Citations de Jean-Claude Izzo (348)
Si on a du cœur, m'expliqua un jour mon père, on ne peut rien perdre où qu'on aille. On ne peut que trouver.
Comment une femme pouvait-elle s'introduire aussi simplement dans le cœur d'un homme, juste par des regards, des sourires?
Est-ce qu'il était possible de caresser le cœur sans même effleurer la peau?
C'était sans doute cela séduire. S'immiscer dans le cœur de l'autre, le faire vibrer pour se l'attacher.
Boxer ce n'est pas seulement cogner. C'est, d'abord, apprendre à recevoir des coups.
À encaisser. Et que ces coups fassent le moins mal possible.
La vie n'était rien d'autre qu'une succession de rounds. Encaisser, encaisser. Tenir, ne pas plier. Et taper au bon endroit, au bon moment.
Les belles journées n'existent qu'au petit matin. J'aurais dû m'en souvenir.
Les aubes ne sont que l'illusion de la beauté du monde.
Quand le monde ouvre les yeux, la réalité reprend ses droits.
Et l'on retrouve le merdier.
Moi, je crois qu'on passe son temps à se perdre, et quand on se trouve, c'est trop tard.
Marseille n'est pas une ville pour touristes. Il n'y a rien à voir.
Sa beauté ne se photographie pas. Elle se partage.
Ici, faut prendre partie. Se passionner. Être pour, être contre. Être violemment.
Alors seulement ce qui est à voir se donne à voir.
Et là trop tard, on est en plein drame. Un drame antique où le héros c'est la mort.
À Marseille, même pour perdre il faut savoir se battre.
A ta fenêtre il m'arrive de ne pas frapper
à ta voix de ne pas répondre
à ton geste de ne pas bouger
pour que nous n'ayons rien à faire
qu'à la mer qui s'est bloquée.
Les histoires d'amour. On voudrait que ça arrive à un autre moment, quand on est au mieux de sa forme, quand on se sent prêt pour l'autre.
Une autre. Un autre.
Un parfait "mia". Cheveux longs sur la nuque, brushing d'enfer, chemise fleurie ouverte sur une poitrine noire et velue, grosse chaîne en or où pendait un Jésus avec des diamants dans les yeux, deux bagouses à chaque main, des Ray Ban sur le nez. Cette expression, "mia", venait d'Italie. De chez Lancia. Ils avaient lancé une voiture, la Mia dont l'ouverture dans la fenêtre permet de sortir son coude sans avoir à baisser la vitre.
- Les arroser, c'était faire vivre l'esprit du lieu. C'est toi qui nous as appris ça. Là ou vit l'esprit, l'autre n'est pas loin. J'avais besoin que tu existes. Pour aller de l'avant. Ouvrir les portes autour de moi. Je vivais dans le renfermé. Par paresse. On se satisfait toujours de moins. Un jour, on se satisfait de tout. Et on croit que c'est le bonheur.
À quoi serviraient donc les larmes si elles ne trouvaient pas une raison d'être dans le cœur de l'autre?
Quand on ne peut plus vivre, on a le droit de mourir et de faire de sa mort une dernière étincelle.
Je ne savais pas montrer, même dans les pires moments, combien, en réalité, j'étais attaché à eux. Je ne savais pas le dire non plus. Je croyais que tout allait de soi. L'amitié. L'amour.
Je crois que le regard des autres est une arme de mort.
On parla de tout et de rien. Elle plus que moi. Avec langueur.
Détachant ses mots comme si elle épluchait une pêche. Je l'écoutais, mais seulement des yeux, me laissant emporter par son sourire, le dessin de ses lèvres, les fossettes de ses joues, la mobilité étonnante de son visage.
La regarder, et sentir son genou contre le mien, ne permettait pas de penser.
Mariette déposa Diamantis sur le Vieux-Port, pas loin du Grand Bar Henri où il avait rendez-vous avec Nedim. Ils avaient roulé sans parler, en écoutant un chanteur italien qu'elle avait découvert tout récemment. Gianmaria Testa.
La chanson qu'elle préférait, c'était Come le onde del mare. Elle lui traduisit un couplet :
Certains soirs ont une couleur indéfinissable,
entre l'azur et l'amarante,
et ils vibrent d'un rythme lent, lent.
Et nous qui les attendons,
nous savons qu'ils sont prisonniers
comme les vagues de la mer.
Il y avait quelques mois , le bar de Hassan avait brûlé...
Hassan avait refait son bar. Les peintures tout ça. Puis, tranquille, comme si de rien ne s'était passé, il avait raccroché au mur la photo où Brel, Brassens et Ferré sont ensemble. A une même table. Pour Hassan, c'était un symbole, cette photo. Une référence aussi. On n'y écoutait pas de la soupe, chez lui. Et la musique n'avait de sens que si elle avait du coeur. Quand j'étais entré, Ferré, justement, chantait :
O Marseille on dirait que la mer a pleuré
Tes mots qui dans la rue se prenaient par la taille
Et qui n'ont plus la même ardeur à se percher
Aux lèvres de tes gens que la tristesse empaille
O Marseille...
La vengeance ne conduit à rien. Comme le pessimisme, je vous l'ai déjà dit. Il faut juste être déterminé.
Aimer, c'était sans doute se montrer nu à l'autre. Nu dans sa force, et nu dans sa fragilité. Vrai. Qu'est-ce qui me faisait peur dans l'amour? Cette nudité? Sa vérité? La vérité?
Pour moi, c'est moins douloureux de me sentir étrangère ici que dans mon propre pays.