Citations de Inès Cagnati (41)
Le docteur du village est venu me voir tous les jours pendant quarante jours.
Il portait les médicaments, il me faisait les piqûres, il me donnait des tisanes sucrées parce que je n'avais pas le droit de manger......
Pendant quarante jours il est venu me soigner. Et vous savez ce qu'il a demandé en paiement ? Un poulet.
Un poulet, rien d'autre.
Au jour d'aujourd'hui avec un poulet vous ne pourriez même pas payer une visite.
Les gens ont trop à manger, alors ils se sont mis à avoir faim d'argent.
A cette époque, il y a tant de lunes, une fille abandonnée enceinte c'était une grande honte pour les siens et des larmes pour elle que personne n'épouserait ou alors un pauvre type sans rien.
Mosé regarde les champs désertés, aplatis de soleil, les vaches couchées dans les prés sans ombre.
Ils ont tout arraché, les haies, les arbres, des arbres qui ont mis des dizaines d'années de patience pour devenir forts.
Un jour, la terre se soulèvera de colère et la mauvaise herbe même refusera de pousser.
Quand on est presque vieux, le sang circule mal, on a besoin de se donner chaud à l'intérieur, surtout le dimanche.
Alors, toutes les deux, on bat la campagne, les bois, tout, jusqu'à ce qu'on trouve le gui. On en rapporte des brassées gluantes de boules écrasées, pour que ça porte bonheur à la maison et que tout aille mieux. Rien n'est allé mieux mais nul ne peut savoir ce qui serait arrivé sans gui.
Je me connais, depuis quatorze ans que je vis avec moi. Si j'étais quelqu'un d'autre et que je m'aie pour copine, je ne resterais pas longtemps avec moi, j'en suis sûre.
Avec ma mère, je n'ai pas peur du noir. Seule, j'ai peur parce que je ne sais jamais s'il fait noir parce que je suis devenue aveugle ou s'il fait noir parce qu'il fait noir.
Quand on est né pauvre, ça vous marque le visage et les yeux comme certaines maladies, Tout le monde peut le voir, tout le monde vous regarde sans peur, en plein dans le visage.
Dans une vie, pour vivre vraiment, il faut au moins avoir un arbre pour que la pluie n'entre pas dans les yeux, un banc ou un vieux mur pour s'asseoir au soleil et regarder, et puis, aussi, une poignée de terre pour se couvrir le visage une fois mort.
Les vieux avec les vieux dans les hospices, les jeunes avec les jeunes au travail, et les enfants avec les enfants aux écoles.
" Il y a des îles bleues, des pays à la vie démesurée, même si moi je ne les ai pas vraiment rencontrés et sans doute ils sont en nous aussi, ou seulement en nous, je ne sais pas. Mais je sais, oui, pour les avoir rencontrées, des régions où les cyclamens sauvages poussent au bord des ruisseaux dans les bois acacia, et on les cherche, et on se perd, et on les trouve. "
[préface de "Génie la folle", Éditions Rombaldi -1977]
" Le mariage n'a longtemps été que l'autorisation légale du viol, au temps où les filles n'avaient pas voix au choix de l'époux. La fille violée, qui n'a pas su protéger sa vertu hors du mariage semble plus coupable que l'homme violeur qui, lui, dit-on, n'a fait que bien jouer son rôle de mâle. A l'inverse, on rit de l'homme trop doux qu'on suppose incapable de viol. Et cependant, que ne dit-on pas de la "vieille fille" à la vertu intacte, qu'aucun homme n'a daigner violer ! Où est donc le bon sens ? "
[préface de "Génie la folle", Éditions Rombaldi -1977]
Les gens ont trop à manger alors ils se sont mis à avoir faim d'argent.
Si elle était née pauvre, elle serait moins belle, ou pas belle de la même manière.
Je suis une indécise parce que la plupart des choses que je fais n'ont aucune importance, et ce que je décide ne change rien.
Je n'ai pas beaucoup de bons souvenirs et si je me rappelle toujours les mêmes, ils finissent par s'user et ils ne sont plus bons. Après, il ne reste plus rien.
Moi je trouve que les morts devraient rester à leur place et non pas s'amuser à faire les fantômes.
En somme, il aurait suffi que je sois un chiot pour être aimée.
beaucoup de gens sont nés comme ça, d'un méchant hasard.
Une folle en liberté, tout le monde la regarde. Mais une folle enfermée, on l'oublie. (p.197)