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José Saramago (Traducteur)
EAN : 9782864246015
288 pages
Editions Métailié (08/02/2007)
3.92/5   6 notes
Résumé :
Les morros et les favelas de Rio sont en flammes, la police, sous couvert de répression du trafic de drogue, a mitraillé une procession religieuse et tué des enfants.
Le jour approche où cette guerre va descendre sur la ville et les beaux quartiers du bord de mer.

Francisco, un ancien colonel de la sécurité en Angola, installé au Brésil pour fuir les pièges d’un amour féroce et les tourments de sa mémoire, prépare ce jour en vendant des armes.<... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Sur le Morro da Barriga, une favela sur les hauteurs de Rio, la révolte couve. Un énième épisode de la guérilla entre gangs de trafiquants de drogue et autorités a conduit à la mort d'innocents : alors qu'ils participaient à une procession religieuse, des enfants costumés en anges ont été abattus par la police.
Cette fois, les trafiquants s'organisent dans le but de déclencher une véritable Révolution, qui irait bien au-delà des habituelles émeutes de favelas et porterait la guerre jusque dans les beaux quartiers.
Dans leur lutte, les insurgés sont aidés par un trafiquant d'armes angolais, réfugié au Brésil pour fuir son passé de colonel de la sécurité et les affres de la guerre civile de son pays, ainsi que le poison d'un amour ancien.
Un journaliste nain, angolais lui aussi, suit les événements au plus près, ce qui ne s'avère pas sans dangers. Non seulement parce qu'il est amené à côtoyer Jararaca, le jeune leader charismatique à la gâchette facile, et son acolyte ingérable, rappeur et accro aux drogues. Il y a aussi Anastacia, petite amie de Jararaca, qui initie le journaliste à l'ayahuasca, sans compter tous les fantômes de son passé angolais qui ressurgissent bien vivants de l'autre côté de l'Atlantique.
Le roman alterne entre une chronologie très resserrée, quasi heure par heure, des événements de Rio, et des péripéties en Angola, dont la temporalité est beaucoup plus floue.
Agualusa met en parallèle la décolonisation de l'Angola, la lutte politique pour la libération et la guerre civile, et cet épisode dans les favelas brésiliennes, dont on ne sait s'il faut le considérer comme une lutte des pauvres contre les riches, des Noirs contre les Blancs, des néo-esclaves contre les post-colons. Sans doute un peu tout cela en même temps, à la fois guerre de libération, lutte sociale et raciale.
Ce roman est un brin complexe à appréhender si on n'est pas familier du monde lusophone et de son histoire. Quoi qu'il en soit, et même s'il balance constamment entre pessimisme et optimisme, Agualusa, avec sa plume baroque et à travers ses personnages extravagants aux sentiments exacerbés, rend hommage à tous les combats émancipateurs, quel qu'en soit le résultat. « Il est des batailles qu'il ne sert à rien de gagner et d'autres qu'il vaut mieux perdre. [...] En Angola, il sera peut-être possible de renverser le régime, mais ça ne changera rien. Ici, au contraire, nous pourrons peut-être perdre cette bataille. Mais après notre défaite, crois-moi, plus rien ne sera plus comme avant. Même vaincus, nous aurons gagné. »
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Le roman suit des Angolais qui ont fui leur pays pour raison politique, vivant à Rio et se liant pour diverses raisons avec les trafiquants de drogue du favela du Morro da Barriga dont le but est d'organiser une révolution pour “décoloniser le Brésil” et en finir avec le racisme sociétal. Un des personnages nous apprend d'ailleurs : "Savez-vous que jusqu'aux années 70 le gouvernement [brésilien] interdisait l'immigration en provenance d'Afrique?”

J'ai eu un peu de mal à rentrer dans ce livre au début car c'est un monde complètement lusophone auquel je suis peu habituée, que ce soit en termes de référence (on sent l'auteur très très cultivé) ou de noms des personnages (Euclides Matoso da Câmara, Bartolomeu Catiavala…). de plus, l'auteur a délibérément fait en sorte que ce soit difficile de se repérer dans le temps : on navigue entre souvenirs et moments présents, qui se fondent l'un dans l'autre.

Et puis, j'ai décidé d'effacer ma part cartésienne pour me laisser porter par cette écriture labyrinthique (avec son foisonnement d'événements et de noms) qui ressemble au labyrinthe des favelas et je me suis laissée toucher par le message porté par le texte : tant qu'il y aura de l'exploitation, il y aura des révoltes et des révoltés.

Et là, j'ai été séduite par l'ambiance mise en place par l'auteur, par ses personnages glorieux, baroques et extravagants. On retrouve une langue très châtiée et une exubérance : le héros a toujours des vers de poètes qui lui viennent à l'esprit et qui donnent envie de découvrir la poésie lusophone (la liste des poètes cités est donnée en fin d'ouvrage et on y trouve des poètes angolais, mozambicains, brésiliens et portugais et ils ne semblent pas tous traduits en français).

En plus de cette écriture si spéciale, on trouve un contexte très intéressant et dépaysant, que ce soit la guerre civile en Angola (que je ne connaissais pas du tout et qui a quand même duré 25 ans de 1977 à 2002) ou l'existence dans les favelas de Rio entre trafic et misères. Un des personnages principaux se définit comme un brigand avec des visées sociales.

Le style du livre force cependant à se poser des questions : pourquoi un tel flou dans la narration, pourquoi les têtes de chapitre portent les jours de la semaine et l'heure pour une écriture si peu chronologique et une action pas du tout resserrée?

L'auteur fait une différence dans le traitement des événements en Angola et au Brésil. Chronologique au Brésil et diffus en Angola comme pour montrer les deux destins opposés de ces nations. L'Angola, pays décolonisé mais tombé dans la guerre civile et dans un perpétuel recommencement (les puissants s'élèvent et tombent et rien ne change dans l'ensemble). Et le Brésil, qui n'a pas eu de décolonisation mais où les révoltes peuvent faire bouger la société et proposer un espoir d'avenir meilleur.

La fin comme si c'était le commencement / le commencement comme si c'était la fin. La mort est une belle aventure. La circularité du temps est retranscrite par la circularité de l'écriture pour montrer que la défaite est le commencement de la révolution: “L'homme n'est pas mort car il est un idéal”.

En conclusion, un livre qui touche beaucoup plus que ce qu'on pourrait penser au premier abord, qui force à la fois à se laisser porter et à se poser des questions. le message porté touche ainsi à la fois les émotions et l'intellect et je trouve que la combinaison est très originale. Il ouvre aussi de nouveaux horizons sur toute une culture lusophone que je ne connais pas.
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J'avais hâte de lire La guerre des anges de José Eduardo Agualusa car si le thème est quelque peu d'actualité en Amérique latine. L'auteur angolais évoque dans ce roman, des révoltes qui auraient eues lieu dans les favelas de Rio de Janeiro. On est donc loin de l'Afrique, néanmoins on reste dans le monde lusophone et l'histoire se fait aussi à travers quelques personnages angolais. Au final de Luanda à Rio, il n'y a qu'un pas et des deux villes à Lisbonne, il n'en faut pas beaucoup plus.

À travers ce roman, c'est une réflexion sur la condition du Brésil qui est menée et elle est assez intéressante. de manière plus générale, c'est aussi une réflexion sur la condition noire, au Brésil mais pas uniquement si l'on se penche sur la décolonisation… Seul bémol, il est parfois un peu difficile d'entrer dans le roman, surtout au début où de nombreux éléments nous échappent.
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La guerre des Anges est un très grand roman, et peut-être aussi un polar, une fresque politique, sociale et humaine entre Rio de Janeiro et Luanda, Lisbonne et l'Europe centrale. Alors que les favelas de Rio et particulièrement le morro da barriga, s'embrasent et que les délaissés et les déclassés qui les peuplent ont pris les armes sous les ordres d'un trafiquant de drogue charismatique, des personnages aussi divers que hauts en couleur se croisent et se côtoient : des vétérans de la révolution angolaise, un journaliste de petite taille, une artiste de la bourgeoisie passée à la révolution, un rappeur rendu fou par la drogue... Au centre de ces destins, le colonel Francisco Palmares, passé de la guérilla au trafic d'armes, combattant de toutes les batailles, surtout de celles « qu'il vaut mieux perdre ».

Inspiré de la première grande révolte d'esclaves noirs dans la région du Nordeste à la fin du dix-septième siècle, dirigée par un lointain descendant du Roi du Congo, Zumbi (le titre original du roman, O Ano em que Zumbi Tomou o Rio, littéralement « L'année où Zumbi prit la ville de Rio » y fait référence), La guerre des anges est un récit baroque qui laisse libre place à l'exagération, à la surcharge émotionnelle, à la tension et à l'exubérance des sentiments ; un roman foisonnant à la structure rigoureuse dans lequel chaque chapitre est présenté à la manière de l'acte d'une pièce de théâtre. Au rythme des raps de Jacaré et des réparties d'Ernesto, le chauffeur de taxi, il évoque la révolte - Agualusa rapproche celle des morros de la lutte des communistes angolais contre le colonisateur portugais -, les relations sociales dans une ville à la population divisée où les favelas, rebaptisés communidades, commencent à deux pas des quartiers chics et les relations raciales : « Certains d'entre nous se sont découverts noirs parce que on ne les a pas laissés être brésiliens».

Balançant entre un pessimisme radical - « A chaque instant de l'histoire révolutionnaire, les peuples se trouvent bernés et les idéaux balayés ». - et un relatif optimisme - « Il n'y a pas de fins heureuses, mais il y a des fins qui annoncent des temps meilleurs. » conclut un des protagonistes -, La guerre des anges rend hommage aux luttes sociales et politiques, au Brésil comme en Angola, qui laissent entrevoir la possibilité de sociétés futures meilleures. Soit une « espérance désillusionnée » pour reprendre le titre de l'article d'Ann Begenat-Neuschaefer paru en 2017 dans Etudes littéraires africaines.

Lien : http://www.polars-africains...
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
J’aimerais être simple comme les grenouilles dans les mares/regarder de loin les bateaux prendre le large/un beau matin./Mon Dieu, laisse-moi me reposer un peu./Je veux inexister sans sursauter,/me diluer dans l’air liquide distillé par l’aube./Mon Dieu, laisse-moi être la brise qui agite en cet instant/le feuillage des palmiers,/la brise qui a soufflé/et qui déjà ne souffle plus.
Eu queria ser simples como as rãs nos charcos/ver de longe partirem os barcos/numa manhã qualquer./Meu Deus, deixa-me repousar um pouco./Quero inexistir-me sem sobressalto,/diluir-me no ar líquido que a manhã destila./Meu Deus, deixa-me ser a brisa que agita neste instante/as folhas das palmeiras,/a brisa que houve/e já não há.
Lidia do Carmo Ferreira
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C’était un noir avec une âme de blanc,
il disait à tout, oui monsieur, vous avez raison monsieur,
il voulait seulement travailler
mais on exigeait qu’il présente bien,
oui monsieur, vous avez raison monsieur,
(il avait une patience infinie).
C’était un noir qui connaissait sa place,
oui monsieur, oui monsieur,
chez lui son fils avait le ventre vide
et lui, oui monsieur, vous avez raison, monsieur,
sa femme est morte d’une balle perdue
et lui, c’est la vie, monsieur, notre vie,
son père est mort à force de boire
et lui toujours, oui monsieur, vous avez raison, monsieur,
son fils est mort de faim
et alors un jour le noir est devenu fou
il a changé d’attitude, il a changé de nom,
assez souffert
maintenant je suis Zumbi, je suis Xangô, je suis Lampiao
maintenant je sais où est ma place
oui, monsieur, c’est au milieu de ce combat,
ma place est sur le Morro da Barriga.
Et si vous êtes l’éléphant et si je suis la fourmi
ça ne m’empêchera pas de vous dire
je n’ai pas peur
j’ai perdu toute crainte
je suis noir, oui, je connais ma couleur,
la couleur de votre peur, monsieur,
mais mon âme est verte, bleu outre-mer
je connais ma place,
cette terre adorée
parmi milles autres, c’est toi ô Brésil,
Ô patrie bien-aimée! Des enfants de cette terre douce mère,
Patrie bien-aimée, mon Brésil.
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- c’est nous qui payons les armes et les instructions, mec, et ce qui se passe ici,dans cette ville, c’est une guerre. Une guerre, parfaitement, tu captes ?! Vous avez une idée du nombre de personnes qui meurent chaque année dans les favelas de Rio ?
- [...]
- Huit milles, mec. Huit milles personnes, plus de vingt-deux par jour, tu captes ?!
Euclides s’interpose:
- quand vous dites nous, vous parlez de qui, Jararaca, des trafiquants?
- Je suis un trafiquant, l’interrompt sèchement l’autre, parce que mon peuple est réduit en esclavage par le système.[...]
Jararaca l’ignore:
- Celui qui naît dans une favela n’a pas le choix. Ou il entre dans le mouvement et il meurt jeune, mais en homme libre, ou il devient vieux sans jamais cesser d’être un esclave, tu captes ?
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- Il est de batailles qu’il ne sert à rien de gagner et d’autres qu’il vaut mieux perdre.
- Que veux-tu dire?
- En Angola, il sera peut-être possible de renverser le régime, mais ça ne changera rien. Ici, au contraire, nous pourrons peut-être perdre cette bataille. Mais après notre défaite, crois-moi, plus rien ne sera plus comme avant. Même vaincus, nous aurons gagné.
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Nous revenons toujours dans les endroits où nous avons aimé la vie. Et ce n'est qu'alors que nous comprenons que tout ce que nous avons aimé ne reviendra jamais plus. L'amour est simple, et le temps dévore les choses simples.
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