Jean-Michel Thibaux

Que peut espérer ce pauvre abbé dans ce trou perdu, parmi les rustres et les Républicains qu'il exècre ?

Il songea à tous les projectiles manipulés par les femmes dans les ateliers, de Berlin où d’ailleurs, des femmes qui portaient la vie dans leur ventre et la mort entre leurs doigts.

Il était comme l’aiguille d’une boussole attirée par le pôle. Elle l’aimantait. L’attraction n’était pas seulement physique. Au delà de la beauté, de la volonté, de l’intelligence, de la fierté, il y avait la magie de l’amour. Il était au diapason de la note pure qu’elle émettait et il avait une soif d’exister à travers cette femme. L’aimer, c’était quitter la nuit de la mine, retrouver la lumière.

- Il parait que le père Vitalis se ruine avec une pouffiasse de Marseille.
- Une pouffiasse ? quel joli mot, ironisa la jeune femme en sachant qu'elle allait mettre Marthe hors d'elle.
La servante tomba dans le piège. Abandonnant son balai, elle vint défier la demoiselle Charme. Les mains sur le hanches, elle prit un air supérieur et ne mâcha pas ses "jolis mots".
- J'en ai d'autres sur la langue ! Té ! Radasse, paillasse, estrasse. J'en ai vu des tonnes à Marseille quand je vivais au Panier. Les hommes sont tous les mêmes. Quand une fillasse peinturlurée tortille du croupion, ils se mettent à baver puis ils vident leurs bourses.

-Un Arverne vaut dix Romains ! répliqua Vercingétos. Nous sommes plus de trois cent mille prêts à prendre les armes. Nertomaros parut désespéré en entendant les propos du jeune Gergovien. Cet argument, il l’avait entendu des dizaines de fois et avant lui son père et le père de son père. Depuis trois siècles, des générations de Gaulois avaient voulu la guerre. Certains même pillèrent Rome, Delphes, c’est ce qui se disait aux veillées. Le monde, de l’Asie Mineure au Grand Océan, était celte.

Lorsque la chose descendit la pente, on en distinguait à peine les contours dans la transparence de l’air. Les Triboques agitèrent leurs armes et commandèrent à leurs chevaux le repli mais les bêtes étaient paralysées par la peur. Un Barbare lança son javelot qui disparut dans l’éther. Les yeux égarés, la bouche ouverte, les hommes du Rhin virent venir vers eux cette vibration. Vercingétos sentit passer un souffle glacial et la peur se noua à ses entrailles. Les dieux avaient envoyé la Mangeuse d’âmes pour punir les sacrilèges.

Le faucon planait au-dessus du camp romain. Il avait tout vu, tout entendu. Il avait vu les hommes se battre, la terre se gorger de sang, le ciel se couvrir de poussière. Il avait senti la détresse des âmes tournoyant près des corps éventrés. Certaines volaient dans les basses couches de l’air brûlant. Elles suivaient des cadavres que les légionnaires emmenaient par chariots entiers vers des fosses communes. Quand comprendraient-elles qu’il fallait partir ?

-Ma Lucie !
Elles tombèrent dans les bras l'un de l'autre et s'embrassèrent. elles s'adoraient, goûtaient des douceurs infinies à écouter ensemble les chouettes et les rossignols, à partager de romantiques secrets imaginés. Elles 'étaient connues huit ans plus tôt au pèlerinage de la Sainte-Beaume.

Chapitre 1

-Une guérisseuse de Riboux; la meilleure de Provence ! Même les médecins font appel à elle.

Chapitre 1

Marie parvint sur le chemin des oratoires. Les cigales y chantaient par milliers. elle s'arrêta successivement pour demander pardon à sainte Marie Madeleine et à la Vierge Marie, et elle se demanda même si elle ne devait pas s'agenouiller dans l'église Saint-Antoine tant son coeur était lourd.

Chapitre 1

Le docteur, vieux célibataire endurci, la considérait comme sa fille spirituelle. Tous deux aimaient la terre à la folie, car ils étaient tous deux nés dans la garrigue sauvage de la Sainte-Beaume.

Chapitre 1

Marie se souvenait du déchirement de sa mère, de sa propre haine et du défi qu'elle avait lancé aux cieux, jurant qu'elle retrouverait l'assassin. Six ans s'étaient bientôt écoulés et le meurtrier courait toujours. L'affaire avait été rapidement classée; on se souciait peu d'une victime appelée Gaspari.

Chapitre 1

Que les mauvaises langues se dessèchent ! dit-elle en passant mentalement en revue les brochettes de pipelettes qui distillaient leur poison les jours de grande lessive.

Chapitre 1

Sa connaissance des plantes dépassait de très loin celle de sa mère et de Mémé, qui lui avaient tout appris. A vingt et un ans, elle pouvait se targuer de connaître les propriétés de plus de trois mille variétés de fleurs, de feuilles et de racines.

Chapitre 1

La maison avait été bâtie cent ans plus tôt au pied e l'ubac de Maune, le long du chemin qui desservait les fermes de Crispin, du Roman, du Clos des Bécasses, de la Lauzière et de la Bastide Basse et descendait jusqu'au village de Signes.

Chapitre 1

Marie se rendait parfois sur le Claou pour cueillir certaines variétés de plantes et des mûres dans les nombreuses ruines qui parsemaient le nord de la commune de Mazaugues.

Chapitre 1

Errer est le sort inévitable de l’homme égoïste qui se révolte contre les puissances supérieures, être noyé est le sort de la prétention d’être surhomme et être frappé par la foudre est le sort réservé à ceux qui construisent la tour de Babel.

C'était cela, aimer. Mourir dans le regard de l'autre, mourir sur sa bouche, dans son souffle, brûler, s'éteindre et s'enflammer à nouveau.

Lucie regarda son amie avec un respect mêlé de crainte. Aucune femme des villages de Sainte-Baume n'était capable de tenir tête à une vingtaine d'hommes solidaires menés par les cheffaillons locaux. Quelle sorte de révolutionnaire était Marie ? Il était donc possible de faire valoir des droits d'égalité et de liberté lorsqu'on portait une jupe ? Elle s'en trouva ragaillardie et retint la leçon. La vie s'annonçait belle. Et ce fut dès cet instant qu'elle eut la certitude qu'elle monterait à Paris et y réussirait.

Vis! Vis! Vis!
Ne laisse pas fuir le bonheur car la joie est plus profonde que la souffrance.