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Citations de John Berger (110)


Les hommes politiques, de gauche comme de droite, continuent de débattre, de voter, de faire passer des lois, comme si de rien n’était. Le résultat, c’est que leur discours ne se rapporte à rien. Il est insignifiant. Les mots, les termes qu’ils utilisent à qui mieux mieux – terrorisme, démocratie, flexibilité – ont été vidés de toute signification. Leur auditoire de par le monde est attentif aux mots qui sortent de leur bouche comme s’il assistait à un interminable exercice scolaire ou à un cours de rhétorique. Foutaises !
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Une chanson, au moment d’être chantée ou jouée, acquiert un corps. Et pour ce faire, elle s’empare de corps préexistants pour les posséder brièvement. C’est le corps de la contrebasse qui se tient droite tandis qu’on la gratte, le corps de l’harmonica niché au creux de deux mains suspendues devant une bouche comme des oiseaux picorant l’air, ou le torse du batteur pendant qu’il joue. La chanson s’empare du corps du chanteur, l’abandonne, puis s’en empare à nouveau. Et un moment plus tard, elle prend possession des corps des spectateurs présents dans l’assemblée qui, en l’écoutant et se mouvant à son rythme, sont transportés dans le passé, dans l’avenir.
Une chanson, contrairement aux corps dont elle s’empare, n’a pas d’attaches, ni temporelles, ni spatiales. Une chanson raconte une expérience passée. Chantée, elle emplit le moment présent. Les récits agissent de manière semblable. Mais les chansons ont une dimension supplémentaire qui leur appartient en propre. Si une chanson emplit le moment présent, c’est qu’elle espère trouver, dans ce qui est pour elle un futur flou, une oreille susceptible de l’entendre. Elle se projette, toujours plus loin. Sans la persistance de ce mouvement, je suis certain que les chansons n’existeraient pas. Les chansons se projettent.
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Nous autres nageurs, nous partageons une forme d’anonymat égalitaire. Pas de chaussures, aucun signe de hiérarchie. Rien que nos maillots de bain. Si vous touchez par mégarde un autre nageur en le ou la dépassant, vous vous excusez. La cruauté sans limite à l’encontre de notre prochain, cette cruauté dont nous sommes capables quand nous sommes fanatisés et endoctrinés, est difficile à imaginer au moment où vous faites demi-tour et entamez votre vingtième longueur.
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L’énergie des cabrioles de Chaplin est répétitive et cumulative. Chaque fois qu’il tombe, c’est un homme nouveau qui se relève. Un homme nouveau, qui est à la fois le même et différent. Le secret de son optimisme est sa multiplicité.
C’est cette même multiplicité qui lui permet de tenir jusqu’au prochain moment d’espoir, bien qu’il soit habitué à voir tous ses espoirs réduits en miettes. Il subit une humiliation après l’autre avec équanimité ; s’il contre- attaque, c’est toujours avec un soupçon de regret. Une telle égalité d’humeur le rend invulnérable – au point de sembler immortel. L’immortalité, nous la ressentons alors même que nous demeurons enfermés dans le cercle désespérant de notre quotidien, et la reconnaissons d’un rire.
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Le suffrage universel a perdu son sens depuis que le discours des hommes politiques s’est déconnecté de ce qu’ils font – ou pourraient faire. Les décisions fondamentales qui conditionnent la marche du monde appartiennent désormais aux spéculateurs et à leurs agences, anonymes et politiquement muettes. Comme le disait déjà l’enfant de dix ans : « Les mots nous manquent pour nommer le flot quotidien de problèmes, de besoins inassouvis et de frustrations. »
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Le moindre pas a toutes les chances d’être une erreur. Il faut donc s’exécuter avec style et ignorer la suite probable – une merde.
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On ne porte pas un chapeau pour se protéger des intempéries, mais pour indiquer une position sociale.
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Quand un homme perd son pantalon, c’est une humiliation ; quand les jupes des femmes se soulèvent, c’est une illumination.
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Le cul est le centre du corps masculin ; c’est la partie de votre adversaire que votre pied frappe en premier, et c’est sur lui que vous tombez quand on vous met K.-O.
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Son énergie se concentre sur l’immédiat ; survivre, trouver la sortie, des conditions un peu plus acceptables. Il a observé que la vie est pleine de circonstances, de situations qui ne cessent de se produire et se reproduire et qui dès lors, en dépit de leur étrangeté, lui sont familières. Depuis sa plus tendre enfance il connaît un tas de dictons, de blagues, de conseils, de trucs, de combines en rapport avec ces énigmes récurrentes qui font partie de notre quotidien. C’est pourquoi il les considère avec une sorte de prescience de ce qui l’attend au prochain tournant. Il est rarement déconcerté.
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J’ai relu récemment le beau livre d’Albert Camus, Le Premier Homme. Camus y part à la recherche de ce qui, dans son enfance et dans sa jeunesse, a fait de lui l’homme et l’écrivain qu’il est devenu. Et cela sans la moindre trace d’égocentrisme. C’est un livre qui parle du monde tel qu’il était à cette époque, et de l’Histoire.
L’ayant lu, je me suis demandé ce qui avait fait de moi un conteur. Et j’ai trouvé un indice. Rien de comparable, cependant, à ce que Camus avait découvert. Juste un aperçu jeté au vol sur le papier.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu la sensation d’être une sorte d’orphelin. Un orphelin d’un genre un peu étrange, car j’avais des parents aimants. Ma condition n’avait rien de pitoyable. Mais certaines circonstances matérielles rendaient cette sensation possible, et même l’encourageaient.
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Il existe aujourd’hui dans le monde 5 000 espèces d’oiseaux ; en Union soviétique, il y a 400 espèces d’oiseaux chanteurs ; en général ce sont les mâles qui chantent. Les oiseaux chanteurs ont des cordes vocales particulièrement développées ; ils font généralement leur nid dans les buissons, dans les arbres ou sur le sol ; ils sont utiles à la culture des céréales, car ils mangent, et donc éliminent des hordes d’insectes. Trois nouvelles espèces de moineaux chanteurs ont été identifiées récemment dans les régions les plus reculées d’Union soviétique.
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« Le but d’une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre ; d’en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de les transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n’aient pas été inutiles pour les siècles qui succéderont ; que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux… »
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On paie un homme ou une femme pour faire la queue et après un très long moment (la plupart des queues sont interminables), quand le stacz approche de la tête de la file, on prend sa place. On peut faire la queue pour de la nourriture, un ustensile de cuisine, un permis ou un tampon officiel sur un document, du sucre, des bottes en caoutchouc…
Ils inventent des stratagèmes pour s’en sortir.
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« Être un humain, dis-tu, est la chose la plus élevée de toutes. Et cela veut dire être ferme et clair et joyeux, oui, joyeux envers et contre tout, parce que se plaindre est l’affaire des faibles. Être un humain veut dire jeter joyeusement sa vie entière dans la gigantesque balance du destin s’il le faut, et en même temps jouir de la clarté de chaque jour et de la beauté de chaque nuage. »
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La Langue Maternelle est notre langage premier, celui que nous avons entendu de la bouche de notre mère quand nous étions bébés. Cette expression est donc logique.
Si je mentionne ce fait, c’est parce que la créature de langage, celle que j’essaie de décrire, est indubitablement féminine. J’imagine son centre comme un utérus phonétique.
Une Langue Maternelle contient toutes les Langues Maternelles. Autrement dit : toute Langue Maternelle est universelle.
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Quant on était ensemble, Sven et moi, on le prenait comme un honneur, presque une conspiration. Pas une conspiration contre nous. Dieu nous préserve. La conspiration était la nôtre : c’était notre nature de résister, lui dans sa peinture, moi dans l’écriture. Nous n’étions pas quelque part entre le succès et l’échec, nous étions ailleurs.
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Il a tiré le rideau de la fenêtre pour laisser passer un peu plus d’air et de lumière, j’ai enlevé les attaches du portfolio et l’ai ouvert. A l’intérieur, il y avait une pile de toiles non vendues que Sven venait juste de peindre à la détrempe. Ouvert, le carton occupait presque toute la largeur du lit double. J’ai pris une toile et me suis arrangé pour la faire tenir contre le dossier de la chaise, au pied du lit. Sven est resté debout. Puis je suis retourné m’asseoir contre les oreillers avec précaution.
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Tu as ta propre façon de lire, mi Soplete. Que tu sois assis à cette table en train de lire le journal du matin plié en deux, ou couché sur le dos, sur ton lit - tes pieds dépassent du bord, tu tiens un livre des deux mains au-dessus de ton visage (c'est peut-être un livre sur les plantes de montagne), ta façon de lire, ta façon d'accomplir l'acte de lire, est spéciale. Certains se laissent. aspirer par le tourbillon des caractères imprimés, certains décollent pour des voyages au long cours ; toi, tu assembles ce que tu reçois de la page que tu es en train de lire, et le mets aussitôt en relation avec ce qui était déjà là. Quand tu lis, loin d'être absent, tu es plus présent que jamais. Je pose la tête sur ton épaule. Pour toi, lire est une forme de monitoring, ça se voit dans ta manière de tenir le menton. Je bouge la tête pour que ma langue, si je la tire, puisse toucher le dessous de ton menton, puis je lève un peu la tête et je pose les lèvres à l'endroit que ma langue a frôlé.
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Ta voix fait plus de "s" que la moyenne. Elle siffle, ta voix manquante. Ta voix qui me manque plus que je ne saurais le dire.
La porte du garde-manger est ouverte, et à sa gauche j'aperçois le robinet au-dessus de l'évier, où je mets les pots de plantes pour les arroser. Ce soir, en rentrant, j'ai arrosé les deux jasmins - le polyanthum et et le nudiflorum jaune. C'est dans cet évier que tu te lavais les pieds. Jamais dans la bassine près de la douche. Tu enlèves tes sandales, tu te laves un pied, tu me racontes ta matinée, tu passes au second pied, et tu me racontes ton après-midi. En t'écoutant, j'imagine que c'est ta cheville et les os de tes pieds qui disent à ta main quoi dire à ta voix pour qu'elle me le dise à son tour. Voilà pourquoi j'ai envie d'embrasser chacun de tes cinquante-deux os de tes deux pieds.
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