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Citations de John Berger (110)


Au coucher du soleil, la forêt noircissait : ce n'est pas tant de couleur noire qu'elle s'emplissait, mais du mystère, de l'hospitalité du noir. La noirceur d'un manteau noir, d'une chevelure noire, d'un ventre qu'on touche pour la première fois.

Ed de l'Olivier, 2023. p. 15.
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Ça fait un drôle de mélange, dit le vieil homme, sans lever la tête. Drôle de mélange. Hier elle allait plutôt bien. Il se mit à pleurer, très doucement, comme peuvent pleurer les femmes : les larmes qui gonflent les yeux.
Le médecin, qui avait déjà empoigné l’une de ses trousses, la reposa puis se radossa dans sa chaise : Vous pourriez nous faire une tasse de thé ? demanda-t-il.
Pendant que la fille préparait le thé, les deux hommes parlèrent du verger de derrière et des pommes de l’année. Au retour de la fille, ils parlèrent des rhumatismes du père. Après le thé, le docteur partit.
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« Les paysages peuvent être trompeurs. Un paysage semble parfois être moins un décor pour la vie de ses habitants qu’un rideau derrière lequel se déroulent leurs combats, leurs réussites et leurs malheurs.
Pour ceux qui se tiennent derrière le rideau en compagnie des habitants, les points de repères ne sont plus seulement géographiques mais également biographiques et personnels.
………………….. Les matins d’automne anglais ne ressemblent souvent à aucun autre matin dans le monde. L’air est froid. Le parquet est froid. C’est peut-être ce froid qui aiguise la saveur de la tasse de thé brûlant. Dehors, les pas sur le gravier crissent un peu plus qu’un mois auparavant en raison du très léger givre…….. Dehors, la lumière est douce et tranchante. Chaque feuille de chaque arbre se détache.
Elle était couchée dans un lit à colonnes : elle avait le visage couleur de cendre, les joues rentrées, les yeux fermés très fort sous l’effet de la douleur. »
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Lorsque je dessine, je me sens un peu plus proche de la manière dont les oiseaux trouvent leur chemin quand ils volent, ou des lièvres en quête d’un abri s’ils sont poursuivis, ou des poissons qui savent où frayer, ou des arbres qui trouvent leur voie vers la lumière, ou des abeilles qui construisent leurs alvéoles.
J’ai conscience d’une compagnie silencieuse, lointaine. Presque aussi lointaine que les étoiles. Mais compagnie cependant. Non parce que nous sommes dans le même univers, mais parce que nous sommes impliqués – chacun à notre façon – dans une quête comparable. Dessiner est une forme d’exploration. Et la première impulsion générique pour dessiner découle du besoin humain de chercher, relier des points, positionner des choses et se positionner.
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To be naked is to be oneself.
To be nude is to be seen naked by others and yet not recognized for oneself. A naked body has to be seen as an object in order to become a nude. ( The sight of it as an object stimulates the use of it as an object.)
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(A woman) has to survey everything she is and everything she does because how she appears to others, and ultimately how she appears to men, is of crucial importance for what is normally thought of as the success of her life. Her own sense of being in herself is supplanted by a sense of being appreciated as herself by another.
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Le Jardinier : les arbres vivent plus longtemps que les lois.
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La Mère : les femmes sont méchantes, chico, méfie-toi de leur breuvage. Toutes des sorcières, et des empoisonneuses. Elles ne songent qu'à vous ronger les coeurs et les cervelles.
Goya : Leurs seins sont si doux au toucher, la peau si blanche, la bouche comme un duvet d'oisillon, et les yeux, des charbons qui réchauffent.
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Goya : la fatigue... C'est comme la rouille, la fatigue. Elle pénètre les engins les plus nobles, elle ronge les espoirs les plus tenaces. Son effet, à la longue, c'est de céder au plus facile, au plus court, à l'immédiat. Elle prend son temps, la fatigue. Elle ne s'attaque à vous tout de suite, elle lambine. Mais elle finit par rappliquer, quoi qu'on fasse.
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Leandro : La musique ça berce les morts...
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Le Nain : Bref, nous sommes une nation de loques et d'uniforme... (Le Nain ouvre une portière de carrosse. En sort Goya, en habit de cour.à
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La Duchesse : (au Nain) Quel objet particulièrement aimerais-tu voir brûler, Amor ?
Le Nain : Tous les jupons sous les robes de mariées.
La Duchesse : Pourquoi ça, mon chéri ?
Le Nain : Ce serait l'occasion de voir ce que je n'ai jamais vu.
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Pour une femme, être amoureuse était un interrègne hallucinatoire entre deux propriétaires, le fiancé qui prenait la place du père, ou plus tard, éventuellement, un amant qui prenait la place du mari.
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Lorsque l'appareil photographique reproduit un tableau. Il détruit le caractère unique de son image. Il s'ensuit que sa signification change. Ou plus exactement sa signification se multiplie, se fragmente en de nombreuses significations.
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La singularité de chaque tableau étais jadis un élément constitutif du caractère unique du lieu où il se trouvait.
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« Les pays du Sud sont dans une situation un peu comparable, économiquement, à celle des SDF : ils étaient endettés ; en vingt ans, ils ont payé cette dette quatre fois, et maintenant elle est quatre fois plus importante qu’au début. La nouvelle pauvreté n’est pas un phénomène marginal du nouvel ordre économique mondial, mais au contraire absolument central. En Europe, où les SDF en sont l’expression la plus extrême, la plus visible, personne ne peut l’ignorer. Bien sûr, on peut fermer les yeux. Mais si on ferme les yeux, c’est qu’on a déjà vu quelque chose qu’on ne veut pas voir... Ici, en France, au fronton de chaque mairie, on lit les mots “Liberté Egalité Fraternité”. Ces mots d’ordre de la Révolution française ne sont plus respectés, et plus personne ne croit sérieusement qu’ils le sont. Mais il y a un résidu de ces idéaux éthiques chez les gens. On le voit à la manière dont ils réagissent à ce qui se passe dans le monde - quel que soit le sentiment d’impuissance qui les accable. Le fossé entre ces idéaux éthiques et la nouvelle pauvreté est si énorme, que je ne comprends pas pourquoi tous les écrivains ne s’emparent pas du sujet. Je ne comprends pas comment on peut éviter une réalité aussi écrasante. »
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John Berger
Aujourd’hui, il y a moins de degrés dans la pauvreté. Il y a la société de consommation, et il y a ceux qui sont en dehors, séparés par un mur infranchissable. Ils sont à la fois irrémédiablement seuls, et exposés en permanence au regard du public, privés de cette chose basique, essentielle : l’intimité. Ils n’ont nulle part où se cacher, où se réfugier. C’est cette combinaison qui est, je crois, assez nouvelle, et particulièrement diabolique.
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Ignorez le bavardage des geôliers. Bien sûr, il y a les méchants geôliers et les moins méchants. Dans certaines circonstances, il est utile de noter la différence. Mais ce qu'ils disent, y compris les moins mauvais, c'est de « la merde ». Leurs hymnes, leurs mots d'ordre, leurs
termes incantatoires sécurité, démocratie, identité, civilisation, flexibilité, productivité, droits de l'homme, intégration, terrorisme,
liberté sont répétés et répétés dans le but de confondre, diviser, distraire et calmer la totalité des codétenus. De ce côté-ci des murs, les mots prononcés par les gardiens sont dépourvus de sens, et ne sont plus utiles à la réflexion. Ils ne pénètrent rien. Rejetez-les même de vos pensées intimes.
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Les autorités font systématiquement de leur mieux pour tenir les co-détenus mal informés de ce qui se passe ailleurs dans la prison planétaire. Elles n'endoctrinent pas au sens agressif du terme. L'endoctrinement est réservé à la formation de la petite élite des « traders » et des experts en gestion directoriale des entreprises et des marchés. S'agissant de la population globale des prisons, le but
n'est pas de les activer, mais de les maintenir dans un état d'incertitude passive, de leur rappeler impitoyablement que dans la vie, il n'y a rien que du risque, et que la terre est un endroit dangereux.

Ceci est réalisé au moyen d'une information choisie avec soin, accompagnée de désinformation, commentaires, rumeurs, fictions. Dans la mesure où l'opération réussit, elle propose et maintient un paradoxe hallucinant car elle amène la population d'une prison à croire, abusivement, que la priorité pour chacun d'entre eux consiste à prendre des dispositions pour veiller à leur propre protection et
à assurer égoïstement, bien qu'ils soient incarcérés, un moyen d'être exempté du sort commun. Cette image de l'humanité, telle qu'elle est transmise par le biais d'une vision du monde, est, à vrai dire, sans précédent. L'homme est présenté comme un lâche. Seuls les gagnants sont braves. En outre, rien n'est offert, il n'y a que des prix à remporter.

Les prisonniers ont toujours trouvé les moyens de communiquer les uns avec les autres. Dans la prison mondiale d'aujourd'hui, le cyberespace peut être retourné contre ceux qui ont été les premiers à l'installer. C'est ainsi que les prisonniers s'informent sur ce que le monde fait jour après jour, et qu'ils écoutent de nouveau les histoires supprimées du passé, et qu'ainsi, ils se retrouvent, épaule contre épaule, avec les morts.

Ce faisant, ils redécouvrent de petits dons, des exemples de courage, une rose solitaire dans une cuisine où il n'y a pas suffisamment à manger, des douleurs qu'on n'efface pas, l'énergie infatigable des mères, les rires, l'assistance mutuelle, le silence, la résistance qui s'étend sans cesse, le sacrifice volontaire, et plus de rires encore...

Les messages sont brefs, mais ils s'allongent dans la solitude de leurs (de nos) nuits.
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Chaque tyrannie trouve et improvise son propre ensemble de moyens de contrôle. C’est pourquoi souvent, au départ, on ne les reconnaît pas pour ce qu’ils sont : des moyens de contrôle odieux. […] La liberté se découvre petit à petit, non pas dehors, mais dans les profondeurs de la prison.
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