Exceptionnel.
Même si j'ai eu beaucoup de mal au début (pratiquement jusqu'à la moitié!), ce livre vaut vraiment d'être savouré lentement mais continûment : surtout le lire régulièrement et tranquillement.
C'est un des très très rares livres que j'ai immédiatement envie de relire (alors que je ne relis qu'exceptionnellement un livre!). Et je l'ai relu (10 ans plus tard) - avec le même bonheur (et peut-être une compréhension plus profonde) - je l'avais initialement emprunté à la bibliothèque et dès la dernière page terminée, il s'est retrouvé dans la liste des livres pour le Noël suivant ⭐️
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Confiteor est le mot latin qui introduit la prière de pénitence des catholiques. "Je confesse", et c'est bien une confession que le narrateur offre à la femme de sa vie avant que sa lucidité ne l'abandonne tout à fait.
Adria est né après guerre à Barcelone. Sa mère le voulait virtuose, son père philosophe et polyglotte. Il grandit sans amour ni tendresse, entouré des antiquités de la collection paternelle. Dont le violon. Le Storioni. Inestimable.
Mais l'histoire de ces objets est sombre. D'auschwitz à l'inquisition, le Mal est le terreau de l'histoire d'Adria, qui porte le poids, confesse et fait pénitence des péchés qui ne sont pas tous les siens. Son histoire et celle du violon prennent racine dans un monastère, plusieurs siècles plus tôt.
J'avoue que j'ai peiné à lire ces 900 pages d'une densité déconcertante. C'est un roman exigeant, qui demande de la concentration. On peut passer d'une époque à l'autre dans la même phrase, d'un personnage à l'autre dans le même dialogue. Du "je" à Adria, sans arrêt. C'est parfois difficile de s'y retrouver. Je ne savais plus si je lisais un pavé imbuvable ou un chef d'œuvre.
Tout se mélange, se dilue, si bien que le récit devient la confession universelle, la pénitence de l'humanité. Et à la fois le point de convergence est l'ego. Celui qui endosse et raconte. Se perd, divague, invente même peut-être. Ce chaos, c'est l'esprit d'Adria qui s'étiole. Qui tente d'écrire sa vie, son amour, sa lâcheté, son ignoble héritage, avant de perdre ses facultés.
Exigeant, oui. Difficile. Chaotique, insensé, décousu et délirant. Mais virtuose, finalement.
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Pierre a perdu son camion de pompier
Pire !
On le lui a volé, mais il est certain que c'est par un habitant de la forêt. Alors le voilà, en pleine nuit, à mener son enquête.
Une très jolie histoire poétique et inspirée de beaucoup d'autres contes se dira le lecteur-adulte Grognon. Les images sont superbes, colorées et imprimées sur un beau papier mat et epais qui sent super bon. Elles dont aussi découpées ou à découvrir donc une chouette lecture interactive. Le texte est également très bien écrit, mais peut-être un peu long pour un récit d'avant dormir pour les minots de 4 ans qui se couchent tôt.
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In girum imus nocte et consumimur igni.*
Dans l'incipit du roman de Jaume Cabré (2021), le narrateur s'adresse au lecteur en utilisant une métaphore filée.“Vous avez certainement vu, la nuit, voler une phalène, grande ou petite, maladroite, attirée par la lumière d'une lampe” et, de deux choses l'une : soit le papillon s'éloigne parce qu'un mouvement le distrait, soit il s'approche de l'ampoule et finit carbonisé. L'éloignement peut sauver le papillon à moins qu'il ne se fasse avaler par un gecko.
Le roman est astucieux et brillant mais quelque peu déroutant et dolipranesque. Il développe les deux scénarios qui convergent à la fin.
Nous avons d'abord l'histoire d'Ismaël. Il a le même prénom que le personnage avalé par la baleine dans Moby Dick. C'est un petit gars très attachant. Dès son enfance, son père un flûtiste qui s'est coupé le doigt, lui a mis dans la tête qu'il était responsable de la mort de sa mère. Après l'internement du père qui a failli le brûler vif avec une pompe à essence, Ismaël rencontre à l'orphelinat Simo qui lit beaucoup beaucoup, notamment Moby Dick. Ismaël s'en sort, fait des études de lettres classiques et germaniques, devient polyglotte et fréquente Leo une copine d'enfance qu'il a retrouvée dans une mercerie. Au moment où il pourrait être heureux. PAF. Il rencontre Tomeu un ancien de l'orphelinat qui l'embarque dans sa grande voiture noire. Et il se réveille dans ce qui semble être un hôpital, deux personnages inquiétants l'interrogent, il semble ne se souvenir de rien. Et il a peur.
L'autre histoire c'est celle de Godallet, le plus petit d'une famille de sangliers, dirigée par Lotta, la mère. Les sangliers parlent, rêvent, pensent , mémorisent et s'égarent comme des humains. Et on s'inquiète beaucoup pour eux quand on voit surgir des phares dans la nuit. Il s'intéresse beaucoup à la flèche du temps : quelle direction elle prend, par exemple, si elle est toujours en avant, si elle peut prendre la direction opposée. le marcassin s'amuse aussi de tout cela : "Quand je commence à ruminer en me promenant en forêt, il m'arrive de finir par découvrir des endroits inconnus et il me manque Dieu et l'aide pour m'orienter."
Moi aussi j'ai tournoyé longtemps dans ce livre et j'aurais bien aimé qu'il me guide un peu l'ami Jaume. J'ai bien failli m'éloigner définitivement quand la première histoire a tourné au thriller. La fin m'a achevée. Et j'ai éteint la lampe.
* « Nous tournoyons dans la nuit et sommes consumés par le feu ». C'est un palindrome. La phrase peut se lire dans les deux sens.
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Pour qui n'est pas familier de l'écriture de Jaume Cabré, il y a de quoi être dérouté par « Consumés par le feu ». Si vous n'avez pas lu le fameux « Confiteor », vous aurez du mal à comprendre comment, dans un même chapitre, on peut passer de la voix du protagoniste – un jeune professeur plutôt mal en point, qui a la très mauvaise idée de suivre un malfrat dans un coup tordu – à la voix d'autres personnages, y compris celle d'un marcassin, épargné par l'accident de voiture qui se produira une fois le forfait perpétré, et qui fera perdre la mémoire à notre héros.
C'est pourtant bien ce qui va se passer dans « Consumés par le feu » : Ismaël (c'est son nom) a une amour de jeunesse, Leo, qu'il va retrouver en allant par hasard dans la mercerie de son quartier, et son cerveau va en être chamboulé. Et ensuite Ismaël, alors qu'il allait chercher du pain, se retrouve embringuer dans une salle affaire, où il sera question du meurtre d'une nonagénaire qui recèle un secret, subira un accident de voiture avec une bande de sangliers, deviendra amnésique suite au susdit accident, sera emporté dans un pseudo hôpital (rêve ? cauchemar ? ou réalité ?) dont il s'enfuira, et sera recueillie par une femme de bonne volonté qui va l'aider à recoller les morceaux de sa mémoire.
Entre temps on aura aussi parlé de Marlène Dietrich, et il sera aussi question d'Emma Bovary et de Moby Dick.
Qui aime les récits linéaires où le futur succède gentiment au présent et au passé en toute logique devrait plutôt passer son chemin.
Ici le loufoque règne en maître. On risque fort d'être déconcerté si on n'admet pas qu'un marcassin (il s'appelle même Jabatin) puisse ressentir des émotions, une fois devenu orphelin, et parvenu au milieu d'un terrain de golf qu'il va forcément ravager (on imagine l'humour ravageur de son auteur).
Il y aura néanmoins, pour son public de lecteurs, une énigme à déchiffrer (qui donnera son titre au récit), il sera question de bibliothèques et de littérature, et des thèmes qu'affectionne Jaume Cabré, comme celui de la mémoire. Ici défaillante, mais est-ce que cela n'est pas mieux parfois ainsi, plutôt que de se souvenir des actes immoraux qu'on a commis ?
L'amour triomphera, même si les retrouvailles de Leo et d'Ismaël seront de courte durée. Mais qu'importe. On aura eu l'impression de lire un roman cubique où rien n'est vraiment normal et carrément loufoque, mais n'est-ce pas salutaire aujourd'hui ?
A défaut, on aura au moins passé un bon moment.
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Confiteor. Psalmodiait Adrià.
De quoi veux-tu te repentir? De m’avoir trimballée d’une époque à l’autre au sein d’un même paragraphe?Parfois même au milieu de la même phrase, en passant sans avertir d’un personnage à un autre?
Au début je trouvais ton procédé original et ça ne pouvait que me ravir, mais à force, je m’en suis lassée! Je n’allais pas te laisser tomber pour autant, j’ai voulu t’accompagner jusqu’au bout Adrià. Et puis j’ai compris! Mais, hélas, le charme était rompu.
Je réciterais bien un Confiteor au dieu des lettres pour la pénitence de ton créateur.
Confiteor. Parce qu’il avait un trésor entre les mains mais il n’en a pas fait bon usage.
Confiteor. Des personnages à hauts potentiels réduits à des ombres dont la voix m’arrivait étouffée.
Confiteor. Pour m’avoir laissée à la lisière de son récit telle une spectatrice d’une scène qui se déroulait très loin d’elle.
Confiteor. Une profusion de thèmes méritant des envolées lyriques que je cherchais vainement. Famille, amour, amitié, déchéance, trahison et, surtout, surtout l’art et la musique.
"𝘊’𝘦́𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘶𝘯 𝘴𝘰𝘯 𝘲𝘶𝘪 𝘢𝘷𝘢𝘪𝘵 𝘭’𝘢𝘪𝘳 𝘥’𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘦𝘯 𝘷𝘦𝘭𝘰𝘶𝘳𝘴 𝘦𝘵 𝘲𝘶𝘪 𝘢𝘷𝘢𝘪𝘵 𝘭𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘧𝘶𝘮 𝘥𝘦 𝘫𝘦 𝘯𝘦 𝘴𝘢𝘪𝘴 𝘲𝘶𝘦𝘭𝘭𝘦 𝘧𝘭𝘦𝘶𝘳".
Tu vois, Adrià! C’était ça que je voulais. Ce petit plus inné chez certains écrivains. Comme une poudre magique qui viendrait sublimer le texte, faire briller nos yeux et palpiter nos cœurs en nous emportant dans un moment de grâce.
La lecture n’est pas seulement une histoire racontée, mais un état d’âme et d’esprit. Elle est une connexion entre deux êtres reliés par un fil magique générateur de sensations intenses. Avec le “Confiteor” de Cabré je n’ai malheureusement pas trouvé ce fil.
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Difficile de résumer ce livre, est-ce un conte, une fable, une fable philosophique, une pirouette littéraire ?
Ismael est un professeur de littérature, un peu paumé, il retrouve par hasard un amour de jeunesse et quand la vie semble lui sourire à nouveau il se retrouve dans un hôpital à moitié amnésique.
Là tout bascule dans le récit, on y croise un médecin qu'il nomme Jivago, un autre Bovary, il est sauvé par Marlene Dietrich et l'on suit de pauvres sangliers dans la forêt en mode survie.
Ce n'est pas désagréable à lire, on retrouve les jeux de piste qu'affectionent l'auteur mais on est
loin de Confiteor.
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WAOUH ! effectivement le type de livre a emporter sur l'île déserte pour le re-lire et le re-lire encore ...
Un "tourneur de pages" (en français dans le texte) ...
Et vive la retraite , qui permet de ne pas lâcher un livre de 900 pages !
P.S. bravo au traducteur , face à un texte à la mise en page "compliquée" mais que l'on se prend vite au jeu d'avoir à maîtriser .
P.P.S. copiant Alain ( "l'orthographe est de respect"), pourquoi les erreurs typographiques semblent elles inévitables et propres à gacher le plaisir de lire ? Pourquoi la jolie "Saga"( en catalan?) de la page 236 devient elle "Sara" page 237 ?
Je suis sûr que l'on trouverait "ici" sans probléme des correcteurs bénévoles pour ce genre de tâche-plaisir !
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Je découvre Jaume Cabré et ce roman lors d'une visite à ma librairie préférée. J'achete car la 4ème page m'attire. Une histoire post franquisme en Espagne et des histoires qui s'entremêlent.
Mais ce que je ne connaissais pas c'est cette écriture de Jaume Cabré.
Une écriture avec des phrases sans fin, souvent sans ponctuation. Et l'on passe d'un personnage à un autre. De 1942 à 1970 puis 2020 en quelques pages. Des nombreux personnages et très vite on se perd dans ce jeu merveilleux de l'écriture et du roman. Mais comme par miracle, après quelques pages, on comprend tout, l'écriture, l'histoire, les périodes, les personnages mais aussi LA MUSIQUE et le RYTHME de l'écriture..
J'ai plongé dans cet univers que je ne connaissais pas et je me suis laissé porter .
L'histoire se déroule dans un petit village des pyrennées à 3H de Barcelone et on découvre l'histoire avec un grand H. l'histoire des choix des femmes et hommes de ce village vis à vis du franquisme, de la République, de l'argent et surtout de la religion.
On va de trahison en trahison, d'argent gagné sur le dos des autres avec la complicité du pouvoir politique, de l'église, et des petites ambitions des uns et des autres.
Je ne peux tout raconter tellement il se passe d'évenements, dans les 700 pages de ce roman, tellement est riche le croisement des histoires, et l'originalité du thème principal qui est celui de l'engagement.
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Certains disent que Jaume Cabré a donné tout son jus dans "Confiteor" et que le reste ne mérite pas que l'on s'y attarde. "L'ombre de l'eunuque" vient contredire cette appréciation, même si le roman n'a pas la même virtuosité ni la même richesse que le "Confiteor" qui reste un livre formidable. "L’ombre de l’eunuque" a de rares points faibles (l'intrigue avec Teresa, les rebondissements parfois un peu artificiels de la saga familiale) à côté de moments épatants (l'action politique clandestine du héros). Au total 600 pages que l'on dévore, admiratif et passionné.
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J’ai tendance à abandonner rapidement les livres qui m’échappent et c’est ce que j’aurais fait avec Confiteor il y’a quelques années si une amie libraire ne m’avait pas persuadée d’aller au moins jusqu’à 100 pages.
Je n’ai jamais regretté cette persévérance qui m’a fait découvrir l’univers unique de cet auteur, qui je le conçois, peut désarçonner au premier abord.
J’ai retrouvé dans « Consumés par le feu », les thèmes qui traversent l’œuvre de Jaume Cabré, à savoir, le temps, la mémoire, le bien et le mal.
Et comme j’aime être bousculée tant sur le fond que sur la forme, ce livre m’a ravie.
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Consumés par le feu est publié 10 ans après Confiteor et comporte déjà 9 traductions.
C'est un roman court qui m'a désarçonné. L'auteur nous raconte une fable; l'histoire d'Ismael qui a vécu une enfance difficile et malgré cela, a pu suivre des études supérieures de langue et de littérature (trait partagé avec Cabré).
Ismael vivra une situation confuse, étrange, après un accident qui le laissera avec une amnésie partielle mais totale pour tout ce qui concerne l'accident déclencheur.
En parallèle nous avons l'histoire d'animaux : un marcassin appelé Jabatin qui a perdu toute sa famille lors de l'accident d'Ismael (mère et fratrie). La participation fréquente de papillons de nuit attirés par la lumière qui provoque leur mort. Quand ces papillons ne meurent pas grillés, ils se font manger par les lézards. Tous ces animaux parlent. L'histoire de Jabatin est belle et triste.
J'ai lu quelque part que vers les années 50 Jaume Cabré était surnommé « le sanglier renfrogné » et c'est un animal qui l'a poursuivi jusqu'à Matadepera en Catalogne où il réside.
Deux points forts marquent ce court roman : un caractère très méta littéraire et une atmosphère particulière faite de beaucoup d'absurde et d'angoisse.
Cette lecture m'a quelque peu décontenancé par rapport aux autres livres de l'auteur, néanmoins on retrouve sa qualité d'écriture.
Un autre livre lu récemment d'une auteure catalane aussi, c'est Je chante et la montagne danse d'Irene Solà (2019) où l'on retrouve une autre fable avec des animaux, mais j'ai trouvé moins d'absurde. Une mode catalane ?
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In girum imus nocte ecce et consumimur igni se traduit par « Nous tournoyons dans la nuit, et nous voilà consumés par le feu ».
Connaissez vous ce vers latin qui traverse les traditions philosophiques, la musique et la littérature romantique allemande de Rilke à Goethe en passant par la paternité de Virgile qui relève du mythe poétique plus que de la réalité ?
Ce vers magique qui se lit exactement dans un sens comme dans l'autre, est le principe unificateur qui rend unique dans la matière d'un seul livre, à travers la plume de Jaume Cabré différentes histoires, de différents personnages et de différents narrateurs qui ne semblent pas avoir grand chose à voir ensemble. Comment Godallet ( petit démiurge, le nom comme un indice de lecture ?) le sanglier, Marlène Dietrich se retrouvent être les instigateurs de la tourmente d'Ismaël – oui comme dans Moby Dick ?! Comment le docteur Jivago et Madame Bovary se retrouvent à discuter dans la même pièce de ce même Ismaël ?...
Ce qui peut apparaître comme une histoire de laissés-pour-compte de la vie dans une Barcelone de la frange de la seconde zone à la manière d'un film d' Iñárritu — Je pense à Biutiful tout au long du livre… — épouse à nouveau et petit à petit, la spirale de Confiteor ; la somme des chapitres en moins. Moins épais, il peut séduire ceux qui veulent découvrir le talent de Jaume Cabré sans passer par Confiteor.
D'ailleurs Consumés par le feu n'est pas à comparer à Confiteor, véritable chef-d'œuvre. Cabré pour autant ne se renie pas dans ce roman. Sous l'apparente simplicité des dialogues, apparaît une maîtrise virtuose de l' art de narrer, car ils créent la tension dramatique et nous mènent exactement au point de rupture. Nous retrouvons dans ces quelques pages tous les thèmes chers à Cabré, les livres et la littérature, l'érudition et le latin, l'homme déchu, des histoires d'amour tragiques et... la mémoire.
Lire est déambuler avec Ismaël dans cette Barcelone fantomatique à la recherche de ses souvenirs qui se cristallisent en ces quelques mots In girum imus nocte ecce et consumimur igni comme une formule tragique.
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Complètement loufoque…
Quelle n'a pas été ma surprise à la lecture du dernier Jaume Cabré ayant en souvenir le magistral et impressionnant Confitéor. L'auteur catalan s'essaie ici au format court, nous pouvons même parler de novella, et le résultat est pour le moins surprenant. Drôle, loufoque pour ne pas dire totalement absurde par moment. Tellement étonnée, surtout eu égard à la superbe couverture signée Magdalena Wasiczek, promesse de poésie et de rêveries, je ne sais pas au final si j'ai aimé ce texte. Inventif, il sort des sentiers battus, c'est évident, je m'en souviendrai longtemps, ma lecture alternant entre éclats de rire et froncements de sourcils. Impossible d'être indifférent en tout cas à cet étonnant exercice de style auquel s'est essayé l'auteur.
Ismaël, un jeune professeur de littérature et polyglotte notoire, orphelin, mène une existence solitaire et triste. La vie du vieux garçon va bousculer une première fois lorsqu'il tombe amoureux de Leo, une jeune femme qui travaille dans une mercerie puis une seconde fois lorsqu'il accepte de monter dans une voiture conduit par un étrange individu, une vague connaissance, alors qu'il allait tranquillement chercher du pain. Il se réveille ensuite totalement amnésique mais comprend peu à peu qu'on lui reproche d'avoir tué une riche octogénaire. A partir de cette trame, Jaume Cabré tire plein de fils, chaque fil étant une trouvaille à part entière. Marlène Diétrich, Madame Bovary et le docteur Jivago seront de la partie en de troublants jeux de miroirs, ainsi que Godallet, un marcassin lui aussi orphelin comme Ismaël. de fréquentes allusions à Moby Dick font penser qu'Ismaël est lui aussi dans une sorte de ventre, le ventre mou des rêves. Et ces protagonistes, faisant sans doute partie de l'univers de l'auteur, déambulent dans une ambiance à la fois angoissante, oppressante et teintée d'absurdité.
« Devant lui, il y avait un immense entrepôt dans la pénombre. Il avança pieds nus, avec cette espèce de chemise ridicule qui le couvrait devant mais pas derrière, la poche de sérum à la main, dans ce hangar rempli de caisses, des quantités de caisses. Et au fond, une lumière allumée. Comme le bourdon est attirée par la flamme de la bougie jusqu'à être carbonisé, Ismaël se dirigea vers la faible lueur sans vouloir se demander si c'était prudent ou pas. A la différence d'un quelconque phalène suicidaire, il voulut fuir ».
Si j'ai aimé l'ambiance de ce roman à l'allure de fable, je n'ai cependant pas été entièrement convaincue et ai vu davantage un exercice de style facétieux dont j'ai observé les ficelles avec plaisir tout en restant légèrement au bord. Ceci étant, ce fut un agréable moment de lecture qui a le mérite de l'originalité, de la liberté et de l'audace ! Un vrai derviche-tourneur qui donne quelque peu le tournis…
« Nous tournons dans la nuit et nous serons consumés par le feu. Même si nous ne voulions pas ».
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.in girum imus nocte et consumimur igni.
Que dire de l’œuvre de Jaume Cabré? Beaucoup sont celleux qui ont lu (ou abandonné) « Confiteor », un chef-d’œuvre du XXIème siècle, sans aller voir au-delà. C’est compréhensible. Il faut du temps et de la concentration pour savourer l’écriture acrobatique et délicate de l’écrivain catalan. Et ses romans sont souvent des pavés, gardons cela à l’esprit. Mais on peut aussi apprécier l’homme pour ses talents de nouvelliste. L’hiver approchant, je vous recommande « Voyage d’Hiver » dont la première nouvelle, relatant le craquage grandiose d’un pianiste avant une représentation, est succulente.
Pour moi, Jaume Cabré est un monstre sacré. Et ce court roman (novella?) écrit fin 2020 nous donne à voir une nouvelle facette de l’écrivain.
Si l’incipit naturaliste et poétique - magnifiquement porté par la couverture signée Magdalena Wasiczek - et les premières pages rappellent la couleur funeste des nouvelles de « Quand arrive la pénombre », tout bascule rapidement vers une veine plus loufoque, où l’absurde se mêle au dramatique dans un style proche du théâtre contemporain. Les discussions entre Ismaël et Marlène sont savoureuses, entretenant un suspens malaisé. Pas étonnant non plus que les marcassins s’appellent Godallet, tant on pourrait parfois se croire propulser en pleine becketterie.
Un réjouissant moment de littérature, dont me restent des notes de douceur plus que bienvenues.
(On déplorera en revanche les coquilles et le prix élevé du livre.)
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On ne peut guère donner son avis sur un livre abandonné... Ici à la page 122, atteinte laborieusement, après l'avoir pris et repris.
Je n'ai pas définitivement pas accroché. Ni aux personnages, ni à l'histoire qui s'esquisse. En fait même j'ai eu le temps d'oublier les personnages au fil de cette lente lecture et l'esquisse de l'histoire semble encore bien loin.
Il aura probablement sa chance dans d'autres mains.
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Quel bonheur d'ouvrir un Jaume Cabré.
Quel plaisir de retrouver ses forces, son ton, son humour...
Quel plaisir d'être à nouveau confronté à ses tournures de syntaxe et ses phrases dans lesquelles s'entremêlent les différents personnages, les différents espaces temps, les multiples parallèles des différents protagonistes, réels, fictifs, humains, animaux...
Oh souvenir d'un Confiteor magistral!
Quel plaisir de retrouver ce style mêlant réel, absurde, imaginaire...
Rien que pour ça, lire un Cabré constitue un évènement à lui seul!
Si, en outre, nous sommes confrontés à un ouvrage passionnant, drôle et tendre, une fable moderne qu'il est impossible de fermer avant la fin, Cabré nous immergeant dans un univers palpitant, quasi frénétique, le moment de lecture atteint alors son apogée.
Vous comprendrez que je suis un inconditionnel de cet auteur, qu'il me tarde de lire et relire encore!
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