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Critiques de Jacques Josse (45)
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La dernière pirouette de Bohumil Hrabal

D'un fin connaisseur du romancier tchèque, une évocation qui, par la qualité d'écriture et le parti pris littéraire, dépasse l'évocation. Un livre d'écrivain, par un écrivain. Somptueux.
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Le manège des oubliés

27 petites nouvelles de 2-3 pages d'invisibles de blessés souvent dans des bars dans des ports. Une humanité oh combien touchante racontée avec énormément de délicatesse sans pathos, on en sort paradoxalement réconfortés avec foi dans l'humain. Un auteur peu lu à découvrir.
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Le manège des oubliés

Ce manège-là comporte vingt-sept éléments, vingt-sept scénettes, calibrées, sur mesure, cousues main, de deux pages en général, parfois trois, jamais quatre. Les acteurs en sont les invisibles de l’histoire, les anonymes, principalement ceux qui composent la ruralité bretonne, en bord de mer ou dans les terres.



Jacques JOSSE perpétue son œuvre, dans son univers singulier fait de gueules de travers, alcoolos ou élevées au bon tabac, ces gueules sur lesquelles des malheurs sont tombés, parfois en averse, des anecdotes que tout le village raconte des décennies plus tard tellement elles ont marqué le décor brumeux.



Ces tronches de biais sont surtout celles d’hommes. Quelques femmes viennent toutefois se glisser dans les lignes. Mais ce qui est frappant, c’est que ce « elle » est plus souvent réservé à dame la mort qu’à de vraies femmes. Car la mort, hantant l’œuvre de Jacques JOSSE, est encore ici aux aguets, prête à brandir sa faux à tout instant. On arpente les cimetières, les bistrots, les quais à St Brieuc comme ailleurs. On se balade autant dans la campagne que dans le temps.



Et puis au hasard d’une page surgit une célébrité, poète ou musicien, son souvenir en guise d’hommage marqué : « Avant-hier, c’est l’annonce de la mort de Jim Harrison qui l’a déstabilisé. Il pouvait être cinq heures du matin. Le journaliste disait qu’une crise cardiaque l’avait fauché, le stylo à la main, alors qu’il était en train d’écrire un poème. Il a instantanément coupé le son de la radio ».



Recueil de poèmes libres en prose jubilatoire, jouant avec la mort via des faits divers tragiques mais toujours racontés avec cette verve particulière et enivrante, les suicidés, les accidentés et leurs séquelles, les trépassés, les enterrés, tout ce joyeux monde s’est donné rendez-vous sur « Le manège des oubliés », écrivant la petite histoire, celle qui marque au fer rouge les hameaux, villages et petites villes. De l’éclopé malpropre au boiteux ivrogne, un défilé improbable passe sous nos fenêtres. Notons les titres de chaque histoire, imagés et magnifiques, comme ce « L’écopeur de mémoire » ou encore « Des voyageurs immobiles ».



Un défilé d’autant plus improbable que certains des protagonistes ont placé la barre très haut, tel cet Auguste BONCORS, bouillonnant poète disparu. « C’est en vélomoteur qu’il sillonnait les environs. On l’entendait venir de loin. Les pétarades dues à l’absence de pot d’échappement de sa machine déchiraient le silence. Il lui arrivait de passer en hurlant dans un mégaphone. Ou de circuler sans le moindre vêtement, seulement muni de ses bottes et de sa couronne impériale. Quand il allait se baigner dans le canal de Nantes à Brest, il préférait prendre son vélo et plonger avec à l’endroit où l’eau était réputée profonde ».



C’est tout ceci Jacques JOSSE, des instants tirés du quotidien, loufoques ou dramatiques, ceux des oubliés des encyclopédies, ceux qui sont restés à quai, et qui dans ces récits revivent le temps de quelques pages, pour un bonheur total.



Livre paru récemment chez Quidam, il est un des maillons de l’oeuvre de JOSSE, compacte, ramassée et homogène. La couverture est d’une splendeur absolue et sent les embruns et les marées, comme pour nous plonger immédiatement dans un contenu qui sera somptueux.



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Débarqué

L’intense et pudique chant funèbre pour un père qui jamais ne put naviguer « en vrai ».



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/08/17/note-de-lecture-debarque-jacques-josse/
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Talc couleur océan

poésie simple et forte, dont on ne sait à quoi elle tient, à une adéquation des mots et de la dérive lasse dans la mélancolie des ports, l'odeur vivante de la mer, la vie en suspens. Et les hommes, les femmes, qui sont là, pris dedans, comme dans les livres ou les chansons. Qui vivent, sentent.
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Trop épris de solitude

Jacques Josse poursuit le tissage de son œuvre. Après plus de 40 ans de publications et 40 livres, il a toujours bon pied bon œil et ce nouveau recueil en est une preuve. Jacques Josse possède son monde propre, son atmosphère unique, il est reconnaissable entre tous. « Trop épris de solitude » est une nouvelle pierre à l’édifice.



Dès l’entame, on imagine le voyage houleux : « Je suis de retour, dit-il à l’homme qui l’invite à prendre place sur le divan. Je rentre après deux siècles d’errance ». Puis l’auteur déroule sa prose, sa poésie, avec ses mots, ses familiarités, ses habitudes, ses obsessions. Hommages aux trépassés, à ceux péris en mer, brefs retours sur des faits divers ruraux, d’un autre temps, d’un autre siècle. Des petits drames, des instants où la vie bascule à tout jamais, ce dont se souviennent les autochtones, par transmission de génération en génération, de petites histoires qui s’offrent comme des contes, des légendes.



Des personnages de l’œuvre resurgissent subrepticement, tel ce veilleur de brume. Et ces instantanés du quotidien, que l’on a peut-être vécus ailleurs, mais en d’autres termes, sans doute sous d’autres cieux.



« Ceux qui sont dans mes livres



font un bout de route en sa compagnie »



tout comme ceux qui les lisent. Car l’œuvre de Jacques Josse est abondante sur ses galeries de portraits, criantes de vérité. Des sans voix, sans grade, ces anonymes qui peuplent l’univers de Josse. Ceux de la Bretagne profonde, loin des villes, du tumulte, presque loin du présent, déjà dépassés par leur passé, ils sont pourtant une page du folklore local. Folklore que Josse s’emploie à ranimer par sa plume ardente, tendre et délicate, mais qui sait crocheter en cas de coup dur.



Josse n’oublie jamais « ses » revenants, les marins morts noyés qui réapparaissent dans le fond des mers. Visions, hallucinations. Et renaissance éclair d’un monde lui aussi englouti à tout jamais : « La zone où il pointait chaque jour avec dix mille autres a été rasée. Seule son histoire demeure, tapie au creux des friches. La sueur de ceux qui y ont travaillé est entrée dans la terre. Elle a coulé sous les gravats, le béton fissuré, la ferraille rouillée. Elle s’est mêlée à la sève et suinte souvent sous forme de rosée ou de brume ». Résurgence des grèves d’antan, des luttes sociales.



« Trop épris de solitude » est peut-être le recueil le plus désenchanté, en tout cas l’un des plus exposés à la mélancolie, à la faillite de notre histoire. Les éditions Le Réalgar, coupable de ce très joli livre dans leur splendide collection l’orpiment, ont eu la très bonne idée d’intégrer en bonus les quelques pages du somptueux recueil « Au célibataire, retour des champs », originellement publié en 2015 aux éditions Le Phare du Cousseix, brefs textes écrits entre fin 2013 et début 2014. Ils permettent de prolonger le plaisir.



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Liscorno

Marie-Hélène Prouteau. "On retrouve ici ce qui était déjà présent dans "Retour à Nantes", ce pouvoir surréaliste de faire surgir presque naturellement des personnages au détour d’un paragraphe. Ces pages sont habitées, au sens propre du terme, autant par des personnes réelles — voir l’homme resté mutilé de la guerre de 1914-18, le fossoyeur du bourg ou bien le père dont il fait un portrait touchant — que par des fantômes. C’est ainsi que Paul Celan vient une nuit dans la mansarde, porteur des premiers poèmes qui donneront Fugue de mort. Merci à Jacques Josse pour cette magnifique apparition du poète franco-roumain".

Tout se passe comme si ce territoire d’enfance faisait fonction de « forme » au sens ouvrier ou artisanal du terme. Le lieu réel," Liscorno", où s’engrangent ces lectures, s’absente par moments, pour laisser place à un lieu imaginaire où prend forme la vocation de l’écrivain, ouverte sur les possibles de la vie.

De cette boulimie brouillonne et pressée de lectures ressort une étonnante impression d’énergie, celle d’une sensibilité qui suit en toute liberté sa pente singulière naissante. Celle d’un être jeune prêt à capter toutes ces ondes de solidarité fraternelle avec ces « existences en lambeaux » entrevues au café du hameau.




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Des escapades rouge et noir

Jacques Josse, un écrivain en rouge et noir



Aux éditions Mediapop, le club des écrivains dirigé par Christophe Fourvel est une collection d'ouvrages d'amoureux du football et plus particulièrement attachés à un club français. Sur les traces de son ami Lionel Bourg qui explore "le vert paradis" du stade Geoffroy-Guichard, Jacques Josse nous propose "Des escapades rouge et noir" évoquant son attachement au stade rennais, à ses joueurs mythiques, à ses supporters du Roazhon Celtic Kop,  et ceux qui préfèrent regarder les rencontres dans les bars de la ville.



Sans jamais prendre place dans les tribunes par crainte de la foule, Jacques Josse écoute, entend, ressent, et note ses émotions, ses rencontres. Dans ses réflexions déambulatoires autour du vieux club breton, il associe avec tendresse et reconnaissance les souvenirs de son père écoutant les retransmissions à la radio. Mais le football c'est aussi une ville, et c'est surtout de l'humain dans la ville, du cœur dans les quartiers, des lieux et des rencontres.



Dans ce style si fluide, comme la Vilaine qui coule au pied du Parc des Sports de la route de Lorient, devenu depuis le Roazhon Parc, Jacques Josse nous propose un ouvrage littéraire qui intéressera au-delà certainement du lectorat local. Dans la passion des mots et du sport, il y a du Blondin dans cet ouvrage, tout comme dans celui intitulé "Marco Pantani a débranché la prise" publié en 2015 à La Contre Allée.



Il y a beaucoup de livres sur le sport. Il y en a peu d'aussi littéraires.





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Le veilleur de brumes

« Ce n’est pas un journal mais le monologue d’un tocsin de nuit sur l’eau pâle où s’abîme la carlingue d’une vie banale ».



Ce veilleur-là est fait de deux recueils de textes : « Le veilleur de brumes » (écrit entre octobre 1991 et janvier 1993) et « Carnets de brume » (écrit entre avril 1988 et novembre 1989). De nombreux petits récits qui forment une trame.



Prenons « Le veilleur de brumes », ce type solitaire, loin du monde, enfin non pas totalement, Puisqu’en Bretagne. Il va se pendre, on le sait dès la première phrase. Et dès le premier texte il se masturbe sur un épouvantail. L’un de ses autres passe-temps est de fabriquer des cercueils miniatures, 60 en tout, chacun à la mémoire d’un auteur, d’un poète, écrivain sous-estimé ou oublié. Dans ces textes d’une grande densité, le sexe, oui mais pas toujours joli, et les écrivains, toujours au pinacle. L’écriture est très exigeante, poétique, olfactive et visuelle. La Bretagne, son décor, ses autochtones, les tronches de biais, bouffées par le jaja, le tabac. Le crachin, la brume, les bateaux qui s’en vont, certains ne revenant jamais. Mais les trépassés réapparaissent, s’invitant à table, comme si le cimetière ou la mer se dépeuplaient soudainement de leurs locataires, ces suicidés, ces cirrhosés, ces usés de la vie. Et le cunnilingus qui a le goût d’une mer à marée haute. Passe-moi le sel !



Dans « Carnets de brume » JOSSE quitte le veilleur pour s’intéresser aux autres, les voisins, les proches, les bretons du cru, des tas de petites histoires se succédant et se complétant, du cul encore. Les doses de suicides, d’accidentés de la vie, des habitants un peu simplets, certaines un peu nymphos. « Puis la gueule fissurée de l’adulte entamé au milieu de ses présents de délire. Celui-ci fait le gland dans ses fantasmes. Le lyrisme moelleux reste sa seule thérapie. On le juge sensuel, dérisoire, voyeur. Ordinaire jusqu’à la toile râpée de ses fringues. ‘Cet homme n’aura pas touché le corps d’une femme depuis des lustres !’. On s’esclaffe, on s’offusque, on montre sa braguette avec un zeste de dégoût dans le rictus ».



Oui, des personnages ordinaires et dérisoires, qui portent un poids trop lourd pour eux, désenchantés par un parcours tortueux. Les phrases, précises, minutieuses jusqu’au moindre détail : « Les dimanches d’automne, il promène un épagneul de bar dans les venelles désertes. Le vent se repose sur le menton des pierres. Ou sur le bras tordu d’un vieux chêne. Des outils rouillés gisent, recouverts d’herbes jaunes, devant la maison du pendu de l’hiver dernier. Inutile d’insister… Les vitres sales ne laissent rien filtrer. Et le langage des poutres est inaudible pour qui n’a pas rendez-vous immédiat avec la poussière ».



Les textes se tendent la main, profitent bien les uns des autres, de petites histoires en formant une plus grande. Petites touches par saccades mais follement complémentaires. On peut y voir une suite intime de poèmes en prose, mais aussi un petit roman, celui des invisibles, des humbles. C’est sorti en 1995 chez Le Castor Astral et la Rivière Échappée. Je ne pense pas que ce soit encore disponible, mais si vous le voyez passer, ruez-vous dessus comme des assoiffés, d’autant que ce trésor renferme en son centre de nombreuses photos qui viennent témoigner des dires, la Bretagne profonde, les poètes disparus. Notons pour finir que « Carnets de brume » est originellement sorti dans la revue Travers en juin 1992.



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Café Rousseau

« Un café, un soir… Il n’y rien d’autre à décrire. Aucune histoire louche à pétrir. La fin d’un parcours ordinaire se prépare, un point c’est tout ». Et pourtant.



C’est imminent : Rousseau, ancien marin et présentement cavetier du bar portant son nom, va passer l’arme à gauche. Dans son vieux lit en fer qui a déjà hébergé des mourants, il ne va pas tarder à éteindre sa dernière bougie. Il n’en faut pas plus pour attirer au chevet du malade dernier degré l’abbé Inizan, toujours prêt à offrir l’extrême onction et accessoirement rappeler à ses fidèles ouailles la parole, la présence et le pouvoir du Bon Dieu. Rousseau délire sur sa couche, revoit les moments passés, du lointain passé, celui d’un monde révolu, par exemple lorsqu’il a connu dans divers ports du globe le poète grec Nikos KAVVADIAS. « Ah, le sacré tohu-bohu des souvenirs ! ».



L’action se déroule en Bretagne. Bien sûr. Plus précisément du côté de Gwin-Zégal, tout près de la falaise du Goëlo. Il s’y passe de drôles de trucs : les ivrognes, les fumeurs invétérés, les fous, les exhibitionnistes, Hubert l’idiot du village, le fossoyeur qui intègre des souvenirs marquants des défunts dans leur cercueil, le prêtre lubrique, la position de la bête à deux dos derrière les buissons, les camionneurs frappadingues, tout ce petit monde disparate cohabite tant bien que mal dans ce bled gonflé de souvenirs : les suicidés, les péris en mer, les assassinés, les trépassés locaux de 1916 du côté du chemin des dames.



Et puis l’action en direct : Nid’pie qui emplafonne sa 4L dans un panneau téléphonique, fin de partie. Rousseau qui n’en finit plus de mourir, de délirer, Inizan qui n’en finit plus d’espérer, lui le curé qui aime tant se défroquer. Rousseau qui semble s’habituer à sa maladie, celle qui ronge son foie : « Entre lui et la maladie, on pressent d’emblée que mille et mille habitudes ont été prises. Des liens se sont tissés… Elle insiste, elle quémande. Elle veut tenir ses quarts de veille… Dans le huis clos de la mansarde tous deux doivent se chuchoter de drôles d’histoires, des drames à becs d’oiseaux, des tranches d’amour se figeant en torgnoles d’iode et des tendresses brutales qui tombent de la falaise avec de beaux cernes de cendres couvrant jusqu’aux aurores… ».



Le docteur est formel « Le cœur s’accroche à la barre, mais il connaît des émois de vieux célibataire en rupture d’abstinence ». Alors le curé fait reluire tous les ustensiles utiles à une cérémonie de caractère.



Il y a du BRASSENS dans ce court roman de 2000 sorti chez la Digitale, on croit reconnaître quelques silhouettes échappées de lignes du grand Georges qui seraient venues se perdre au pied du Goëlo pour enterrer Rousseau. L’humour, très présent, noir, rappelle aussi celui de BRASSENS, la langue plus verte que d’habitude mais toujours aussi envoûtante. Les petites gens, leurs descriptions, les anecdotes cocasses, la mort qui se fiche de nous, nous qui nous fichons de la mort, « Café Rousseau » est de ces farces morbides qui rient de la faucheuse, qui lui lancent des pieds de nez comme pour la repousser une dernière fois. Ce livre a obtenu en son temps – 2001 – le prix du roman de la ville de Carhaix. Il est aussi court qu’il est hardi. JOSSE est particulièrement à l’aise et talentueux dans ce format, il virevolte et emploie les mots, les images adéquates qui atteignent le centre de sa cible. Petit joyau dont vous devrez vous munir si vous avez la chance de le trouver un jour à acheter voire à emprunter.



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Bavard au cheval mort et compagnie

Jacques JOSSE et son univers unique, dépouillé, épuré, spartiate. La Bretagne, le crachin, des hameaux sans âge, pareil pour les bistrots et leurs patrons, les enterrements avec leurs morts devant, dans des caisses en bois ou des urnes, c'est selon.



Parmi tout ce joyeux peuple, des morts comme des rescapés, défilé des laissés pour compte, des poivrots, des vagabonds aux âmes de poètes ou de philosophes à l'identité bretonne bien ancrée. Le temps est suspendu, en pointillés, place à l'olfactif : odeur de bois mouillé, de mousse, de lichen, de forêt humide au peuple souterrain, tous les sens du corps sont en éveil. Et toujours ces hommages aux trépassés : « À la santé de ceux qui sont dans les tombes ». Et les cloches qui tintent lentement dans un brouillard ne laissant percevoir que des ombres.



Ambiance tellement intemporelle car il y aura toujours des chiens de garde derrière les barrières des propriétés privées pour gueuler sur les étrangers, des bars dans lesquels le temps s'est arrêté, des cimetières humides avec ces tombes ayant ingurgité ces croyances. Les morts, ils sont là, par accident, par cirrhose (non explicite mais ça sent le mélange d'alcools frelatés), par volonté personnelle. Le personnage principal est la lenteur, la paresse.



Le temps s'est comme figé donc, même l'horloge semble tourner au ralenti alors que chaque mot, chaque intonation comptent, au coeur d'un rouage parfaitement agencé : « Vers 15 heures, une longue voiture grise apparaît à la sortie d'un virage. Elle avance entre les broussailles et roule, au ralenti, en direction du bourg. De nombreux suiveurs, vêtus de costumes sombres, essaient de lui sucer les roues. Tous marchent d'un même pas. Leur éloge de la lenteur trouve ici exutoire à sa mesure. Au soleil, près des murs et des herbes sèches... ». Tout est imbriqué, vous arrachez un seul mot et la phrase, le sens, le style se cassent la gueule dans une flaque d'eau boueuse.



On va pleurer un mort et enterrer le XXe siècle, on est quelque part en Bretagne dans un XXIe qui s'apprête à voir le jour. En un peu plus de 60 pages, Jacques JOSSE plante un décor qui restera longtemps à nous hanter, par ses odeurs, ses bruits, ces images, le tout relié sur le zinc d'une taverne cradingue et enfumée ou dans les allées d'un cimetière de bord de mer. JOSSE c'est tout ça en même temps, aucun de ses thèmes de prédilection ne manque dans ce récit sorti en 2004 chez Cadex Éditions. Comme sur d'autres de ses œuvres, les dessins bruts en noir et blanc de Georges LE BAYON accompagnent le cortège.

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Débarqué

Jacques JOSSE dit de son père qu'il était un voyageur empêché. Breton de souche et de cœur, il aurait souhaité être marin, la pipe à la bouche en plein roulis, mais suite à une maladie (il est épileptique), il est resté sur la berge, en rade, au rade plutôt. Interdit de naviguer, de conduire, de fumer, de picoler. Il va se créer une ordonnance pour ne pas avoir à suivre les deux dernières prescriptions. À défaut d'eau salée, il va s'occuper de courant. Il sera électricien. L'eau et l’électricité ne font pas toujours bon ménage, c’est ce que l’auteur va nous démontrer à propos de son paternel.



La boîte qui l'emploie fait faillite. Bilan : chômage et alcool. Et tabac. Et petits boulots. Mais il rebondit, se dégote un chouette gagne-pain sur une île, dans sa branche. Bonheur. Chaque semaine, il quitte sa famille pour quelques jours, un rituel bien huilé. Il est entouré d'eau, alors son rêve assassiné, celui du grand large, devient presque réalité de substitution. Il rêve les bateaux, les matelots, les bonheurs, les tragédies : « Plusieurs embarcations s'étaient abîmées dans les parages. La carte des épaves, punaisée au-dessus du comptoir de l'unique café du bourg, en témoignait. Un mur des disparus, sur lequel des centaines de noms et de dates, ceux et celles des péris qui n'étaient pas rentrés, se dressait au bout du cimetière, dans la commune qui abritait l’embarcadère. Un dicton affirmait que voir l'île c'était voir son trépas. Ses abords inhospitaliers nourrissaient les légendes ». Maman elle, est « laveuse de morts ». Si si. Et accessoirement ne finit jamais ses phrases.



On vit comme naguère, on élève des animaux pour les tuer, les bouffer, nourrir la famille. Puis ce sont les membres mêmes qui ne vont pas tarder à suivre les bestiaux. Car la guigne va reprendre ses droits : ça commence par le papa et une mauvaise chute. Dans tous les sens du terme. Pourtant tout était écrit : « Il semblait avoir trouvé un rythme de croisière capable de l'aider à franchir les fatidiques quatre-vingts berges sans avoir à subir de nouvelles avaries ».



La mère-grand avait ouvert les hostilités des excursions au cimetière communal pour ces cœurs cabossés, ces destins brisés, dans une famille qui va souffrir : le frère de Jacques a devancé à son tour le cortège funèbre en 1996. Puis la frangine, retrouvée dans un bois en mars 2004, défunctée. La faucheuse semble planer dangereusement sur la fratrie, va falloir redoubler de vigilance. Mais tout va aller de mal en pis, jusqu'à ce jour de février 2008 où le paternel casse sa pipe, le même jour que l'humoriste en chef Henri Salvador. Ironie du sort ? Salvador signifie sauveur/salvateur en espagnol.



Derrière la figure émouvante et imposante de ce père silencieux, ce sont toutes les images de la Bretagne qui remontent à la surface, au-dessus de l'écume et de la brume, la houle, les tempêtes. Ce petit récit est truffé d'anecdotes, d'odeurs, d'ivrognes, parsemé de suicides (trois raisons selon l’auteur : alcool, grisaille et sentiments d'inutilité). On y croise les fantômes de GIONO, SIMENON, STEINBECK, CALDWELL (excusez du peu), les ombres de ceux qui ont écrit sur la mer : LOTI, LONDON, CONRAD. On y entrevoit des héros du Tour de France cycliste, on y apprend comment réaliser du cidre artisanal tout en prenant BRASSENS à contre-pied dans les rites du père : « Chaque matin, il ouvrait son journal sur la double page des obsèques. Il notait l'âge des partants. Remarquait qu'ils avaient tous à peu près le sien, en déduisait que ça sentait vraiment le sapin, blaguait à peine en assurant que l'arbre avec lequel on fabriquerait son cercueil était sans doute débité depuis belle lurette et qu'il ne tarderait pas à les rejoindre ». Respect éternel pour les marins disparus, dans une langue flirtant avec le sublime : « … ces adeptes des tours du monde qui, ces années-là, descendaient, à tour de rôle et en piqué, boire l'ultime bouillon, celui de onze heures, mijoté dans les crevasses, sur lit d'algues et de coraux, par le facétieux cuisinier des bas-fonds ».



Halte-là ! Je pourrais en effet vous citer tout le bouquin tellement dans ces courts chapitres l'écriture imagée est forte, puissante, poétique, pudique, brassant l'humour noir, celui du désespoir, comme pour envoûter d'une ultime saillie. Délicieux à tous points de vue. JOSSE est unique, seul sur son îlot, c'est pourquoi ce poète « rêveur de tombes », prince de la prose, est indispensable, ne serait-ce que par sa manière extatique de décrire la mort et les paysages. Cette savoureuse biographie du père (mais pas que) vient de sortir aux Éditions La Contre Allée, je vous recommande vivement de vous y ruer, c'est même quasiment un ordre. C'est grâce à ce petit livre que l'on comprend JOSSE, ses 40 publications, son rapport quasi charnel à la mort (qui semble avoir été omniprésente dans son parcours, d'où cette « obsession », ces références incessantes), à la mer. Et qu'on ne l'aime que davantage. Il fait partie des grands, ne le ratez pas.

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Journal d'absence

Bon, ce sera celui-ci. Mais sachez que l'on aurait pu présenter n'importe quel ouvrage de Jacques JOSSE, qu'on y taperait à peu près les mêmes mots, les mêmes superlatifs avec les mêmes émotions, tant JOSSE est chaque fois égal à lui-même, à chaque livre édité (et il en existe un sacré paquet !). Il ressasse les mêmes histoires, avec les mêmes démons, les mêmes rites, la même atmosphère. Rien que pour cela JOSSE est génial.



C'est toujours très court (là moins de 30 pages), tranchant, poétique, l'écriture est d'une extraordinaire beauté, d'une rare pureté, JOSSE se lit doucement, comme en retrait.



Ici une petite vieille a disparu, on la recherche, la rumeur fait grand bruit : partie pour une vie meilleure, morte (suicidée ? Accident ?), on tire des plans sur la comète. L'ambiance est à la fois banale et unique : Bretagne, crachin, brume, bruine ou brouillard, bars sans âge, piliers de comptoirs taiseux, clope au bec, ballon de pinard vissé sur le zinc. Les cimetières prennent de la place. Beaucoup. Puis les morts, hantant les vivants. Parmi les morts les suicidés trônent sur une place de choix. Ambiance unique car les mots de JOSSE se tissent magistralement entre eux.



C'est BRASSENS qui prend un verre ou deux de l'amitié avec Jacques CHESSEX dans un bar peuplé de marins qui fument comme des centrales et torchent comme des outres. Les mots sont justes, posés là car ils n'auraient pas pu être posés ailleurs. Ils sont un tout, une toile humide expliquée avec soin, poésie, sans détresse, sans sortir les violons.



Au milieu de ce tableau figé, une image moins obsolète : l'éternel punk breton avec sa bouteille d'alcool et son chien fidèle. Et puis brusque rappel : nous sommes en 2004, Madrid vient d'être touché par des attentats.



JOSSE c'est tout ça à la fois, l'intime, le climat des bistrots de quartiers d'après-guerres, le temps qui passe doucement mais sûrement, notamment sur la tronche du pinardier en chef, la tragédie entière dans son nez couperosé, c'est tout simplement magique, on ne lit pas JOSSE comme on lit n'importe quel autre auteur, on le savoure à la vitesse de l'escargot afin de bien peser chaque mot, de fermer les yeux et de se dessiner le décor dans la tête.



JOSSE n'est publié que par des petits éditeurs qui tous mettent un point d'honneur à sortir de beaux livres avec un papier de grande qualité et une vraie identité. C'est encore ici le cas avec les dessins abrupts en noir et blanc de Georges LE BAYON intercalés dans le récit que JOSSE semble avoir écrit pour exorciser la mort d'une proche. Son âme à elle est sans doute encore en train de lui murmurer à son oreille à lui que tout va bien et qu'elle reprendrait bien un peu de chouchen de derrière les fagots.



Récit écrit en 2004 mais sorti qu'en 2010 aux Éditions Apogée (de Rennes). Si vous avez un peu de temps, je vous conseille vivement d'aller faire un tour sur le blog de Jacques JOSSE, sa patte est unique pour chroniquer des bouquins, la plupart sortis chez des micro-éditeurs. Son tout nouveau livre, une biographie de son père intitulée « Débarqué », passera sous les feux de la critique dans les colonnes de DES LIVRES RANCES, alors guettez, et d'ici là prenez du bon temps avec Jacques JOSSE, c'est tout le mal que je vous souhaite.

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Chapelle Ardente

La chapelle ardente est le bar « La Iza », dont le tenancier vient de mourir. Avant l’enterrement, les proches du Barbu –tel est le surnom du défunt – se réunissent une dernière fois autour du cercueil exposé dans le troquet. Petite humanité serrée dans ce lieu pour un dernier hommage. Jacques Josse la croque avec la verve et la tendresse qu’on lui connaît, dans une langue d’une belle vitalité. Il y a l’instituteur, revisitant en imagination avec le Barbu les bistrots mythiques de la littérature et du cinéma. Didier, l’ancien cascadeur aux jambes détruites, qui gare sa voiture automatique à la fenêtre de l’établissement pour qu’on lui serve un verre sans avoir à sortir. François, le veuf, muet hors de chez lui, insultant sa femme morte derrière les murs de sa maison.







Hommes – peu de femmes dans ce livre – cassés, boiteux. Jacques Josse saisit d’un trait ces corps qui tiennent encore debout, malgré les blessures, malgré – ou grâce à – l’alcool. Sans s’appesantir. Le texte est bref, dense. Calé sur le dernier coup bu à la santé du défunt. C’est un texte à lire coude au comptoir. Dans la fraternité d’une poignée d’habitués.







Pas de pleurs ici. Ils ont vécu bien d’autres chagrins. Ce n’est pas la fin du monde, juste un compagnonnage, même pas quotidien, qui disparaît. L’émotion est là pourtant, retenue, effleurée par l’écrivain, perçue par le lecteur. De la pudeur, de la dérision pour éloigner la peine.







« Beaucoup trinqueront à sa longévité posthume, revenant sur sa bonne humeur, son appétit de vivre, mais aussi sur ces étranges moments de désarroi et de solitude qui pouvaient, certains jours, le rendre plus rugueux que d’habitude ». En quelques mots, une vie se devine, s’imagine. C’est l’un des talents de Jacques Josse que de savoir suggérer en une phrase toute une existence.







Les bistrots sont chez Josse comme de vieilles maisons familiales : des refuges, des lieux d’accueil. Des poches où le temps ne passe guère. Chacun y vient chauffer ses os ou son cœur l’instant d’un verre ou deux, d’une conversation mille fois reprise. Que vont-ils devenir, le navire déserté par son capitaine ? On les imagine âmes errantes, certains mettant à exécution le tragique destin dont ils menacent régulièrement la compagnie. Peut-être pas. Peut-être se contenteront-ils de migrer vers un autre havre, un autre bistrot. Et Jacques Josse poursuivra la chronique de ces gens de peu qu’on a appris à aimer.
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Postier posté

Grande plume de la poésie française, Jacques JOSSE a opté, pour ce bref texte, pour l’abandon de ce format, privilégiant un récit plus « classique ». Au fil de son œuvre, l’auteur se dévoile peu, n’apparaît pas souvent directement, il dépeint plutôt ses aïeuls lorsqu’il décide de nous entretenir de sa famille. Pour le reste, il se focalise sur les petites gens, les sans voix, les anonymes qu’il croise sur son chemin. Ici, exceptionnellement il choisit un format en partie autobiographique. En partie seulement, car même lorsque Jacques JOSSE tente de parler de lui, sa pensée fuit immédiatement sur les à-côtés.



Ce texte n’est pas précisément une nouveauté, il devait originellement paraître dans la revue « Travers », mais cette dernière périclita et le texte resta inédit. Si JOSSE retourne le projecteur sur lui, c’est pour évoquer une partie précise de sa vie : son travail au sein du tri postal de Trappes dans les Yvelines.



L’espace-temps est délaissé, Jacques JOSSE intègre la banlieue parisienne, venant de sa Bretagne, et s’établit au septième étage d’une tour. Il trie environ deux mille lettres par heure et, pour tenir, il lui faut quelques rasades de la poésie de Franck VENAILLE notamment. Car le quotidien n’est guère brillant : gestes répétitifs devenant douloureux, abrutissants, alors que se dressent de nouvelles constructions dans une ville neuve de banlieue.



Jacques JOSSE est un poète avant tout. Alors il scrute autour de lui, il observe et traduit en de courtes séquences du quotidien. Dans ce texte, tout est mouvement, tout est bruit, le repos est difficile. Viennent les nouvelles technologies avec ces nouvelles machines, monstres de rapidité destinés à remplacer l’homme. Un monde s’évapore, laissant place à l’avenir.



Car il est bien question de basculement irrémédiable dans ce texte sensible, la modernité vient s’imposer, laissant le travail à la chaîne derrière elle, du moins le transformant. JOSSE prend du recul, écume les bars, écoute, regarde. Et bien plus tard, se repenche : « Ce qui reste, des décennies plus tard, de ces années vécues à cent à l’heure, avec accrochée au corps une fatigue qui pèse peu comparée à celle, vicieuse, qu’on ne voyait pas venir mais qui usait en secret, à petit feu, en partie à cause des horaires décalés, la mécanique des nerfs, ce sont les luttes incessantes, les braseros devant la grille d’entrée, les piquets de grève salvateurs, les coups de gueule, les coups de poing ».



Homme de poésie, JOSSE se remémore des vers, des extraits de poèmes traitant du monde des postiers, leur rend hommage, les cite, les partage. « Postier posté » est un petit texte intimiste, le témoignage d’une époque révolue. Il est accompagné par les pastels à l’huile de Georges LE BAYOU et a été publié en 2023 aux éditions bretonnes La Folle Avoine. En « bonus », une enveloppe arrimée à la couverture et renfermant une lettre de Jules MOUGIN, datée de l’année 2000 et destinée à l’auteur.



Mon petit doigt me dit qu’un prochain livre de cet auteur est prévu imminemment dans la collection L’orpiment des éditions le Réalgar…



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Marco Pantani a débranché la prise

Après s’être retourné sur son passé avec Liscorno et les balades littéraires à Rennes et Nantes, Jacques Josse, écrivain rennais, nous propose dans son nouvel ouvrage de découvrir Marco Pantani, cycliste à la carrière interrompue prématurément par les affaires de dopage et à la vie courte également qu’il a choisi d’interrompre le 14 février 2004 à l’âge de 34 ans.



Dans un style simple et dépouillé, et dans toute l’humanité qui est la sienne, Jacques Josse renoue avec une littérature sportive qui s’est difficilement remise de la disparition d’Antoine Blondin. Bien sûr il y a eu le Jacques Anquetil de Paul Fournel et le Luis Ocana de Hervé Bougel, le Zatopek de Jean Echenoz, mais Jacques Josse dresse un portrait attachant d’une étoile filante sportive, illuminant de courage, ayant dû subir de nombreuses épreuves douloureuses, et toujours remontant sur la selle en serrant les dents. Sauf ce jour de Saint Valentin 2004 où, acteur de sa propre sortie de route dans la descente aux enfers, il abandonne sa vie devenue trop lourde dans une chambre d’hôtel de Rimini.



On découvre ici un personnage secret, mais certain de son talent et de sa résistance au mal, victime des années noires du cyclisme devenu un spectacle demandant toujours plus aux coureurs. Pantani, héros de tragédie, nous donne une leçon de courage et d’abnégation. Jacques Josse sait se placer à hauteur d’homme dans ses courtes proses où la montagne est toujours en filigrane (les Alpes italiennes en particulier, dans un Giro souvent injustement oublié des retransmissions françaises sur les télés publiques).



Ce livre n’est ni une biographie ni un reportage, ce livre est un livre pour les amoureux du cyclisme assurément, mais surtout un exercice de style littéraire auquel se prête Jacques Josse avec le talent des mots sobres et pudiques qui touchent au cœur même les non-initiés. Prix Loin du marketing 2014, c’est avec modestie que Jacques Josse aborde le côté sombre de la personnalité d’une figure importante du cyclisme de la fin du XXe siècle. Et si le destin de ce coureur italien est tragique, Jacques Josse, en sa qualité de poète, parvient à y trouver de la lumière et de la noblesse.



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Débarqué

JACQUES JOSSE OU LE STYLE DES BELLES PERSONNES



Après un portrait attachant de Marco Pantani en 2015 Jacques Josse, écrivain discret, prix Loin du marketing en 2014, revient sur l’histoire de son père dans Débarqué, malheureusement touché trop jeune par la maladie et écarté d’une carrière de marin. Breton resté à quai, cloué au port, débarqué. Les psychanalystes nous invitent à “tuer le père”, ici l’auteur choisit une autre voie, celle de lui rendre hommage.



Dans Liscorno, publié en 2014 aux éditions Apogée, Jacques Josse nous faisait découvrir les lectures de sa jeunesse et les auteurs qui l’ont marqué. Dans Débarqué, il s’enfonce plus profond encore dans ses racines littéraires quand cette passion de la lecture de récits de voyages lui vient de son père. Quelle belle transmission que cet appétit de récits d’aventure, et après cette transmission, il faudrait “tuer le père” ? Ce n’est pas possible.



Nous faisons dans Débarqué connaissance avec un grand-père capitaine au long cours, un père qui ne le sera pas pour raison de santé et qui ne cessera de voyager avec les livres (Pierre Loti, John Steinbeck, Joséphine Johnson, etc.) et en écoutant les récits rapportés au bar par les marins. Quand les rêves se passent ainsi de générations en générations...



Cette vie était dure, n’en déplaise aux nostalgiques. S’il ne se suicidaient pas violemment, nombreux le faisaient à petite dose, ou plutôt à petites verrées de vin, de cidre ou d’eau de vie, la mal nommée. Des ambitions contrecarrées, des angoisses gardées pour soi, des histoires de mauvaises amours, des blessures de guerre, du manque d’argent, des maladies qui ne se soignaient pas à l’époque, des métiers qui éloignaient les pères de leur famille, la mort toujours proche, cette vie simple n’a pas les honneurs des livres scolaires. C’est aux écrivains qu’il revient d’en assurer la transmission.



Écrire les liens qui unissent un homme à ses origines, un homme à sa terre, exige un style d’écriture à la hauteur de l’enjeu. Et Jacques Josse sait, de chapitres en chapitres comme autant de nouvelles, en phrases parfois longues et parfois courtes, nous entraîner dans une narration sensible et pleine de tendresse et d’humanité, le style des belles personnes.



Jacques Josse sait bien conter, au-delà de ses origines, le destin des petites gens. Il y avait de la noblesse dans ses vies populaires. Et on se laisse aisément embarquer dans cette histoire du quotidien de Bretons dans la deuxième moitié du 20e siècle.





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Le manège des oubliés



"Une lecture prodigieuse qui ne peut que vous prendre dans ses filets et que nous vous recommandons bien chaleureusement. "



Lisez l'intégralité de notre chronique sur notre site web, Pro/p(r)ose Magazine c'est votre rendez-vous bimestriel avec la littérature et la culture...

https://proprosemagazine.wordpress.com/2022/01/30/le-manege-des-oublies-jacques-josse/
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Le dragon rouge

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Au bout de la route

Ce curieux petit livre de seulement 34 pages sorti en 2015 chez Le Réalgar prend comme personnage central la mort. Oh mais pas n’importe laquelle ! La mort en rapport avec les véhicules roulants, les automobiles, camions, bicyclettes, bus, la mort comme métronome inéluctable, au bout de la route.



Énonciations de célébrités qui ont rendez-vous avec la faucheuse par le biais de machines roulantes : Isadora DUNCAN, Roland BARTHES, Pierre CURIE, Hugo KOBLET, James DEAN, Jayne MANSFIELD, Hank WILLIAMS, Jackson POLLOCK, Fabio CASARTELLI, Jean ROUCH, Albert CAMUS, Tom SIMPSON et tant d’autres dont certains nous sont inconnus.



Les inconnus parlons-en ! Les anonymes sont aussi fauchés, dans des véhicules ou par des véhicules, par l’impitoyable refroidisseuse, en Bretagne comme ailleurs, en ce XXe siècle dément durant lequel l’ogre de métal a fait retourner en poussière tant d’habitants de la terre, une invention créant paradoxalement la liberté et le néant. Tant de vies dévastées par des engins montés sur roues de divers diamètres.



Les personnes commémorées dans ce récit n’avaient de prime abord aucun lien intime, ne se connaissaient pas. Pourtant c’est bien la même tragédie qui les a poussées dans le même dernier trou, en tout cas il s’agit de la même arme du crime. Un exemple parmi tant d’autres : « [la mort] peut ainsi survoler la promenade des anglais à Nice en un clin d’oeil et éteindre le soleil puis le draper de noir en pensant à l’ultime salto arrière effectué ici le 14 septembre 1927 par Isadora Duncan, prise à la gorge par son foulard dont l’une des extrémités venait de s’enrouler autour du moyeu de la belle décapotable, une Amilcar GS 1924 ».



Écriture toujours au sommet de son art, elle est ici illustrée par Jean-Marc SCANREIGH, 10 dessins nerveux, d’influence abstraite, noir et ocre, ils parlent aussi de la mort, de ses gros yeux, de ses traits agressifs, obtus. Une mort effrayante, dont personne ne reviendra indemne.



Un bouquin d’hommages, fait de traits rapides et fulgurants, comme pour exorciser l’inexorable arrivée de Madame la Foudroyeuse. Le plaisir est immense même si de courte durée. JOSSE fait partie de ces artisans de la plume qui donnent un sens à la vie et fait prendre conscience de bien en profiter avant l’inexorable.



https://deslivresrances.blogspot.fr/
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