Citations de Jean de La Ville de Mirmont (68)
SI Ј’ÉTАIS GАBАRRЕ ОU СHАLАND...
Si j’étais gabarre ou chaland
Au bout d’une corde qui grince,
Beau fleuve lent,
Je descendrais vers tes provinces.
Si j’étais un noyé tranquille,
Je m’en irais entre deux eaux,
Cherchant quelque île
Où m’endormir dans les roseaux.
Peuplier de la Caroline,
Je répandrais d’un geste doux
Mon ombre fine
Sur les flots plats et sans remous.
Rayon de lune ou feuille morte,
Je voudrais, léger et dansant,
Que tu m’emportes
Voir d’autres pays en passant.
Mais que suis-je, sinon poète
(Autant dire un cœur plein d’ennuis),
Ma cigarette
M’éclairant seule dans la nuit ?
GENS DE BIEN, VERTUEUX ET PROBES...
Gens de bien, vertueux et probes,
Vous, les honnêtes, les prudents,
Qui ne montrez jamais les dents,
Gens d’honneur, d’épée ou de robe,
Gens de bourse et vous gens de loi,
Hommes, enfin, qu’on dit nos frères,
Gardez — nous n’en avons que faire —
Vos sentiments de bon aloi.
Que nous importent vos scrupules,
Et vos soucis et vos tracas ?
Nous ne mettrons jamais nos pas
Dans vos empreintes ridicules !
Car, aux Mèdes anciens pareils,
Nous ne croyons qu’à l’impossible.
Et nous avons choisi pour cible
Le disque rouge du soleil !
Le ciel incandescent d’un million d’étoiles
Palpite sur mon front d’enfant extasié.
Le feu glacé des nuits s’infuse dans mes moelles
Et je me sens grandir comme un divin brasier.
Les parfums de juillet brûlent dans le silence
D’une trop vaste et trop puissante volupté.
Vers l’azur ébloui, comme un oiseau, s’élance,
En des battements fous, mon cœur ivre d’été.
Que m’importe, à présent, que la terre soit ronde
Et que l’homme y demeure à jamais sans espoir ?
Oui, j’ai compris pourquoi l’on a créé le monde ;
C’était pour mon plaisir exubérant d’un soir !
Diane, Séléné
Diane, Séléné, lune de beau métal,
Qui reflète vers nous, par ta face déserte,
Dans l'immortel ennui du calme sidéral,
Le regret d'un soleil dont nous pleurons la perte.
Ô lune, je t'en veux de ta limpidité
Injurieuse au trouble vain des pauvres âmes,
Et mon cœur, toujours las et toujours agité,
Aspire vers la paix de ta nocturne flamme.
III
Quel caprice insensé de tes désirs nomades,
Mon cœur, ô toi mon cœur qui devrais être las,
Te fait encore ouvrir la voile au vent des rades
Où ton plus fol amour naguère appareilla ?
Tu sais bien qu’au lointain des mers aventureuses
Il n’est point de pays qui vaille ton essor,
Et que l’horizon morne où la vague se creuse
N’a d’autres pèlerins que les oiseaux du Nord.
Tu ne trouverais plus à la fin de ta course
L’île vierge à laquelle aspirent tes ennuis.
Des pirates en ont empoisonné les sources.
Incendié les bois et dévoré les fruits.
Voyageur, voyageur, abandonne aux orages
Ceux qui n’ont pas connu l’amertume des eaux.
Sache borner ton rêve à suivre du rivage
L’éphémère sillon que tracent les vaisseaux.
Le ciel incandescent d’un million d’étoiles
Palpite sur mon front d’enfant extasié.
Le feu glacé des nuits s’infuse dans mes moelles
Et je me sens grandir comme un divin brasier.
Les parfums de juillet brûlent dans le silence
D’une trop vaste et trop puissante volupté.
Vers l’azur ébloui, comme un oiseau, s’élance,
En des battements fous, mon cœur ivre d’été.
Que m’importe, à présent, que la terre soit ronde
Et que l’homme y demeure à jamais sans espoir ?
Oui, j’ai compris pourquoi l’on a créé le monde ;
C’était pour mon plaisir exubérant d’un soir !
Oui, de ton cœur j’ai fait le tour;
Ce fut un jeu sans importance.
Tu peux reprendre ton amour,
Je garde mon indifférence.
- Elvire, Elvire ! Saurez-vous jamais tout ce qui s'étonne en moi de m'entendre prononcer ce nom d'Elvire, célébré jadis par des bouches beaucoup plus autorisées que la mienne. Des siècles d'ennui, Elvire, des siècles de bureau, s'exaltent devant la fantaisie que tu représentes à mon âme d'employé de ministère.