J'ai longuement hésité et puis que je me suis dit que non je ne commencerais pas cette chronique en vous chantant « immortelle » de
Lara Fabian. Ce n'est pas l'envie qui m'a manqué…
Si je n'avais pas lu une critique de Geneviève, jamais je n'aurais ouvert ce roman qui me faisait un peu trop penser à ce qui s'est fait il y a des années, du temps du Da Vinci Code (que j'avais lu et apprécié pour le divertissement qu'il m'avait offert).
Non, non, rien à voir avec le Da Vinci Code où l'on court partout, dans tous les sens, avec la moitié du monde à son cul.
D'ailleurs, durant plus de la moitié du roman, nous avalerons les conversations intéressantes qui ont lieu entre Tomás Noronha (historien et cryptologue) et un scientifique américain de la DARPA, l'agence de recherche avancée de la Défense américaine, au sujet d'un scientifique chinois disparu (le professeur Yao Bai), le tout en alternance avec ce qui se déroule dans le labo de ce scientifique.
Durant tout ce bla-bla, on pourrait penser que l'on va se faire chier, s'ennuyer ferme, et bien non ! J'étais immergé dans leurs conversations et j'ai oublié le temps qui passait, ne ronchonnant que pour le fait que l'Américain foutait le mot « man » toutes les dix phrases (c'était redondant).
Certes, cela pourrait faire un peu cliché que tout ce dont Tomás Noronha a mis en garde le scientifique, fan de nouvelles technologies et d'intelligence artificielle générale, se déroule justement ensuite et donne raison à notre historien.
Oui, si l'on n'y prend pas garde, ce thriller de vulgarisation scientifique pourrait faire penser à un mauvais film de Hollywood où, après avoir causé durant plus de la moitié du film, nos deux protagonistes se mettent tout d'un coup à courir pour sauver leur peau plus de fois que ce pauvre John McClane dans ses films (Die Hard).
En fait, ce roman aurait dû m'horripiler grandement, notamment avec les dialogues qui semblent nous mâcher tout ce qui arrivera ensuite, nous mettant en garde contre la science sans conscience, les technologies nouvelles et leurs dangers, notamment le Net et tous les GAFAM qui nous contrôlent (Google, si tu me lis…).
Oui, il y avait moyen de me perdre, de m'énerver dans cette construction de roman, avec les dialogues entre une personne pro-technologies et une qui s'en méfie, le tout faisant un peu manichéen, durant plus d'une moitié de ce pavé, avant que tout ne s'accélère.
Et pourtant, j'ai apprécié ma lecture, j'ai été plus qu'intéressée par leurs discussions, des plus instructives, qui ne m'a jamais donné la sensation d'être dans un café du commerce en compagnie de types bas de plafond. J'ai même eu la sensation d'aller me coucher moins bête qu'avant.
La partie consacrée à la Chine et à ses millions de caméras permettant de surveiller toute la population m'a fait froid dans le dos, une fois de plus. le contrôle est total, les Chinois possédant un crédit social (système carotte/bâton) dont ils ne peuvent descendre en dessous d'un certain score, sinon ils perdent le droit de prendre le train, de faire des emprunts,…
Orwell nous avait mis en garde, nous ne l'avons pas écouté. Moi, des caméras de sécurité dans les villes, je préfère qu'il y en ait un strict minimum, ça peut toujours être mal utilisé ensuite…
Il y avait moyen de m'énerver aussi avec la partie course pour rester en vie, où nos deux protagonistes vont devoir échapper à un truc plus fort que tout, capable de tout, juste pour assurer sa survie, ne faisant pas plus attention aux vies humaines que nous n'en aurions pour une colonie de fourmis écrasées par mégarde.
Anybref, ce roman aurait pu finir balancé au milieu de la pièce et pourtant, je l'ai dévoré, ayant bien du mal à la lâcher, malgré ses défauts, comme ce scientifique américain un peu stéréotypé, cette manière de nous prémâcher la seconde partie du roman avec les mises en garde de Tomás et cette sensation d'être dans un mauvais film hollywoodien dans la partie "adrénaline, il faut courir pour sauver notre peau".
À réserver aux lecteurs et lectrices avides d'en savoir plus sur les avancées médicales et technologiques, afin de briller au prochain repas de famille, à la machine à café ou au barbeuk, avec les potes.
Le récit est fort riche d'apprentissages technologiques, médicales, de morale, de sciences, de conscience et cela pourrait vite devenir indigeste pour ceux ou celles qui préfèrent en manger à petite dose.
À noter aussi que l'épilogue, assez long, concernera la philosophie, l'eugénisme et ce qui est permis ou non, ce qui est moral ou qui ressemble à des pratiques nazies et que les dialogues entre les différents protagonistes pourraient, eux aussi, lasser une partie des lecteurs/trices.
J'ai aimé le fait que tout, dans ces questionnements, ne soient ni tout à fait blancs, ni tout à fait noirs, mais mis en balance avec ce qui se fait déjà et qui aurait sans doute crispé bien des gens il y a quelques années. Ce sera aux lecteurs de se faire leur opinion, la mienne n'étant pas tranchée sur ses sujets hautement sensibles et éthiques.
Une lecture très divertissante, très instructive, un thriller qui reste calme durant plus de la moitié de ses 654 pages (pocket) avant de nous précipiter dans une course-poursuite haletante, digne d'un grand blockbuster. Les chapitres sont courts et nous laisse souvent sur un cliffhanger.
Il faudrait que je me penche sur les autres romans mettant en scène le personnage de Tomás Noronha, car il m'a semblé un peu fade, manquant de profondeur et j'aimerais en savoir plus sur lui.
À noter que les romans peuvent se lire de manière indépendante l'un de l'autre puisque leur parution en français ne suit pas l'ordre de parution portugaise.
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