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Critiques de Jérôme Prieur (93)
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Un été avec Proust

Cet été avec Proust, paru en 2014, permet à des experts de l'auteur de partager leurs regards sur "la recherche" ; accessible aux néophytes il intéressera aussi les lecteurs rompus à cette oeuvre monumentale en ouvrant de nouvelles perspectives. J'ai notamment apprécié le chapitre sur Proust et les philosophes.



L'autre intérêt c'est qu'il se réfère à l'édition publiée dans la collection Quarto qui est celle que je préfère.



Centré sur l'oeuvre et non sur l'auteur, ce petit livre gagnerait à adopter comme titre "un été à la recherche du temps perdu" car ce n'est pas une biographie de Marcel Proust.
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Le Suaire : Lirey, 1357

Lirey, 1357.

Lucie, jeune nonnes qui doit bientôt prononcer ses vœux, est éperdument éprise de son cousin Henri, évêque de Troyes en sa personne. Un amour réciproque mais interdit, qui pousse la jeune fille à se réfugier dans les bras de Dieu. Quitte à ce que son engagement mette en péril la situation précaire de sa famille, elle préfère voler au secours des lépreux et autres nécessiteux, fuyant ainsi le destin tragique auquel elle se croit destinée.

C’est sous la protection de Thomas, prieur de Lirey qu’elle trouve le repos. L’abbaye qui l’accueille, encore inachevée, doit recueillir en son sein, un morceau de la "vraie croix", que Thomas a ramené de Palestine. Mais, cette relique est-elle la seule que celui-ci a rapporté de son long pèlerinage pédestre ?

En effet, un linge étrange est également en sa possession... L’on peut y distinguer le visage d’un homme gravé dans ses fibres, mais qui plus est, en présence de ce tissu magique, des miracles se sont produits... Serait-ce le visage de Jésus-Christ ? Prouvant à tous l’existence des pouvoirs divins de celui-ci, et par là-même l’existence de Dieu ?

Ou bien, ne serait-ce qu’une macabre supercherie du moine afin de tromper ses ouailles et faire tinter les pièces de monnaie dans son écuelle – un miracle n’est pas gratuit – pour finir de construire son abbaye ? Un sorte d’opération commerciale avant l’heure ?

Ce récit captivant, sur un scénario de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, connus, entre autres, pour leurs travaux écrits et télévisuels sur le christianisme, est sublimé par le dessin tout en subtiles nuances de noir et de blanc d’Éric Liberge.

Premier tome d’une trilogie sur l’histoire de ce linceul hautement symbolique pour les chrétien. Trois tomes pour trois époques et trois lieux : le XIVe siècle, en France pour le premier, suivront le XIXe siècle, en Italie, et enfin le XXIe, au Texas... On attend la suite de cette « trilogie à travers le temps et l’espace » !



Lu en janvier 2018.
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Un été avec Proust

« Nous sommes tous obligés pour rendre la réalité supportable d’entretenir en nous quelques petites folies ».



En lisant cet essai, je me suis sentie totalement hors du temps, immergée dans une autre époque où le raffinement avait encore toute sa place.



Ce que j’ai adoré par-dessus tout dans « Un été avec Proust », c’est cette connexion intime avec quelque chose perdu puis retrouvé avec tendresse et intensité. Qui pourrait oublier la madeleine proustienne ? Ce moment exquis où Marcel Proust décrit si parfaitement les réminiscences que provoquent en lui le simple fait de tremper sa madeleine dans son thé ; il nous fait découvrir alors sa vision de la mémoire involontaire. Ca laisse à réfléchir… Ca donne envie de sortir, de regarder, de vibrer, de fermer les yeux et de se souvenir… Essayez donc.



Un été avec Proust est comme une promenade enchantée au cœur du monde proustien : ses lieux fétiches y sont visités; on y découvre aussi ses personnages torturés par leur passion amoureuse ou ceux sublimés par leur amour inconditionnel; on y explore divers thèmes profonds comme celui du sommeil et du rêve.



Proust était non seulement un grand mélomane mais également un explorateur infatigable de la Beauté ; il semblait se nourrir uniquement des joies extatiques procurées par son art.

Il chercha pendant près d’une décennie à figer le temps grâce à l’écriture méticuleuse de La Recherche du Temps Perdu – véritable odyssée littéraire oscillant entre nostalgie poignante, mélancolie douce-amère, désir ardent, attente fébrile et illusion trompeuse.



Cet essai porte merveilleusement bien son titre car en parcourant ses pages on passe véritablement Un ÉtÉ Avec PROUST .
Lien : https://coccinelledeslivres.be
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Jésus sans Jésus

On peut être passionné par l'histoire des religions , avoir des affinités avec le sacré ou même le contraire , et être un anti clef Ricard ( je blague ) , fervent détracteur de bondieuseries et pourfendeur de vierges en chocolat ou être un don quichotte laïc-hard et revanchard , un Bennet naïf ...

On peut aussi , comme le disait ma prof de haut moyen-âge , avoir un clitoris de 25 centimètres :

Il n'en demeure pas moins que si l'historien ( ou autre ) aborde ces thématiques d'histoire des religions , on doit le faire non dans un registre de procès à charge mais en resituant l'examen de ces thématiques dans un contexte historique et une dynamique sociale ou psychosociale étayée et rigoureuse et surtout en se gardant de raisonner sur ce qui est finalement un édifice de fiction , tout en dégageant du sens et surtout en sachant reconnaitre quand il est impossible d'accéder à la connaissance historique faute de documents sérieusement exploitables ... ..



Qu'importe-il de savoir si Jésus , Moise et la Papesse Jeanne ont réellement existés ? car ils ont existés de facto pour les exégètes , le clergé et les masses et ils ont réellement contribués à définir et à pétrir des sociétés entières et d'ailleurs d'une certaine façon , Jésus semble exister de nos jours même , pour les auteurs , car à mon humble avis , j'ai l'impression que à ce jour , il semble toujours leur pourrir activement la vie ( sourire ) ... ...



L'ouvrage est à première vue excellemment documenté , mais fondamentalement , c'est un procès à charge contre les fondements du christianisme et de ce fait , cet ouvrage ne recèle comme principal intérêt que de permettre d'accéder vaguement à des textes rarissimes pour le grand public . Les hypothèses sont fréquemment dénuées de tout intérêt car on considère comme opératoire des fictions à la limite du romanesque , alors qu'il s'agit de problématiques probablement à jamais inconnaissables , ou au contraire excessivement circonstanciées : dans ce cas à mon humble avis il vaut mieux écrire un roman que de consigner ces fictions dans un ouvrage qui se veut historique , car celui-ci est pétrit d'hypothèses naïves extrapolées sur du vent ....



Les procès à charge et les lourdeurs idéologiques , l'ignorance des contextes , n'ont rien à faire en histoire et les fantasmes et mirages non plus .. Ne faut-il pas laisser cela aux polémistes et aux psychothérapeutes ou aux romanciers .... ?



Les auteurs se livrent à un tel procès à charge que l'on se demande si l'emprunte « idéologique « les aliénant ( je ne sais laquelle ) , ne les empêche pas tout simplement d'accéder aux sources et d'en tirer quelque chose qui tient historiquement la route ...



L'idéologie n'est pas l'ami de la science historique et en histoire avant de pondre des thèses il faut s'assurer d'être capable d'accéder aux sources et à leurs différents contextes opérationnels au grès du temps et des temps , en étant ainsi plus crédibles qu'avec un noeuds papillon .



Ce texte prétend reconstituer les christianismes originels et il pose comme certitude opératoire ce qui ne sera jamais de fait et par nature objet de certitudes ...



Enfin , sur la base des documents lapidaires des évangiles ou des pères de l'église, il faudrait croire par exemple , que ¨Pierre prônait et appliquait un communisme doctrinaire ...

Et pourquoi pas aussi prétendre que Jésus prêchait la dépopulation en espérant interdire et proscrire toute copulation , tant que l'on y est .



En matière d'histoire du christianisme , il est absolument impératif de comprendre qu'il ne faut pas manger du curé , au risque de partir en vrille et se retrouver dans les choux à explorer d'autres sujets sans même s'en être rendu compte ...

Des sujets plus en rapport avec la psychanalyse que qu'avec la science historique .



Bon , le prochain travail de recherche des auteurs , c'est l'aéroport extraterrestre de Cuzco il y a trois siècles ?

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Proust fantôme

J'ai commencé à lire Proust à l'âge de dix-sept ans, dès lors il ne m'a plus quitté, c'est ma plus belle amitié littéraire.

J'ai découvert le livre de Jérôme Prieur, la semaine dernière au musée juif de Paris où se tient actuellement une exposition sur la judéité de Proust par sa mère.

Dans son livre, Jérôme Prieur part à la recherche de qui était Marcel Proust, les lieux où il a vécu mais aussi la quête "proustienne"

" Quelque chose d'aussi troublant et d'aussi délicieux, quoique des plus immatériels, l'odeur mélancolique, le Parfum impérissable du Passé"



Jérôme Prieur met habilement Proust en relation avec un autre écrivain qui recherche l'usage du Temps. Kafka qui ne survivra à Proust que dix huit mois de plus

Jérôme Prieur nous donne de nombreux éclairages sur l'œuvre de Proust et Proust lui-même, son rapport à la photographie, au cinéma.

Il l'imagine aussi vivant plus âgé, ce qu'il aurait peut-être dit ou pensé.

J'aime beaucoup cette phrase qui correspond le mieux pour moi à Proust et qui sera ma conclusion.



" Engoncé dans ses cols, le plastron bombé, la taille d'autant plus cambrée que ses vêtements étaient trop ajustés _ son habit de soirée datait d'une autre époque _ il donnait l'impression de ne pas vivre dans le présent, mais d'être resté en arrière, une ou deux générations plus tôt, dans les eaux du passé, dans un passé qu'il ne pouvait quitter sous peine d'en mourir. "
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Jésus, illustre et inconnu

« Les écrits rassemblés par le Nouveau Testament n'ont pas fait table rase des débats, des disputes, des hésitations, des oppositions dont ils étaient les témoins vivants. Les lire, en sachant que tout ce que nous pouvons savoir viendra de leur lecture, c'est voir qu'ils sont travaillés, et beaucoup plus qu'on ne le pense, par le doute et l'incertitude ». Ainsi concluent les auteurs de ce livre.

Ce fut une lecture extrêmement enrichissante concernant la recherche de la véracité des évangiles. En fait, il faut s'imaginer ces textes écrits par plusieurs personnes des décennies après la mort de Jésus avec des rajouts, des précisions, des omissions… Il faut aussi tenir compte des aléas historiques de l'Israël antique face à Rome. Savoir par exemple que le grand temple fut détruit par les Romains en 70 et que cet événement a remis en question le peuple Juif dans son ensemble. L'histoire de Jésus sera donc interprétée par rapport à ces événements politiques qui lui sont ultérieurs. Et encore, il ne s'agit que des textes canoniques, ceux retenus par l'Église. Tous les textes apocryphes ne disent pas la même chose de la même manière. Il faut donc remettre en perspective tout ce qui est affirmé. La virginité de Marie, les douze apôtres, les miracles, les marchants du Temple, l'arrivée à Jérusalem, la trahison de Juda, le procès avec Pilate, la Passion, la crucifixion, la résurrection... Tout y est historiquement très discutable, parfois impossible. Il faut en comprendre le symbolisme, savoir lire entre les lignes. Savoir que ces textes sont écrits en grec et que leur sens a pu changer dans la traduction. Enfin savoir que les différentes « écoles » qui sont à l'origine de ces textes n'avaient qu'un but, celui de convaincre les Juifs et les païens de croire au double statut de Jésus : homme et fils de Dieu. Lorsque l'on malaxe tous ces éléments, il en reste des variantes d'une très belle histoire à l'origine du christianisme.

Jérôme Prieur et Gérard Mordillat nous offrent un livre d'une grande teneur scientifique, très accessible sous forme de questions/réponses. Il ne s'agit pas de remettre en cause sa foi, qui ne repose pas sur une réalité, mais sur une croyance. Ce livre s'adresse à tous ceux qui souhaitent en savoir un peu plus sur la véracité historique de ce qui est écrit dans les évangiles.

Bonne lecture.
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Une femme dangereuse

Sauvé de la noyade par une belle surfeuse, un homme conclut un étrange marché. Pour remercier sa bienfaitrice, il accepte de tuer une certaine Madeleine dont il ne sait rien, dont il ne connaît même pas le visage. Mais charmé par celle qu'il a baptisée Oslo et redevable de sa vie sauve, il se lance à la recherche de l'insaisissable Madeleine. Cette inconnue devient sa proie, il lui prête le visage de toutes les femmes qu'il a connues, de Natacha, sa première conquête, à Liza, sa dernière rupture.





Après un départ en fanfare, le récit perd en intérêt au fil des pages. le héros a la chance d'échapper à une noyade qui n'épargne malheureusement pas le lecteur englouti par le flot de l'imagination délirante de ce tueur amateur qui fantasme plus qu'il n'agit.

Histoire du couple, histoire de l'amour idéal, Une femme dangereuse est un roman qui se veut moderne, décalé, spirituel mais qui est juste prétentieux et insipide. Insupportable !

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Le suaire

Le recit dessiné, imposant de 214 pages, est divisée en 3 périodes distinctes, moyen âge, fin 19ème siècle et actuelle, et recoupe les difficiles relations amoureuses entre 3 "mêmes" protagonistes implantés dans chaque époque, le tout en relation avec le saint suaire : sa possible élaboration au moyen-âge, son authentification fin 19ème, son exploitation actuelle.

Une trilogie à travers le temps et l'espace, comme l'indique le titre.

Précisons d'emblée qu'il ne s'agit pas d'une monographie historique du saint suaire, mais de variations romanesques autour.

Le dessin, noir et blanc,sur de larges planches, est superbe, et ce travail mérite d'être mis en exergue.

Par contre l'appréciation des histoires dans lesquelles explosent la sauvagerie humaine, est plus contrasté.

Le récit se déroulant au moyen âge, avec quelques planches quasi sans paroles dans des paysages glacés, est très prenant et expose les luttes religieuses.

Celui du 19ème siècle met en scène les tentatives d'authentification du saint suaire avec en filigrane les luttes politiques et la difficile émancipation féminine.

Ces deux premières parties sont très bien ficelées et tiennent le route.

Par contre la partie moderne, brumeuse, dérape sur des digressions politico-sociales stéréotypées et très convenues, avec un rapport au sujet plutôt ténu.

Bref une très bonne idée laissant un goût de gâché.
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Le suaire  - Turin, 1898

Lucia, fille unique du Baron Tommaso Pastore d’Urbino, est aussi la maîtresse de l’avocat Enrico Spiterio, député socialiste. Le Baron est chef du parti monarchiste et fervent croyant alors que l’amant de Lucia est un athée notoire. Nous sommes à Turin, où le suaire est conservé. Le Baron, grand catholique, réactionnaire et royaliste, décide de faire une photographie du suaire pour prouver qu’il est authentique. Les libres penseurs comme Enrico pensé évidemment le contraire et sont, quant à eux, préoccupés par le devenir du peuple qui est dans la misère et qui souffre de plus en plus de la répression. Les royalistes et la droite traditionnelle sont beaucoup plus préoccupées à servir l’église et la royauté, ils n’ont cure du devenir du peuple et protègent également leurs privilèges. Lucia se laisse convaincre par son bel amant et se dresse contre son père, ses idées rétrogrades et préfère prendre le risque de se cultiver aux idées libertaires d’Enrico.



Deuxième expérience avec ce fameux suaire qui a pourtant déjà fait couler beaucoup d’encre. Surtout qu’on sait maintenant que c’est une escroquerie de plus à mettre sur le compte de la noble institution qu’est l’église de Rome. L’important n’est pas la vérité mais c’est de faire croire qu’on possède LA vérité ! Les dessins sont toujours aussi chargés, avec des nuances de gris davantage plus sombre que dans le premier tome, ce qui rend encore plus difficile leur déchiffrage. Les textes, dans les bulles, manuscrits, sont très serrés, ce qui en affecte te la lecture. Les dialogues prennent souvent le pas sur l’illustration et les bulles ont tendance à «manger» les cases. Le scénario est de nouveau confit. Sur fond de l’histoire du suaire, nous vivons une histoire d’amour qui est complètement indépendante de celle du maudit tissus. Les liens avec le premier tome sont ténus. On se demande pourquoi la none Lucie, qui condamnait l’escroquerie du suaire au moyen-âges l’aurait sauvé des flammes et lui aurait ainsi permis d’arriver jusqu’à nous. Bref, encore un deuxième tome qui vire en eau de boudin, comme le précédent, avec une chute abrupte et inachevée qui ne sauve pas l’ensemble de cette série. Je ne sait pas si les tueurs vont nous en pondre un troisième, peut-être dans un futur éloigné, vu le bond que nous capons fait dans l’histoire entre les deux premiers épisodes mais cette fois, garanti, j’abandonne cette bande dessinée par trop confuse.

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Le suaire  - Turin, 1898

Pour ce deuxième tome, le suaire est de nouveau le contexte de l'histoire. Nous sommes à Turin en 1898 et le linge saint va être pour la première photographié et étudié.

Le suaire est surtout un prétexte pour nous parler de l'histoire d'amour entre Lucia et Enrico. La jeune fille de bonne famille est tiraillée entre la version de son amant, pragmatique, qui pense que le suaire est une fausse relique, et celle de son père baron catholique convaincu de détenir LA vérité de la sainteté du suaire.

J'ai trouvé l'histoire plus superficielle malgré que les discussions scientifiques et les différences de points de vue autour du suaire sont intéressantes. La fin est assez brutale, elle manque de transition tout autant de conclusion.

La encore certains éléments m'ont chiffonnés. Tout d'abord le parallélisme avec le premier tome. L'utilisation des mêmes personnages toujours avec Lucie/Lucia partagée entre Thomas/Tomaso figure paternelle, spirituelle dans le tome 1 et filiale dans le tome 2, et Henri/Enrico amour interdit. Je comprends pas trop ce que les auteurs veulent nous faire passer en réutilisant à l'identique les personnages. Tout comme j'ai trouvé bizarre les espèces de vision de Lucie/Lucia sur le passé/futur...



Les dessins en gamme de gris sont toujours très beaux.
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Le Suaire : Lirey, 1357

Lucie est une jeune nonne qui offre ses soins à l'indigent sous la protection du moine prieur Thomas qui cherche à bâtir une grande abbaye. Son cousin tente bien de la convaincre de renoncer à ses vœux mais Lucie a une foi inébranlable.



Nous sommes à Lirey, au moyen-age. C'est à cette époque qu'on lieu les premières apparitions du saint-suaire. Les auteurs nous proposent de découvrir l'origine du linge sacré sur lequel serait imprimé le visage du Christ.

Je trouve que l'époque est bien rendue. Surtout à travers le graphisme magnifique. On y voit la différence criante entre les pauvres, les miséreux, les lépreux et la noblesse qui ripaille bien au chaud des grandes cheminées. A cette époque le commerce des reliques bas sont plein, qu'il est tentant d'en créer de toutes pièces pour faire venir le pèlerin aux poches pleines!

L'histoire est plutôt intéressante même si j'ai trouvé la fin un peu précipitée. On a eu du mal à voir le basculement de Lucie dans cette folie fanatique.

Certains points m'ont tout de même laissé perplexe. J'ai eu du mal à savoir la place de certains éléments dans l'histoire : les flagellants, les juifs... Ca m'a semblé pas assez utilisé pour y voir un intérêt.



Les graphismes sont vraiment splendides. Les nuances de gris sont très belles et laissent les détails s'exprimer dans un véritable tableau du moyen-age.
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Un été avec Proust

Par quelques éminents spécialistes, des angles de vue variés qui ont le mérite d'être alertes, originaux et limpides. Les auteurs ne pontifient pas trop et surtout donnent envie de lire ou relire Proust dans son intégralité. Des extraits suffisamment longs pour avoir du sens illustrent leurs propos. Une lecture réjouissante et instructive.
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Le suaire  - Turin, 1898

Lucy Bernheim est une jeune réalisatrice. Elle n'est pas encore très connue. Elle a en projet un film qui révèle la vie de Jésus tel qu'il aurait été et non celui révélé par les évangiles. Elle s'intéresse au suaire, une des escroqueries les plus célèbres de l'église (et elle sont nombreuses, ne fut-ce qu'avérer l'existence de dieu). le suaire est pour elle un mauvais souvenir. Son professeur de théologie, à l'université de Berkeley, Thomas Crowley, avait invité ses élèves à un voyage à Turin. Jeune et brillante étudiante, pour la récompenser, le professeur avait invité Lucy, un soir, seule pour découvrir le suaire. Ce qu'il fit mais il profita de cette soirée pour violer sa jeune étudiante. Cette dernière, juive, en a perdu sa foi. Son ancien professeur est un catholique extrémiste et est chef du Kûshirô Klux Klan. Il utilise le symbole du suaire pour imposer sa foi, ses dogmes et la suprématie de la race blanche. Lucy trouve en l'acteur mécréant, Antonin Arnaud, l'interprète idéal pour incarner Jésus dans son film. Elle devient la maîtresse de l'acteur et tombe enceinte de lui. Lors de la projection en avant-première de son film, le scandale éclate. Les violences se déchaînent. Les extrémistes boutent le feu au cinéma et poursuivent la jeune réalisatrice et son acteur vedette. Les autorités, complices avec l'extrême droite, laissent faire les fanatiques. Ils veulent crucifier l'acteur quand…



Pour ce troisième opus, nous sommes revenus dans le monde contemporain. Visiblement, le suaire déchaîne toujours les passions. Ceux qui y croient dur comme fer, ceux qui savent que c'est juste une fausse relique. Nous sommes dans un climat politique tendu, où les extrêmes, surtout la droite et aussi le fanatisme religieux sont en constante progressions. Jusque là, ça colle presque à la réalité. La jeune réalisatrice et son acteur fétiche ont une vison bien à eux de la religion. Ils veulent montrer au monde que si Jésus a existé, c'était un homme ordinaire, une espèce de gourou qui profitait de sa popularité pour imposer son pouvoir et mieux profiter de la vie. Du fils de dieu avéré par les uns, Julie le montre cruel, égoïste et fat. Comme pour les tomes précédents, les dessins ont une tendance à être sombres et surchargés. J'ai du mal avec ce graphisme, je préfère franchement, surtout quand la bande dessinée est en noir et blanc, une ligne plus claire et plus épurée. L’œil s'égare dans des images sans se retrouver et cela en complique la lecture et l'appréciation de la qualité des dessins. Le scénario, comme pour les tomes précédents, est embrouillé, prend des chemins de traverses inutiles, égare le lecture, l'embrouille jusqu'à la fin de la bande dessinée qui ne nous mène nulle part et sans vraie conclusion. Le sujet mériterait pourtant d'être développé et argumenté d‘avantage. Les auteurs nous offrent-ils une vraie critique des dogmes et de la religion, des hommes qui veulent nous l'imposer ? De même par rapport à l'extrême droite. Nous sommes en présence d'une sorte de soupe dans laquelle on aurait mélangé tant de légumes que tous auraient perdu leur saveur et leur identité. Je me dit depuis le premier tome de la série que j'aurais du laisser tomber. A moins que les auteurs veulent nous projeter dans le futur, je pense que cette fois, c'est le dernier opus (pas dei :-) puisque nous sommes en deux mille dix-neuf. Mais si ce n'était pas le cas, pour moi, ce sera bien le dernier épisode. Déçu trois fois, c'est déjà beaucoup. Lu en format KINDLE avec une très bonne numérisation.

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Le Suaire : Lirey, 1357

1357, en Champagne, l’évêque Henri chevauche vers le Loiret où il va tenter de convaincre sa cousine Lucie, dont il est secrètement amoureux, de quitter les ordres pour rejoindre ses parents qui ont perdu leurs fils et pour qu’elle épouse le fils du comte d’Argenson. Mais la none, fanatique, n’en a cure et refuse de se défroquer. Pendant ce temps, des moines tentent de construire une abbaye pour y conserver un morceau de la sainte croix mais ils sont ruinés et doivent stopper leurs travaux. Une épidémie de peste sévit également. L’hiver est particulièrement rigoureux, ce qui n’arrange rien. D’autres fanatiques, des hérétiques, critiquent la religion chrétienne et le Saint-Siège. Ils parcourent la campagne en se flagellant. L’évêque demande qu’on s’en débarrasse avant qu’ils ne corrompent le royaume. L’un deux, qui porte La Croix et une couronne d’épine, s’élancer devant Lucie qui lui essuie le visage, imprimant ainsi dans le drap un visage qui ressemble à l’idée que les croyants se font du visage du christ sacrifié. 9a donne l’idée au moine de faire un faux suaire, le drap qui aurait enveloppé le corps du christ après sa descente de croix. Thomas Merlin de Sainte-Anne, le moine qui est à l’origine de la supercherie, sait que Lucie est un témoin gênant et tente de s’en débarrasser en affirmant qu’elle est atteinte de la peste. Mais Lucie s’évade…



Les dessins sont assez chargés, les textes très serrés, ce qui rend parfois la lecture complexe. Ca met en valeur l’avantage de la lecture en numérique et la capacité du zoom, ce qui rend plus aisé la lecture. Le scénario est complexe et rend bien l’ambiance moyenâgeuse de l’époque historique du récit et de l’action. Le fanatisme religieux nous démontre à quel point le royaume de France était une théocratie à l’époque. La misère du peuple est également présente, surtout comparée aux fastes des seigneurs de l’époque. Maintenant, je trouve l’histoire assez confuse. Entre l’amour de l’évêque pour sa none de cousine, les moines escrocs qui tentent de réer de fausses reliques, en se disant que ça fidélise le peuple, juste pour tenter de tirer de l’argent et construire leur abbaye, entre les flagellants fanatiques qui se rebellent contre l’église et les Juifs qu’ils faut punir car ils ont bafouer la sainte-croix. Donc, le scénario n’est pas vraiment cohérent et ce n’est pas la chute de ce tome qui va nous aider à nouer tous les morceaux de cette histoire qui peine à décoller. Je m’était dit que je laisserais tomber cette série, que je ne critiquerais pas ce volume mais la parution d’un deuxième tome m’a soudainement fait changer d’avis. Je vais donc tenter de découvrir la suite, espérant qu’elle se raccroche à ce premier tome pourtant décousu.





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Un été avec Proust

Ce collectif autour de "notre " Proust national est bien agréable à lire, mais j'y ferais une objection première : les larges extraits que chacun des intervenants a élus sont à mon avis un peu trop longs, voire nombreux et souffrent d'être déconnectés de leur contexte et cotexte. Ma préférence irait à Grimaldi et Enthoven qui me semblent apporter une réflexion un tantinet profonde et plaisante. Mais ce livre n'est rien de mieux qu'un exercice propre à flatter les lecteurs de Proust qui pourront se gargariser, une fois encore, de faire partie des happy few : Nous L'avons lu, sommes sommes élus !

Un peu d'humour nuit rarement, n'est-il pas?

Veuillez excuser cette pointe d'esprit inutile, comme l'est le livre qui reste un malin travail d'édition;-)

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Un été avec Proust

"Un été avec Proust" est un bien agréable moment de lecture.



Dans cet essai divisé en huit courts chapitres abordant chacun un thème particulier (Le temps, Les personnages, Proust et son monde, L’amour, L’imaginaire, Les lieux, Proust et les Philosophes, Les arts), les auteurs, tous grands spécialistes de l'écrivain d'À la Recherche du temps perdu, nous font découvrir un Marcel Proust quelque peu inédit voire surprenant.



Confrontant l’homme et son œuvre, évoquant tour à tour son rapport à l’écriture et au temps, ses sources d’inspiration, ses passions, la société mondaine dans laquelle il vécut, ses engagements, etc. les contributeurs nous délivrent un portrait très éclairé de l’écrivain avec pour clore chaque thème, des extraits de l’œuvre.

Le propos des auteurs de cet essai est de maintenir un constant rapport entre la personnalité de l’écrivain et son œuvre mais aussi de rappeler combien À la recherche du temps perdu reste un roman magnifique, intemporel, jeté entre l’imaginaire et la subjectivité.



Une toute petite réserve sur ce livre qui concerne la valeur quelque peu inégale des chapitres ; Ainsi, si j’ai beaucoup aimé et appris des contributions d’Antoine Compagnon, de Nicolas Grimaldi, de Raphaël Enthoven ou encore de Jean-Yves Tadié et de Michel Erman, ce fut un peu moins vrai des autres.



"Un été avec Proust" est un livre à la lecture vraiment intéressante qui plaira aux passionnés d'À la recherche du temps perdu tout autant qu'aux esprits curieux.

 Je le recommande très volontiers.

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Le Suaire : Lirey, 1357

Ce tome est le premier d'une trilogie se déroulant sur 3 époques différentes : en 1357, en 1898, en 2019. Il a été écrit par Gérard Mordillat & Jérôme Prieur, dessiné et encré par Éric Liberge. C'est une bande dessinée de 70 planches, en noir & blanc avec des nuances de gris.



Au début de premier millénaire, dans une plaine désolée, un groupe d'hommes s'avance, composé de 4 soldats à pied, d'un autre à cheval, et d'un individu nu les mains attachées à une courte poutre posée sur sa nuque. Épuisé, le supplicié tombe à genoux, devant 4 pieux fichés en terre. Les soldats se mettent à l'œuvre : clouer les mains du supplicié sur la poutre qu'il a transportée. Ils attachent ensuite la poutre à l'un des pieux, formant ainsi une croix. L'un des soldats peint une inscription sur un parchemin qu'il cloue sur le pieu, sous les pieds du supplicié. Ils s'en vont. En Champagne, en février 1357, un groupe de soldats escorte un groupe d'individus uniquement habillés d'un pagne ceint autour des reins (malgré le froid) et s'autoflagellant avec des disciplines. Cela n'empêche pas les paysans de travailler aux champs, les tailleurs de pierre de s'activer au pied de la cathédrale en construction, les sœurs de ramener les corps des pestiférés vers la fosse commune.



En revenant de la fosse commune à travers champ, Lucie (à pied dans la neige) se fait interpeller par son cousin Henri, à cheval, évêque de Troyes. Il lui demande de quitter les habits pour revenir à la demeure familiale de ses parents. Elle refuse. L'évêque est interpellé par un groupe de paysans qui lui demandent de venir leur prêter main forte pour pousser leur carriole embourbée dans l'ornière. Lucie en profite pour continuer son chemin. Dans l'abbaye proche, les frères se tournent vers le prieur Thomas Merlin en se désolant que leur confrérie soit à cours de finances. Pourtant ils sont revenus de Jérusalem, avec une relique inestimable : un morceau de la vraie croix. Il leur déclare que même son oncle le pape Clément ne se soucie pas des pauvres moines qu'ils sont. Lucie est de retour en ville, dans l'église où de nombreux gueux attendent les bons soins de sœurs. Elle se met à panser des plaies. L'évêque l'a rejointe et la poursuit de sa demande, mais le prieur Thomas intervient.



Le texte de la quatrième de couverture précise que le suaire du titre se réfère bien à celui dit de Turin : un drap de lin jauni (4,42m * 1,13m) portant l'image d'un homme avec des traces de blessures compatibles avec un crucifiement. Le bandeau de la bande dessinée rappelle que Gérard Mordillat & Jérôme Prieur sont les auteurs de 3 séries documentaires extraordinaires [[ASIN:B000A3X4IW Corpus Christi]], [[ASIN:B00017O6K2 L'origine du Christianisme]] et [[ASIN:B001CJYK1S L'Apocalypse]]. Cela génère 2 appréhensions chez le lecteur de bande dessinée. Est-ce que ces messieurs sont capables d'écrire en respectant les codes du média BD ? Est-ce que le propos ne risque pas d'être intellectuel ? Comme un fait exprès, l'ouvrage s'ouvre avec une séquence de 4 pages sans aucun texte. Elle est parfaitement intelligible, très prosaïque (une mise en croix), avec une narration visuelle efficace et claire. Le lecteur éprouve un moment de doute, car s'il y a bien 3 autres pieux à côté de celui où est accroché le supplicié, il n'y a pas d'autres condamnés dessus, pas de voleurs. Peut-être ne s'agit-il pas du Christ… En 4 pages, les appréhensions ont été levées et le lecteur est en confiance, accroché par les dessins descriptifs, réalistes et un peu brut d'Éric Liberge. Le bandeau précise également que cet artiste est l'auteur complet de [[ASIN:2800167319 Monsieur Mardi-Gras Descendres]], une bande dessinée singulière.



Au fil des pages, le lecteur apprécie le degré d'implication d'Éric Liberge et sa narration visuelle. S'il en fait le compte, il constate que cette bande dessinée comprend 22 pages dépourvues de texte sur 70. C'est un vrai plaisir de lecture que de lire ces pages qui racontent uniquement par les dessins. L'enchaînement d'une case à l'autre est évident, avec une bonne densité d'informations visuelles. Ainsi pages 16 et 17, le lecteur voit la sœur Lucie de Poitiers avancer dans la ville de Lirey. Il observe les activités autour d'elle : un gueux peignant un dessin cochon sur une toile, des gamins surveillant les porcs dans la fange, des carrioles avec leur chargement, un bûcheron avec son fagot de bois, des porteurs. Puis Lucie pénètre dans l'église, effectue une prière rapide devant la statue de la Vierge, se déplace au milieu des nécessiteux attendant de recevoir la charité ou des soins. L'artiste réalise des planches tout aussi remarquables lorsque l'action prend le dessus, par exemple quand l'évêque se bat contre une meute de loups, avec une utilisation remarquable du blanc de la page pour donner à voir le manteau de neige.



Le scénario est assez exigeant avec l'artiste puisqu'il s'agit d'une reconstitution historique, d'un drame et de pratiques cultuelles. Éric Liberge décrit un moyen-âge que le lecteur n'a pas de raison de remettre en doute. Il peut donc voir les occupations de la vie quotidienne au gré des déplacements des personnages. Il regarde les vêtements des gens du peuple, des nobles et du clergé, des moines et des sœurs. Il voit la pauvreté et le dénuement des miséreux, et le contraste total avec la scène de banquet au castelet de Montgueux chez le bailli du roi. Il peut détailler les plats servis, les instruments de musique des amuseurs. En page 34, il regarde comment Lucie prépare sa décoction pour soigner les malades. Dans la page suivante, un médecin de peste porte un masque caractéristique en forme de long bec blanc recourbé (bec de corbin). Tout au long de la bande dessinée, le lecteur peut ainsi observer de nombreuses pratiques de l'époque : l'embaument des morts de la peste, la parade à cheval des évêques, le cheminement des suppliciés juifs et flagellants, l'emmurement de certains pestiférés, la ferveur religieuse lors de l'ostension des reliques. Liberge réalise donc une reconstitution historique très riche, sans jamais chercher à s'épargner le labeur par des raccourcis graphiques, en représentant les églises dans le détail, en veillant à leur authenticité architecturale.



Le lecteur s'immerge donc pleinement dans chaque environnement et à cette époque. Il assiste à un drame impliquant essentiellement 3 personnes : Lucie, Henri et Thomas. Éric Liberge donne des morphologies normales à ses personnages, sans exagération anatomique pour les hommes ou pour les femmes. Ils sont tous aisément reconnaissables et il opte pour une direction d'acteur de type naturaliste, sans emphase particulière, sauf pendant les moments périlleux où les émotions et les réactions deviennent plus vives. Lucie apparaît comme une jeune femme réservée et déterminée, aidant les nécessiteux sans mépris ni recul, accomplissant sa tâche parce qu'elle sait qu'elle est juste. Thomas semble être un quadragénaire, habité par la foi sans en devenir fanatique, mais sûr de son jugement puisqu'il est guidé par Dieu. Les postures d'Henri montrent qu'il est conscient de son rang et qu'il attend d'être obéi comme il se doit du fait de son titre. Au fil des séquences, le lecteur observe les autres acteurs, figurants avec ou sans réplique : l'obstination fanatique des flagellants, la gloutonnerie des fêtards au banquet, la soif de violence sur le visage des spectateurs voyant passer les condamnés, la ferveur des croyants venant voir l'ostension du suaire, passant de la patience pour accéder à une place, à la ferveur extatique en le voyant, l'angoisse et l'effort de ceux fuyant l'incendie. L'artiste sait trouver la posture parlante et représenter l'expression de visage adaptée pour que le lecteur puisse y lire l'état d'esprit du personnage concerné.



La tâche du dessinateur s'avère très délicate quand il s'agit de représenter les pratiques cultuelles, allant de la simple marque de respect devant la statue de la Sainte Vierge, à la mortification par auto-flagellation avec une discipline (fouet de cordelettes ou de petites chaînes). Le parti pris des auteurs est de montrer ces pratiques comme relevant d'actes normaux dans le contexte de cette époque et de cette région du monde. Éric Liberge s'applique à ce que ses dessins soient en phase avec ce parti pris, en restant factuel, en évitant de donner dans le sensationnalisme par des angles de vue trop appuyés ou des images voyeuristes. Il arrive à trouver le bon équilibre, que ce soit lors de la scène de la crucifixion où les soldats font leur boulot sans faire montre de sadisme ou de commisération, ou lors des scènes de repentance des flagellants en train de se fouetter le dos. Il ne se complaît pas dans des représentations gore, mais si le lecteur a déjà eu la curiosité de consulter des images sur l'auto-flagellation, il retrouve bien les cicatrices caractéristiques sur le dos de Lucie dans une case de la page 65. Cela atteste encore une fois du sérieux des recherches effectuées par l'artiste. Par ailleurs, il réalise également des cases mémorables comme une vue du dessus de la nef de l'église avec les nécessiteux, Henri lançant son cheval au milieu de la troupe de flagellants, Henri quittant la salle du banquet par l'escalier, l'irruption du médecin de peste, la façade de la cathédrale de Troyes, un moine baisant le pied d'un voyageur qu'il vient de laver, l'ostension du suaire dans la cathédrale, l'incendie ravageant la cathédrale.



Le lecteur n'éprouve aucun doute sur le sérieux des recherches effectués par les coscénaristes du fait de leur bibliographie et de leur vidéographie. S'il en a la curiosité, il peut aller consulter une encyclopédie pour se renseigner sur le Suaire de Turin, et connaître l'état des connaissances sur son origine. Il retrouve l'hypothèse la plus communément admise dans cette bande dessinée. Les auteurs proposent donc une fiction sur les circonstances de sa réalisation menant à sa première ostension, relevant du fait historique. Ils ne se prononcent pas sur les techniques employées pour obtenir cette trace sur le drap de lin. Le lecteur se laisse convaincre par la plausibilité de ce récit qui montre comment cette idée a pu germer et a pu être mise en œuvre. Il apprécie la qualité de la transcription des pratiques cultuelles, sans jugement de valeur, autre que le regard qu’il peut lui-même porter sur l'auto-flagellation et la valeur de la mortification. Les auteurs n'ont pas donné une forme de reportage à ce récit, mais bien de roman focalisé sur trois personnages. Ceux-ci sont définis par leurs actes et leurs paroles, car le lecteur n'a pas accès à leur flux de pensées. Il peut en déduire leurs motivations et leurs convictions, ce qui tire le récit vers la littérature, avec l'utilisation d'une forme construite pour parler du suaire de Turin. Au fur et à mesure, le lecteur s'interroge sur le comportement de tel ou tel personnage secondaire. En fonction de ses convictions religieuses, il se demande ce qui poussait des individus à laver les pieds des autres, à se mortifier, à se mettre en danger pour ses convictions religieuses, ou à l'opposé à être en capacité d'ignorer la souffrance de son prochain. Il n'y a ni prosélytisme, ni raillerie dans ces pages, juste une étrange histoire d'amour de nature spirituelle, et une réflexion sur ce qui a pu amener des individus à réaliser un tel suaire, sur le système de croyance, sur les conditions politico-sociales qui ont produit cet artefact.



Dès la première séquence, le lecteur est séduit par le noir et blanc avec des nuances de gris, sans chichi, d'Éric Liberge, par la lisibilité de ses planches sans sacrifier à la qualité de la reconstitution historique, à l'émotion des personnages, à la rigueur de la mise en scène. Il se rend compte que le récit est accessible et facile à lire, un véritable roman racontant comment le Suaire de Turin a pu être créer sans prétendre à la véracité, mais avec une forte plausibilité. Par ailleurs ce tome peut être lu pour lui-même, sans avoir besoin de lire les suivants, si le lecteur n'est intéressé que par cet aspect du suaire.
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Un été avec Proust

Passer l’été avec Proust ressemble étrangement à un Entretien avec un vampire. Souffrant de graves crises d’asthme, l’écrivain passa les dernières années de sa vie seul, calfeutré dans son lit, travaillant la nuit et dormant le jour, dans une chambre dont les murs furent recouverts de liège et les volets constamment clos. On peut imaginer cette fin de vie comme une recette pour garder le teint (et la tête) de Marie-Antoinette.



Heureusement, 8 auteurs, qui n’ont de pâle que l’iris de leurs yeux, nous offrent ce bijou littéraire, Un été avec Proust.



La série d’émissions de Laura El Makki sur France Inter est enfin disponible en livre. Pas de panique, il n’y a rien de compliqué ni d’ennuyeux ! Bien au contraire, les plus grands spécialistes de Proust se penchent sur les thèmes cruciaux et dressent un fascinant portrait de l’œuvre. Chaque étude (sur le temps, l’amour, l’imaginaire, les arts, etc.) tient en quelques pages, ponctuée de citations et de passages d’une des plus grands œuvres du XXème siècle. Vous n’avez jamais lu Proust ? Aucun problème, le livre se déguste sans prétention ni prérequis. Il est même conseillé pour être un peu moins sot en cette rentrée. On découvre Proust comme un subtil chroniqueur mondain, un esprit satirique, un capteur de sensations (il les attrape au vol comme des papillons pour qu’elles ne s’enfuient), un gay non refoulé (contrairement à son collègue André Gide, qui lui refusa la première fois le manuscrit de Du côté de chez Swann), en somme, un écrivain MODERNE.



C’est l’occasion de briller en société en chopant des phrases comme “tâcher de garder toujours avec vous un morceau de ciel au-dessus de votre tête” ou encore “on se souvient de l’atmosphère parce que des jeunes filles y ont souri”.



Pour les amoureux de Proust, ce livre vous fera l’effet d’une délicieuse madeleine dans votre vie.



L’anecdote proustienne à connaître : Marcel Proust a écrit la A la Recherche du temps perdu à 40 ans. Cette œuvre s’étale sur 7 tomes : Du côté de chez Swann, A l’ombre des jeunes filles en fleurs, Prix Goncourt 1918, Le Côté de Guermantes, Sodome et Gomorrhe, La Prisonnière, Albertine disparue et Le Temps retrouvé. Il mourut en 1922 à 51 ans avant que tous ces tomes soient édités mais en réussissant le pari fou de finir d’écrire son œuvre. A ce sujet, il dit un jour à sa gouvernante Céleste Albaret “Je viens de mettre FIN à mon livre, maintenant je peux mourir”.


Lien : http://desmotscritiques.tumb..
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Un été avec Proust

Gageure réussie pour ce livre reprenant les chroniques tenues sur France-Inter et publiées en 2014 sous le titre "Un été avec Proust".

Et l'été décliné en huit parties a fait appel à huit chroniqueurs talentueux et spécialistes des écrits de Marcel Proust.

Chacun y cerne une spécificité de l'oeuvre (cela va du Temps jusqu'aux Arts en passant par Les Personnages, Le Monde, L'Amour, L'Imaginaire, Les Lieux et Les Philosophes).

Un texte de Proust clôt les chapitres et illustre les propos développés par les différents auteurs.

L'approche est analytique, riche, multiple, en sinuosités à travers les tomes de la "Recherche du Temps perdu" et de l'écrivain lui-même.

Elle nous place au centre de cette oeuvre magistrale, nous oriente dans sa véracité et rappelle au lecteur la liberté de s'y lire, de s'y découvrir, de s'entendre dire, de voir, de comprendre, de réfléchir.

Peu importe l'époque, les milieux, la manière de s'exprimer, l'âme humaine se débat toujours et toujours au sein des mêmes vices et vertus.

Le mythe tombe, Marcel Proust reprend forme de chair et de sang.

Les textes de Proust présentés, les réflexions qu'on y trouve, la conception de l'art et de l'écriture, l'humour jusqu'à l'observation féroce et lucide, l'humanité (l'émouvant texte cité par Michel Erman dans Portrait de lecteur - Les Lieux - ), les subtilités jusqu'à la dissection, provoquent l'envie de s'y plonger ou de s'y replonger.

Chaque auteur apporte une vue, un développement nuancé d'amoureux passionné d'une oeuvre unique de la littérature française.

On s'arrête surpris de tant de beautés et de vérités.





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Le Suaire : Corpus Christi, 2019

Ce tome est le troisième d'une trilogie : Le Suaire, tome 1 : Lirey, 1357 paru en 2018, Le Suaire - Turin, 1898 (2018), celui-ci paru en paru en 2019. Les 3 tomes ont été coécrits par Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, dessinés et encrés avec nuances de gris par Éric Liberge. Ce tome peut être lu sans avoir lu les deux premiers, mais ce serait dommage de s'en priver, et cela risque de rendre quelques pages inintelligibles.



En 2019, à Lirey en Champagne, Lucy Bernheim, cinéaste américaine, se tient devant la chapelle collégiale, et elle la photographie. Elle est interpellée par le père de Brok avec qui elle a rendez-vous. Il tient dans la main la clé qui permet d'ouvrir la chapelle, et il l'invite à le suivre pour une visite. Lucy Bernheim observe la fresque mur, lit les panneaux d'informations sur le Saint Suaire, sur Geoffroy de Charny (1300-1356). Elle explique au père de Brok son projet de film. Il lui propose de continuer la conversation au presbytère. Une fois au chaud, le père de Brok explique la raison pour laquelle le suaire ne peut pas être celui de Jésus, ni celui de quelqu'un d'autre. Il lui fait la démonstration de la fabrication de traces similaires sur un linge. Lucy Bernheim s'étonne auprès de lui que tant de gens croient encore au fait que ce suaire puisse être authentique. Le père de Brok évoque la position équivoque de l'Église, les laïcs qui se sont acharnés à montrer que le linge était le suaire de Jésus, la preuve par la datation la carbone 14 qui a conduit à remettre en cause la science plutôt que d'accepter les résultats. Il interroge Lucy sur ce qui la motive à faire un film : elle veut ainsi combattre l'intégrisme catholique lié à l'extrême droite qui font de l'image du suaire un usage politique aux États-Unis.



Une fois la conversation terminée, Lucy Bernheim va marcher dans la campagne. Chemin faisant, elle observe les champs de neige, les ânes, un corbeau un chien. Elle aperçoit au loin un bosquet d'arbres par lequel elle se sent attirée. Elle quitte le chemin pour s'y rendre. Elle aperçoit une sœur en habit qui lui tient un panier sans rien dire et qui la prend par la main pour qu'elle l'accompagne. Elles marchent jusqu'à un endroit où se trouvent des planches sur des tréteaux. Le corps d'un homme trop long est allongé nu dessus. Elles déplient le drap que porte la sœur pour l'en recouvrir. La sœur commence à appliquer des onguents sur le drap pour marquer le relief du corps. Puis elle se tourne vers Lucy et lui fait un signe d'au revoir. Lucy Bernheim a des visions d'un homme crucifié sur une croix avec une couronne d'épine, d'une femme allongée sur son lit, de Lucie une bonne sœur, d'Henri évêque de Troyes en 1357, de Lucia Pastore d'Urbino et de son père le Baron, d'Enrico Spitiero, et d'autres personnes encore. Quelques jours plus tard, elle se trouve à Turin pour voir le suaire. Elle fait le point avec un des techniciens de son équipe de tournage. Elle se souvient de la première fois où elle a vu le suaire à Turin avec Thomas Crowley, son professeur de théologie à Berkeley. Elle évoque son retour proche aux États-Unis et le fait qu'elle va aller voir une pièce de théâtre sur Jésus à Broadway.



En entamant ce troisième tome, le lecteur sait qu'il s'agit du dernier et qu'il vient conclure la trilogie. Il ne sait pas trop à quoi s'attendre, entre une évocation de Suaire de Turin tel qu'il est aujourd'hui considéré, l'histoire d'une nouvelle femme dont la vie y est liée (comme celle de Lucie et de Lucia précédemment) et une mise en scène de la foi catholique et de quelques croyants. Il constate très rapidement que les coscénaristes ont bien conçu leur récit en 3 chapitres : évocation de Lucie et de Lucia, évocation d'Henri et d'Enrico, reprise du motif de la vision de la sœur Lucie déjà utilisé dans le tome 2, et prise position claire sur la nature frauduleuse du suaire, fabriqué en 1357, sciemment utilisé comme relique créée ex nihilo. De ce point de vue, il s'agit d'une bande dessinée à charge qui établit le suaire comme une imposture. Les auteurs avaient déjà présenté une possibilité de fabrication du suaire dans le tome 1. Ils avaient ensuite évoqué des raisons techniques impliquant qu'il ne pouvait s'agir des marques laissées par un corps humain sur un drap. Ils exposent d'autres éléments dans ce troisième tome : un exemple de procédé de fabrication de telles marques (une démonstration effectuée par le professeur Henri Broch), les résultats de la datation au carbone 14 établissant que le drap a été tissé au quatorzième siècle. Le père de Brok énonce que la science ne peut rien faire quand l'esprit humain a décidé de croire, les preuves tangibles n'ayant aucun effet.



Dès le premier tome, le lecteur connaît donc l'opinion des auteurs et sait qu'ils vont développer leur histoire sur la base de ce point de vue. Comme dans les 2 tomes précédents, ils commencent par exposer des connaissances relatives à l'histoire du Suaire de Turin. Mais très vite, le récit prend une autre tournure, la même que celle des 2 tomes précédents. Lucy Bernheim se retrouve aux prises avec la croyance religieuse, avec la foi qui nourrit le fanatisme d'un individu. Cette orientation du récit peut décontenancer si le lecteur est resté sur les documentaires de Mordillat et Prieur. En plus, les auteurs n'y vont pas avec le dos de la cuillère en ce qui concerne le mysticisme : visions pour Lucia Bernheim (de Lucie, mais aussi de la crucifixion décrite en prologue du premier tome), sous-entendu de réincarnation ou au minimum de destins liés, de cycles (Lucie/Lucia/Lucy tourmentée et opposée à Henri/Enrico/Henry), symbolisme de la croix, des anges, des démons, du brame du cerf… Le récit prend même un tournant grand guignol avec une crucifixion au temps présent, et un fanatisme de foule. Le propos donne l'impression d'être amoindri par le recours à ces éléments exagérés, comme si les auteurs ne pouvaient pas parler du Suaire, de la Foi, de la religion sans la transformer en des rituels déments, ce qui viennent s'ajouter à la forgerie de la relique.



Comme dans les 2 tomes précédents, Éric Liberge impressionne par la qualité de ses planches et de sa narration graphique. À nouveau les auteurs ont choisi de faire la part belle aux pages sans texte : elles sont au nombre de 25 sur un total de 68. Il n'est pas facile de raconter une histoire sans mot : de raconter quelque chose de substantiel, et d'être certain de la bonne compréhension du lecteur. Dans ce tome, cela commence avec la promenade de Lucy Bernheim dans la campagne pendant 6 pages muettes, suivies par 2 compositions complexes muettes en pages 14 & 15. En page 8, le lecteur regarde pour partie le paysage par les yeux de Lucy Bernheim, et pour l'autre partie la voit avancer avec son bâton de marche. L'artiste œuvre dans un registre réaliste et descriptif, permettant d'observer les animaux et l'environnement enneigé. Il éprouve la sensation de se promener aux côtés de la jeune femme et ressent le calme des lieux. Le dessinateur dose avec subtilité les blancs sur la page (espace vierge) de telle sorte à ce que la transition vers un état de conscience différent s'opère sans heurt. La rencontre entre Lucy et Lucie apparaît comme un fait normal, ce n'est que l'écho avec une scène semblable dans le tome 2 entre Lucie et Lucia qui révèle la nature onirique du moment. Les pages 14 & 15 s'avèrent plus complexes et plus ambitieuses. Dans la première, Liberge doit réussir à faire prendre conscience au lecteur du poids psychologique qu'exerce la religion sur l'esprit de Lucy, et dans la seconde évoquer cette impression de cycle se répétant de Lucie à Lucia à Lucy. Le résultat est clair, lisible et compréhensible, malgré la liberté d'interprétation générée par l'absence de mot. Il réitère cette sensation de remémoration en page 21, où le lecteur retrouve l'image du cerf en train de bramer. Il n'y a que le dessin en pleine page (p. 26) dont l'interprétation n'est pas si évidente.



Du début jusqu’à la fin, Éric Liberge est entièrement au service du récit dans tout ce qu'il a de plus exigeant. Il a donné vie à des personnages inoubliables et distincts. Le lecteur peut voir aussi bien les ressemblances que les différences entre Lucie, Lucia et Lucy et elles ne se limitent pas à leur tenue vestimentaire. Il a adopté une direction d'acteurs naturaliste, ce qui colle parfaitement à l'esprit de réalisme du récit. Il sait installer des décors cohérents et conformes à la réalité, pour des endroits aussi différents que la campagne autour de Lirey, l'architecture de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin, l'aménagement de la chapelle de Guarini, le quartier de Broadway à New York, l'urbanisme de la ville de Corpus Christi au Texas (300.000 à 400.000 habitants), différents lieux associés aux Évangiles pour Le baiser aux lépreux, Les marchands du Temple, l'oliveraie de Gethsémani où des gardes du Sanhédrin font irruption. Il donne une force de conviction peu commune aux reconstitutions de ces scènes des Évangiles. Il réussit à trouver les bons cadrages, le bon séquençage pour rendre compte de la folie qui anime la foule dans la dernière séquence hallucinée.



Le lecteur se laisse donc transporter par la force de conviction de la narration visuelle, par sa précision et sa capacité à faire coexister le littéral très précis et la vision du ressenti de certains personnages. Ce n'est pas une mince affaire car le récit est teinté par le ressenti de Lucy Bernheim tout du long, et par les assauts du fanatisme masqué ou à découvert, jusqu'à une projection agrandie du linceul dans le ciel au cours d'un rassemblement à Corpus Christi, et même l'apparition du Christ dans le ciel. Le lecteur doit accepter que pour Gérard Mordillat et Jérôme Prieur parler de la Foi et du fanatisme, c'est sortir du rationalisme et qu'il faut donc employer un mode narratif adapté, passer au ressenti, à la métaphore, avoir recours à des comportements irrationnels. Sous réserve d'accepter ce mode narratif, le récit fait sens : une femme se confrontant à un traumatisme, devant exorciser ses croyances, et donc remettre en cause celles des autres. Les images deviennent alors la concrétisation de cette violence conflictuelle psychique. La page de fin devient une invitation à célébrer autre chose que la mort du Christ, ou l'utilisation d'un subterfuge (une fausse relique) pour préférer un autre usage à ce linge.



Ce troisième tome vient conclure cette trilogie surprenante, à bien des égards. Il ne s'agit pas d'une bande dessinée servant de support à un exposé historique ou technique sur le Suaire de Turin. Il s'agit bel et bien d'un récit, d'un roman se déroulant sur 3 époques (1357, 1898, 2019), suivant à chaque fois une femme différente, mais liées toutes les 3 par l'oppression du fanatisme religieux, d'une foi patriarcale s'imposant à elle. Éric Liberge est épatant de bout en bout, illustrant ce roman ambitieux de manière réaliste et précise, tout en réussissant à faire coexister des moments de visions, de mysticisme, sans les rendre naïfs ou crétins. Le lecteur peut se projeter à chaque époque, dans chaque lieu, et côtoyer des individus plausibles. Il apparaît très rapidement que les auteurs ont construit leur récit dans les moindres détails, que ce soient les images récurrentes comme celle de la Passion, ou des correspondances comme les ânes dans un pré en page 8, annonçant l'étrange monologue d'Henry en page 19. Au final, le ressenti du lecteur sur cette œuvre est partagé. Il a découvert un récit atypique, très personnel, particulièrement bien exécuté, mettant en scène des thématiques complexes comme la Foi, ses excès, la prédominance des croyances sur les faits scientifiquement prouvés, les contraintes implicites qu'exerce un système dominant sur tout ou partie de la population. Afin de pouvoir l'apprécier à sa juste valeur, il faut avoir conscience que les auteurs ne font aucun compromis avec une religion qui cautionne le mensonge des fausses reliques pour assurer en partie la foi de croyants.
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