José Rodrigues dos Santos

Francisco ressentit un choc lorsqu’il réalisa que la jeune fille cadavérique qui se tenait devant le porche du camp des femmes était Tanusha. Il doutait de ce qu’il voyait. Tanusha ? Ce tas d’os ? Cet être au crâne rasé et au teint jaunâtre ? Cette loque immonde ? Tanusha ? Lorsque la prisonnière prononça son nom, ses doutes s’envolèrent.

— Les animaux ne sont pas comme nous, chérie. Ce sont… des animaux. Descartes parlait même d’animal-machine. Au fond, ce sont des sortes de robots complexes qui émettent des réponses automatiques à des stimuli extérieurs. Certains scientifiques soutiennent que tous leurs comportements obéissent à une dynamique de stimulus-réponse. Les animaux ne sont rien d’autre que des machines qui recherchent des gratifications et fuient la douleur.
— Tu crois vraiment à ce que tu dis ?
— C’est ce que dit la science, ma Flor, répondit Tomás en éternel académicien. (…)

Maria Flor prit l’air scandalisé.
— Excessive, Tomás ?! s’exclama-t-elle. Tu vois ce que l’être humain est en train de faire à toutes les autres espèces ?
Il savait qu’il nageait en eaux troubles, connaissant la sensibilité du sujet. Il devait agir avec beaucoup de précaution.
— Oui, c’est vrai, concéda-t-il. – Il hésita. – Mais… enfin, les animaux sont des animaux, non ? Nous ne sommes pas vraiment en train de parler d’êtres humains. Il faut garder le sens des réalités.
Elle leva les sourcils, méfiante.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Tu ne sais donc pas dans quel état est la planète ? demanda-t-elle d’un ton professoral. Les températures augmentent, les calottes glaciaires fondent, le niveau de la mer monte, les forêts disparaissent, l’humanité est en train de consommer toute l’eau potable et les ressources naturelles s’épuisent. Nous allons droit dans le gouffre et… et… nous devons faire quelque chose. Tu devrais faire comme moi.
Tout était vrai et Tomás le savait, mais cela ne l’empêcha pas de prendre un air narquois ; les douches rapides étaient visiblement devenues la dernière lubie écologique de sa femme.
— On résoudrait les problèmes de la planète avec des douches de vingt secondes ?
— Tout peut aider, Tomás ! (…) »

— Déjà ? s’étonna son mari. Ça ne fait même pas vingt secondes que tu es partie sous la douche…
— Je me dois d’être très rapide, répondit-elle, déjà en train de se sécher. Il faut économiser.
— Économiser le gaz ?
Maria Flor le fusilla du regard.
— L’eau, voyons !
— Mais, chérie, vingt secondes seulement sous la douche ? Tu ne crois pas que tu exagères ?
Sa femme commença à s’habiller.
— Tu ne sais donc pas dans quel état est la planète ? demanda-t-elle d’un ton professoral.

La vitesse avec laquelle Maria Flor sortit de la douche et s’enroula dans sa serviette, enveloppée d’un nuage de vapeur chaude, ne manqua pas d’étonner Tomás. Leurs horaires coïncidaient rarement. Sa femme se levait habituellement très tôt et lui, tard, dans la mesure où il passait ses nuits à préparer des rapports sur les pièces qui intéressaient la Fondation Gulbenkian, si bien qu’ils se croisaient rarement le matin.

Ce silence est assourdissant.

— Comment peuvent-ils faire des choses pareilles à des animaux ? s’indigna Noé. — C’est une question de maîtrise des coûts, expliqua l’ingénieur. Pour que la viande arrive sur le marché à un petit prix, puisque les consommateurs exigent une viande bon marché et qu’ils se foutent de savoir comment on fait pour arriver à de tels prix, il faut accélérer la production et couper dans les dépenses. C’est pour cette raison que la maintenance n’est pas faite comme il se doit et qu’il arrive tout le temps des choses comme ça.

Absorbé par la discussion avec sa femme, Tomás s’aperçut qu’il n’avait pas encore étudié la carte. Le filet de porc semblait vraiment délicieux, car il l’avait vu sur d’autres tables autour de lui, mais le steak le tentait également beaucoup. Il se sentait plus attiré par ce dernier. Il hésita. Il regarda le serveur, puis Maria Flor et ensuite de nouveau le serveur. Il comprit que le choix serait cornélien. Il scruta le menu, balayant du regard la liste des plats proposés, puis il dévisagea sa femme. L’air de rien, il y avait là une occasion en or pour changer les choses dans son mariage. C’était le bon moment pour prouver à Maria Flor qu’il avait changé, c’était le bon moment pour lui montrer qu’il allait désormais partager ses préoccupations et ses centres d’intérêt, c’était le bon moment pour lui faire savoir qu’elle pouvait compter sur lui. C’était le bon moment. Il se tourna vers Lopes, sa décision enfin prise.
— Une… Une petite salade, s’il vous plaît.

Kaloust écouta ces paroles dans un tourbillon d'émotions contraires, entre désespoir et exaltation.
- Et...et que dois-je faire ppur vous convaincre ?
Ohannes se figea une dernière fois et dévisagea son compagnon avec une expression indéchiffrable.
- Je ne sais pas, dit-il. Surprenez-moi.

Tout change dans notre corps, nous sommes en transformation constante. Nous sommes un processus, non un produit. Les atomes vont et viennent, les cellules naissent et meurent, mais ce qui fait notre humanité ce ne ne sont ni les atomes, ni les cellules, c’est la conscience qui les anime. Que ce soit dans un corps de chair ou dans une enveloppe de silicium, l’esprit des hommes perdurera parce que les machines l’emporteront avec elles.

L’homme donnera sa conscience à la machine, laquelle le conduira jusqu’aux étoiles et à l’éternité. La conscience étant la seule chose qui soit absolument sût-re dans l’existence, on ne saurait l’ignorer. On peut même postuler qu’une fois qu’elle est apparue la conscience ne s’éteint plus. Le rôle de l’humanité est de se servir des machines pour réveiller tout l’univers.

Teilhard de Chardin, le philosophe français, bien avant internet, avait parlé de l’émergence d’un cerveau planétaire qui réunirait toute l’humanité de façon dématérialisée ? Il nomma noosphére ce cerveau planétaire que nous appelons aujourd’hui internet.

A partir du moment où elle vivra sans fonction ni effort, l'humanité s'atrophiera. Le jour où il ne naîtra presque plus personne, le monde sera peuplé de personnes âgées de plusieurs centaines d'années, qui vivront dans des corps cyborgisés et améliorés. Ceux qui fusionneront avec les machines se transformeront petit à petit en machines jusqu'à le devenir complètement. Les autres disparaîtront progressivement, vaincus par l'inertie, l'atrophie intellectuelle, la perte de fonction. Sans défi , il n'y a pas de vie. L'humanité disparaîtra peu à peu, anesthésiée, immergée dans une idylle virtuelle et indolore.

La vie est de l'information organisée et, en cédant gratuitement nos données aux centres de données, nous sommes devenus Internet. L'Internet total, c'est nous, le business, c'est nous. et avec la cyborgisation progressive de l'humanité, la biologie fusionnera physiquement avec l'intelligence artificielle. Ce sera une nouvelle humanité, immense et toute-puissante. L'homme-animal est en train de mourir, l'homme-dieu est en train de naître.

En somme, si ce ne sont pas les travailleurs qui créent cette richesse, qui est-ce? La réponse est simple: les machines. Nous, les humains, nous sommes en train de devenir les chevaux du futur, des reliques obsolètes d'une époque révolue, qui vivent aux dépens des véritables producteurs de richesse. Nous anons été utiles, mais sous peu nous cesserons de l'être.La véritable intelligence artificielle sera la dernière de nos inventions.

La création n'était rien de plus qu'une façon nouvelle d'établir des relations entre ce qui existe déjà.

Nous ne somes pas une exception au sein du règne animal, nous faisons partie de la norme La conséquence de cete découverte est que les animaux ont les mêmes aptitudes que nous. Ils ont une conscience, la capacité d’aimer, ils se sentent tristes, ressentent de la douleur ou de la colère , ils ont le sens de la justice, ils apprécient le beau. En vérité, ils ont tout ce que nous avons, mais à des degrés divers.

Ce fut comme si cette question avait allumée dans les yeux de l’inspecteur Caparo une lueur d’intelligence.
- Ah !
Tomàs eut envie de lui hurler au visage : il était temps ! Mais même si la tentation éait fote, la diplomatie et le bon sens prévalurent.

Ce qui plongeait Tomás dans une profonde perplexité, c était la façon dont les personnes qui disaient détester l idéologie nationale-socialiste, ces personnes qui prêchaient humanisme et prononçaient tous les jours de beaux discours sur les droits de l homme, pratiquaient, dans leurs actes quotidiens, une autre forme de nazisme. Ils le faisaient simplement en mangeant de la viande.