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Critiques de Jean-Noël Pancrazi (61)
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La montagne

Récit d'un drame personnel et collectif, La montagne concentre la peur et la douleur d'un enfant de huit ans qui a échappé à la mort atroce de ses camarades. La peur et la douleur des parents de six jeunes garçons qu’on a égorgés ; de ceux dans leurs burnous blancs, arrêtés et exécutés arbitrairement ; de ceux qui ont dû un jour quitter leur pays — pour la France qui n’avait que faire de ces Français d’Algérie.



La montagne avec tous les petits trésors, les scarabées et les milliers de pierre de lune dont il rêvait, est devenue pour Jean-Noël Pancrazi un lieu interdit et maudit. Un motif de culpabilité, pour avoir survécu alors que ses amis ont péri. De l'autre côté de la Méditerranée à la fin d’une guerre atroce, une histoire douloureuse qu'il nous raconte avec pudeur et émotion, au point qu'on en a le coeur longtemps chamboulé.



« ... le clairon sonnait si haut, si longtemps, si loin ; ce n'était pas possible que ce fut le souffle d'un seul homme ... cette sonnerie qui me traversait tout entier, comme s'ils étaient là, tout près, mes camarades, ces petits fantassins, si fiers de partir en expédition, sans même en avoir reçu l'ordre ... »
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La montagne

Avec ce poignant récit autobiographique, Jean-Noël Pancrazi gravit, à 63 ans, la montagne du souvenir.

Un chemin difficile à entreprendre, une ascension pénible mais nécessaire car jamais exprimée, un voyage laborieux au cœur d’une mémoire tourmentée par un épisode traumatisant de l’enfance qui a conditionné toute sa vie d’homme et d’écrivain.

Grain de blé dur, noir, épais, comme ceux que l’on traitait dans la minoterie où travaillait son père, là-bas à Bordj Bou Arréridj, qui a enrayé pendant de nombreuses années les rouages de sa conscience et qu’il lui fallait, à l’aube de la vieillesse, extraire et exorciser.



Né dans une petite ville Algérienne en 1949, il avait huit ans pendant la guerre d’Algérie...pardon, il ne faut pas dire la guerre d’Algérie, il faut dire « Les Evénements »…

Un après-midi calme de juin, les attentats avaient un peu cessé ; presque un temps de paix…Le petit garçon jouait avec ses camarades dans la cour de la minoterie. Ils étaient montés à l’arrière de la camionnette, heureux, confiants, ravis que le chauffeur leur propose d’aller faire un tour là-bas, sur la montagne pourtant interdite, « là où il y avait, croyaient-ils, des ravins pleins de scarabées et de trésors enfouis de guerriers ».

Mais lui, il était resté, il avait refusé la proposition, se contentant de les regarder partir, ses six petits camarades assis sur la plate-forme de la camionnette, et dans la minoterie désertée durant la sieste des ouvriers, seul, il avait attendu, longtemps, très longtemps, jusqu’à ce que le soir tombe et qu’un vent de panique froid et glacé souffle de la montagne Aurès, cette montagne aux cailloux noirs où on les avait retrouvés, tous les six, six petits corps d’enfants égorgés.

Après, il y avait eu les cris, les pleurs, la rage impuissante, les hommes en burnous raflés dans les douars et les exécutions sommaires.

Il y avait eu la déclaration d’Indépendance, l’obligation de départ, la ville qui s’éloignait dans la poussière et les larmes, le retour en France.

Il y avait eu une nouvelle vie menée sans comprendre pour tous ces petits pieds-noirs immigrés malgré eux qui devaient lutter contre la réticence, l’hostilité et la suspicion.

Et pour lui, le narrateur, il y avait eu la culpabilité, le remords de ne pas être parti ce jour-là avec ses camarades, le chagrin lourd de regrets, le sentiment d’avoir failli et la honte d’être l’unique rescapé du drame de son enfance.



Il était temps que l’auteur de « Quartier d’hiver » (Prix Médicis 1990) ou de « Montechristi » dépose ce lourd fardeau qui n’a jamais cessé de peser sur son existence pendant toutes ces années.

Le récit de l’évènement dramatique dont il a été le témoin, enfant, pourrait enfin faire office de baume cicatrisant sur une plaie toujours à vif malgré le temps passé.



Comme un alpiniste, Jean-Noël Pancrazi grimpe à l’assaut de la mémoire, du mal intérieur, de la culpabilité, pour expurger cette conscience douloureuse, mise à mal par ce sentiment attristant que ressentent souvent les rescapés d’une tragédie, la honte d’être encore en vie quand les autres sont morts.

Son écriture est comme un écho à ce passé heurté, pleine de brisures, de cassures et de dénivelés le long de phrases sinueuses, morcelées par la ponctuation (tirets, virgules, points virgules), étirées comme un chemin de croix, belles, saisissantes, superbes de profondeur et de gravité.

Une narration qui ressemble à une escalade, encordée par des phrases escarpées, longues et prégnantes.

Montée dangereuse de la montagne Aurès avec ses virages et ses abîmes, progression instable des dunes de sable dans l’immensité du désert, retour mémoriel au sol originel, à la terre aimée et à jamais perdue, que l’auteur décrit avec cette fibre particulière des êtres de l’exil, une nostalgie dépourvue de rancœur, une affliction profondément émouvante qui nimbe tout le texte dans une varappe des émotions où s’entremêlent la beauté des paysages et la violence des événements.



« Le petit survivant est coupable. Il ne dort plus, il écoute, la nuit, la rumeur des rafles. Et il croit qu'on le hait » dit Jean-Noël Pancrazi au détour de pages éminemment bouleversantes.

Espérons que ce retour dans le passé lui aura permis de trouver l’apaisement du cœur, tout au moins une forme de libération par le pouvoir de l’écrit.

Puissant, fort et âpre, un texte qui roule longtemps dans les cœurs comme les éboulis sur les parois abruptes des montagnes.

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Long séjour

Beau livre, pudique qui évoque la fin de vie, la perte d'autonomie, la perte de la mémoire... et ces séjours dans des cliniques ou résidences pour personnes âgées... Comme dans un film, le narrateur revient en arrière sur ce qui avait été, de la vie en Algérie, de la galère de ce père, jusqu'en arriver au temps présent la vieillesse et son échouage. Les phrases sont souvent longues, assez alambiquées et il faut les disséquer pour les savourer pleinement. Une écriture qui n'est pas de tout repos, mais qui se mérite. Un beau roman autobiographique.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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La montagne

Des enfants jouent dans la cour de la miroiterie. Le chauffeur de l’usine leur propose de faire un tour dans la montagne. Seul celui qui nous raconte l’histoire, âgé de huit ans à cette époque, refuse d’y aller. Il ne reverra jamais plus ses camarades. Nous sommes en pleine guerre d’Algérie. Les mots choisis tapent d’une grande force. Court et puissant. D’après la bio de l’auteur, souvenir longtemps gardé secret. La belle écriture, soulignée par Laurent35 dans sa critique m’a attirée vers ce livre. Incontournable !
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Madame Arnoul

Mon premier "Jean-Noël Pancrazi", un livre que je voulais lire depuis longtemps... Ce ne sera pas le dernier! Une histoire dans l'Histoire. Une histoire simple, vraie, émouvante, non partisane, qui nous conte pudiquement les évènements d'Algérie dans une petite ville des Aurès, dans un quartier et même dans une maison. Les phrases sont très longues parfois, ponctuées de virgules ou de tirets et j'ai du m'y attarder, les relire pour les bien enregistrer, mais cela en valait la peine. Un roman très court, allant à l'essentiel, que j'ai bien aimé et que je recommande chaleureusement. Jean-Noël Pancrazi est vraiment un écrivain à découvrir, à lire...
Lien : http://araucaria20six.fr/
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La montagne

C'est le récit d'un traumatisme et même de plusieurs et nombreux traumatismes découlant de tout ce que génère toute guerre : haine, vengeance aveugle, indifférence de ceux qui ne l'ont pas vécue.



L'auteur subit de plein fouet, encore enfant, vers huit ans, le premier traumatisme, celui de voir ses jeunes camarades emmenés dans les montagnes algériennes d'où ils ne reviendront pas vivants alors que lui a refusé la proposition de cette promenade interdite.



D'autres traumatismes suivront, pour son père, chassé de la minoterie qu'il dirigeait, même pas reconnu par celle qui l'employait, celui de la mort de sa mère, seule dans l'arrière-pays catalan. Et toujours, pour lui, la vision de cette camionnette emportant à jamais ses camarades.



Les phrases de l'auteur sont longues, tortueuses, emmêlées quelquefois, peut-être pour mieux faire ressentir au lecteur toute la confusion qui règne après avoir subi tous ses chocs.



Malgré tout le chagrin que diffuse ce livre, la compassion est à peine suggérée, de sorte que le lecteur ne peut vraiment la ressentir, se sentant étranger à ce drame d'enfance et de familles qu'ont connu tant d'autres expatriés, quelquefois bien plus durement.







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Corse

Encore un tout petit livre...très, très dense.



Une acquisition faite à Ajaccio, en août 2006. Mon compagnon était vivant, nous profitions de son île ensemble, avec bonheur...



J'avais choisi ce livre à la librairie de la Marge, à Ajaccio, subjuguée par la beauté des clichés noir et blanc de Raymond Depardon rendant à la fois la beauté de l'île, ainsi que ses mystères et sa sauvage âpreté... En ce 2 juillet ( période anniversaire du décès de Xavieru, mon compagnon, il y a juste 2 années), j'ai ressenti la nécessité de reprendre ce petit volume sur mes rayonnages... Pour retrouver et Xavieru et La Corse...



Quelle ne fut pas ma surprise en débutant le texte, dans le train, vers mon travail... de lire des noms très familiers, liés à Ajaccio, jusqu'à un mot redouté , le "V 240" (établissement très connu pour "la fin de vie")



Le récit personnel de Jean-Noël Pancrazi ne possède pas de lien direct avec les photographies, si ce n'est l'excellent "rendu" d'une atmosphère, de paysages corses où est ancré l'hommage de l'auteur à son papa affaibli, qui a perdu la mémoire. Mort de ce "papa" bienveillant, gentil et avenant... au parcours ardu, entre l'Algérie et la Corse...



Très beau texte qui exprime fort bien les rites, usages, comportements des gens du village pour accompagner "le mort", et apporter réconfort et condoléances respectueuses aux "vivants" éprouvés:



"Le glas sonnait dans le village. Le corbillard s'arrêtait sur l'esplanade devant l'église Saint-Antoine. Alors, leur chapeau à la main, les yeux pleins de larmes, les lèvres et les rides aussi sèches que les pierres des murets sur lesquels ils étaient assis, où ils m'attendaient, ils venaient vers moi, les anciens d'Ucciani, en courant presque, comme des bergers affolés dévalant la montagne à la recherche d'un animal blessé ou perdu, dans une ruée d'amour, un monôme de tristesse, m'embrassaient tour à tour dans leur élan de fraternité gauche, de solidarité bouleversée... (p.42)"



Un peu de mal au départ avec les "phrases-accordéon" de l'auteur... mettant à mal mon impatience chronique... Toutefois, le style est extraordinairement poétique... et je suis heureuse d'avoir malmené mon impatience naturelle.



ce texte décrit aussi avec beaucoup d'émotion et de finesse l'amour de cette Corse avec toutes les ambivalences existantes...

"J'avais soudain- moi qui prétendais n'avoir jamais eu besoin de racines- le désir de cette terre, l'envie d'être enseveli, un jour, là où il y avait encore une place, près de lui, au bout du terrain, sous le dernier châtaignier" (p.49)



Ce récit par son style,sa poésie, les photographies en noir et blanc qui l'accompagnent avec beaucoup de sobriété, les lieux, les noms qui me sont familiers ont rendu cette lecture doublement "émotionnante"



je suis , en dépit de la peine "réactivée"... heureuse d'avoir lu cet écrit. Je tenterai d'autres découvertes de cet auteur, dans des thématiques différentes...moins intimes.



Pour moi cet ouvrage est comme une bougie... que je dépose ,en pensée sur la sépulture de Xavier, dans le petit cimetière de montagne de Bocognano... en ce 2 juillet 2014...
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La montagne

En avant-propos, je souhaiterais rappeler certains commentaires de Camus .

« Les représailles contre les populations civiles et les pratiques de tortures sont des crimes dont nous sommes tous solidaires (…) Ceux qui ne veulent entendre parler de morale devraient comprendre en tout cas que, même pour gagner les guerres, il vaut mieux souffrir certaines injustices que les commettre (…) Lorsque ces pratiques s'appliquent, par exemple, à ceux qui, en Algérie, n'hésitent pas à massacrer l'innocent ni, en d'autres lieux, à torturer ou excuser que l'on torture, ne sont-elles pas aussi des fautes incalculables puisqu'elles risquent de justifier les crimes mêmes que l'on veut combattre (…)

(…) Nous devons condamner avec la même force, et sans précautions de langage, le terrorisme appliqué par le F.L.N. aux civils français comme, d'ailleurs, et dans une proportion plus grande, aux civils arabes. Ce terrorisme est un crime, qu'on ne peut ni excuser ni laisser se développer. » (Mars- avril 1958)

« Oui, l'essentiel est de maintenir, si restreinte soit-elle, la place du dialogue encore possible (…) Les massacres inexcusables des civils français entraînent d'autres destructions aussi stupides, opérées sur la personne et les biens du peuple arabe. On dirait que des fous, enflammés de fureur conscients du mariage forcé dont ils ne peuvent se délivrer, ont décidé d'en faire une étreinte mortelle. Forcés de vivre ensemble, et incapables de s'unir, ils décident au moins de mourir ensemble. Et chacun, par ses excès renforçant les raisons et les excès de l'autre, la tempête de mort qui s'est abattue sur notre pays ne peut que croître jusqu'à la destruction générale (…) (Lettre à un militant algérien – Aziz Kessous- 01/10/1955)

« Chaque mort sépare un peu plus les deux populations ; demain, elles ne s'affronteront plus de part et d'autre d'un fossé, mais au-dessus d'une fosse commune (…) (Trève pour les civils 10/01/1956)



Hélas ces paroles ne furent pas entendues …

Ce tout petit livre de Jean-Noël Pancrazi est un long témoignage douloureux, qui dit l'abominable, l'insoutenable, ce qui ne peut s'oublier.

Une sorte de palimpseste où s'écrit l'histoire individuelle d'une personne, l'Histoire collective de milliers de personnes qui subirent les multiples épreuves causées par cette guerre d'Algérie, enfants, adultes, civils, militaires, quelque soit la communauté à laquelle ils appartenaient.

Un récit poignant, sobre, publié en 2012, un témoignage d'enfant, une épreuve qui marqua à jamais l'homme , qui vient, comme un écho, me percuter car il me renvoie à ce que j'écrivais dans un petit recueil de souvenirs publié et distribué auprès d'un cercle restreint d'intimes, réminiscence d'un incident qui fut, certes moins tragique que cet enlèvement de jeunes enfants qu'on retrouva égorgés dans le massif des Aurès près de Batna. Je vous en livre quelques extraits.



Avec M.D., nous étions parties nous promener dans la colline voisine qui surplombait la mer. C'était un jour magnifique « un jour couleur d'orange, de palme et de feuillage au front »

Nous avions envie de gambader, nous évader pour cueillir les fleurs annonçant le printemps qui s'avançait à grands pas. Parmi les agaves encore tendres et les pistachiers térébinthes d'où s'envolait une odeur résineuse si caractéristique, croissaient mille fleurs (…) Nous étions euphoriques, notre butin parfumé devenait de plus en plus étoffé, mais nous n'avions aucune envie de quitter cet endroit merveilleux (…) Ce jour, la campagne oranaise était bien plus attirante, ce n'était pas une vision idéalisée du paradis céleste, c'était le paradis terrien (…)

Plus de deux heures s'étaient probablement passées quand nous décidâmes de rentrer tranquillement et, arrivées au-bas de la colline, nous reçûmes un accueil mémorable !

Nos parents se précipitèrent vers nous, en criant, hurlant. Ils étaient accompagnés de plusieurs jeunes soldats armés. Une patrouille était, entre temps, partie à notre recherche (…)

Un commando lourdement armé de fellaghas avait été repéré… traversant la colline, il avait peut-être prévu de bivouaquer dans les environs(…)

M.D. et moi n'avions pas eu conscience immédiatement des conséquences terribles , triste euphémisme, si cette rencontre s'était effectivement concrétisée.

Qu'aurions-nous dû endurer comme sévices avant de terminer, probablement la gorge tranchée ou éventrées ?

Nous n'étions pas tout fait des femmes, plus tout à fait des petites filles… Il est facile d'imaginer(…)

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Je voulais leur dire mon amour

le roman de Jean-Noël Pancrazi "Les Dollars des sables" (Gallimard 2006) a été adapté au cinéma - Sands Dollars - en 2015 par Laura Ameli Guzman, réalisatrice, scénariste, actrice dominicaine et son époux Israel Cárdenas, et dans un rôle majeur, Géraldine Chaplin, une des filles de celui qui pendant son enfance le distrayait, lors des longues nuits de couvre-feu, quand il fallait rester cloîtré dans la maison , alors les projections de petits films de Charlie Chaplin , Charlot, sur le mur d'une chambre permettaient l'évasion .

Cet événement culturel va lui permettre d'être invité, en décembre 2015, au Festival du cinéma méditerranéen d'Annaba (L‘Hippone romaine, Bône, la française). C'est l'occasion pour Pancrazi de concrétiser son retour en Algérie, cinquante- trois ans après son départ en 1962 au moment de l'Indépendance.

Sous forme d'un récit autobiographique romancé, il relate ce voyage, une parenthèse de vie , où les souvenirs du passé, heureux, douloureux, viennent percuter ce séjour. Le jury dont il fait partie doit décerner le trophée l' Anab d'or. Enfant, passionné de cinéma il fréquentait , à Batna, assidûment les salles obscures , le Régent, le Colisée (on retrouve ces enseignes de cinéma dans plusieurs villes d'Algérie) , et, ce qu'il aimait encore plus, c'était d'assister aux projections des films, récompensés par la fameuse Palme d'or à Cannes , souvenir vif et récurrent du film primé « Quand passe les cigognes » (1958).

Pour lui, ce voyage sera l'occasion inespérée, car - « une obstination désespérée » le poussait à ne pas y retourner , une opportunité inespérée pour faire une incursion dans la région de son enfance, une immersion dans sa ville, redécouvrir les lieux qui lui furent chers, d'autres que la guerre ne permit pas de visiter, tenter de retrouver , peut-être, des amis . Ce bonheur lui sera refusé, et ces retrouvailles avortées, occasionneront une lourde et pénible frustration, un acte manqué .

L'émotion , la nostalgie, sans pathos larmoyant , sont palpables, c'est délicat, c'est plein de générosité, mais à cause des très nombreux analepses, j'ai perdu quelque fois , le fil de l'histoire , ne sachant plus si les fait évoqués étaient ceux du passé ou du présent, sans doute voulu, consciemment ou non par l'écrivain. .

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La montagne

Le narrateur, qui n'est autre que l'auteur, a huit ans à l'époque où se déroule cette histoire. Dans le petit village de Bordj Bou Arréridj en Algérie où il vit avec ses parents, le petit garçon vit dans cette insouciance de cette fin de guerre étant donné que les rafles se font de plus en plus rares. Cependant, un bel après-midi d'été, un chauffeur de bus, leur propose, à lui et ses camarades de classe de les emmener de l'autres côté de la montagne, lieu interdit jusqu'alors. Il est le seul à refuser...ce qui lui sauvera d'ailleurs la vie puisqu'il ne reverra jamais ses amis. Son père, aide-comptable dans une minoterie est le seul à rester tandis qu'il envoie en exil sa femme et son fils en France afin de les protéger car, après les accords d'Evian, l'Algérie n'est plus un leu sûr pour les pieds-noirs. Contraint, le couteau sous la gorge, de s'exiler lui-même peu de temps après, il abandonnera lui aussi ce qu'il considérait comme son chez-lui et sera obligé d'abandonner tout ce qu'il avait tant chéri pendant ces années. Chassé comme un chien par ceux qu'il avait protégé durant la guerre, le père du narrateur ne comprend pas, pas plus d'ailleurs que ces milliers de pieds-noirs que l'on a chassés loin de chez eux.



Un roman, très bien écrit, malgré la longueur des phrases 'c'est le seul reproche que je fais à l'auteur car le lecteur a parfois tendance à perdre un peu le fil), une histoire émouvante et probablement vécue par certains de nos parents ou grands-parents car cela s'est déroulé il y a à peine cinquante ans...
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La montagne

Très beau roman autobiographique qui nous conduit de l'Algérie pendant la guerre au retour en France près de Perpignan, puis à Paris et ensuite dans le village de Corse berceau de la famille Pancrazi. La montagne n'est jamais très loin, mais différente de celle qui en Algérie aura marqué à vie le narrateur. Oui car cette montagne d'Algérie est le lieu d'un drame qui à bouleversé Jean-Noël Pancrazi pour la vie. Un livre court, mais un livre fort. Un livre de grande qualité merveilleusement servi par la très belle plume de Jean-Noël Pancrazi.
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Tout est passé si vite

Jean-Noël Pancrazi est un auteur que j'ai beaucoup apprécié dans "Madame Arnoul", "Long séjour" ou encore "La montagne" et là je dois avouer que je suis un peu déçue. Je trouve ce livre assez brouillon, confus, sa lecture, du fait de ses phrases qui n'en finissent pas, m'a ennuyée. J'ai même eu envie d'arrêter en cours de lecture... Il y a cependant quelques passages qui sont beaux, mais trop peu sur l'ensemble de l'ouvrage. Ce livre ne me semble pas être le meilleur écrit de cet auteur. Il ne me laissera pas un grand souvenir ni beaucoup d'émotion, sauf un goût d'ennui.
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La montagne

Cette tragédie s’est déroulée Il y a 50 ans. Jean-Noël Pancrazi n’était qu’un enfant. La guerre d’Algérie touchait à sa fin. Les attentats se faisaient de plus en plus rares. C’était une après-midi calme de juin. A l’heure de la sieste, ses camarades étaient montés dans la camionnette de la minoterie. Lui avait préféré rester. Le frère du chauffeur habituel leur avait proposé de faire un tour dans la montagne. L’endroit leur était d’habitude interdit, trop dangereux. Ils étaient partis sans prévenir leurs parents, en secret. En fin de journée, les enfants n’étaient pas réapparus. C’est une patrouille militaire qui les a retrouvés. Les soldats ont redescendu de la montagne six petits corps égorgés. Le soir, on a entendu qui « s’élevait d’un balcon le cri d’un homme, d’un père, ce « Mon Dieu », d’abord presque doux, emporté par les larmes, puis de plus en plus concentré, dur, précis, acéré, métallique, comme s’il voulait atteindre, poignarder à son tour ce Dieu en question qui, sans rien dire, avait regardé en plein jour, des hommes tuer des enfants dans la montagne. »



Douloureux retour en enfance pour Jean-Noël Pancrazi. Sans doute le besoin d’exorciser une fois pour toutes cet abominable événement qui a marqué ses jeunes années. Seul rescapé du massacre, il en vient à culpabiliser. Dans les jours qui ont suivi, la répression militaire fut terrible dans la région. Puis, après la signature des accords d’Evian, il fallu se résigner à quitter cette terre qui l’avait vu naître. L’auteur n’élude pas les exactions et les violences. Le pied noir, à jamais déraciné ne sombre à aucun moment dans la haine. Condamné à l’exil, il décrit l’arrivée en France, le rejet auquel il est confronté dans un lycée de Perpignan. Il revient également sur le destin brisé de ses parents qui ne se remettront jamais vraiment de leur départ forcé.



Un livre court, terrible et profondément humain. Chaque phrase est d’une incroyable longueur. Les mots, uniquement séparés par des virgules ou des points virgules, semblent collés les uns autres, comme si les séparer reviendrait à les isoler et les mettre en danger. La prose reste malgré tout fluide, riche d’images et de sensations. Plus remarquable encore, le fait que Jean-Noël Pancrazi ait réussi le tour de force de laisser son texte à l’écart de toute rancœur. Tout simplement magnifique.




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Les dollars des sables

Les amours impossibles entre un (e) blanc (che) et un (e) noir(e) à cause de la différence culturelle, d'âge et de niveau économique ou de connaissances avait été traité avec brio par Jean-Christophe Ruffin dans "La salamandre", Dany Laferrière dans "Vers le sud", José maria Mendiluce dans "Pura vida" et aussi par Alvaro Pombo avec "Des crimes insignifiants" ("los delitos insignificantes"). Ici, l'auteur nous propose de suivre le cheminement psychologique et moral d'un européen âgé tombé amoureux d'un "jinetero" "chichifo", bref un garçon qui couche pour de l'argent, des dollars des sables.

Ce qui sous-tend ce roman c'est la nostalgie et la tristesse. Et malgré de belles tirades, de fines analyses psychologiques, l'évocation quasi exhaustive de tous les cas de figure possibles dans ce type de relation, il est peu agréable que de manière trop souvent répétée, l'auteur écrive des phrases de deux pages.

Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, les ersatz de l'amour ou de l'accompagnement proposés par les "jineteros" ou "las jinetaras", s'ils ont le mérite d'exister pour celles et ceux qui en ont besoin ne devraient jamais impliquer d'investissement sentimental.

Le film éponyme, plutôt raté, évoque la relation entre deux femmes (une âgée, qui a les dollars, et une plus jeune qui n'en a pas) ce qui, quoi qu'il en soit, revient au même
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La montagne

Jean-Noël Pancrazi témoigne de son enfance en Algérie et nous livre un petit livre de soixante-quinze pages d’une gravité bouleversante. Dès les premières pages, les remontées glaciales de sa mémoire nous submergent d’effroi. « C’était une après-midi calme de juin – on se serait cru en temps de paix… », commente ainsi l’auteur, qui relate en ces premières lignes son souvenir intact.

La montage interdite est d’un attrait constant pour tous les enfants de la ville ; il n’y en a pas un seul qui n’ait rêvé à cet horizon mystérieux où tous les trésors sont cachés. Tels ses six camarades. Les voilà impatients de découvrir ensemble cet éden rocailleux et de désobéir, les voilà tout heureux à l’arrière du camion où ils ont été invités à grimper, joyeusement excités, riant malicieusement de leur excursion clandestine, sans conscience du danger et des pièges déguisés, et, de fait, au bout de la promenade, de leur effroyable martyre.

L’auteur, enfant, apeuré et prudent, est resté quant à lui rétif à cette virée, et, malgré les moqueries, s’abstient de rejoindre les enfants sur la plate-forme du camion. En cette après-midi qui semble si tranquille, il se tient en retrait de l’enchantement promis et regarde s’éloigner ses petits camarades, qui ne reviendront pas, vers les flancs de la montagne.

Le livre, qui s’enroule sur ce préambule terrifiant, n’a de cesse d’enrouler puis de dérouler la pelote, dénouant tour à tour les fils emmêlés de l’Histoire, le poids inaliénable de la guerre d’Algérie et la détresse intime, écrasante de l’auteur, soulevée comme une chape de silence et de honte après des décennies. L’auteur, au fil des pages, abandonne son chagrin entre les mains du lecteur qui s’en trouve dévasté, et qui comprend d’emblée qu’il est dépositaire de cette confession déchirante.

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La montagne

C'est un récit autobiographique ,écrit à la première personne,traversé par la culpabilité.

L'auteur ,que j'ai rencontré Au Livre Sur LaPlace ,à Nancy,décrit avec des paragraphes aux longues phrases,hachées par des ,, points- virgules,ce qu'il a vécu.il y a prés de 60 ans,en Algérie.

Un après-midi de juin,pendant la guerre,six garçons partent en car dans la montagne en excursion,pensant trouver des Scarabées dorés et des trésors cachés.

J,N Pancrazi ne les accompagne pas au dernier moment.

Ce soir là ce seront Six innocents Égorgés qui seront redescendus de la montagne.

D'ailleurs,le symbole du Scarabée doré traverse le récit.



Si longtemps après ,on ressent de l'empathie pour l'auteur obligé ensuite de partir vers la France où l'adaptation se fera avec difficulté.

Ce petit livre ,facile â lire est trés percutant et émouvant.....
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Les quartiers d'hiver

Le sujet supposé du roman est un bar gay pendant les années sida décimantes. Avec finesse, l'auteur décrit l'ambiance, les lieux parisiens sans vraiment aller au fond des choses et, surtout, il ne peut s'empêcher de parler de la mère et de l'Algérie, thèmes on ne peut plus décalés du sujet principal. (simple opinion)
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Les années manquantes

Ce livre est la plus récente contribution de l'auteur à son autobiographie. Sans doute un chaînon manquant.

A treize ans il quitte son Algérie natale devenue indépendante et débarque en France confié à sa grand-mère catalane alors que ses parents retournent en Algérie pour tenter de relancer leurs affaires. Il vivra quelque temps chez cette grand-mère adorée en compagnie d'un oncle ancien militaire détruit par les guerres, avant qu'elle ne décède. Ses parents reviendront d'Algérie rejetés par le nouveau régime et finiront pas divorcer, ce dont souffrira le jeune garçon. Suivront un séjour en Corse dans la famille paternelle, puis à Paris, interne au lycée Louis-le Grand, avant que ne surviennent la révolte de mai 68 et les années sida.

Cette traversée de la fin du XXe siècle nous est contée avec sensibilité. Quant au style on peut aimer les phrases longues et sinueuses mais regretter l'usage excessif des adjectifs et des énumérations.
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Les années manquantes

Un auteur que j'aime bien, depuis longtemps .

Cet ouvrage, proposé par mon libraire,

touché par sa lecture.

Pancrasi raconte son arrivée à Thuir.

Avec une écriture serrée et touffue

dans un texte court, il nous présente

des personnages, hors du commun.

Il faudrait consacrer un livre

à chacun d'entre eux ,tant ils sont surprenants.



D'abord le grand père, Jean, aigri par la perte

de l'Indochine et de l'Algérie. ..

Un canne entre les jambes, tel un scèptre,

il aboie des ordres à son épouse,

l'oblige à le porter du lit au fauteuil, et puis ...



Josephine, la grand mère a une piété xxl.

Sa chambre est assiégée par des vierges.

Un eczéma furieux lui ronge les mains,

elle ne peut plus égrèner son chapelet..

Elle voue un immense amour maternel

à son fils Noël, dandy militaire en perdition.



Noël, va festoyer sur le Lydia ensablé,

revient ivre, chez sa mère qui le porte,

lui aussi, et le traine au lit..

Il est le seul substitut paternel possible pour Jean Noël.

Déglingué sévèrement..mais presque présent et vivant ..

Ne sachant pourtant pas,être un père pour ses filles..



il y a ce jeune garçon en deuil de son pays

qu'il a dû quitter brusquement .

Les quolibets anti pieds noirs du lycée..

Ces grands parents maternels qu'il ne connaît pas

Toutes ces nouveautés qu'il doit affronter.

Il décide d'être transparent



Enfin il y a ses parents que l'exil a séparé .

La famille corse ....

L'entrée à Louis Le Grand ..

De très,très belles pages sur 68..

et l'arrivée du sida...

Beaucoup de sensibilité, de sincérité dans ce récit dense

qui m'a moi aussi, beaucoup touchée.















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La montagne

Les précédentes chroniques ont très bien raconté ce récit; ce livre acheté à Brive en discutant avec l'auteur, lu ce soir, me bouleverse. Un récit autobiographique terrible, l'auteur a mis de nombreuses années à coucher sur le papier ce qui l'a traumatisé à vie lorsqu'il avait huit ans, en Algérie peu avant l'indépendance: il n'a pas voulu accompagner ses six copains pour une virée dans les Aurès; ils ont tous été égorgés; cela est annoncé dès les premières pages, la suite nous fait vivre avec émotion ce que l'auteur narrateur a éprouvé. Puis le rapatriement, l'hostilité des métropolitains qui pensent que les "colons" étaient tous riches...la résistance du père jusqu'à son départ forcé, l'humiliation d'avoir à demander une justification de la nationalité française etc.

L'écriture est très belle; les émotions sont présentes mais l'auteur parvient à ne pas juger, à ne pas partager la haine.
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