’un fourré. Il était trempé jusqu’aux os ; quant à l’étoile, elle était totalement recouverte de fange.
— Tu as belle mine ! s’écria-t-elle en tapant dans ses mains.
Le chien apprécia le compliment à sa manière et se précipita au-devant du chemin en aboyant.
— On a un hôte ? demanda Akli.
— Je te laisse deviner, rétorqua Sadia, davantage par goût du jeu que pour s’amuser d’un don sur lequel elle ne savait rien. Elle ne l’aurait d’ailleurs pas pris au sérieux si l’enfant lui en avait parlé.
Quand ils pénétrèrent dans la maison fleurant la viande grillée, Akli remarqua les valises jetées pêle-mêle au pied de l’escalier intérieur. Il n’eut pas besoin de lire les étiquettes pour savoir à qui elles appartenaient. Ainsi l’étoile n’avait pas menti. Son père était rentré plutôt que prévu. Sa famille avait seulement préféré se taire pour que la venue de son père fût une surprise, mais tout au fond de lui il l’avait déjà vaguement pressentie.
— Va l’embrasser, lui dit Sadia en le poussant du coude. Il n’attend plus que toi.
Dehors des voix fusaient, très heureuses. Akli ouvrit la porte du corridor et reçut en plein visage la lumière aveuglante du couchant. Comme il hésitait à s’approcher, Oudia, une de ses tantes, l’encouragea :
— Regarde qui est là, Akli ! C’est ton père. Viens donc l’embrasser.
Les membres de sa famille étaient rassemblés autour d’un homme vêtu d’un costume gris. À son poignet, le soleil se réverbérait, dardant d’ardentes pointes de clarté qui firent baisser les yeux d’Akli comme si on y eût enfoncé de la laine de verre. Il dut attendre quelques secondes que la brûlure s’estompe. Ce fut suffisant pour que son père fendît la joyeuse troupe et le soulevât de terre.
— Eh bien mon gaillard ! Tu as grandi !
Les yeux d’Akli cuisaient toujours. Il ne pouvait regarder son père en face.
— Tu ne lui souhaites pas la bienvenue ? reprit sa tante Oudia. À moins que tu aies perdu ta langue dans la rivière !
— Qu’est-ce que tu attends pour l’embrasser ? lui dit sa mère qui venait d’entrer avec un plateau de baklavas et prenait maintenant part à la scène.
Visiblement gêné par la tournure de la situation, Saïd le déposa au sol à l’instant précis où le soleil disparaissait derrière les collines, cendrant aussitôt la cour et les visages, emportant avec lui la brûlure de ses yeux.
— Rien ne presse, l’excusa son père, tandis qu’Akli s’apprêtait à l’embrasser et que Saïd, qui ne comprit pas quelle était son intention, s’en retourna vers son siège.
Akli se demanda s’il devait faire comme si de rien n’était ou l’embrasser quand même. Il opta pour le second choix. Timidement, il déposa un baiser sur la joue de son père qui lui murmura :
— Je suis resté un peu plus longtemps que je le pensais. L’essentiel est d’être de nouveau là. Pas vrai, fiston ? Je suis vraiment content de voir mon grand garçon.
Assailli par les nouveaux venus qui lui posaient successivement des questions soit pour prendre des nouvelles d’un des leurs, soit pour s’enquérir du mode de vie, là-bas, de l’autre côté de la mer, Saïd n’eut plus le temps de se tourner vers l’enfant.
Bientôt il ferait nuit. Dans le ciel parcouru de vols lents d’étourneaux, de longs filaments violets s’estompaient entre les branches froissées par une imperceptible brise.
Akli profita d’un moment d’inattention pour s’échapper dans le jardin. Au loin chuchotait la rivière. Alors lui revinrent en mémoire des bribes de sa journée. Il pensa à Babouh qui devait se trouver quelque part là-bas, dans les bois. Toutes ces étoiles gardées par leur sœur polaire, paissant dans l’herbe brune, Babouh devait les voir aussi. Le ciel appartient à tous comme la rivière, se dit Akli qui s’amusa quelques secondes à compter les scintillations douces et laineuses tels des poings d’enfant serrant de petits rêves chauds.
Puis, éprouvant soudain un étrange vertige, il souffla, souffla pour que s’éparpille au milieu des herbes sauvages et des crécelles un ruissellement de lumière. Mais il dut s’interrompre lorsqu’il vit sa mère entrer dans le jardin.
— Toujours le nez dans les étoiles ! Je parie que tu n’as pas mangé de la journée, lui dit-elle d’une voix ferme mais douce.
— Je n’ai pas faim, bredouilla-t-il.
— Monte dans ta chambre. Tu trouveras ta part. Il faut la finir avant de dormir. Demain, je vérifierai que tu n’as rien laissé dans ton assiette.
Akli s’exécuta en souriant, car depuis longtemps, lui semblait-il, il n’avait pas vu sa mère aussi rayonnante. Il avait tellement faim qu’il dévora toute la viande grillée et ne laissa qu’un petit os dans l’assiette. Avant de s’endormir il repensa à Babouh. Tantôt il l’imaginait en train de parcourir les bois si profondément obscurs que nul autre homme à part lui ne devait traverser, tantôt il le voyait couper à la hache les branches qui entravaient sa progression. Et il se disait que les chemins que Babouh empruntait, ressemblaient au monde qu’il lui fallait découvrir. Pourtant, il avait beau fouiller en pensée l’épaisseur des troncs, il ne distinguait que le dos de son ami et l’éclat grisonnant de sa hache qui s’imbriquaient avec le reste de sa vision. Alors une émotion le saisissait, pareille à un malaise passager, et il s’élançait avec Rex à travers le jardin, se réconfortant de croire qu’ils étaient l’un et l’autre mus par un désir de gambade et de légèreté.
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