Citations de Jack Finney (66)
Jack murmura d'une voix rauque : "Les doubles... Voilà d'où ils viennent. Ils poussent !"
P 131/132 Un matin j’ai passé une heure dans le bureau de Rossoff à apprendre l’autohypnose. C’était étonnamment facile, du moins en ce qui concernait la technique proprement dite. Il m’a fait assoir dans son grand fauteuil de cuir vert en me demandant de m’installer confortablement. « Fermez les yeux si vous voulez, m’at-il dit, encore que ce ne soit pas indispensable » j’ai baissé les paupières. « et maintenant, dites-vous que vous vous sentez de mieux en mieux, de plus en plus détendu physiquement et mentalement. Et faites en sorte que ce soit vrai. Puis dites – vous que vous entrait progressivement en transe. Une transe légère : vous êtes bien éveillé et vous avez conscience de ce qui vous entoure. Le mot ne doit pas vous inquiéter, il s’agit seulement d’un terme commode désignant réceptivité accrue à la suggestion ; rien de bien mystérieux là-dedans. Ensuite, quand vous estimait y être parvenu, dites-vous simplement que vous vous trouvez en état d’autohypnose. Alors faites-en l’expérience dites-vous que vous êtes dans l’incapacité temporaire de lever le bras. Essayez, et si vous vous rendez compte que c’est vrai alors vous êtes en transe. A partir de ce moment-là, donnez-vous n’importe quelle suggestion hypnotique. Par exemple, si vous avez mal à la tête, vous pouvez vous dire : je sais compter jusqu’à cinq et le mal de tâte aura disparu. Mais vous pouvez aussi effacer des pensées, des émotions, des souvenirs, et les retrouver plus tard grâce à la suggestion post hypnotique. C’est un outil remarquable.
J'ignore si beaucoup de gens, à notre époque, vivent encore dans leur ville natale. C'était mon cas, et il est d'une tristesse inexprimable de voir mourir un ville ; c'est bien pire que la mort d'un ami, car on a d'autres amis sur lesquels s'appuyer.
L'animal humain ne se nourrit pas que de sensations : crainte, bonheur, colère, haine, horreur ou même contentement.
Je sais que cela peut paraître absurde, mais le teint de ce passager, dont seule me séparait l'étroite allée centrale, avait quelque chose de fascinant : ce n'était plus le visage sépia et figé des vieilles photographies. Sous mes yeux l'homme passait le bout de sa langue sur ses lèvres gercées, il battait des paupières tandis que derrière lui défilait une toile de fond formée de maisons en brique et en pierre de taille.
Je suis du genre à rêver tout éveillé, ce qui m’a causé quelques ennuis tout au long de ma vie, à commencer par mes années de maternelle. Un jour, on m’a renvoyé chez moi porteur d’un billet disant que j’étais « lymphatique ». Comme personne chez nous ne savait ce que signifiait ce mot, on n’a pris aucune mesure, ce qui fait que je suis resté plutôt lymphatique. Quand je me livre à une besogne routinière qui m’occupe les mains, comme la vaisselle, je glisse peu à peu dans la rêverie.
Donc, l’un dans l’autre, je n’avais pas grand-chose à reprocher à ma petite vie. Sauf que, comme pour tous les gens autour de moi, il y avait un grand trou au milieu, un trou que je ne savais pas comment remplir et dont j’ignorais ce qu’il aurait dû contenir.
Le Titanic effleura d’un rien l’énorme masse qu’il aurait pu éviter d’un rien !
— Épargnez-moi la nostalgie.
— Je déteste le mot. Parce que vous savez qui l’utilise, en général ? Les « chauvins du temps ». Ceux-là mêmes qui habitent le plus beau pays du monde. Puisqu’ils y habitent, ce doit bien être le plus beau, hein ? Et ils vivent aussi à la meilleure époque de toutes. Naturellement, puisque c’est la leur ! Dès qu’on laisse entendre qu’il a pu y avoir des époques meilleures que l’ici et maintenant, les autres vous traitent de nostalgique.
Je suis - je ne l'ignore pas - un homme bien ordinaire ; comme les autres, j'ai gardé de mon enfance le sentiment que ceux qui nous dirigent sont mieux informés que leurs concitoyens, que leur jugement est supérieur au nôtre ; en un mot,qu'ils sont plus intelligents que nous simples mortels. Il a fallu le Viêt-nam pour que je comprenne enfin : les décisions majeures émanaient parfois d'hommes qui n'étaient ni plus intelligents ni mieux informés que nous, simples mortels ; mes opinions à moi, ma propre vision des choses, étaient tout aussi valables - voire supérieures - à celles de l'homme politique prenant une initiative susceptible d'entraîner des conséquences insondables.
Comment pourrais-je, moi, remercier Dieu du fond du coeur pour la nourriture qu'il me donne et pour la vie elle-même, alors que le moindre morceau que je mange, je l'ai gagné à la sueur de mon front, et parfois pis ? Il y a peut-être une Providence pour les riches, mais le pauvre est sa propre Providence. Quant au prix de la vie, nous autres les sans-le-sou, on ne vit guère pour nous-mêmes, mais plutôt pour les autres.
Je lui ai adressé un sourire aussi franc et candide que celui d'un acteur en campagne pour les élections présidentielles. Ça marche aussi sur les chiens ; celui-ci m'a cru.
Afin d'éviter cliché, n'ai pas dit : « Suivez ce taxi ! » mais : « Veuillez emboîter le pas à cet individu. » Chauffeur : « De quoi ? » Moi : « Roulez dans le sillage de ce véhicule jaune. » Chauffeur : « C'est quoi que vous voulez dire ? » Moi : « Suivez ce taxi ! »
Elle s'est approchée du vaisselier branlant offert par sa mère, sans doute parce que l'Armée du Salut l'avait refusé avec indignation.
J'ai souri, affectant de croire que nos deux existences s'en trouvaient mutuellement enrichies. Je me suis juré de chauffer la pièce avec un briquet un de ces quatre. Une manière de lui rappeler qu'on n'a pas gardé les cochons ensemble.
J'entends bien résister à la tentation, d'ailleurs inexistante, de vous parler de mon travail et de mes occupations quotidiennes au bureau. Ça vous serait peut-être utile pour analyser la psychologie de mon personnage, mais j'aimerais mieux être pendu que de vous faire ce plaisir.
« Hetty, dis-toi bien que l'homme s'accommode mal du mariage. Nous avons été conçus pour engendrer des centaines d'enfants avec une variété presque infinie de femmes. », geste à l'appui en direction de quelques-unes d'entre elles qui se rendaient à leur travail. « Alors que toi, si adorable sois-tu, tu n'es jamais qu'une seule et même femme. Tu es une blonde d'un mètre cinquante-sept, plutôt bien faite quoiqu'un peu ronde, ai-je précisé avec malice. Tu as un visage agréable, respirant une relative intelligence. Crois bien que j'apprécie tout ça, rondeurs comprises. Mais ça veut dire aussi – pourquoi diable les femmes refusent-elles de l'admettre ? – que tu ne seras jamais une grande rousse aux hanches galbées, à la démarche ondulante. » J'ai désigné une grande rousse aux hanches galbées, à la démarche ondulante. « Malheureusement pour nous deux, tu ne seras jamais une brune élancée », ai-je ajouté en pointant le menton vers une brune élancée qui descendait d'un bus. « Ni une petite femme châtain bien en chair, ni une poupée chinoise, ni une Japonaise…» Sentant que je me laissais emporter, j'ai mis un bémol à mon enthousiasme.
« Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est le roi des tocards ?
— Toujours pareil, a répondu la voix grave et familière. Tu es au coude à coude avec un berger australien alcoolo et un usurier de Beyrouth. Mais on dirait que c'est toi qui tiens la corde. »
« La bouche ouverte, elle me regarda d’un air épouvanté. J’ignorais qu’on pût crier dans un murmure ; pourtant, c’est ce qu’elle fit. »
On cède aux charmes de la prise en charge. On passe des heures dans une chaise longue à se faire border par un steward qu’on remercie d’un sourire digne d’un invalide. L’énorme livre qu’on a apporté avec soi ou emprunté à la bibliothèque reste souvent fermé ; on sommeille, on contemple vaguement la mer, on bavarde avec son voisin.
Cette inactivité finit par vous prendre tout votre temps.