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Citations de Jean-Louis Marteil (31)


Soudain angoissé, il se demanda ce qui l'empêchait de parler : un reste de pudeur, sans doute, ou d'orgueil, de ces sentiments que l'on dit venus du cœur mais qui empêchent en réalité le cœur de parler.
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- Qu'est ce qu'elle t'a dit ? demanda Abdon fasciné.
Le jeune homme, de plus en plus pâle,préféra baisser la tête plutôt de répondre.
Ce fut son compagnon le plus âgé qui , un regard aigu croché aux fesses de la fille, la voix brisée, le fit à sa place :
-Qu'elle était grosse, mais qu'elle ignorait de qui...
Jérôme, à son tour, la regarda et laissa tomber, sur le ton d'un connaisseur estimant le prix d'un cheval :
- Pardi ! Si tu t'affalais dans un roncier, mon pauvre frère, saurais-tu dire avec certitude quelle épine t'a piqué plutôt que telle autre ?
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Quinze jours plus tôt, son abbé l'avait convoqué.
Puis adoptant ce regard de fouine minée par un terrible mal d'estomac qu'il prenait toujours en de telles circonstances, celui-là lui avait dit, du miel collant plein la bouche :
"Frère Déodat, nul en cette abbaye ne doute de votre grande intelligence, ni de votre courage, ni de vos qualités pour vous sortir des situations les plus en apparence compromise..."
Déodat, lequel en effet ne s'était jamais soucié d'être bête, avait aussitôt flairé que de tels compliments ne sauraient être gratuits. Mais comment pouvait-il se comporter, sinon s'obliger à écouter jusqu'au bout et à dire oui à la fin ? "Nous... enfin, j'ai donc pensé", avait repris l'abbé, souriant à faire peur au saint patron des hypocrites lui-même, "que vous étiez celui qu'il nous... me fallait pour une mission de haute confiance ?" Un silence était tombé, exactement comme l'aurait fait une enclume dans une flaque de boue : il avait tout aspergé. Néanmoins, Déodat avait encore attendu. Il sentait bien, par expérience, que le pire venait tout doucement. Et là, il avait dû entendre, sans manifester d'impatience visible, une interminable tirade à propos d'une relique de saint, volée par les moines d'une abbaye du Rouergue, qui venait d'Hispanie, qui était fort efficace, généreuse, et enrichissait grandement l'abbaye en question, qu'ici on était fort pauvre, mais que c'était une honte d'agir de la sorte de nos jours, que les vols de relique ne se pratiquaient plus, Dieu nous en préserve, que cela pourtant ne serait pas tellement navrant si l'os dont on parlait pouvait être ici plutôt que là-bas...
L'abbé avait parlé vite, sans respirer.
Puis, essouflé, il avait tenté de mesurer sur le visage de frère Déodat l'effet de son discours. Alors, pragmatique, ce dernier avait tout simplement demandé d'une vois égale :
"En somme, vous voudriez que j'aille chez ces gens commettre cette honte à mon tour ?"
Surpris, l'abbé s'était un peu redressé sur son siège :
"Heu... oui ! En somme... c'est bien cela, mais...
-Et la translation*, dans ce sens-là, n'est point un péché ? C'est cela aussi ?"
Ce jour d'hui encore, les pieds dans la neige, Déodat se remémorait avec une joie féroce cet instant...
À l'évidence, l'abbé ne s'était pas préparé à une telle réaction. Il avait donc bizarrement répondu, tandis que son regard passait de celui de la fouine à celui de la poule apercevant un œuf pour la première fois :
"Dans... ce sens-là ?
- Je veux dire : de chez eux vers chez nous...
- Ah ! Eh bien... un tout petit... peut-être...
- Je n'aurai donc aucune diffilculté à en être absous ?
- Non ! Oh, non ! Je vous entendrai moi-même en confession dès votre retour !"
Frère Déodat, de toute manière, n'aurait pu refuser. Voici pourquoi il avait choisi l'attaque. Obliger son abbé à prendre un tel air ahuri s'était avéré en outre du meilleur effet sur son moral déjà chancelant, bien que cela n'eût point duré : les yeux de son supérieur avaient derechef varié, et sauté de ceux de la poule effarouchée à ceux du coq nain en préparation de bataille, dès qu'il avait été question d'emporter de l'argent pour le voyage, de l'argent que, soi-disant, l'on ne possédait pas... qu'il avait bien fallu trouver pourtant, puis donner, avec force gémissements et multiples recommandations.

* C'est par cette sorte d'euphémisme que l'on désignait au Moyen Âge les déplacements de reliques... les vols,donc.
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Ils n'avaient point à se parler: ils savaient tous deux qu'un jour prochain, sans doute, ils auraient à affronter un autre vent, venu également de cette direction...Mais ce vent-là serait de colère et de haine, il porterait l'acier et le feu, dévasterait tout sur son passage plus sûrement qu'une tempête et ferait planer des croix rouges couleur sang sur des terres de paix. Il leur sembla sentir déjà le souffle. Ils crurent en percevoir le sinistre grondement. Oui, un jour prochain, si rien ni personne ne savait l’empêcher, une vague redoutable descendrait la vallée du Rhône, chevalier du Nord bannières dressées comme un défi au soleil du Midi, suivis de l'armée de routiers, répugnant troupeau de chiens enragés, avides de carnages et de butin. Alors, pour lutter contre eux et contenir cette marée écœurante, il faudrait combattre et frapper sans quartier, frapper et encore frapper, sans répit, jusqu'à ce que la terre friable du Languedoc ait bu la dernière goutte de sang.
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Dans son coin, Alix tapait du pied : elle n'en pouvait plus d'attendre que l'on s'intéressât à elle. Vivement, elle partit en courant vers les écuries où elle se vengerait sur quelque garçon d'écurie. Ce faisant, elle se glissa entre Pierre-Roger de Cabaret et les Bons Chrétiens.
"Pardon", lança-t-elle, "un compte à solder !"
Surpris, les quatre hommes la regardèrent s'éloigner et Bernard de Simorre demanda d'un ton curieux : "Qu'est-ce que c'était ? Garce ou garçon ?
- Garce ", répliqua Raymond, gaiement... "Elle entend bien le montrer du reste."
La phrase s'adressait à Pierre-Roger, dont les traits se détendirent aussitôt. Le chevalier n'ignorait rien des frasques ni des sentiments d'Alix pour sa personne : la jouvencelle était à Cabaret comme chez elle, entrait partout, galopait à Quertinheux, en revenait, cherchait toujours à se montrer, se trouvant à chaque occasion sur le passage du seigneur.
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"Celui-ci, qui était complètement idiot, n'était nullement responsable que l'on eût inventé l'écriture et le calcul. (...) Le troisième n'eut point été trop laid si une lame, passant par là, ne lui avait emporté une oreille. Il faut dire, à la décharge de la lame, que ses oreilles étaient assez écartés du crâne pour y donner prise(...). Depuis on l'appelait La Feuille."
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« Dans l’armée de la croisade, nul, ou presque, ne douta que la main de Dieu venait de s’abattre sur la cité impie. » (p. 225)
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« Il fallait céder et s’humilier au risque de commettre des actes injustes, ou bien s’opposer à l’Église. » (p. 107)
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Corneille (vieille) : nom d’oiseau ambigu. Une grosse corneille est communément appelée corbeau. Une petite corneille pourrait être apparentée à un merle. Une vieille corneille est alors un vieux petit corbeau. Ce qui n’a pas de sens. Donc, “vieille corneille” pourrait au contraire être une marque de respect, due à l’apposition de l’adjectif “vieux/vieille” : n’est pas vieux con qui veut. Voir Racine qui s’y connaissait en Corneille. L’éditeur de ce Dictionnaire tient à décliner toute responsabilité quant au contenu de certaines définitions (voire de toutes).
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Le mort était plus mort que mort.
Bien que ce hardi concept dépassât de très loin les capacités d’entendement des soudards du guet, c’était bel et bien ce que donnait à comprendre l’étrange scène devant laquelle se trouvaient désormais réunis les sergents de l’évêque et leur chef.
Le capitaine retira son casque, se gratta la tignasse, et prit la mine absorbée d’un sanglier confronté à un problème d’astronomie. Mais il faut dire que ce capitaine-là n’avait jamais eu réputation d’être capable de résoudre quoi que ce soit. Lorsqu’il était jeune, quelques années en arrière, on le surnommait “Creux du cap” - ou “Tête creuse”, si l’on préfère... Toutefois, nul ne l’appelait plus ainsi. En fait, il avait gagné, l’an de grâce 1218, un nouveau surnom : alors qu’il était commis à la surveillance des troupeaux du seigneur évêque, il avait eu bêtement maille à partir avec un boeuf qui refusait de lâcher la vache implorante au cul de laquelle, quoique dûment castré, il s’était croché. Depuis, le capitaine du guet était surnommé “Mord-boeuf ”, car il avait convaincu - à sa manière personnelle - l’animal de lui obéir... Or donc, à cet instant, Mord-boeuf se grattait la tête et les cinq ou six sergents qui l’accompagnaient se demandaient s’il ne faudrait point convoquer séance tenante quelques curés, au cas où Satan se promènerait par là.
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« Cruche (pauvre) : tant va à l’eau qu’à la fin… on est soulagé qu’elle se casse de là. » (p. 8)
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« Cruche (pauvre) : tant va à l’eau qu’à la fin… on est soulagé qu’elle se casse de là. » (p. 8)
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« Charognard : nom d’oiseau… ou pas. » (p. 6)
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Avertissement de l’éditeur :

« Ce Dictionnaire indispensable est un petit cadeau destiné d’une part aux libraires et aux lecteurs familiers des romans historiques de Jean-Louis Marteil, d’autre part aux libraires et aux lecteurs non-familiers (mais forcément appelés à le devenir). Les premiers ne seront pas surpris par le ton décalé de ce dictionnaire et ils s’en amuseront sans doute beaucoup. Les seconds ne doivent pas s’inquiéter des mêmes causes, car elles produisent les mêmes effets : La chair de la Salamandre et L’assassinat du mort ne sont pas un catalogue d’insultes et de jurons médiévaux. Il s’agit bien de polars historiques très respectueux de la période évoquée, et ce Dictionnaire permet alors de deviner, voire de pressentir, l’esprit facétieux (pour le moins) qui a présidé à leur rédaction. » (p. 4)
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« Guillaume de Cardaillac se préparait, dans ses appartements, à s’en aller dire une messe en la cathédrale. Ce n’était point que cela l’amusât encore beaucoup, mais il était évêque, tout de même, et il fallait bien le montrer de temps en temps. »
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« Quant à ce maudit pont, […], je crains qu’il ne fasse un jour ou l’autre couler le sang, et avant même qu’en soit posée une pierre ! »
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« Il fallait qu’elle en sache plus, cette histoire idiote de mort assassiné défiait son intelligence, et par tous les saints, ce ne serait pas en vain ! »
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Elle était d'une laideur biblique, puisque la rumeur la prétendait capable, par sa seule apparition, de faire fuir les taupes, engeance pourtant réputée pour sa mauvaise vue ; elle semblait aussi idéalement stupide, et il se contait qu'elle n'avait pas qu'à parler pour donner aussitôt à son interlocuteur le sentiment qu'il se trouvait au milieu d'un troupeau d'oies trépanées ; il se disait aussi que d'un simple regard elle permettait au dernier des abrutis de se croire supérieurement intelligent... certes par comparaison.
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[...] ... Quand l'énorme échafaudage s'écroula au beau milieu de la rue de la Daurade, dans un orage de poussière et de bois brisé, nul en vérité n'apparut très étonné ... Pas même celui qui l'avait dressé et qui s'éclipsa discrètement ... De toute manière, cette construction devait plus au hasard qu'à la science et, dès le début, elle n'avait ressemblé à rien.

Le seul qui protesta à grand bruit, quoique brièvement, ce fut le tailleur de pierre qui se tenait au troisième étage de l'édifice branlant à l'instant où il se désarticula. Celui-là s'en serait tiré avec une ou deux jambes brisées, peut-être l'un ou l'autre bras, n'eussent été les lourdes planches qui formaient le quatrième niveau et qui, lui ayant laissé préséance dans l'ordre de la chute, arrivèrent au sol après lui ... Cette fois, le crâne ouvert en son milieu, l'homme cessa tout de bon ses insupportables cris de peur et soulagea de la sorte les oreilles sensibles des témoins exaspérés.

Mais aussitôt, un chien, aux yeux sombres de chien errant, vint près du tas de bois encore environné de poussière et s'enfonça en geignant dans le triste cercueil de planches où gisait son maître. Chacun dans la rue, et la foule se faisait nombreuse, s'en émerveilla : la bête aimait les hommes, elle montrait sa fidélité par-delà la mort. Des murmures admiratifs vibrèrent sur des lèvres à demi closes, celles de hommes, des larmes s'échappèrent de paupières à demi serrées, celles des femmes et des enfants. C'était pitié de voir ainsi souffrir ce pauvre animal au grand coeur de bon chien ... Tout se figea brusquement, et les sangs se glacèrent dans les veines, quand on vit le mâtin ressortir peu après de l'enchevêtrement informe, fier de lui, une poule aplatie et sanglante dans la gueule ! Les badauds pétrifiés se regardèrent. Nul n'avait remarqué cette galline imprudente qui errait sous l'échafaudage avant sa chute. Le chien, lui, l'avait bien vue, et il savait d'instinct qu'elle n'était plus en état de fuir. Indifférent aux murmures devenus désapprobateurs, il s'en fut, son butin de plumes et de sang coincé entre ses mâchoires, la queue dressée telle une bannière au souffle de la bataille. Il tourna à l'angle que formaient plus loin la rue de la Daurade et la rue Garrèle, puis il disparut. En matière d'oraison funèbre, ce fut à peu près tout. Le silence resta un instant maître des lieux. ... [...]
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« Mon ami ! Que vient-on de m'apprendre ? »

Domenc fit un incroyable bond de côté, au risque de disparaître dans les abysses menaçants de la cave, et là-bas, tout au fond, la torche réapparut d'un coup, droite telle une exclamation.

Interloqué, le commis se demanda si Bertrand n'avait pas réveillé un dragon infernal. En réalité, ce qui venait une nouvelle fois de lui hacher menu les oreilles était la petite phrase traditionnellement prononcée par Pèirone quand elle déboulait quelque part. Ce « mon ami » roulait comme une charge de cavalerie. Quant à la question qui suivait, c'était celle par laquelle la dame entendait affirmer son statut d'épouse soumise à qui on ne dit jamais rien. Sauf qu'elle savait toujours, avant tout le monde et sur tout le monde, elle savait les secrets intimes du dernier des consuls et, les soirs de grande colère, elle prétendait en savoir assez pour faire pendre l'Évêque et tout le Chapitre. Enfin, si elle ignorait quelque chose, elle l'inventait, et cela faisait même usage.

Remis de son émotion, Domenc se rapprocha de dame Pèironne...

« Ma dame », dit-il sur un ton d'inquiétude un peu forcé, « vous allez prendre froid !

- Et pourquoi donc, mon ami ? » répondit la femme...

« Je ne suis point comme vous, les hommes, qui geignez au moindre coup d'épée, et je ne prends froid que si je le décide ! »
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