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Critiques de José Eduardo Agualusa (128)
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Le peuple de la brume

Magnifique voyage au pays des rêves.



Le déluge a noyé le monde. Le salut n’est pas venu des eaux façon Noé, mais des cieux et ses dirigeables. 30 ans que l’humanité fait mieux que survivre, développant une nouvelle civilisation aérienne. Ils sont jeunes et rêvent d’aventure. En recherche du père, en recherche d’un mystérieux Eldorado, dernier refuge terrestre, en butte aux pirates. Une aventure poétique pleine de sens et propice aux rêves.



L’auteur ne s’embarrasse pas de descriptions scientifiques ou techniques (en dehors d’une brève mais intéressante histoire (y compris futuriste) du dirigeable. Son monde dispose par ailleurs d’Internet sans fil. (4G? Hertzien ?– radio ? - plus de satellites, plus d’antennes non plus) mais là n’est pas l’important. Il fallait relier l’humanité.



A mille lieux des récits post-apocalyptiques pleins de fatalisme, de violences, de haine et de triste réalité (que j’affectionne par ailleurs), nous sommes là embarqués dans un voyage initiatique résolument optimiste et léger avec happy end de rigueur et je quitte cette lecture avec des étoiles plein les yeux. La tête dans les nuages.
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La société des rêveurs involontaires

Voilà un livre fort original et étonnant, comme le laissait augurer son très beau titre, à la fois très terrien et aérien.



Terrien par son contexte qui nous plonge dans les racines de l'Angola moderne, celui de l'après indépendance de 1975, de l'après colonisation portugaise, des 25 ans de guerre civile entre les forces de l'Unita appuyé par les Etats-Unis / l'Afrique du Sud et le MPLA d'Agostino Neto, premier président d'un Etat congolais sombrant dans une dictature soutenue par Cuba et l'URSS. Pourtant, tout est léger dans la façon qu'a le roman d'avancer. Rien d'indigeste ou de somme pédante, juste des personnages qui se débattent pour survivre, aimer, s'exprimer sous un régime dictatorial sans transiger avec ses valeurs. L'auteur, José Eduardo Agualusa, est un dissident, persona non grata en Angola, vivant entre Portugal, Brésil et Mozambique, habitué à appuyer là où cela fait mal dans l'histoire de son pays.



Aérien par son angle d'approche à la lisière du fantastique. Contre la dictature, une république de quatre rêveurs. le journaliste Daniel qui rêve de gens pris en photographie par un autre que lui. Moira , l'artiste qui met en scène en photographie les rêves des autres. Hossi, l'ancien guérillero, l'intrus somnambule qui envahit les rêves de tous ceux qui dorment à sa proximité. Hélio, le neuro-scientifique qui invente une machine pour voir les rêves, traduisant l'activité cérébrale en images animées. Tous d'étranges chamans qui vont s'unir et passer à l'action lorsqu'une demi-douzaine de jeunes angolais libertaires ( dont la fille de Daniel et le neveu de Hossi ) décident de ne plus subir, affrontent leur peur de la dictature pour s'y opposer.



Comme si les rêves pouvaient nous aider à affronter le monde réel. Dans le mot «  révolutionnaire », n'y a-t-il pas « rêve » ? Très belle idée que de proposer un message universel de résistance collective, d'optimisme par le biais d'une guérilla onirique emplie de folie douce lorsqu'arrive, en final, la confrontation, avec le dictateur.



Lu dans le cadre d'une masse critique ! Merci Babelio et les Editions Métailié.
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La société des rêveurs involontaires

Daniel Benchimol, angolais, est journaliste le jour et grand rêveur la nuit. Il rêve de gens qu'il ne connaît pas. Un jour, sur la plage d'un hôtel il trouve un appareil photo dont la carte mémoire contient des portraits des personnes dont il rêve, en particulier d'une femme aux longs cheveux. Incrédulité. Daniel discute avec Hossi Kaley, angolais, aujourd'hui gérant de l'hôtel précité et hier guérillero dans la rébellion de l'Unita, qui lui confie que lui ne rêve plus depuis longtemps mais que, depuis tout aussi longtemps, ce sont les autres qui le voient en rêve, affublé d'une veste violette. Stupeur. Daniel découvre ensuite que l'appareil photo appartient à Moïra Fernandes, mozambicaine, artiste qui rêve la nuit et reconstitue ses rêves le jour pour les mettre en scène et les photographier, et qui s'avère être la femme aux longs cheveux dont rêve Daniel. Battements de coeur. Daniel et Moïra se donnent rendez-vous au Cap, où vit cette dernière. Ils rencontrent par hasard Hélio de Castro, brésilien, neurobiologiste qui rêve d'arriver à filmer les rêves des autres. Il leur propose de participer à son projet de recherche. Méfiance ou enthousiasme, c'est selon.

Le rêve est donc le dénominateur commun qui relie ces quatre personnages et les rassemble dans une expérience au départ purement scientifique, qui va peu à peu muer en "instrument de transformation du monde". Parce qu'on est en Angola, pays totalitaire à deux doigts d'imploser, parce que la fille de Daniel est une jeune activiste des droits humains qui vient d'être emprisonnée avec quelques comparses pour avoir commis un "attentat" contre le Président. Parce que pour mettre la pression sur ce régime et obtenir la libération de sa fille et des autres jeunes qui se sont mis en grève de la faim, Daniel veut une méthode qui amènerait le peuple angolais à une révolte pacifique et unanime, et que pour cela il faut faire rêver les gens à l'unisson...

"La société des rêveurs involontaires" est une satire politique qui se donne des airs de polar, de roman fantastique et d'histoire d'amour. Mais la charge contre la dictature est virulente. A la brutalité du régime, Agualusa oppose et propose une révolution subtile et onirique : "rêver, c'est comme vivre, mais sans le grand mensonge qu'est la vie". Partir de l'idée d'un rêve collectif pour renverser une réalité faite de faux-semblants de démocratie et de justice, remplie de violence, de misère et de corruption, et se réapproprier la vie, les idéaux, la pensée, la liberté, cela semble naïf, grandiloquent. Peut-être, mais il n'y a que les rêves pour échapper au contrôle des dictatures… Une fable engagée, pétrie d'humour, de fantaisie et de folie douce, de résistance, d'espoir et de rêves de liberté.



En partenariat avec les Editions Métailié.
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Les vivants et les autres

C’est le grand jour sur l’île du Mozambique. Le grand festival littéraire va ouvrir ses portes, avec en invités les plus grands romanciers africains venus discourir sur leurs conditions, celle d’être écrivain, celle d’être africain, celle d’être femme africaine. Être écrivain, c’est avant tout poser son regard sur la beauté. Celle qui t’entoure, le rivage avec les vagues venues lécher langoureusement l’étendue de sable blanc, les fesses de cette belle femme noire venues caresser l’air de ce trottoir, le sourire de la lune quand le soleil se couche au-delà de l’horizon. Et puis le blizzard, avis de tempête, les vents se lèvent la poussière fouette les cases, les palmiers se couchent dans une atmosphère apocalyptique. Serait-ce la fin du monde sur cette île qui donnera une nouvelle couleur à ce dernier festival littéraire ?



Jour 2. Après la tempête. L’île est seule, entourée de brumes. Plus personne n’arrive, comme coupée du monde. Certains tentent de partir, de l’autre côté du pont, mais personne ne revient. Les réseaux téléphoniques et internet demeurent silencieux. Et sans internet, que nous reste-t-il du monde des vivants. Rien. A croire qu’ils sont tous morts. Que faire, à part contempler la mer, cet océan bleuté avec une bouteille de bière à ses pieds, et lire un excellent bouquin troublé par les effluves de cette île, regardant passer les vivants et les autres.



Alors que je m’imagine être caressé par le soleil, la peau séchée au goût de sel, je la vois passer, une noire déguenillée qui parle un dialecte qui m’est inconnu. Je sens une ombre me frôler tout d’un coup, un type me regarde étrangement attendant probablement des réponses que je n’ai pas. Qui sont ces autres. Des doubles d’écrivains, des êtres sortis de l’imagination de leur page. Bien étrange cette histoire, quand je vous dis que c’est la fin du monde, il n’y a même plus de glace pour rafraîchir les idées et le corps, même la bière est tiède maintenant. Jusqu’à quand vont-ils tenir sur cette île du Mozambique. Heureusement le festival clôture dans trois jours. Bien étrange ce roman, mais passionnant et vivant et poétique comme le Mozambique.
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Les vivants et les autres

Bienvenue au festival littéraire de l'île de Mozambique, où vous pourrez assister à des rencontres et débats entres les plus grands écrivains africains du moment, venus parler de leur métier, de leurs livres, de l'Afrique, de ce que signifie être africain ou africaine dans notre monde si contemporain et moderne.



Dans une ambiance détendue et un décor de plage et de soleil, tout est prévu pour que tout se déroule au mieux, même si Moïra, l'organisatrice du festival, est sur le point d'accoucher.



Puis survient une tempête, voire un cataclysme, il n'y a plus ni téléphone ni internet, l'île est coupée du monde, isolée et perdue dans un brouillard tenace. Sont-ils donc tous morts, là-bas sur le continent et au-delà ? Faudra-t-il reconstruire le monde à l'image de l'île, une fois que le brouillard se sera dissipé ? Ou alors, c'est peut-être l'île qui a disparu corps et âmes de la surface de la Terre, pendant que le monde continue de tourner ? Et dans ce cas, les occupants de l'île sont-ils morts à ce monde mais bien vivants ailleurs ? Et qui sont ces personnages étranges, apparus de nulle part mais dont on pourrait jurer qu'ils sortent des pages des livres des écrivains invités au festival ? Qui sont les « vivants » et qui sont ces « autres » ?



Autant de questions qui se posent au lecteur au fil des pages de ce mystérieux « Les vivants et les autres ». On y retrouve Moïra et son mari Daniel Benchimol (qui s'étaient rencontrés dans « La société des rêveurs involontaires »), non plus en Angola mais de l'autre côté du continent, et il n'est plus question de dictature (sauf peut-être de celle du monde virtuel d'internet), mais de création littéraire. C'est le pouvoir de la fiction, son pouvoir (quasi magique ici) de créer le ou un monde, qui est questionné dans ce roman à la lisière du fantastique, poétique et plein de charme(s), donc envoûtant, et tellement riche et subtil qu'il mériterait au moins une lecture supplémentaire.



En partenariat avec les Editions Métailié.
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Le marchand de passés

Félix Ventura est bouquiniste à Luanda (Angola), mais il est surtout connu pour son métier de « créateur de passés », qu'il vend à des clients désireux de transmettre à leurs héritiers une généalogie flatteuse et honorable. Hommes politiques ou d'affaires, anciens militaires ou révolutionnaires, nombreux sont ceux qui ont eu recours à ses services et lui ont ainsi permis de vivre confortablement et paisiblement.

Mais un jour, un mystérieux étranger lui demande de lui construire une biographie angolaise. Ventura, réticent, s'exécute néanmoins, Mal lui en a pris : pour une fois, le passé qu'il a créé se réveille, surgit dans le présent et bouleverse celui-ci, au grand dam des protagonistes.

Curieux roman que voilà, où le narrateur est un gecko qui vit dans la maison de Ventura, et dont on apprend qu'il était un homme dans une vie antérieure . En plus de nous relater les événements, le gecko nous livre le récit de ses rêves et les souvenirs de cette vie humaine.

Entre rêve et réalité, cette fable teintée de fantastique interroge sur la mémoire et la façon dont elle (re)construit le passé, plus ou moins fidèlement, plus ou moins consciemment, et sur les conséquences de cette démarche sur le présent et le futur.

Ce texte poétique m'a offert ce paradoxe qu'il a beaucoup de charme et est agréable à lire, mais qu'il est en même temps difficile à cerner : je n'ai pas trop compris où voulait en venir l'auteur, faute peut-être de ne pas suffisamment connaître le contexte angolais. Pour avoir déjà lu d'autres romans d'Agualusa, je suppose qu'il a voulu une nouvelle fois dénoncer les dérives de la politique de son pays, qui n'a toujours pas digéré son tumultueux passé post-colonial, fait de dictature et de guerre civile.
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La guerre des anges

Sur le Morro da Barriga, une favela sur les hauteurs de Rio, la révolte couve. Un énième épisode de la guérilla entre gangs de trafiquants de drogue et autorités a conduit à la mort d'innocents : alors qu'ils participaient à une procession religieuse, des enfants costumés en anges ont été abattus par la police.

Cette fois, les trafiquants s'organisent dans le but de déclencher une véritable Révolution, qui irait bien au-delà des habituelles émeutes de favelas et porterait la guerre jusque dans les beaux quartiers.

Dans leur lutte, les insurgés sont aidés par un trafiquant d'armes angolais, réfugié au Brésil pour fuir son passé de colonel de la sécurité et les affres de la guerre civile de son pays, ainsi que le poison d'un amour ancien.

Un journaliste nain, angolais lui aussi, suit les événements au plus près, ce qui ne s'avère pas sans dangers. Non seulement parce qu'il est amené à côtoyer Jararaca, le jeune leader charismatique à la gâchette facile, et son acolyte ingérable, rappeur et accro aux drogues. Il y a aussi Anastacia, petite amie de Jararaca, qui initie le journaliste à l'ayahuasca, sans compter tous les fantômes de son passé angolais qui ressurgissent bien vivants de l'autre côté de l'Atlantique.

Le roman alterne entre une chronologie très resserrée, quasi heure par heure, des événements de Rio, et des péripéties en Angola, dont la temporalité est beaucoup plus floue.

Agualusa met en parallèle la décolonisation de l'Angola, la lutte politique pour la libération et la guerre civile, et cet épisode dans les favelas brésiliennes, dont on ne sait s'il faut le considérer comme une lutte des pauvres contre les riches, des Noirs contre les Blancs, des néo-esclaves contre les post-colons. Sans doute un peu tout cela en même temps, à la fois guerre de libération, lutte sociale et raciale.

Ce roman est un brin complexe à appréhender si on n'est pas familier du monde lusophone et de son histoire. Quoi qu'il en soit, et même s'il balance constamment entre pessimisme et optimisme, Agualusa, avec sa plume baroque et à travers ses personnages extravagants aux sentiments exacerbés, rend hommage à tous les combats émancipateurs, quel qu'en soit le résultat. « Il est des batailles qu'il ne sert à rien de gagner et d'autres qu'il vaut mieux perdre. [...] En Angola, il sera peut-être possible de renverser le régime, mais ça ne changera rien. Ici, au contraire, nous pourrons peut-être perdre cette bataille. Mais après notre défaite, crois-moi, plus rien ne sera plus comme avant. Même vaincus, nous aurons gagné. »
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Barroco tropical

Bartolomeu est sur le point de se faire larguer par sa maîtresse, une chanteuse célèbre, quand soudain une femme tombée du ciel s'écrase sur la route devant eux. Il s'avérera plus tard que la morte est une ex-miss Angola devenue présentatrice de télévision qui en savait sans doute trop sur certains hommes politiques et leurs secrets inavouables. Il s'avérera également que les hommes de main des politiciens précités croient que la miss a eu une relation avec Bartolomeu et qu'elle lui a peut-être révélé certains de ces secrets, ce qui fait de celui-ci un potentiel gêneur pour ceux-là.



Voilà pour la trame de ce roman qui porte bien son titre : baroque et tropical. Se déroulant à Luanda, capitale angolaise, son style et sa narration sont une version africaine du réalisme magique sud-américain. Déjanté et chaotique, difficile à suivre avec sa nuée de personnages secondaires plus excentriques les uns que les autres, avec son absence de chronologie, sa narration à plusieurs voix, ses digressions dont on ne sait si elles sont l'accessoire ou le principal. Pourtant, bizarrement, c'est loin d'être désagréable à lire, c'est bien écrit, c'est drôle, exubérant et picaresque, mais c'est labyrinthique et je ne suis pas parvenue à assembler les pièces du puzzle, ni, forcément, à comprendre ce qu'était censé être la vue d'ensemble. Roman d'amour, intrigue politico-policière, légende poétique, portrait d'une ville et d'un pays à la dérive, un peu tout ça sans doute. Je n'y ai pas compris grand-chose, sauf que le "barroco tropical" n'est pas mon style préféré.
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Théorie générale de l'oubli

Ce livre m'a reconcilie avec Agualusa. En fait je pense que mon billet sur Le marchand de passes etait un peu injuste. Je lui en demandais trop.



Cette Theorie generale de l'oubli s'appesantit plus sur les affres de la decolonisation de l'Angola. Beaucoup plus explicite sur les peurs et la fuite effrenee des colons portugais et sur la guerre civile qui dechira le pays de longues annees.



Autour d'un personnage principal, Ludo,une portugaise abandonnee par les siens qui s'enferme dans son appartement, s'emmure carrement, et passe de longues annees sans contact avec l'exterieur, Agualusa brosse les profils et les faits et actes de nombreux autres. Un policier roublard et cruel, des politiciens vereux, des mercenaires sans foi ni loi ni avenir, une infirmiere au grand corps que sa devotion a tous et a n'importe qui finira par sacrifier, un journaliste juif qui s'entete a rester fidele a la terre qui l'a accueilli, de petites fripouilles qui se forgent une nouvelle identite et se reconstruisent en grands entrepreneurs, des prophetes en haillons, des eleveurs qui s'entretuent pour quelques boeufs, et j'en passe, jusqu'a ce qu'en fin de livre on rencontre Sabalu, un gosse de 7 ans, abandonne, degourdi, a la petite stature et au grand coeur, qui sauvera Ludo et sera sauve par elle. Beaucoup de petites histoires qui convergent en une grande, la douloureuse epopee de la decolonisation.



Agualusa traite tous ses personnages avec une grande compassion. Il les comprend tous et ne les juge pas. Tous auront droit a la redemption. Il croit dur au titre de son livre: une theorie generale de l'oubli est le meilleur ferment pour un bel avenir.



Et un dernier mot pour l'elegance d'Agualusa a toujours teinter l'horreur d'humour, pour la virtuosite de sa prose, toujours paree de poesie, pour la veine epique qu'il arrive a insuffler aux gesticulations de ses personnages. Il les caresse tous, ses personnages. Le lecteur aussi en sort tout caresse.



















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Les vivants et les autres

Daniel Benchimol vit heureux depuis trois ans dans l'île de Mozambique, aux côtés de Moira, sur le point d'accoucher de leur bébé. Un festival littéraire est en préparation sur la petite île. Il doit accueillir essentiellement des écrivains de différents pays d'Afrique. Plusieurs participants sont déjà arrivés, mais pas tous. le roman se déroule sur sept jours, et le premier se révèle un peu essoufflant pour le lecteur à qui José Eduardo Agualusa présente de nombreux personnages : Uli Lima, Ofelia Easterman, Luzia Valente, Cornelia Olukum et Jude d'Souza, tous écrivains, presque tous déjà célèbres, auxquels il faut ajouter Abdul, un serveur, sa grand-mère, dona Cinema, ainsi que Pierre, le mari de Cornelia, resté sur le continent. Ces deux-là sont pendus au téléphone… Ça fait beaucoup de monde en quatorze pages et six courts chapitres. Dès le début du deuxième jour, l'atmosphère change : l'électricité est coupée ainsi que tous les moyens de communication, Internet inclus. On comprend qu'il y a une tempête sur le continent, et si on peut prendre le pont pour sortir de l'île, personne n'est arrivé depuis la veille, et ça n'est pas normal : il y a peu de manifestations de ce type en Afrique et les écrivains invités ne manqueraient l'événement pour rien au monde !

***

Que vont bien pouvoir faire des écrivains confinés sur une île, sans autre public qu'eux-mêmes ? Eh mais ils vont parler d'autres écrivains, de littérature, de fiction, de l'identité africaine et plus particulièrement des écrivains africains vus par les autres et par eux-mêmes, ce qu'ils projettent et ce qu'ils sont. Ofelia, par exemple. Elle est poète et elle cultive un vrai franc-parler : radicale en entrevue, parfois jusqu'à l'impolitesse… Elle considère Daniel comme un bon journaliste, mais le trouve médiocre comme écrivain. Elle juge ses romans puérils et prétentieux. Elle n'en revient pas qu'ils se vendent aussi bien ! Au contraire, elle apprécie Uli : il a du talent, et en plus, il est bel homme... Amitié, envie, admiration, jalousie, lucidité, cynisme, etc., mais aussi magie, rêve, réalité et fiction, des discussions passionnantes s'engagent. Voilà cependant qu'apparaissent des inconnus (des inconnus, vraiment ?) et que quelqu'un apporte à Daniel un manuscrit qu'il connaît parfaitement…

***

Je me suis laissé prendre au charme de l'écriture de Les Vivants et les autres. Ce beau roman vous entrainera dans un monde réel et merveilleux où vous serez intrigué par un étrange corbeau, par un femme-blatte, par des voix inconnues et des rencontres incongrues. Ce texte vous emplira de poésie, vous régalera de trouvailles, vous fera peut-être vérifier lesquels, parmi tous ces écrivains, existent vraiment, mais peu importe dans le fond. le ton en apparence léger, souvent humoristique, n'empêche pas la réflexion, pas plus d'ailleurs que les aphorismes ou la subversion des idées reçues. Un vrai plaisir de lecture. Cependant, encore une fois, je me permets de vous recommander de ne pas lire la quatrième de couverture ! Encore une fois, elle dévoile une clé importante pour la compréhension et gâche complètement la surprise que l'on ne découvre qu'à la page 128. Dommage, vraiment dommage…

***

Merci à Babelio et aux éditions Métailié : j'ai reçu ce beau roman grâce à l'opération Masse critique littérature de janvier.

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La société des rêveurs involontaires

« I have a dream ». Un homme seul se fait le porte-parole des opprimés face à l'injustice. On sait, hélas, que depuis Martin Luther King le sort des Noirs ne s'est guère amélioré: le rêve est du côté de l'utopie; il ne console guère que celui qui dort - et pour peu de temps.

Agualusa nous livre sa version 2.0 de la rêvolution, fille de Martin Luther King et de Christopher Nolan. Moins mégalomaniaque qu' « Inception », « La Société des rêveurs involontaires » prend acte de ce que nécessite une rêvolution réussie: du désir, une bonne dose d'irrationnel (Changer le monde, voyons!), et surtout un élan collectif.

Rêveurs de tous les pays, unissez-vous. Quand votre rêve sera devenu celui de l'humanité, quand chacun pourra arpenter le pays nocturne de l'autre, alors la peur disparaîtra, entraînant avec elle la chute du tyran.

Depuis l'écriture de ce livre, le dictateur Dos Santos a quitté l'Angola après 40 ans de règne. La réalité, dit Agualusa, est toujours plus grande que la fiction: « Mon travail est de couper un peu les ailes de la réalité pour la rendre crédible. »

Agualusa rêve juste.
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Théorie générale de l'oubli

La théorie générale de l'oubli qu'aurait pu écrire Ludovica, si elle « avai[t] encore de l'espace, du charbon de bois et des murs disponibles », n'aurait sans doute pas fonctionné en pratique. Démonstration : il y a bien longtemps, Ludo a débarqué de son Portugal natal à Luanda, accompagnant sa soeur Odette, qui venait d'épouser Orlando, un ingénieur angolais. Parce que Ludo, agoraphobe depuis un certain « Accident », peut difficilement se débrouiller seule. En 1975, alors que les remous de l'indépendance agitent l'Angola, Odette et son mari disparaissent subitement. Ludo, terrifiée par les événements extérieurs, s'emmure littéralement dans son appartement au 11ème et dernier étage de son immeuble luxueux, avec son chien Fantôme et un potager de fortune. Elle y (sur)vivra près de trente ans, isolée de tout, oubliée de tous. Croit-elle. Parce qu'à un moment, au cours de ces longues années de guerre civile, il aura suffi d'un pigeon voyageur pour la relier au monde. Un pigeon messager qui atterrit par hasard sur sa terrasse et que, pourtant affamée, elle décide de relâcher vers son destinataire plutôt que d'en faire un repas. Ce geste est au centre d'une chaîne de causes et de conséquences, pas immédiates, pas directes, et dont Ludo ignore tout, mais résolument liées entre elles, et fait intervenir une galerie de personnages bariolés, aux prises avec les heurs et malheurs de l'Angola de l'époque : dans un contexte de guerre froide, le régime communiste soutenu par Cuba est contesté par des factions rebelles appuyées par l'Afrique du Sud ou le Zaïre, pendant que d'autres convoitent les ressources minières et diamantaires ou s'approprient les terres ancestrales des nomades.



Voici une histoire à la fois touchante et rocambolesque, inspirée d'un fait réel (l'auto-réclusion de Ludo), construite à partir de fragments de vie de Ludo et qui se développe autour d'elle en une spirale accolant dans sa danse virtuose des anecdotes qu'on croyait disparates et leurs protagonistes pas si insignifiants et qui tous, proies ou ombres, se partagent une même toile.



Non non, Ludovica et ce joli petit roman ne sauraient sombrer dans une quelconque théorie générale de l'oubli. CQFD.



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La reine Ginga et comment les Africains ont..

Il y avait longtemps que je n’avais pas autant été induite en erreur par le titre d’un roman.

Avec ce « reine Ginga », je m’attendais à une biographie plus ou moins romancée de ce personnage historique (16è-17è siècles) qui dirigea une partie de l’Angola d’une main de fer, tenant tête aux tribus ennemies, aux Portugais et aux Hollandais, concluant des alliances opportunistes avec les uns ou les autres sans s’embarrasser de loyauté.

Si le début du roman se déroule effectivement à Luanda et est centré sur la reine Ginga et celui qu’elle a choisi pour secrétaire, à savoir Francisco José, jeune prêtre tout juste débarqué du Brésil, on glisse ensuite vers une narration axée sur les aventures mouvementées de celui-ci en Angola et au Brésil, et qui, dans les faits, officiera rarement comme secrétaire. Si la reine Ginga et ses passes d’armes resurgissent de temps à autre au cours du récit, ce thème devient cependant secondaire.

Bon, admettons, cette histoire de titre n’aurait pu être qu’un détail si par ailleurs la vie de ce jeune religieux avait été racontée de façon passionnante. Mais bof. Pourtant, ce n’est pas comme s’il ne lui arrivait rien, à Francisco José. En vrac : il a été menacé de mort, a dû s’enfuir, est tombé amoureux et a balancé sa soutane en même temps que sa foi, a été emprisonné, torturé, a traversé trois fois l’Atlantique, a dû frayer avec des Gitans, des Maures, des pirates, des Portugais et des Hollandais, est tombé malade, a failli mourir de faim et de soif, et a même été brûlé en effigie par l’Inquisition. Mais je me suis perdue dans toutes ces péripéties, de même que dans les relations sociales compliquées entre maîtres, esclaves, affranchis, domestiques libres, envahisseurs et envahis, métis, Indiens, Blancs, Noirs. Sans compter les arcanes des jeux d’alliances entre Portugal, Pays-Bas et Compagnie des Indes Occidentales, évoluant au gré des intérêts de chacun, argent et pouvoir étant, comme toujours, les nerfs de la guerre.

Quant à la deuxième partie du titre, elle se réfère à une citation de Ginga selon laquelle à l’avenir, l’Atlantique « sera une mer africaine. Le chemin par lequel les Africains inventeront le monde ». « Ont inventé » ou « inventeront », je chipote, toujours est-il que je n’ai pas compris où il était question de cette « invention » dans le livre.

Bref, ce récit est picaresque à souhait, avec guerres, passions, amours, haines et trahisons, mais j’ai trouvé qu’il manquait de profondeur. Les événements sont évoqués de manière presque documentaire, ou en tout cas trop distante, et ne suscitent guère d’émotions, alors qu’il y avait pourtant matière à tension dramatique.

Une lecture qui m’a largement échappé.
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Le marchand de passés

Jose Eduardo Agualusa m'a conduit a Luanda, en Angola, un peu au sud des tropiques. Je n'ai pas vu grand chose, confine la plupart du temps dans une maison. Je me suis surtout promene dans sa prose, chaude, tropicale, poetique, avec des effluves de realisme magique et des relents de Borges. Baroque.





J'ai croise un gecko (un lezard salamandrin? une salamandre lezardophile?) qui voit tout et raconte tout, y compris ses reves et ses souvenirs d'une vie anterieure, ou il etait homme; j'ai rencontre un noir albinos feru de livres qui invente des genealogies prestigieuses (force preuves a l'appui) a tout ceux qui le sollicitent, habillant leurs reves les plus extravagants de realite.





Mais pour ne pas me montrer Luanda, Agualusa m'a entretenu de Lisbonne, Rio de Janeiro, New York, Berlin, Paris, le Vatican, le Pakistan, l'Inde. Il a essaye de m'eblouir, convocant Eca de Queiros, Bakounine, Bruce Chatwin, Montaigne, Borges (le gecko n'est pas une reincarnation de Borges, voyant de nuit et affectionnant des termes desuets?), les fugues de Bach, la musique cubaine. Vers la fin du livre j'ai cru comprendre: Luanda traine trop de souvenirs des horreurs de la guerre fratricide declenchee apres la decolonisation.





La prose d'Agualusa est affriolante. Je pourrais en tirer de nombreuses citations (je le ferai peut-etre). Il suggere des considerations sur la memoire, son poids, sa construction ou sa deconstruction, assez singulieres, sinon tout a fait novatrices. La memoire qu'on delaisse, la memoire qu'on s'invente. Des speculation sur la relativite de la verite: "la grande difference entre la dictature et les democraties, c'etait que dans le premier systeme il n'y a qu'une verite, la verite imposee par le pouvoir, alors que dans les pays libres chacun a le droit de defendre sa propre version des evenements. La verite, a-t-il dit, est une superstition". Et plus loin: "la verite aussi est en general ambigue. Si elle etait exacte elle ne serait pas humaine. ... permettez-moi de citer Montaigne: rien ne semble vrai qui ne puisse sembler faux".





En fin de compte le livre m'a laisse un peu confus. Trop de materiaux, eparpilles, qui m'ont eparpille (en me charmant, il est vrai), dont je n'ai pas completement saisi le propos. Comme si Agualusa n'avait voulu que m'epater par sa verve, par des images bigarrees, par une ecriture bariolee. J'ai senti que la fin est parachutee, comme par un procede de "deus ex machina", a peine raccordee a tout ce qui precede. La fin se mesure a la memoire historique angolaise, mais tout le reste? C'est comme si, ne en Angola, Agualusa se cherchait, cherchait par ce livre sa vraie patrie, son ultime identite: africaine? portugaise? sud-americaine? lusophone? Je pencherais por cette derniere alternative: il a sejourne dans beaucoup d'endroits, sous divers climats, en diverses epoques de sa vie, et je crois deviner que partout, toujours, c'etait en lusophonie.





Il m'intrigue, Agualusa; je m'y replongerai.











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La société des rêveurs involontaires

Ce que j’ai ressenti:





*J’ajoute à mes nuits, un peu de cette énergie artistique que j’ai saisi dans ces pages, pour peindre des aquarelles d’orchidées bleutées sur des lignes de rêves. J’enfile une veste violette et je vous emmène en Afrique découvrir l’étrange enquête de Daniel Benchimol… Et si des funambules s’invitent dans vos songes pastels, c’est sûrement que vous êtes vous aussi, touchés par cette histoire fantastique. Pour ma part, je l’ai été plus que de raison, et peut être que la folie me guette, mais avant, j’aimerai vous dire que j’ai adoré me perdre dans d’autres ailleurs…Je nage encore dans un océan aérien d’euphorie et je lance des vœux au ciel:

-Exercez-vous à rêver. Croyez à vos rêves. Et maintenant réveillez-vous, mon ami!







*J’ajoute à mon temps, un moment de lecture particulier, singulier, onirique où les métaphores s’incarnent et se répondent en miroir. L’envol d’un oiseau se reflète dans l’épanouissement d’une jeune femme combative, la naissance d’une fleur à l’instar d’une artiste qui se révèle par son talent, un arbre qui s’enracine contre des souvenirs qui s’étiolent, des observateurs de rêves qui font face à l’œil avisé d’un journaliste engagé. Dans la forme et dans le style, José Eduardo Agualusa réalise une prouesse littéraire où rêves et réalités se réinventent dans une histoire plurielle ou l’amour, l’art et les songes dansent sur les cendres de la barbarie. Derrière l’insoutenable atmosphère d’un pays totalitaire, quelques esprits s’éveillent… Surprendre une jeunesse qui se révolte face à la dictature, dépeindre un pays au bord du gouffre et éclairer nos consciences, c’est le pari fou de La société des rêveurs involontaires.





« Le pacifisme, mon frère, c’est comme les sirènes: hors de la mer de l’imagination il ne respire pas, il a du mal avec la réalité. Encore moins avec la nôtre, cette réalité si cruelle. »







*J’ajoute à mes carnets, des dizaines de citations poétiques et de réflexions méditatives. Des échos de mots et des éclats d’images pour nager dans l’infini de l’idée même de Liberté. Elle brillait de mille façons, Liberté dans ses pages: dans la lumière d’un clair de lune, sur les murs des galeries, dans le viseur d’un appareil photo, sur la surface d’un écran, dans l’obscurité d’une cellule, sur la mer imaginaire, dans la profondeur de l’inconscient, sur le crane d’une enfant, dans la grandeur des souhaits. La voir ainsi prendre multiples facettes, cela donne envie de déplier nos ailes et s’envoler vers elle…

« Je suis tombé par terre comme un pétale de fleur. »



*J’ajoute à mes coups de cœur, ce livre, La société des rêveurs involontaires, comme un des plus beaux livres que j’ai eu le plaisir de lire, parce qu’il contait à mon inconscient, une vérité intime. Et ce matin, c’est en toute conscience, que je vous dévoile la vague déferlante de mes émotions…Magnifique!





« Tous les rêves sont inquiétants, parce qu’ils sont intimes. Ils sont ce qu’on a de plus intime. L’intimité est inquiétante. »







Ma note Plaisir de Lecture 10/10.
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Théorie générale de l'oubli

Il n’y a pas grand chose à ajouter à la quatrième de couverture de «Théorie générale de l’oubli» qui résume parfaitement ce roman, pour moi le plus beau de Agualusa sur les trois que j’ai lu. Je craignais qu’il ne devienne lassant et c’est tout le contraire qui s’est produit, de plus en plus passionnant au fil de la lecture.

Ludovica Fernandes Mano (Ludo), qui ne peut vivre seule va quitter le Portugal pour suivre sa soeur Odette qui a rencontré et épousé un angolais, Orlando, venu au Portugal pour y régler un héritage.


«Ludovica n’a jamais aimé affronter le ciel. Enfant, les espaces ouverts l’inquiétaient déjà. En sortant de chez elle, elle se sentait fragile et vulnérable, comme une tortue à laquelle on aurait arraché sa carapace. Toute petite, à six ou sept ans, elle refusait d’aller à l’école sans la protection d’un immense parapluie noir, quel que fût le temps. Ni l’agacement de ses parents ni les moqueries cruelles des autres enfants ne l’en dissuadaient. Les choses s’améliorèrent par la suite. Jusqu’au jour où ce qu’elle appelait “l’Accident” se produisit et où elle se mit à tenir cette peur primordiale pour une prémonition.»




Elle va partager leur appartement au dernier étage d’un des immeubles les plus luxueux de Luanda : l’immeuble des Enviès.


Orlando offre à Ludo pour lui tenir compagnie, un chiot berger allemand albinos que Ludo à cause de sa blancheur va nommer «Fantôme».



Mais les évènements extérieurs se précipitent, début de la longue guerre civile qui va suivre l'indépendance de l'Angola, la disparition de sa soeur et de son beau-frère, sortis un soir pour participer à une fête et qui ne sont pas rentrés au matin, l’appel téléphonique d’un homme avec un accent de Lisbonne qui réclame à Ludo des diamants cachés par Orlando va précipiter l’enfermement de Ludo qui est terrorisée.



La force et la beauté de ce roman vient de sa poésie et d’une construction virtuose basée sur des événements qui s’introduisent dans la vie recluse de Ludo et qui pourraient être qualifiés comme "la subtile architecture du hasard" (titre d'un des chapitres). Ils paraissent anodins au départ mais vont se développer et se réunir en cascade pour former un tout et permettre de retrouver la trace de la disparition de Odette et Orlando et de tous ceux qui y sont plus ou moins directement liés ainsi que le dévoilement des raisons de cette peur du dehors et de ses dangers dont souffre Ludo. Si vous acceptez de vous laisser prendre dans la spirale qui naît, entre autres, avec la capture par Ludo d’un pigeon qu’elle relaxe lorsqu’il se révèle être un pigeon voyageur, alors n’hésitez pas. La recluse Ludo ne pouvait songer un instant qu’elle continuait à être reliée profondément à la vie autour d’elle alors qu’elle croyait s’en être exclue, elle qui écrit :

"Si j’avais encore de l’espace, du charbon de bois et des murs disponibles, je pourrais écrire une théorie générale de l’oubli."
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Les vivants et les autres

Oh la la ! Ce roman est un coup de coeur énorme. En aparté d'abord, il devrait être lu par tout écrivain qui se pose des questions sur ce qui est attendu de lui, les attentions qu'il devrait avoir pour être un écrivain qui impressionne, qui marque, qui fait rêver, qui bouscule. Pour éviter, comme le dit notre auteur, de faire un livre de plus qui n'a pour seul mérite que l'oubli qu'il engendrera. L'histoire est originale, pleine de contes farfelus, de proverbes déconcertants, et surtout de poésie hallucinante. On nage entre réalité et surnaturel, on ne sait plus le vrai du faux mais on en redemande. Pour tenter un résumé forcément maladroit : des auteurs africains sont invités à une conférence sur une île mais un orage étrange les fait vriller vers un monde imaginaire où ils côtoient les personnages de leurs romans, qui leur demande des comptes, et qui les mettent face à leur créativité : des dieux devant leur création. Et même si la fin est ouverte à la compréhension - mais après tant de poésie, n'est-ce pas un minimum - ce délire d'écrivain est de toute beauté, et fait partie de ces chefs d'oeuvre très rares : à peine terminé, on veut le recommencer, pour le re-découvrir tant il est riche. Inoubliable : je viens de tomber en amour d'une écriture qui fait chanter, danser, émouvoir, l'universel.
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Les vivants et les autres

Sur une île du Mozambique, on fait la connaissance de Daniel et son épouse Moïra, dont la grossesse arrive à son terme, alors que va débuter un festival littéraire qui accueille des écrivains africains pour la plupart lusophone. L’ile est paradisiaque la mer le sable, le soleil… Soudain une violente tempête s’abat et toutes les communications sont coupées, il n’y a plus aucun contact entre l’île et le reste du monde.



On va assister à un feu d’artifice de réflexions : qui sont les vivants, et les autres, ceux qui sont seuls sur l’île, ou ceux du continent, des discussions s’installent entre ces écrivains venus parler de leurs livres. Quel est le rôle d’un roman quand il y a une tragédie, que peut-il apporter ? deviendrait-il dérisoire ? Les personnalités de chacun se révèlent, les interactions. Que deviennent les petits egos de chacun dans la tourmente ?



L’histoire se déroule sur sept jours, (comme la Genèse ?) et José Eduardo Agualusa nous entraîne au passage vers l’Enfer, ou le Paradis, truffant son récit de contes ou de légendes, nous interrogeant, comme ses personnages, sur la littérature, la fiction, le processus de la création qu’elle soit littéraire ou plus globale, plus philosophique, sur la notoriété, et même sur l’africanité : sans Internet ni communication que reste-t-il à notre époque ?



J’ai beaucoup aimé la réflexion que nous propose l’auteur, la poésie de l’écriture, son univers, avec des rencontres étranges, telle la mystérieuse femme-blatte. Au départ, j’ai choisi ce roman pour mieux connaître les anciennes colonies portugaise, Cap Vert, Angola, Mozambique… et découvrir leurs écrivains réels ou imaginaires car l’auteur nous promène et cherche à nous désorienter.



Ce roman m’a permis de découvrir José Eduardo Agualusa et sa plume magique, je n’avais qu’une seule envie en tournant la dernière page, le lire une deuxième fois pour apprécier les détails ou situations qui auraient pu m’échapper, tant j’étais plongée dans ma lecture.



Ma PAL va être ravie car je viens de l’alourdir un peu plus avec « La société des rêveurs involontaires » de l’auteur, pour le plaisir de retrouver Daniel et Moïra, ainsi qu’une petite sélection d’auteurs du Cap Vert, du Mozambique, et Angola entre autres… mais depuis le temps elle a l’habitude de ma boulimie littéraire…



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Métailié qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur (dont je compte sur l’indulgence pour le retard accumulé ces derniers mois).



#LesVivantsetlesautres #NetGalleyFrance !
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Les vivants et les autres

Je ne connaissais pas José Eduardo Agualusa et le résumé de ce livre m'a donné envie de le lire. Totalement ignare en matière de culture des anciennes colonies portugaises d'Afrique, c'était l'occasion de l'aborder.



Un Festival littéraire est organisé sur l'île de Mozambique et c'est l'occasion pour des écrivains et poètes de divers pays de se retrouver ou se rencontrer et de parler de leurs conditions d'écrivains, d'africains ou de femmes africaines et écrivaines.



Le premier jour est, pour nous lecteurs, l'occasion de faire connaissances de toutes les personnes présentes au festival, de l'organisatrice, sur le point d'accoucher, au serveur du bar et de se dire que ce lieu ressemble à l'idée que l'on pourrait se faire du paradis ! Un orage gronde au loin, sur la côte et semble épargner l'île.



Le deuxième jour, des brumes se sont levées et ont englouti le continent toujours sous l'orage et les doubles de certains auteurs semblent être sortis de nulle part ou de leurs écrits, créant malaises et questions dans une ambiance de fin du monde ! Plus d'électricité, plus d'internet, une chaleur écrasante, amplifient ce phénomène !



Etrange et fascinant, très poétique, des idées sorties de contes ancestraux et du passé mais aussi des moments psychédéliques, ce roman m'a subjuguée et je me suis demandé ce qu'il pouvait bien y avoir au-delà du pont et cette histoire envoûtante !



#LesVivantsetlesautres #NetGalleyFrance



Challenge Féminin 2022/2023
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La société des rêveurs involontaires

Daniel est en plein divorce. Journaliste angolais , il se réfugie au bord de la mer, où il retrouvre Hossi le propriétaire d'un hôtel où il a ses habitudes.

En se baignant, il tombe sur un appareil photo d'une artiste qui peint ses rêves. En parlant de rêves, Hossi a la particularité d'apparaître en veste violette dans les rêves d'autrui, dont ceux de Daniel.

Bon , je ne suis pas sur de vous avoir accrochés, mais c'est un roman un peu compliqué à introduire.

Toujours est il que cette immersion dans la vie des rêveurs involontaires est très agréable. Le rêve est certes omniprésent, mais le roman est avant tout un cri de liberté contre le despotisme des dirigeants .

L'auteur montre très bien que l'arme favorite du pouvoir est la peur. Le peuple ne bouge pas parce qu'il a peur.

Ici, cette peur est contournée par sept jeunes gens qui vont changer la face du pays, bouleverser l'opinion politique .

Ce roman est aussi un support à l'histoire post indépendance (1975) de l'Angola, aux guerres civiles qui ont suivi et le chaos engendré, au poids du colonialisme.

Luanda est réputée pour être la ville la plus chère du monde. On effleure ce monde là, dans les quartiers sécurisés des privilégiés, mais finalement , on côtoie peu le peuple angolais.

On est dans un beau roman fantastique où le rêve permet de nouer une intrigue solide sous fond d'histoire angolaise.

Une belle découverte, originale, comme beaucoup de romans africains.



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