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Critiques de Jean-Luc Fromental (356)
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De l'autre côté de la frontière

« Ligne noire »



Cette expression , trouvée par Régis Hautière pour qualifier le style de Berthet « qui traite de récits sombres dans un ligne claire » est devenue le nom de la collection dédiée à Philippe Berthet chez Dargaud. Celle-ci fonctionne à contrecourant de ce qui se faisait traditionnellement dans les séries concepts – dans « Le décalogue » de Giroud par exemple - où un scénariste officiait avec différents dessinateurs ; ici un dessinateur unique, Berthet, est servi par les plus grands du moment mettant en scène des polars dans des lieux différents . Après, Hautière et Cuba dans « Perico », Zidrou et l’Australie pour « le crime qui est le tien », Runberg et la Norvège dans « Motorcity » et enfin Raule et Barcelone pour « l’art de mourir », Fromental se consacre à l’évocation de la ville frontière de Nogales située entre le sud-ouest des USA (Arizona) et le Nord du Mexique (Sonora et basse Californie). « De l’autre côté de la frontière » avait sa place logique dans cette collection même si l’éditeur a préféré en faire un one shot indépendant.



L’ambiance est donnée dès la couverture : décor aride hérissé de « saguaros » ( les hauts cactus en forme de chandeliers), au moment où une femme qu’on identifie par sa posture et sa tenue comme une prostituée discute ses tarifs avec son potentiel client qui demeure invisible derrière la vitre fumée dans la pénombre. La voiture devient l’incarnation du mal : en légère contre-plongée elle apparaît menaçante et monstrueuse et ses phares se transforment en yeux globuleux. Les couleurs reprennent les codes du genre : le jaune et le noir comme sur la couverture de « Perico », l’œuvre inaugurale qui rendait hommage à la série noire, mais aussi le rouge (de la violence et du sang) et le bleu-gris (couleur des voitures de police et évocateur de mystères). D’emblée, les thèmes sont posés.



Ce récit est plutôt sobre dans sa forme : il est court (62pages), concis et percutant à la manière des romans « à l’os » de Simenon. Fromental a travaillé pour le cinéma et il a donc l’habitude de l’ellipse et évite les scènes inutiles. La trame est efficace : des indices sont donnés au lecteur pour qu’on sache d’emblée que le suspect est un faux coupable. Comme dans les enquêtes du commissaire Maigret, on a un coup de théâtre final : le coupable était insoupçonnable et l’explication du mobile des crimes permet de réorchestrer tous les thèmes abordés : le stupre, la violence, l’inégalité sociale.



Ce classicisme se retrouve aussi dans le dessin : les cadrages sont travaillés mais sans esbroufe et le gaufrier demeure plutôt sage. On remarque un gros travail sur la répartition des noirs et des ombres portées qui créent une atmosphère soulignée par les couleurs parfois violentes dans les scènes de meurtre : les dessins des sévices subis par les femmes sont crus et parfois insoutenables lorsque les viscères sont par exemple exhibés. La colorisation joue sinon de la nostalgie pour les années 1940 en donnant un côté rétro avec des couleurs pastel. Comme dans les films noirs hollywoodiens , on trouve notre lot de femmes fatales : Berthet magnifie les femmes comme le rappelle son récent artbook intitulé sobrement « Ladies ». Il dessine également de superbes voitures et des décors grandioses : la ville de nuit, le désert et la ghost town. La mythologie du polar en rencontre alors une autre : celle du western. Berthet conjugue, dans ce one-shot, son amour des années 1950 avec celui du western et l’on se souviendra qu’il a dessiné « Chiens de prairie ». De tels décors inspireront d’autres artistes et l’on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec le film d’Orson Welles « la soif du mal» qui s’intéresse sous forme d’enquête aux trafics divers dans une ville frontière mais aussi à la frontière entre le bien et le mal chez l’homme et révèle des personnages « gris » situés entre les deux. On a alors affaire à un album qui ne se résume pas à des meurtres de prostituées et à l’identification d’un tueur en série mais prend cette intrigue comme un simple prétexte et devient l’équivalent de ce que Simenon appelait « un roman dur » .



Un « roman dur »



Dans ses « romans durs », l'écrivain s'affranchissait du fameux commissaire Maigret et des codes du polar pour mieux renouer avec sa grande obsession : la peinture de l'homme nu et seul au monde. Il y dépeignait des héros au cœur noir, plongeait dans les ombres de l'âme humaine et appliquait sa devise d'écrivain : « Comprendre mais pas juger ».



Le héros François Combes n’est ni sans peur ni sans reproches et Jed Peterson, l’accusé à tort, loin d’être innocent : tous deux sont des prédateurs. Ils n’hésitent nullement à consommer de la chair fraîche et à satisfaire leurs désirs y compris en blessant leurs proches (les femmes de Combe, Opale) . Pourtant, malgré tout, ils gardent une forme de sens moral : l’écrivain porte secours à son ami tandis que Jed veut racheter les fautes de son père. C’est d’ailleurs ce qui leur vaudra bien des ennuis.



Comme certaines des œuvres de Simenon qui ont cette prestigieuse étiquette – « Les rescapés du Télémaque » par exemple - , cet album s'inscrit dans le cadre traditionnel d'une enquête menée par un homme qui n’est pas du tout policier. Dans le roman de Simenon, c’était le frère jumeau du suspect, simple employé de chemin de fer qui menait son enquête et démasquait le vrai coupable. Ici c’est un écrivain qui s’improvise enquêteur et entraîne même avec lui une jeune femme qui fait partie des « invisibles » : la jeune bonne mexicaine.



La frontière est en effet moins géographique que sociale. Elle sépare distinctement une population blanche aisée et décadente qui s’était aménagé une retraite dorée afin de pouvoir se livrer dans l’impunité à tous les excès d’une population mexicaine miséreuse, au service des premiers ou vivant d’expédients, de trafics et de la prostitution. On a une coexistence de deux mondes dans un rapport quasi colonial. Estrellita, qui vient du côté mexicain mais travaille chez François, fait le lien entre les deux.



Cela permet à Fromental, comme chez Simenon, de creuser sa veine réaliste du monde des petites gens. Dans les « rescapés du Télémaque », l’écrivain évoquait les conditions de vie des marins et du petit peuple de Fécamp ; ici le scénariste met en scène, par-delà l’histoire d’un « Jack l’éventreur » mexicain et de l’enquête, de riches débauchés et des femmes misérables. Il s’intéresse d’un côté aux proies, de l’autre aux prédateurs et dépeint un monde où la spoliation est généralisée et où règne l’abus de pouvoir masculin qui a laissé pour compte de nombreuses victimes depuis des décennies tant dans la population mexicaine servile que chez les propriétaires victimes de la spéculation et de la récession. Ainsi l’album revêt un côté documentaire, voire social, et acquiert des résonnances particulières sur la place de la femme dans le climat actuel.



D’ailleurs on notera que c’est à la jeune bonne mexicaine qu’incombe la narration. comme dans le précédent opus de Fromental « le coup de Prague »où c’était Elisabeth Montaigu qui contait l’histoire de Graham Greene et la genèse du troisième homme. La femme n’a donc plus un simple rôle de faire-valoir mais guide aussi bien le héros que le lecteur : elle nous permet de comprendre l’univers de Nogales, mais aussi celui de François Combes . Là aussi on se retrouve « de l’autre côté de la frontière » : dans les coulisses de la création et de la vie d’un célèbre écrivain.



Le roman de l’écrivain



Estrellita sert de « double » à Fromental car on peut retrouver dans cet album une sorte de biographie fictionnelle et fantasmée de la part d’un scénariste talentueux qui connaît son Simenon sur le bout des doigts.



En 1945, Simenon fuit l’épuration : il est accusé de collaboration avec l’ennemi car il a travaillé pour la firme allemande Continental qui a adapté certains de ses romans au cinéma; il veut aussi conquérir le marché américain alors, après un passage au Canada, il part pour Hollywood dans l’espoir d’y adapter ses œuvres et s’installe dans le Connecticut puis découvre New-york, la Floride, l’Arizona et la Californie. Le héros porte ses traits, il est un peu empâté et ridé, d’ailleurs Berthet explique qu’il n’était pas forcément à l’aise pour ne pas dessiner un bel homme semblable à ses héros habituels (tel Philippe Martin dans « L’art de mourir » par exemple). Au début de son séjour américain, Simenon était accompagné de sa femme Tigy et de son fils Marc alors âgé d’une dizaine d’années, de sa maîtresse et secrétaire la jeune Denyse Ouimet et de sa gouvernante Boule (qui est elle aussi était sa maitresse également ! ). On retrouve dans l’album, ce côté polygame chez le héros et l’atmosphère irrespirable de rivalité qui régnait dans ce gynécée. On a même un clin d’œil au nom de la maison qu’occupait la maîtresse de Simenon dans la vraie vie (Stud barn) dans le nom choisi par Fromental pour le ranch de Combe : Stallion farm (la ferme de l’étalon). Combe partage la même appétence pour la gent féminine et en particulier pour les prostituées que son illustre modèle qui se vantait d’avoir eu 10000 femmes dont 8000 professionnelles ; Fromental explique d’ailleurs, dans le dossier final, qu’il a créé la scène d’ouverture, à partir d’une photo qui l’a marqué : on y voyait « sa voiture arrêtée devant un bordel à la frontière mexicaine [avec] à son bord, Denyse, sa secrétaire et maîtresse qui l’attend ».



Il émaille, de plus, cette biographie à clefs de références à l’œuvre de Simenon. Ainsi , le nom de deux des protagonistes : François Combe et Kay vient de « Trois chambres à Manhattan » qui racontait la rencontre entre Simenon et sa secrétaire. Certaines descriptions que l’on trouve dans la bande dessinée (notamment la chevauchée en compagnie du fils et la découverte du village fantôme) reprennent l’unique western de Simenon « la jument perdue » tandis que l’alcool qui coule à flot dans santa « booze » valley chez les ranchers quand le crues de la rivière les isolent et les adultères pour tromper l’ennui viennent directement du roman « Le Fond de de la bouteille ».



Enfin, à l’épilogue, le roman qu’envoie François à Estrellita est finalement l’album qu’on vient de lire : l’écrivain et sa charmante acolyte y deviennent donc personnages ! On pourrait voir dans cette mise en abyme un ultime hommage à Simenon qui fera de même dans « mémoires de Maigret » où, imaginant une rencontre entre le commissaire et le romancier, il se mettra en scène avec son héros fétiche et les fera disserter, se contredire et dialoguer sous cet angle double : la réflexion sur la vocation de policier - et sur celle d'écrivain dans un savoureux jeu de miroirs.





Ce sont ces deux dernières dimensions sociales et littéraires qui font toute l’originalité de ce magnifique album. On aurait même aimé que la pagination soit plus importante pour développer davantage la psychologie des personnages. On appréciera enfin particulièrement les éclairages qui sont donnés sur le côté anthropologique et biographique grâce à la postface et au dossier iconographique final qui retrace l’histoire de la Santa Cruz Valley et l’itinéraire américain de Simenon.
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L'ours contre la montre

Un album grand format pour nous raconter l'histoire d'un ours qui a quelques soucis avec le respect de l'heure. Mais c'est normal, quand on ne sait pas la lire !



Des illustrations avec quelques touches de couleurs et une belle impression de mouvement (il en faut lorsque l'on court après le temps). Les premières pages sont très sympa puisque nous découvrons les nombreux soucis rencontrés par l'ours et sa course contre la montre.



J'ai beaucoup moins aimé la partie explication pour la lecture de l'heure à partir d'une pizza ! J'ai trouvé cette partie très confuse, et je n'ai même pas eu la patience de la lire. Cela vient peut être de mon expérience personnelle. J'ai toujours eu des soucis pour lire l'heure sur un cadran classique... :(



Ensuite, on reprend le format classique du début de l'histoire, et on découvre un autre aspect : la gestion du temps. Avoir du temps c'est bien, mais comment le remplir ?



Une lecture mitigée pour moi, mais qui peut plaire à d'autres et heureusement :)
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Le coup de Prague

Pour faire simple, je n'ai rien compris pendant la lecture de la BD. C'est seulement après avoir les quelques pages de documentations à la fin que j'ai un peu mieux cerné l'histoire.... mais juste un peu.

C'est encore un dessin où je confond les personnages, et en plus je n'ai pas réussi à retenir leurs noms, ni déterminer les origines ou missions de chacun.

Cette lecture fut donc un peu longue.
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Le coup de Prague

Pour qui a vu "le troisième homme", cet album est indispensable, il apporte un complément extraordinaire à un film déjà marquant.

A lire absolument, les dessins sont exceptionnels. Un bijou de BD. Mais celui qui n'ont pas vu le film, auront alors la chance de découvrir à la fois un film marquant et un album du même niveau.
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365 Pingouins

MAGNIFIQUE !!! Un album à offrir à tout âge …



J'ai découvert ce livre il y a peu ... alors qu'il est sorti depuis plusieurs années et qu'il a déjà obtenu de nombreux prix de littérature jeunesse , et c'est un vrai coup de coeur familial !

Une histoire attachante, un graphisme en quadrichromie épatant ... et l'occasion d'aborder plein de thèmes avec les enfants : les chiffres, les jours de la semaine, la famille, les voyages, le réchauffement climatique, etc ...

Bref, un album qui nous a tous fait "fondre" de bonheur !
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Loulou : L'incroyable secret

Quand les choses sont floues, c'est qu'il y a un loup.

Cela n'a rien à voir avec les lunettes d'une vieille Grande -Tante éloignée, non .

Ceci est le signe du destin.

Sous cette bouille de loulou qui ne mange pas de lapins se cache un personnage à la grande histoire.

Bien évidement, me diriez-vous !

Loulou, Loulou à l'école des loups, Loulou plus fort que le loup !

Vous n'y êtes pas du tout.

Tendez vos oreilles,rondes, longues, grandes ou velues!

Sous ce loulou là se cache un incroyable secret. Un loup masque forcément un mystère, me diriez-vous de nouveau. Un loup se cache toujours.

Sous les plumes d'un noir corbeau, une voyante lui a révélé ses racines royales de Loncros.

« Dans cette ville bizarre, il y a une très belle dame...Cette dame t'attend... ! »

Et oui ! Loulou est Loudovic, héritier perdu de la Princesse Olympe de Wolfenberg.

Les histoires adorent les héritiers cachés, les usurpateurs de trône beaucoup moins.

Un Loudovic végétarien et prince des loups ?

A l'impossible, nul n'est tenu. Et a propos de tenue, Loulou Loudovic doit se préparer pour cette nouvelle aventure. Cela ne manquera pas de mordants. De loups, quoi !





« Inséparables depuis leur tendre enfance », Loulou et Tom le lapin ont bien grandi et sont de retour.

Cette bande-dessinée, adaptée du nouveau long-métrage de Grégoire Solotareff et Jean-Luc Fromental nous conte l' « incroyable secret ».

Loulou, toujours aussi gentiment tendre et naïf- on ne se refait pas- court à perdre haleine vers les grandes forêts de Wolfenberg à l'annonce de cette maman tombée du ciel. Depuis quelques albums, les jeunes lecteurs ont le plaisir de suivre le parcours initiatique de ce petit loup qui fit le choix du cœur à celui de l'estomac. Rien n'est définitivement écrit si ce n'est trois beaux albums liant Loulou et Tom le lapin d'une amitié indéfectible qui sera pour le plaisir d'une bonne aventure de nouveau mise à l'épreuve.

Oui, Tom, bien que petit mais fidèle et brave, ne lâche pas son ami d'une semelle car l'aventure pourrait se révéler plus dangereuse qu'il n'y paraît.

A deux pattes de lapins de finir comme civet royal ou proie galopante de la grande chasse du Festival de Carne, les deux ne se laisseront pas perturber par cette situation qui rappelle à Loulou sa vraie nature.

C'est un vrai conte de fée pour un loup, situation peu banale.

Dans les histoires, tout peu arriver, même un loup ami avec un lapin, c'est pas rien.

Scarlet la renarde est une parfaite Milady d'Alexandre Dumas, séductrice et intrigante. Les décors et l'intrigue sont plus étoffés, remplaçant les habituels fonds lumineux de jaune et de rouge. Mais l'esprit des personnages est respecté, les amateurs de Loulou ne seront pas abusés et vont bien s'amuser.
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Simenon : La neige était sale (BD)

Alien.

Au bar-restaurant Timo, les gouapes s'épatent, entre bastringue et alcools forts, femmes dénudées et affaires louches. C'est là que fermente Frank Friedmaier, voyou de 18 ans désœuvré, prompt à s'adonner au crime pour secouer son ennui de vivre. Fred Kromer, molle gouape de bas étage, fanfaronne à propos de meurtres qu'il commet avec désinvolture. Frank lui emprunte son couteau et décide de planter un sergent de l'armée d'occupation, visqueux vicelard qui fréquente le rade de Timo et tripote sans vergogne la gueuse alanguie. Par son acte criminel, Frank s'est "dépucelé" selon son expression mais la spirale mortifère est enclenchée. Un vol de montres de collection et l'élimination d'un témoin gênant, la défloration de sa fiancée Sissy Holst par Fred Kromer aspirerait inexorablement le jeune homme dans la bassesse et le sordide si la police ne venait le cueillir pour l'interroger brutalement. Son chemin de croix peut alors commencer.

L'œuvre littéraire de Georges Simenon (1903-1989) a été prolongée et vivifiée par de multiples adaptations télévisuelles et cinématographiques. Elle perdure dans l'imaginaire collectif avec notamment son indéboulonnable commissaire Maigret interprété par vingt-six acteurs différents depuis Pierre Renoir avec "La nuit du carrefour" (1932) jusqu'à Gérard Depardieu dans "Maigret" (2022). Les romans noirs de l'auteur belge possèdent eux aussi une indéniable force visuelle et une ambiance atemporelle. Intitulé initialement "Monsieur Holst", (1948), le roman est adapté au théâtre par Simenon et Frédéric Dard sous le titre "La neige était sale" (1950) et se décline aujourd'hui en une bande dessinée réussie. Jean-Luc Fromental a repris tous les moments-clés de l'œuvre littéraire pour les transposer avec brio en bédé. Sur ce scénario solide, Yslaire a composé une œuvre graphique puissante, aux partis pris pertinents comme la mise en couleur lumineuse à dominante grise, en phase avec le propos et la symbolique du récit. Auteur lui aussi fasciné par "Les fleurs du mal" qu'il a magnifiquement illustrées et surtout à travers son chef-d'œuvre "Mademoiselle Baudelaire" (2021), il ne pouvait que rehausser splendidement les turpitudes de Frank Friedmaier et avec la boue en faire de l'or.
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Simenon : La neige était sale (BD)

Pourquoi un chat grimpé dans un arbre y monte-t-il de plus en plus haut alors même qu'on s'efforce de l'en faire descendre ?

Après l'occupation qu'il a fuie et qui l'a aussi, un peu, nourri, lui achetant quelques manuscrits, Simenon livre son roman dur sans doute le plus dur. Son empathie clinique pour son personnage principal, Franck, le fils d'une patronne de maison close, nous plonge dans un mélange de semi-conscience et de demi-rêve éveillé. L'occupation est une tragédie qui ouvre la porte à tous les courages comme à toutes les lâchetés.

Le tandem attelé à l'adaptation en bd de ce roman quasi-existenciel mène cette aventure cruelle et ce destin ouateux de mains de maître. Le récitatif à la 2ème personne du singulier nous interpelle, nous presse et nous conduit jusqu'à l'indicible. Chaque personnage de chair et de sang impose sa propre vie, au rôle et au destin particulier. Le découpage parfait nous dit la logique implacable d'une descente aux enfers aux faux airs de glorieuse ascension. Les dialogues sortent comme chez Simenon du quotidien le plus terre-à-terre. Et le dessin, que dire du dessin d'Yslaire ? C'est une perfection pour montrer tout à la fois la misère de l'occupation - ah, les décors ! - la détresse des corps, l'absurdité d'une vie privée d'espoir comme de raison, et l'illusion de la révolte. Une bd grise oui, mais un petit bijou.

Chocolat, cigarettes... : les cartons que sa mère livre à Franck en prison sont remplis de ces choses dont on rêve en temps de guerre. Mais ils ne font pas une conscience. Cet album inclassable y travaille lui. Un album dur oui, mais un petit chef d'œuvre.
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Simenon : La neige était sale (BD)

📚Âgé de tout juste 18 ans, Frank Friedmaier est une petite crapule.Fils de Lotte, la tenancière du bordel local, le jeune garçon profite des pensionnaires du lieu comme bon lui semble. De son côté, Sissy, sa jeune voisine, ne tarde pas à tomber sous le charme du ténébreux garçon. Mais Frank se lasse très vite. Après avoir commis son premier meurtre, il descend dans l'ignominie la plus impardonnable.



🖊La neige était sale de Jean-Luc Fromental et Yslaire explore avec froideur la descente crasse d'un jeune garçon vers l'immoralité. Sous une occupation fictive, Frank montre le visage d'une adolescence répugnante que rien ne semble arrêter. Il est , d'une certaine façon, le symbole d'une socièté en pleine décadence, égoïste et particulièrement brutale. Malgré tout, Jean-Luc Fromental , en adaptant ce roman de Georges Simenon démontre qu'il y a une limite à l'ignominie. Yslaire illustre cette histoire avec un talent certain. Ses ambiances magnifiquement posées servent de décor à des personnages tous plus détestables les uns que les autres. Ainsi, le trait fait ressortir toute cette noirceur tout en laissant un brin de luminosité à l'image de la naïve Sissy.



🧔 chronique complète :
Lien : https://www.mtebc.fr/la-neig..
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Blake & Mortimer, tome 29 : Huit heures à Ber..

En juin 1963 un homme va élever la voix pour briser les frontières et étendre, à sa manière, le soft-power US à l'est d'un certain mur... Nous n'en dirons pas plus sur l'intrigue ficelée par les deux auteurs, Bocquet et Fromental, passés maîtres dans l'art de faire comme Jacobs, dans le fond et dans la forme des légendes à la précision... légendaire - l'heure du jour, la température, le n° de la rue... - aux chutes visuelles quasi-gagesques - cf. la dernière case de la planche n° 42 -, du rythme des récitatifs aux phylactères les plus terre-à-terre dans les situations les plus... noires. Le noir et blanc justement permet de goûter dans cette version le trait parfait d'Antoine Aubin. Tous les personnages, des plus connus dans la série ou dans la vraie vie - outre un président des Etats-Unis on croise aussi un cinéaste maître du suspense - sont vivants et, on ne peut plus ressemblants, la moindre des choses pour cette histoire ! Aucune impression de calque, pas d'odeur de musée ou de naphtaline comme des images sorties du formol. Tout fonctionne et on y prend grand plaisir.
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Blake & Mortimer, tome 29 : Huit heures à Ber..

Berlin, printemps 1963. Un espion franchit le mur de Berlin pour passer à l'Ouest et s'écroule, abattu par les tirs de la police de Berlin Est, en prononçant ce dernier mot mystérieux : Doppelgänger...



Je n'ai guère été emballée par ce dernier opus. Si la période historique de la Guerre Froide est vraiment bien choisie, l'intrigue est très orientée espionnage et m'a un peu déçue sur sa dimension "scientifique": j'ai eu l'impression que les auteurs ne se renouvelaient guère avec cette énième tentative d'Olrik pour contrôler l'esprit de ses pions. J'avais de loin préféré Le dernier espadon.



Challenge multi-défis 2023
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Loulou : L'incroyable secret

Jean-Luc Fromental et Grégoire Solotareff, deux noms qui sont pour moi, un gage de qualité, alors ça me peine un peu de devoir reconnaître que cette bande dessinée est une déception. Grégoire Solotareff est plus habitué à l'album jeunesse, avec une illustration par page. Si son dessin est toujours aussi coloré, vivant, le format en cases successives ne lui réussit pas, le cadre blanc mange l’illustration, l’enfonce sur elle-même, elle devient difficile à déchiffrer, on dirait une bande dessinée tirée d’un dessin animé. Le scénario ne m’a pas convaincu non plus, un récit de prince déchu dans un univers médiéval animalier, juste sympathique mais pas vraiment original, Jean-Luc Fromental m’a habitué à plus de fantaisie, de pétillance. C’est un peu comme les super groupes dans le rock, on met les meilleurs noms ensemble et ça fait un résultat soigné et convenu, sans la moindre originalité.
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Une romance anglaise

L’affaire Profumo, ça te dit quelque chose ? 1963, un scandale politique éclate au Royaume-Uni. Le ministre de la guerre, John Profumo est accusé d’avoir une liaison avec Christine Keeler, elle-même ayant eu une liaison avec Evgueni Ivanov, attaché soviétique. Au cœur d’une guerre froide exacerbée, il est question de divulgation de secrets d’état.



Après « Le coup de Prague », le duo Hyman-Fromental se reforme pour nous raconter ce scandale retentissant en prenant le point de vue du protagoniste central de l’affaire : Stephen Ward, ostéopathe de son état, pourvoyeur de jeunes femmes et pygmalion de Christine Keeler.



Le récit est complexe, les personnages nombreux et il faut un peu de temps pour comprendre et saisir l’étau qui se referme peu à peu sur Ward, bouc-émissaire idéal, écran de fumée parfait. En cela, le récit de Fromental est impressionnant car il met en place la machination lentement et met le lecteur en situation de ressentir cet étau.



Le dessin de Miles Hyman me plait toujours autant. J’y vois un charme vintage un peu désuet et même si j’ai eu parfois du mal à reconnaître certains personnages, surtout au début, j’aime cette ambiance et ces couleurs…



Pas facile de rendre intéressante une affaire que tout le monde a oublié. Le duo Hyman-Fromental y parvient avec élégance et talent, encore un album remarquable chez Aire Libre.

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Le système de l'homme mort



Un polar ferroviaire de très haute tenue!

Fromental et Landon accompagnaient la mise en service du premier tronçon de la Ligne Nouvelle Paris-Sud est.
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Simenon, l'Ostrogoth

Loustal aime le Paris populaire, l'auteur et sa muse, et les méandres de l'inspiration et du couple. La vie de Simenon et son épouse à l'aube des années folles lui va comme un gant.



En 1920, Simenon n'est pas encore l'auteur que l'on sait ni l'inventeur de Maigret. Il quitte la Belgique et ses mornes plaines avec sa jeune épouse que sa famille est loin d'adopter. Leur pacte pour se marier et accéder à Paris et la liberté est clair : celui des deux qui réussira le premier à vivre de sa vie d'artiste le restera, l'autre reprendra une vie normale, c'est-à-dire une vie rangée. Twiggy peint, Georges écrit. Qui remportera le pari ? Est-ce une course de vitesse et où se puise l'inspiration ?



Pour son retour à la bd Loustal signe un vrai bijou de biographie, tout à la fois fidèle et personnelle. On y retrouve la vie d'artiste et de bohème que le dessinateur sait si bien illustrer et incarner, avec tendresse, profondeur et mélancolie. On y apprend aussi la genèse de Maigret au coeur de la France et du Paris des années 1920. Du grand art !
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Simenon : La neige était sale (BD)

Très bel ouvrage, fidèle adaptation d’un des romans les plus célèbres de Georges Simenon ( hors Maigret )

Le dessin de Bernard Hislaire est toujours aussi reconnaissable et précis, et s adapte parfaitement à l’univers du roman, à ce héros sordide et anaffectif, ce jeune homme amoral et perdu, en qui Simenon va chercher ce qui fait son humanité. Fromental a parfaitement saisi ce qui caractérise toute l’œuvre de Simenon, ce remarquable observateur de l’âme humaine, qu’il décortique au fil de ses romans en partageant sa compréhension de toutes les petitesses et mesquineries de nos existences, qui ne sont pour autant jamais réduites à ces petitesses et mesquineries.
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Simenon : La neige était sale (BD)

Sous un régime d'occupation, la véritable nature des gens se met à nu.

Dans le cas de Frank Friedmaier, âgé de 18 ans, ce n'est clairement pas l'appel de la Résistance qu'il a entendu.

Sans pour autant sombrer dans la collaboration, il comprend bien vite qu'en jouant sa carte perso, il peut rafler la mise.

Mais à évoluer dans le milieu du proxénétisme, des petits trafics en tout genre et des règlements de comptes en tout genre, on finit très vite par se retrouver tout seul.

Les anciens amis commencent à se méfier de vous, tandis que pour les nouveaux, vous ne le serez jamais vraiment.

Finalement, c'est un peu l'arroseur arrosé car on ne sait plus sur qui compter, pis encore, il faut se méfier de tout le monde.



Très belle adaptation d'en de ces romans "durs" de George Simenon, qui nous changent radicalement de l'ambiance des "Maigret".

Ils ont été durs à écrire, mais ils le sont tout autant à la lecture, et cette Bande Dessinée respecte l'atmosphère générale en bien des égards !
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Simenon, l'Ostrogoth

Celles et ceux qui me suivent savent que j’apprécie beaucoup les romans de Georges Simenon, pas seulement ceux consacrés à l’inspecteur Maigret, et que j’ai entrepris de relire certains et surtout de découvrir ceux que je ne connaissais pas.

J’aime beaucoup également les adaptations en BD de Jean-Luc Fromental.



Simenon, l'Ostrogoth par Jean-Luc Fromental, Jose-Louis Bocquet, John Simenon et Jacques Loustal, Dargaud, 2023



Avec la bénédiction et la participation de John Simenon, le fils de Georges, José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental évoquent le couple fabuleux formé par Régine Renchon et Georges Simenon et le chemin semé d'embûches qui amena Simenon à faire naître son fameux Maigret.

Divisé en parties bien distinctes, avec des extraits des premiers romans, signés de pseudonymes, la BD raconte les début difficiles de l’artiste et de l’écrivain, leur rencontre avec Joséphine Baker, l’époque où Georges était surnommé « l’écrivain-vapeur » parce qu’il écrivait, à la chaîne, des romans populaires.



Le scénario retrace une biographie pleine d’humour, réaliste et pertinente, vraiment originale dans son propos, sous la forme d’une sorte de biopic. En effet, les séquences s’enchaînent comme dans un film. Le couple formé par Georges et Tigy est étrange ; l’épouse sert souvent de garde-fou, finit par sacrifier sa carrière de peintre au profit de celle de l’écrivain…

J’ai trouvé très réussis le graphisme et les couleurs de Jacques Loustal qui rendent particulièrement vivantes toute une série d’ambiances de 1923 à 1930, moment clé dans la vie de Georges Simenon, quand, au cœur du Paris des années folles, Georges Sim devient Simenon. De même, les voyages en bateau, à bord de la Ginette puis de l’Ostrogoth, apportent une touche et une atmosphère particulière.

En fin de volume, des fiches sur les diverses personnes présentes dans la BD précisent leurs liens avec Georges Simenon et la manière dont elles ont influencé ou accompagné son début de parcours et sa vie future. Figure aussi la liste de ses œuvres, sous 26 pseudonymes différents, recensées pendant la période couverte par la BD, soit 161 romans populaires et recueils ce textes courts. Enfin, l’abondante bibliographie souligne le travail de recherche des auteurs de Simenon, L’Ostrogoth.



Le portrait en bulles et images d’un homme extravagant, centré sur ses débuts en littérature. En effet, le moment où Georges Simenon pense avoir trouvé le personnage du commissaire Maigret peut être considéré comme fondateur de la carrière de l’écrivain.

Un très bel album, documenté.



#SimenonlOstrogoth #NetGalleyFrance


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Blake & Mortimer, tome 29 : Huit heures à Ber..

Probablement l’un des meilleurs scénarios de cette série depuis que la suite a été reprise par les successeurs de EP Jacobs. Osé en plus d’associer cette histoire à la “vraie” histoire. Et tous les ingrédients traditionnels y sont : la pipe, le whisky, les voitures, les clubs. Un vrai régal et un délicieux moment de nostalgie !
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Blake & Mortimer, tome 29 : Huit heures à Ber..

Beaucoup aimé cette nouvelle aventure. Excellent scénario qui malheureusement tombe un peu à plat à la fin. Je ne cromprends pas trop c'est quoi l'idée de ramener "Prince" dans l'avion présidentiel alors qu'il est évident que les ennemis s'y trouveront. Mise à part cette anicroche, le reste est impec et dans le plus pur style des Blake et Mortimer.
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