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Critiques de Jean-Claude Lalumière (207)
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Le front russe

Aah le Quai d'Orsay, ce haut lieu de l'Administration française, cette voie royale (ou républicaine) d'embarquement vers de palpitantes aventures diplomatiques, là d'où s'élance le train de la carrière des fonctionnaires férus d'exotisme et de service public !

C'est en tout cas l'idée que le narrateur se fait du ministère des Affaires étrangères, lui qui vient tout juste d'en réussir le concours d'entrée. Ambitieux, le jeune homme a passé son enfance bordelaise, solitaire et ennuyeuse à éplucher tous les magazines GEO qui lui tombaient sous la main, à rêver d'évasion et à décider que, quand il serait grand, il voyagerait, et tant qu'à faire en joignant l'utile et l'agréable, c'est-à-dire en voyageant dans le cadre professionnel.

Et donc le voilà qui monte à Paris pour prendre son poste, encombré d'un volumineux attaché-case offert par sa maman toute fière de voir son fiston entrer au service de l'Etat. Lequel objet importun vaudra à notre candide anti-héros, après quelques péripéties, d'être affecté (lire : relégué) au « bureau des pays en voie de création – section Europe de l'Est et Sibérie ». « On vous envoie sur le front russe ! C'est vache pour un nouveau ». Et de fait, les ors du prestigieux Quai d'Orsay se transforment pour le narrateur en une voie de garage planquée derrière la gare d'Austerlitz, un service-placard dans lequel la locomotive du plan de carrière ne passe pas, en dépit des vaines tentatives du narrateur pour se démarquer « brillamment ».



Burlesque et désespérant, « le front russe » n'est pas une « bête » caricature sur le dos des fonctionnaires. C'est bien plus fin et subtil que ça, et même si le narrateur est un grand naïf gaffeur, il n'en est pas moins de bonne volonté et ambitieux. Cette satire vise davantage une certaine Administration sclérosée, et sa plus grande force, à savoir sa force d'inertie, qui parfois bride, décourage et fige les plus motivés et/ou honnêtes, ce qui est d'autant plus regrettable que l'on se prétend en charge de l'intérêt général.

Un roman cynique et jouissif qui se lit très vite et avec beaucoup de plaisir.
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L'invention de l'Histoire

Lorsque son fils lui demande de l’aider pour construire son arbre généalogique, Thomas se penche sur cette légende familiale qui prétend que son arrière-grand-père fut la victime d’une arnaque grandiose en achetant à un escroc la Tour Eiffel ! Cette anecdote contée par sa propre mère, il veut la faire confirmer par son père, qui réside en Ehpad, et dont il est urgent de saisir au bond les souvenirs qui ont résisté l’assaut de l’âge. Il quitte donc pour quelques jours son cadre quotidien, entre sa compagne dubitative en ce qui concerne leur avenir de couple, et ses amis de la bibliothèque, là où il cherche en vain une trace de ce fait divers original. Si elle a réellement exister, cette arnaque a t-elle concerné son aïeul ou était-ce un homonyme ?

La rencontre avec ce père évanescent qui n’est plus que l’ombre de lui-même lui permettra t-elle de résoudre l’énigme ? Cette escapade sera au moins l’occasion d’un vrai échange avec son père et d’une réflexion sur sa situation.





De l’humour, de l’auto-dérision, de l’amour et de l’amitié, pour ces confidences en forme de questions, qui posent un regard sans complaisance sur les quarante ans qui viennent de s’écouler sans crier gare.



Avec une écriture toujours aussi agréable, Jean-Claude Lalumière offre un moment de gloire à cet anti-héros si représentatif de notre époque.







216 pages rocher 4 janvier 2023

#LInventiondelhistoire #NetGalleyFrance


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Miss

Pour échapper à un quotidien morose (entre la caisse du supermarché , ses études et le HLM où habite sa mère ) , Morgane Bellamy tente l'aventure d'un concours de type "Miss France ". Et comme elle veut gagner, elle écrasera toutes les autres candidates entre crasses et coups bas, Morgane est la championne du monde… Mais une fois élue, le rêve ne sera pas à la hauteur, car aucune jeune fille saine d'esprit ne peut affirmer qu'elle adore les foires agricoles ou les inaugurations de supermarchés . Restera , restera pas ?

Vous le saurez en lisant cette comédie ultra tonique , cynique et réaliste (enfin, j'imagine…) .

Jean- Claude Lalumière partait pour écrire cette histoire avec plusieurs handicaps… Le premier, c'est que c'est un homme…

Difficile pour lui de comprendre ce rêve anti féministe et qui pourtant perdure au vingt et unième siècle : être la plus belle des belles..

Difficile aussi pour lui de décrire le job : maquillage, robes etc... Il n'a d'ailleurs pas essayé, son roman est ultra sobre de ce côté là.

Le résultat est que le roman est beaucoup plus profond que ce à quoi je m' attendais, plus social, plus décapant .

Morgane n'est pas une jeune fille particulièrement sympathique, on le sait dés le départ, mais elle est franche et comme on est dans sa tête, on en profite !

Ce qu'on lui demande de faire en tant que Miss, n'est pas palpitant… Bienvenue à Ploucland…

J'aurai aimé un peu plus de quelque chose pour avoir un coup de cœur ..Plus d'humour ? Plus d'action, de suspens ? Je ne sais pas .

je n'ai pas appris grand chose avec ce roman, tout ce qui est dit , je le savais déjà. C'est un portrait très "à charge" contre ce type de spectacle.

Mais Jean- Claude Lalumière est un auteur qui a des choses à dire. il ne se contente pas de raconter une histoire ; entre les lignes, on devine des pensées politiques, des combats, des indignations, des rencontres avec des "vrais gens". Aussi sa Miss , n'est pas une histoire destinée à faire rêver les petites filles.
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L'invention de l'Histoire

Sur les pas de la victime de l'arnaque du siècle



Sous couvert d'une enquête menée par son arrière-petit-fils qui entend savoir comment son aïeul a pu croire qu'il avait racheté la tour Eiffel, Jean-Claude Lalumière nous raconte la France d'aujourd'hui, celle où nombreux sont ceux qui se sentent aussi arnaqués.



Thomas a du temps devant lui, car après avoir travaillé en tant que rédacteur dans une agence de pub il se retrouve au chômage. Alors il essaie de s'occuper, range le garage et y déniche des tonnes de souvenirs. Puis décide de s'inscrire à la médiathèque où il ne tarde pas à se faire des amis. Lina, la belle bibliothécaire, n'hésite pas à lui apporter son aide, car l'enquête qu'il a décidé de mener la passionne. Il aimerait en savoir plus sur cette histoire que sa famille préfèrerait oublier, la vente de la tour Eiffel à son arrière-grand-père par un roi de l'arnaque. Françoise qui arrondit ses fins de mois en vendant des confitures aux clients et Mansour, dont il a également fait la connaissance à la médiathèque l'encourage à parler à son père, lui qui n'a pu parler au sien, ancien harki torturé par ceux de son propre camp et rescapé in extremis de cette sale guerre. "Ce jour-là, j'ai compris pourquoi Mansour s'intéressait à la littérature des années cinquante et soixante. Celle qui parle de la jeunesse de son père, de la sienne aussi. On revient toujours explorer les forêts noires de son enfance, y retrouver le petit garçon resté là, égaré, oublié sur Le chemin qui mène à l’âge d'homme. Mansour et moi avons cela en commun, ce désir de comprendre ce qui nous a construits."

Ajoutons-y Francky qui a bien envie de faire payer au directeur de supermarché son trafic illicite et imagine un moyen irréfutable pour lui extorquer les fonds qu'il détourne. Ce que Viktor Lustig avait réussi à faire en vendant la tour Eiffel.

Alors même si son père perd un peu la mémoire, Thomas décide-t-il de confier son fils Valentin à Carine, son épouse, et prend le train pour la maison de retraite de Marennes où réside son père. Peut-être réussira-t-il à en apprendre davantage sur cet homme, objet de recherches vaines jusque-là?

Avec beaucoup de sensibilité et d'humour, Jean-Claude Lalumière suit cet homme un peu maladroit et dépeint avec beaucoup de justesse cette France des oubliés. Sous couvert d'enquête historique, c'est bien une recherche personnelle que mène Thomas. Où en est-il de sa relation avec sa femme? Avec son père? Avec son fils? Et plus largement avec une société qui manifeste sur les ronds-points et qui rêve de jours meilleurs. Qui a le sentiment qu'elle aussi a été arnaquée.

C'est avec la politesse du désespoir qu'il nous fait partager sa quête et c'est avec grand plaisir qu'on le suit dans ses pérégrinations. Oui, la nostalgie est une petite musique mélancolique qui a encore de beaux jours devant elle.


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Le front russe

Que de bons moments de sourires et de rires grâce à ce petit ouvrage ! Histoire d'un jeune homme qui a décroché un concours de la fonction publique, au Ministère des Affaires étrangères en l'occurrence. Parfait : il a toujours rêvé de voyages, de contrées exotiques en feuilletant ses magazines Géo ! Il quitte le domicile parental du Limousin pour la capitale...



Amis qui étiez enfants dans les années 70-80, qui avez occupé votre premier emploi (de fonctionnaire) à Paris, prêts à en découdre, qui avez vécu dans un minuscule appartement, qui avez découvert avec effarement quelques "vieux" collègues indolents (euphémisme) et/ou étranges... vous allez probablement vous reconnaître, et vous régaler.



Un vrai plaisir, un excellent moment de détente en lisant ce court roman grinçant à l'humour subtil et aux observations fines - pas un énième alignement de poncifs sur les fonctionnaires.

J'avais beaucoup apprécié également 'La campagne de France', beaucoup de lecteurs ont déploré trop de similitudes entre les deux ouvrages. A part la drôlerie et quelques allusions cyniques aux touristes, j'ai trouvé 'Le Front russe' différent et l'ai découvert avec le même enthousiasme, bien que peu de temps après.
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Le front russe

« Je finis un beau jour par ne plus envisager que l’ailleurs, par en faire un but, mais les discours de mon père sur la prévalence du travail avaient fini par me pénétrer et je n’étais capable d’envisager mes départs qu’à l’aune de ses préconisations. Alors quand la possibilité de voyager a disparu de mon univers professionnel, je me suis retrouvé face à un vide immense. » (p. 16) Après une enfance solitaire et rêveuse, le narrateur ne souhaite que voyager. Réussir le concours d’entrée au ministère des Affaires étrangères lui semble le premier pas vers ses ambitions diplomatiques et géographiques. Hélas, « ayant à tort confondu le Quai d’Orsay avec un quai d’embarquement » (p. 20), le narrateur est relégué au bureau des pays de création/section Europe de l’Est et Sibérie. La faute à un attaché-case encombrant et mal placé qui lui vaut cette douloureuse relégation sur ce que le ministère des Affaires étrangères appelle le « front russe ». Triste affectation pour ce fonctionnaire ambitieux nourri au magazine Géo…



Je n’en dis pas plus et vous invite à découvrir cet excellent roman dont l’humour acide accompagne à merveille la chronique d’une ambition mouchée. Le narrateur, antihéros assumé, est un éternel dernier, un type lésé et un gaffeur récidiviste. Il est pourtant parfaitement lucide et pointe sans aménité les défauts d’une administration sclérosée et figée, totalement inapte à assurer ses missions de service public. Le roman de Jean-Claude Lalumière est cynique à juste dose et porté par une plume fine et un rien insolente. Un vrai plaisir !



Pour finir, je ne résiste pas au plaisir de vous présenter le fameux attaché-case : « Pour mon départ, ma mère m’offrit un attaché-case en cuir noir des plus rigides, agrémenté d’une armature métallique dorée et doté d’un système de fermeture sécurisé à code chiffré. Sans doute avait-elle entendu parler de la valise diplomatique, et elle me rappelait la mallette du représentant de commerce, celle dont mon père était équipé, un objet parfait pour bloquer la porte des clients récalcitrants ou se prémunir des attaques surprises de chiens méchants, et je me demandais si j’allais pouvoir raisonnablement utiliser cet accessoire. » (p. 21)

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La campagne de France

Régal d'humour ! A commencer par le titre à double sens, qui évoque une page de l'Histoire, mais désigne en l'occurrence notre France rurale et/ou pittoresque.



Alexandre, historien, et Otto, diplômé en lettres, ont renoncé à l'enseignement. Doux rêveurs, ils s'imaginent que le touriste français est avide de se cultiver, de découvrir le patrimoine, de marcher sur les traces des érudits du passé. Las, les clients ne demandent qu'à bien manger aux heures idoines, bien dormir, faire de fréquentes pauses pipi, et voir de l'artisanat local, du spectaculaire, du people. La commune dévastée de la Faute-sur-Mer, par exemple, mérite plus le détour qu'Oradour-sur-Glane, non !?

Pour leur dernière chance avant le dépôt de bilan, Alexandre et Otto vont se coltiner un groupe de retraités basques. Évidemment, rien ne se passera comme prévu, les deux organisateurs dépassés et découragés vont devoir rectifier le tir au gré des envies, des caprices de leur troupeau, et de quelques événements inattendus.



Franchement hilarant ! Excellent moment de détente avec tous ces personnages hauts en couleur. La critique du touriste 'franchouille' (ou autre nationalité) et de ses attentes est féroce, mais pas si outrée lorsqu'on y réfléchit (soyons honnête, on s'y retrouve), et finalement non dénuée de tendresse.



Je lorgne déjà sur les autres titres de l'auteur.
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L'invention de l'Histoire

Thomas a la quarantaine. Il est au chômage après avoir travaillé dans une agence de publicité. Pas mal dépité il n'est pas très actif mais se rend chaque semaine à la médiathèque où il retrouve ceux qui sont devenus ses amis et qu'il a rencontré sur place.



Le jour où son fils doit remplir son arbre généalogique pour l'école il lui parle de son arrière-grand-père et de l'arnaque dont il fut la victime au milieu des années 1920 : Victor Lustig lui avait vendu la Tour Eiffel qui allait être démontée, revenant trop chère à entretenir.



Deux faits authentiques, Victor Lustig était un arnaqueur patenté et la démolition de la Tour Eiffel était prévue dès sa construction !



Sa mère le lui avait raconté quand il avait aussi dressé son arbre généalogique, en lui disant de n'en parler jamais à son père au risque de le peiner ! Lors d'une visite au dit père, en maison de retraite, il aborde le sujet.



Rien de grandiose dans l'histoire et les événements mais écrit de manière captivante. Je me suis retrouvée tout aussi morose que Thomas, tout aussi révoltée que Francky et tout aussi arnaquée par la société moderne ! Chacun des sentiments ressentis par les personnages m'a touchée. le tout avec pas mal d'humour et de légèreté, de celle qu'on utilise quand on veut faire croire que notre vie est maitrisée et que tout va bien.



Un bon moment de lecture et je lirais avec plaisir d'autres livres de cet auteur.



#LInventiondelhistoire #NetGalleyFrance



Challenge Multi-Défis 2023

Lecture Thématique janvier 2023 : Entre 201 et 499 pages
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Reprise des activités de plein air

« Mickaël est entré dans le café, trempé jusqu'aux os. Il avait l'allure des bestioles mâchouillées, mulots, musaraignes et passereaux, que Robert dépose en offrande sur le paillasson de la maison. Il était si maigre que j'avais d'abord cru qu'il était de profil. »



L'île d'Oléron est le vrai personnage principal de ce roman, au point de m'avoir donné fortement envie de la découvrir ! Ses paysages marins, notamment, sont mis en valeur puisque les trois hommes qui vont nous occuper dans ce roman léger habitent dans le nord de l'île, près du phare de Chassiron, un endroit apparemment moins peuplé que les sites les plus touristiques.



Philippe est un homme âgé, qui vient de perdre sa femme Elisabeth. Christophe a été quitté par sa compagne, Valérie, non sans acrimonie. Il a environ 45 ans. Enfin Mickaël, que Philippe décide d'héberger sur un coup de tête, a 22 ans. Il est lui aussi esseulé car sa chérie, Tina, est partie pour Saint Pierre et Miquelon !



Ces trois hommes sans femmes, pour reprendre le titre du recueil de nouvelles de Haruki Murakami, habitent des maisons toutes proches, un peu vétustes. Ils vont se lier d'amitié. L'océan a repris une grande partie de leurs terrains et se rapproche dangereusement des maisons.



Autant le dire d'emblée, j'ai été plutôt déçu par ce roman de Jean-Claude Lalumière. Je l'ai trouvé à bien des égards seulement ébauché, si je le compare à « Le Front Russe » par exemple. Il ne manque pourtant pas de notations amusantes ou tendrement vachardes pour ses personnages. Mais son côté foutraque, pour moi, l'a emporté.



Je ne renonce pas pour autant à cet auteur que j'aime bien, malgré ce faux-pas. C'est si difficile d'amuser ses contemporains, surtout dans une période aussi difficile que celle que nous vivons depuis plus d'un an... Ce n'est qu'un au revoir, donc.
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La campagne de France

Vous rêvez de visiter la France autrement? Vous aimez les musées, l'architecture, les arts, les demeures d'écrivains? L'idée de parcourir le pays dans un bus écolo qui roule au colza vous séduit? Ne cherchez plus, le cultibus est fait pour vous! Au volant: Alexandre et Otto, deux jeunes amoureux des arts et de la culture qui ont quitté l'enseignement pour se lancer dans ce projet novateur et enthousiasmant.

Le problème, c'est que le cultibus ne trouve pas son public et le comptable est pessimiste. Il va falloir proposer des offres plus attractives s'ils ne veulent pas mettre la clé sous la porte. Décidés à ne pas trop s'éloigner du concept de base mais forcés par la conjoncture à mettre de l'eau dans leur vin, les deux amis trouvent une nouvelle idée : célébrer l'amitié franco-allemande lors d'un Ch'tis tour qui les mènera de la maison de Mauriac, en passant par le village martyr d'Oradour-sur-glane, pour finir en apothéose à Bergues, ville du Nord désormais célèbre grâce à Dany Boon. L'offre est à peine en ligne que déjà elle emporte l'adhésion de l'Amicale des retraités de Saint-Jean de Luz, une petite bande de douze retraités rodés aux voyages au long cours qui investissent le bus bien décidés à chambouler le programme trop élitiste des jeunes voyagistes.





Quand deux jeunes intellectuels, idéalistes, un brin rêveurs, et un peu déconnectés du monde réel se mêlent d'organiser un voyage en bus pour des retraités plus soucieux de voir les dégâts de la tempête Xinthia que de s'extasier sur un four à pain, même datant du début du XIXè siècle, le choc des cultures est plutôt frontal. La bande de l'Amicale des retraités de Saint-Jean de Luz en a vu d'autres! Les douze ont profité d'une retraite bien méritée pour parcourir le monde, se frotter aux voyagistes les plus expérimentés et ils ne vont certainement pas se laisser mener par deux freluquets tout juste sortis de l'université. Il va falloir composer avec les exigences de ces clients rompus aux voyages en groupe, les aléas de la route, les caprices de la mécanique, les fermetures intempestives des sites prévus au programme et même un barrage routier mis en place par des agriculteurs en colère.

Quand voyage rime avec fiasco, le lecteur jubile devant les travers des participants. Jean-Claude LALUMIERE n'épargne ni les gentils organisateurs obnubilés par la culture, ni les retraités préoccupés de remplir leurs estomacs à heure fixe. Chacun en prend pour son grade, mais sans méchanceté gratuite. De péripéties rocambolesques en moments plus graves, on passe un bon moment avec cette bande loufoque et réjouissante.

Une lecture qui donne le sourire.
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Le front russe

Séduite par le titre (ah, les titres ...), j'embarque cet étonnant Front russe qui bien sûr me détourne quelque temps, de manière profitable, de mes copies et de mes objectifs de lecture déraisonnables.



Le narrateur a rêvé toute son enfance sur les pages de son atlas et les motifs de la tapisserie marron des murs de sa chambre ; les pages de vieux numéros de Géo, mille fois tournées, constituent l'horizon de ses ambitions d'explorateurs, qui le conduisent à passer - et obtenir - le concours des Affaires étrangères.



"Affectation : bureau des pays en voie de création / section Europe de l'Est et Sibérie. Localisation : immeuble Austerlitz, 6e étage, bureau 623 - 8, avenue de France - Paris XIIIe". - Entre nous, on appelle cette section "le front russe", ajouta-t-il d'un air comblé. Ce sont les seuls bureaux délocalisés dans le XIIIe arrondissement. Personne ne veut y aller. Je ne comprends pas pourquoi d'ailleurs, le XIIIe c'est plus à l'est que le VIIe, ça rapproche de la Sibérie, c'est plus pratique."



Las, notre jeune fonctionnaire idéaliste va de désillusion en désillusion, en passant par des aventures toutes plus kafkaïennes ou rocambolesques les unes que les autres.





"Ce trait d'humour détendit un peu l'atmosphère, et tout le monde rit avec modération à la blague de notre chef. Rire avec modération à la blague du chef est un précepte à garder à l'esprit si l'on veut survivre en milieu administratif. Mais ce rire doit cependant être modéré si l'on ne veut pas passer pour un lèche-bottes auprès de ses collègues. C'est un dosage difficile, un équilibre malaisé lorsqu'on débute, mais bien vite on acquiert ces automatismes".



Entre chef du personnel haineux, supérieur azimuté, et échanges délirants avec le responsable de la société de nettoyage, la vie de bureau n'a désormais plus de secrets pour lui, et les lointains voyages s'éloignent de plus en plus, le roman tournant à la fable douce-amère.



"Le pot est au monde du travail ce que la boum était à notre adolescence : une occasion récurrente, régulière, rassurante, d'oublier la tristesse et la monotonie de l'année qui s'écoule avec lenteur jusqu'aux prochaines grandes vacances en y introduisant des moments de communion, d'entrain forcé autour de boissons et de nourritures incertaines."



Avec son ton caustique, drôle, mais tendre et ironique, et finalement décapant voire désabusé et pathétique ... c'est un chouette petit roman fluide et plaisant, un bon petit moment de lecture.
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L'invention de l'Histoire

De Jean-Claude Lalumière, j'ai aimé deux romans fantasques et jubilatoires : 'Le Front russe' et 'La Campagne de France'.

Le premier se moque de la fonction publique (désillusions d'un jeune fonctionnaire), le second du tourisme beauf. Je me suis retrouvée dans ces deux tableaux.



Ce dernier récit démarre très bien, sur fond de colère des Gilets jaunes, de chômage et de lose, mais il devient vite poussif, malgré le sympathique quator censé être au centre de l'intrigue.

On tourne en rond sur deux-cents pages autour de cette histoire de Tour Eiffel, ça n'avance pas. C'est bien dommage car JC Lalumière sait être très drôle, et a plein d'idées pertinentes (de gauche, donc 😉) sur notre société et ses laissés pour compte - démunis, chômeurs, personnes âgées...



A la lecture, j'ai pensé à des auteurs que j'apprécie généralement, tels que Florent Oiseau, Arnaud le Guilcher, Pierre Raufast.

Mais j'ai eu du mal à aller au bout de cette histoire, malgré sa brièveté.
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Comme un karatéka belge qui fait du cinéma

Originaire de Macau, un petit village du Médoc perdu entre les vignobles, le narrateur sait qu’il ne sera pas ouvrier, comme son père. Son avenir est ailleurs, loin du terroir, plus proche de la culture. Alors, à dix-huit ans, le jeune homme part pour Paris, dans l’intention de percer en tant que réalisateur. Mais très vite, ses maigres économies fondent comme neige au soleil et la nécessité de trouver un travail s’impose. A défaut du cinéma, il se retrouve embauché par Henry, dans une galerie d’art. Mais ce qui ne devait être qu’un travail alimentaire va sournoisement se muer en carrière pour le narrateur qui, s’il a tiré une croix sur ses rêves, côtoie néanmoins le gratin de la société bourgeoise et branchée parisienne.





Tout ne va donc pas si mal, jusqu’au jour où, alors que vingt années se sont écoulées depuis son arrivée à Paris, il reçoit une lettre de son frère Luc… Cinq lignes qui vont lui faire l’effet d’un tremblement de terre et le ramener brutalement à ses origines provinciales qu’il s’est pourtant efforcé de gommer, au point d’avoir coupé les ponts avec sa famille depuis sept ans. Commence alors une errance dans la nuit parisienne, propice à la réflexion et à la rêverie, au cours de laquelle il fera la connaissance de Jean-Claude Van Damme qui lui prodiguera l’un de ses discours métaphysiques dont lui seul a le secret. Des conseils qui ne laisseront pas insensible cet homme déraciné qui semble avoir perdu son chemin…





Quel plaisir de retrouver Jean-Claude Lalumière et sa plume pétillante dans ce nouveau roman ! Voilà un auteur que je suis avec intérêt depuis ses débuts et qui m’enchante et me surprend à chaque fois ! Il nous offre cette fois un regard impitoyable sur le monde de l’art avec ses artistes autistes qui s’efforcent de rester incompris, ses acquéreurs ignorants qui pensent que le talent du créateur se résume au prix fixé à son œuvre, son élite de pique-assiettes superficielle et ennuyeuse. Une vision contrastée du milieu culturel qui exerce à la fois une fascination et un dégoût chez le narrateur qui, parti de rien, côtoie à présent cette classe sociale supérieure à la sienne sans pour autant parvenir à s’en faire accepter…





C’est également l’occasion pour l’auteur d’aborder le sujet des différences culturelles entre villes et campagnes et le clivage social qu’il existe entre les deux. Un sujet que je trouve vraiment intéressant, parfaitement servi par la plume drôle et acerbe de Jean-Claude Lalumière ! On se régale à chaque instant de ses traits d’esprit et de son audace. Mais il n’y a pas que ça… J’ai été profondément émue et surprise par la fin de l’histoire, ce qui m’avait peut-être manqué dans les deux précédents romans de l’auteur. Sous des dehors légers, il soulève également la question de l’amour filial et de l’attachement à une terre. Que ressent-on quand on est déraciné ? Est-il possible de renier définitivement ses origines ? Le mal être du narrateur nous plonge directement au cœur de ces réflexions, placées sous le sceau de la culpabilité et du déni… Un roman aux multiples facettes, à la fois grave et léger, qui m’a complètement séduite !
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La campagne de France

Rien de tel qu'un looser rêveur pour se fourrer dans des situations hautement inconfortables. Et quand ils sont deux à s'être associés dans une même galère, il suffit alors de quelques bonnes reparties pour alimenter un filon comique fort réjouissant.



Otto et Alexandre, frais émoulus de l'enseignement supérieur et déjà certains après quelques expériences éprouvantes de ne pas être fait pour éduquer nos chers petits, décident proposer des voyages à thème, très orientés littérature et histoire. Si la demande n'est pas très forte, les choses se gâtent irrémédiablement lorsqu'il y a méprise sur l'intitulé ou si les prestations sont choisies faute de mieux au dernier moment. Et comme une bonne équipe de loosers accumule, selon la loi de Murphy un maximum de déboires, le voyage d'une bande de retraités tourne au cauchemar...



D'avanies en bévues, le groupe se retrouve en huis clos dans des circonstances que je ne révélerai pas, et dans ces conditions, les langues se délient et les caractères se dévoilent.





On retrouve ici l'humour grinçant de Lalumière, qui avait déjà réjoui les lecteurs du Front Russe. En filigrane se dessine une interrogation légitime de la définition de la culture, et de ce que notre époque léguera aux générations futures.



Sans méchanceté, l'auteur épingle aussi les travers des seniors, cibles des marchands de tout poil, avenir de notre société de consommation du fait de leur nombre et de leurs moyens financiers.



Un très agréable moment de lecture.
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Ce Mexicain qui venait du Japon et me parla..

Les titres à rallonge, c'est assez tendance de nos jours.

Benjamin trouve enfin une place stable.

Il doit donc quitter l'île d'Oléron, et sa mère, et partir à Paris.

Employé dans une grande firme dédiée au tourisme, il va être amené à beaucoup voyager pour décrocher des contrats.

Sauf qu'il a le mal de mer et une phobie des voyages en avion.



Un livre court, léger, sans prise de tête.

Sans beaucoup d'intérêt non plus.

Même s'il y a une bonne pointe d'humour, on se lasse vite des tourments de Benjamin.

D'ailleurs je n'ai pas vraiment compris quelle était ce genre de société de tourisme et quel était son rôle précis .

Heureusement, le texte est aéré, ça se lit vite.

Aussi vite que ça sera oublié.
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Reprise des activités de plein air

Si tu ne vas à Oléron, Oléron ira à toi.

Voilà qui tombe à pic pour moi qui n'ai jamais mis les pieds dans le golfe de Gascogne : grâce aux éditions du Rocher (merci !) et à la dernière opération masse critique de Babelio, c'est un peu du golfe de Gascogne qui est venu à moi !

Encore un petit miracle de la littérature, et un délicieux coup du sort puisque j'ai sélectionné ce roman complètement au hasard (parfois il m'en faut peu !), juste charmé par le titre, instinctivement séduit par la couverture et le nom de l'auteur. Jean-Claude Lalumière, ça ne s'invente pas.



Et de lumière, ce petit bouquin n'en manque pas. de fraîcheur, d'humour et de poésie non plus, d'ailleurs. Et tout ça entre le phare de Chassiron et la pointe de Gasteau, dans un décor qui s'y prête parfaitement, celui de l'île d'Oléron, petit bout de terre hors du temps.

C'est là que Christophe, 47 ans, vient d'hériter d'une petite maison où il se remet péniblement d'une séparation.

C'est là aussi que son voisin Philippe, 85 ans, veille sur sa chère épouse dont la santé vacille...

C'est là enfin que Mickaël, 22 ans, a choisi de prendre une année sabatique qu'il consacre à la rédaction d'une thèse sur le parcours des jeunes giscardiens après 1981 (celle-là aussi, fallait y penser hein ?) en attendant de pouvoir, un jour peut-être, déclarer sa flamme à l'élue de son coeur.



Trois hommes un peu en marge, loin des tumultes du continent, trois générations, trois regards tournés vers l'océan et trois histoires d'amour singulières, à des stades divers de leurs développements.

Entre eux, une belle amitié et une rafraichissante complicité. Quelques bourrasques aussi bien sûr, des coups de mou passagers, mais à l'image des vieilles maisons d'ici dont il "se dit que les charpentes sont construites avec les restes de navires échoués", on rebatit sur les échecs et on repart de plus belle. Entre hommes, on refait le monde parfois, autour d'une bonne table, ensemble on tire des plans sur la comète.

Dans ces quelques pages en revanche, pas d'intrigue au cordeau, mais des épisodes brefs, discontinus, pour esquisser doucement une atmosphère, dire en peu de mots l'histoire d'une vivifiante camaraderie.



"Reprise des activités de plein air" est donc une chouette trouvaille qui se lit (un peu trop) vite et bien, et qui s'apparente dans la forme à un curieux assemblage de récits à la première personne, d'échanges de mails, de dialogues façon "pièce de théâtre" et même de recettes de cuisine, de bulletins météo ou de coupures de presse.

Un petit livre léger, au propre comme au figuré, original et vivant, drôle et tendre à la fois, qui sent bon les embruns et qui m'aura permis de faire la connaissance d'un écrivain sympathique, amoureux de sa région et notamment des spécialités culinaires locales.



S'il est vrai, comme je l'ai lu en page 206, que "l'insularité aiguise l'imagination", il me tarde de visiter un jour "pour de vrai" cette belle île d'Oléron.
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Le front russe

Difficile de critiquer à chaud un livre qui remue autant. Jubilatoire, débordant d'humour, ce roman balotte son lecteur d'un éclat de rires à l'autre ; du rire dans tous ses états. En effet, l'auteur y manipule avec brio le gag ; le pastiche ; la satire ; l'absurde ; le non sens ; l'humour pince-sans-rire ; l'humoir noir ; jusqu'au rire cachant un profond désespoir. Toutes les causes de rire de la vie, des plus gaies aux plus tragiques se cotoient harmonieusement.



Ce roman a bien deux trois longueurs, mais elles ne durent jamais vraiment longtemps. Lalumière nous y décrit une administration d'état toute kafkaïenne qui illustre à la perfection la maxime qui dit que la bureaucratie grandit pour répondre aux besoins croissants de la bureaucratie grandissante. ce récit est de plus sans concession sur les rouages de l'état à l'action derrière les politicien, sur les gens en place des plus compétents aux plus incompétents, le portrait dressé tient à la fois d'un absurde digne des Monty Pythons et d'une réalité parfois trop proche de cette caricature.



Je pensais avoir fait le tour du roman en m'imaginant m'arrêter au corps de la critique ci-dessus quand la fin, inattendue, m'a retourné comme un crêpe et faisant d'emblée de ce roman un des meilleurs qui m'ait été donné de lire cette année.



A n'en pas douter, s'il confirme, monsieur Lalumière fera mentir son professeur de mathématique qui pensait qu'il n'en était pas une, de lumière, en devenant un auteur à suivre.



Le paysage littéraire hexagonal gagne là une belle plume.
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Le front russe

« Enfant, je pouvais passer des heures à regarder le papier peint des murs du séjour de la maison de mes parents. Recouverts d’un motif végétal rococo postmoderne, ils produisaient des monstres du meilleur effet sur mon esprit si facilement impressionnable ». Ensuite ce furent les milliers de paysages engrangés au fil des pages des magazines Géo et du vieil atlas, offerts par mon oncle, qui nourrirent mes rêves de voyages.

Je découvris alors qu’il existait bien des pays dont je n’avais ni lu, ni entendu le nom. Dès lors je voulus découvrir ce vaste monde.



Si bien qu’à l’issue de ma réussite au concours administratif en tant qu’agent du ministère aux Affaires étrangères, j’envisageais déjà de parcourir le monde…

Mais c’était sans compter sur l’attaché-case que ma mère m’avait offert avant de partir…. et qui au final, me valut d’atterrir, grâce à la « bienveillance du « dircab », au bureau des pays en voie de création/section Europe de l’Est et Sibérie…

Adieu veau, vache, cochon, couvée… et tous mes rêves d’expatriation…



Pourtant, malgré son parcours semé d’embûches, notre antihéros ne va pas se laisser démonter pour autant. C’est ainsi qu’il va tenter désespérément de redonner ses lettres de noblesse à ce service administratif oublié de tous, dans l’espoir inavoué de pouvoir un jour le quitter…



Jean-Claude Lalumière dans ce roman brosse à grands traits le portrait d’un « petit » fonctionnaire qui a travaillé avec des fonctionnaires/tuteurs qui se sont révélés des entraves. Certes le portrait est caricatural, mais il n’en rend pas moins le roman que plus drôle.

Au final, un bon moment de détente.

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L'invention de l'Histoire

Page 66, c'est-à-dire à un tiers du bouquin, je me suis dit : « ça peine à décoller ! ». C'est que la 4ème de couverture et le petit pitch dans la Masse Critique Babelio (que je remercie grandement ici, ainsi que les éditions du Rocher) me promettaient une enquête sur l'escroquerie du siècle, dans les années 1920 ; la vente à un ferrailleur naïf - aïeul du narrateur - de la Tour Eiffel ! … Et puis ce titre énigmatique « L'Invention de l'Histoire », dans mon esprit il y avait un H majuscule, en fait il n'y en a pas, il fallait juste lire « L'invention de l'histoire », et ce n'est pas pareil.

Ce roman est donc plutôt un prétexte à décrire les trente non-glorieuses, les années 1980, 1990, 2000, et jusqu'aux Gilets jaunes. Cette France des déclassés, de la précarité, du chômage et de la démerde. Quatre français.e.s issu.e.s de ces laissé.e.s pour compte, se retrouvent régulièrement à la médiathèque d'une banlieue quelconque pour évoquer leurs petits malheurs. C'est là que l'un d'eux, actuellement agent de sécurité dans un supermarché, sollicite les trois autres (dont notre narrateur) pour « braquer » le directeur du magasin, qu'il sait être un escroc. Tout comme l'histoire de la vente de la Tour Eiffel, cette histoire-là est aussi un prétexte.

L'écriture est assez jolie, le ton un peu désenchanté, mais la drôlerie n'y est pas absente. Il y a aussi une forme de poésie dans cette narration facile faite de flashbacks et de références à l'actualité sociale. Il y a surtout une grande humanité dans la description de ces personnages.

Comme je suis un peu têtu j'ai quand même vu dans ce récit une histoire de l'invention de l'Histoire. En effet, je pense que les générations nées à partir des années 1960, n'ont sans doute pas « connu » l'Histoire en dehors de celle vue par le prisme de la télévision, cette Histoire « au loin » (Guerres, révolutions sous d'autres cieux). Or il restera à chacun d'entre nous de vrais souvenirs de quelques épisodes des Gilets jaunes ... Est-ce cela notre Histoire ? Est-ce que la sociologie c'est de l'Histoire en devenir ?

D'abord un peu déçu, j'ai finalement bien apprécié cette lecture fine et qui pose des questions d'aujourd'hui. Allez, salut.

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Reprise des activités de plein air



Les îles inspirent les écrivains. Christophe Carlier a campé à deux reprises son récit sur une île.

Au tour de Jean-Claude Lalumière avec ce titre alléchant : Reprise des activités de plein air.

Un titre, synonyme de liberté, qui fait rêver quand on a vécu le confinement !



C’est sur l’île d’Oléron que Jean-Claude Lalumière campe son récit, évoquant son passé ( bombardements en avril 45, pas encore de pont), l’esprit insulaire et « la rumeur : un décret irrévocable ». Il déroule en alternance la vie de trois protagonistes voisins.



Par respect d’âge, citons d’abord Philippe, instituteur retraité de 85 ans, détenteur d’un lourd secret de famille. Un mari des plus attentionnés pour son épouse qui se remet d’un accident.

Christophe, 47 ans, qui a choisi de rester dans la modeste maison de pêcheurs de « Mémé Rillettes », lors de sa rupture avec Valérie. Avec l’aide de Mickael (22ans), étudiant qui a pris une année sabbatique et qu’il héberge, il a entrepris de retaper la bâtisse simple mais encore « robuste » en vue d’y aménager des chambres d’hôtes. L’écrivain a l’art d’aiguiser la curiosité du lecteur, car une des chambres est occupée par Brigitte, qui ne sort pas encore, ayant été malade. Mais qui est donc cette Brigitte, avec qui Christophe aimerait faire une promenade sur la plage pour se changer les idées ? Le lecteur devra attendre pour connaître sa réelle identité ! De même pour Robert !



Peu à peu, on découvre le passé « des vies minuscules » de ces trois protagonistes, soit par le personnage lui-même ou sous forme chorale, par un autre. On comprend pourquoi Philippe est venu s’installer au nord de l’île, à Chaucre, près de la maison d’Henriette, « Mémé Rillettes », dans ce coin de l’île encore sauvage : « un endroit fabuleux, avec vue sur le large » et une dune qui, au printemps, se couvre d’odorantes immortelles.



Christophe, qui recycle en phares miniatures le plastique collecté sur la plage, déplore comme Mickael la pollution des mers. « La plastification du monde est irréversible » selon eux.

On suit les travaux de rénovation de la maison de la grand-mère, l’entreprise titanesque de consolider, « remonter la dune », qui subit l’érosion et leur dernier projet de restaurant.

On repeint en vert pour se distinguer de l’île de Ré !



Mais où sont les femmes ?

Christophe et Mickael ont vu leur bien aimée s’éloigner.

Christophe vient d’être quitté par Valérie, qu’il a du mal à oublier.

La petite amie de Mickael, Tina, poursuit ses études à Saint-Pierre-et-Miquelon dans le cadre d’Erasmus.



Philippe, le plus âgé, est veuf. La récente disparition d’Elisabeth va resserrer les liens entre les trois solitaires qui vont s’épauler, s’entraider. Repas pris ensemble, recettes du cahier retrouvé testées, conversations autour de la littérature, et des femmes, prêts de livres. ( Flaubert, Faulkner, Gogol). Occasion pour l’auteur de souligner le rôle de la lecture, « une amitié » pour Proust, qui peut apporter une consolation et de faire la distinction avec la «  chick littérature », cette littérature sentimentale qui semblait être celle dont s’abreuvait Valérie, (l’ex de Christophe qui n’a pas de scrupules à sacrifier les livres qu’elle a laissés!). Geste un peu sacrilège pour les défenseurs du livre.



Dans cette intimité qui s’instaure entre les trois hommes, Philippe mis en confiance, va se libérer du poids du non-dit, et lâche la vérité concernant la grand-mère de Christophe. Les voilà en famille.



Et enfin le lecteur découvre ce qui justifie le titre du roman : les activités de plein air programmées, ce qui nécessite d’abord une initiation à la navigation par le loup de mer pendant une quinzaine ! Vont-ils vivre les mêmes aventures que celles des protagonistes de Jérôme K Jérôme ?

Ne dévoilons pas leur destination, mais le désir de « prendre un nouveau départ » les habite.

« L’île a eu des vertus réparatrices pour eux trois ». Le suspense clôt le roman.



Jean-Claude Lalumière aborde le thème du temps, de la précarité de l’existence, de la difficulté et la douleur de vider la maison d’un proche disparu, l’immense tristesse, désarroi de perdre une épouse. Il porte également un regard sur l’amour et le couple.

La complicité et la solidarité des 3 hommes, le silence parfois entre eux (« On reste sans rien dire pendant de longues minutes, profitant du calme. »), les femmes quasi absentes, rappellent les romans d’Hubert Mingarelli (1).



L’auteur épingle/brocarde cette amitié superficielle des réseaux sociaux et souligne la profondeur de celle qui s’est nouée entre les trois voisins. Scène touchante du trio attablé pour partager une boîte de pâté. Il se moque aussi de cette manie/addiction des touristes de prendre des selfies, et tout capter avec le smartphone. Il fustige ces estivants qui surconsomment, « l’homme moderne hyperactif à l’insatisfaction permanente ».

Alors que, lui, a choisi d’immortaliser l’île par écrit. Il insère même un article, compte rendu d’un conseil municipal envisageant de détruire les blockhaus, vestiges du mur d’Atlantique, jugés trop dangereux pour les estivants. Ce qui apporte une dimension historique (fortifications Vauban).

Une île qui connaît les tempêtes et les inondations. Une île où Christophe aime admirer « le ballet des pinasses » rentrant au port..



A travers les références artistiques, en particulier Manet, on devine l’auteur familier du Musée d’Orsay. Ici, l’Olympia, c’est le nom d’un bar.

On s’imagine l’enfant qui voyageait et s’instruisait à bord des atlas, passion déjà révélée dans Le front russe. On note aussi des références cinématographiques selon les générations (37°2 le matin, Harry Potter Mon oncle de Tati) et musicales (Madonna,Tom Waits, Patricia Kaas).



On retrouve avec délectation l’humour auquel nous avait habitué l’écrivain dans ses premiers romans dont La campagne de France. Plusieurs scènes cocasses dérideront le lecteur.



La construction du livre ressemble à des miscellanées où se côtoient : avis de décès, diary (2), articles de presse, dialogues, bulletins météo, recettes, notes de bas de pages, mails. Une série de chapitres courts qui se dévorent comme les desserts de « Mémé Rillettes » : Millas, galette à l’angélique et les jonchées dont le président Mitterrand était friand au point de s’en faire livrer jusqu’à Paris, apprend-t-on !



L’auteur signe un récit atypique qui met en lumière une amitié masculine intergénérationnelle,

dans lequel une vague de tendresse et de bienveillance vient happer le lecteur.

Un roman où le vent du large apporte embruns et bouffée d’oxygène. On respire !

.





(1) Hubert Mingarelli : ( 1956 – 2020) auteur de Quatre soldats, Un repas en hiver, L’homme qui avait soif.



(2) diary : journal intime.
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