Julie Victoria Jones

- Masse Grêlenoire est notre chef et il agit comme un chef doit le faire en tant de guerre, mais sa vision reste limitée. Il ne cherche pas à voir plus loin que sa propre vie, au delà de ce qu'il peut gagner pour lui-même, sa famille ou son clan. Je ne lui en fais pas le reproche. Tous les chefs sont ainsi.
(Inigar Dos-Rond)

La Mort sourit en se retirant. "Fais mourir une armée pour moi, Raif Ruptur. Sans quoi, je pourrais être tentée de te rappeler."

"Je t'en prie, emmène-le dans ta chambre, Katia, je t'en prie." Ash s'en voulut de penser cela. Elle avait horreur d'imaginer les mains énormes de Marafice l'Oeil étreindre le dos de Katia. Néanmoins, elle avait besoin que sa suivante fasse diversion. Elle devait absolument quitter la forteresse du Masque. Cette nuit.

Le Couteau n'appréciait pas qu'on l'évite, cependant, et s'employait désormais à lui barrer le passage chaque fois qu'il le pouvait. Quand il la (Ash) croisait seule dans un couloir ou un escalier, il se plaçait directement devant elle et attendait, ce qui l'obligeait à le contourner. Il ne la touchait jamais, ne prononçait pas un mot, mais ses lèvres étroites se tordaient de plaisir et ses petits yeux regardaient à travers elle comme si elle était invisible. Tout comme les accoudoirs de son banc ou le cuir de sa tunique, elle était devenue un objet de plus à pousser jusqu'au point de rupture.

Tarissa pria tout bas avant de lever les yeux au ciel.
- Faites que ça s'éclaire un peu. Je vous en supplie.
Elle tourna ensuite son regard au-delà des sapins courbés par le vent, derrière la crête de granite verglacée, en direction du soleil. Hélas, le soleil demeurait invisible. Des nuées orageuses roulaient à travers le ciel, massives bouillonnantes, masquant la lueur du jour, poussées par des vents qui les harcelaient et leur sifflaient aux oreilles à la manière d'une meute de loups autour d'un troupeau de moutons. Tarissa eut un petit geste fataliste. La tempête ne passerait pas. Elle était là pour durer.

Elle était Ash de la Marche, enfant trouvée, laissée devant la porte Vaine pour y mourir.
(Page 630 de l'édition LdP)

Les braves hommes de Brindosier, qui portaient des cottes de mailles par dessus leurs manteaux doublés de renards bleu, proclamaient : "nous sommes le clan qui fait les rois." Leur devise ne mentait pas. C'était un homme de Brindosier qui avait proclamé le premier roi de Dhoone, et un autre qui l'avait couronné.

Angus tira son épée. Une arme toute simple, en acier gris ardoise. Il s'avança d'un pas et, ce faisant, parut se dépouiller de quelque chose, comme une peau morte. Il parut plus grand, plus imposant, plus terrible. De cuivrés, ses yeux devinrent dorés.

Ash perçut quelque chose.
Une chose maléfique, avide et brisée. Une chose emprisonnée dans les ténèbres, qui se desséchait lentement comme une coquille vide. Une chose sans nom, emplie de haine, uniquement animée par la solitude, la terreur, ainsi qu'une douleur féroce, aveuglante, indicible. Gonflée de malveillance, consumée par la peur, traversée par un manque lancinant qui faisait palpiter son coeur sombre et désolé. La chose voulait, voulait. Elle ignorait quoi mais elle voulait.

- Et cette nuit-là, pendant que tu te débattais comme un beau diable, à donner des coups de tête dans les dents du vieux Duff ou à me broyer les noisettes à coups de genoux, j'ai senti...
- La sorcellerie ? (Raif)
- Non, le destin.
Angus laissa les mots se prolonger un moment, puis haussa les épaules.
- Appelle ça une affabulation de vieux rôdeur si tu veux. Une foutue divagation, parce que j'étais en train de me faire broyer les couilles. Je sais seulement qu'à un moment, je me suis dit "si terrible que ça paraisse, ça doit avoir lieu".

En réintégrant son corps, il perçut un goût métallique dans a bouche et sentit une goutte d'urine couler le long de sa cuisse. Il lui répugna de trouver une trace d'humidité à cet endroit. Il avait ses faiblesses en horreur. Tout en faisant rouler sa salive pour cracher, il jeta un dernier coup d'oeil vers la silhouette en robe blanche de Sarga Veys.
Ce dernier regardait droit vers lui.
Troublé, Iss recula d'un pas. "Je me tiens dans l'ombre, se dit-il, cinq étages au dessus de lui. Comment sait-il que je suis là ?".
La projection ! Sarga Veys avait dû percevoir la projection. Le visage d'Iss s'assombrit. La pouvoir qu'il avait projeté était si insignifiant, un grain de poussière dans la brise, qu'il n'aurait jamais dû être détecté. Et pourtant Sarga Veys lui souriait, le saluait d'un geste du bras. Iss pivota et quitta la pièce. Maintenant, Veys saurait, avec une certitude absolue, que l'Esquille renfermait un secret que le haut seigneur tenait à lui cacher.

L'Etre aux bras tendus nous fait signe
Des jours plus sombres que la nuit s'annoncent.
Sadaluk

Le bourdonnement devenait de plus en plus fort. Elle courait à travers un dédale de motifs dont elle ne trouvait pas l'issue. Des serpents aux yeux d'or sifflaient sur ses talons, et des barbillons affûtés comme des rasoirs se prenaient dans sa robe et ses cheveux. Quelque chose la poursuivait; elle percevait le martèlement de ses pas contre la terre, sentait son haleine lui caresser la joue. Prenant de la vitesse, la chose marcha sur son ombre puis lui abattit ses griffes dans le dos.

Veilleur des morts. Il avait presque oublié ce que cela voulait dire.

Raif ne laisserait pas Drey sans protection lui non plus. Å condition qu'il trouve l'épée. Qu'il vive. Tout homme ou monstre éteint qu'il tuerait avec représenterait un danger de moins dans ce bas monde, une menace de moins contre sa famille et contre son clan.

Quand les hommes d’honneur négligeront leur cause,
Quand trois sangs seront savourés le même jour,
Deux maisons uniront leurs lignées et leur or
Et sèmeront les germes de ta ruine.
Alors viendra un homme sans père ni mère,
Dont l’amante sera la sœur,
Et qui retiendra la main du destin.
Les pierres seront brisées, le temple s’effondrera,
La marche du sombre empire s’interrompra,
Mais c’est le fou qui détiendra la vérité.

La fille se mit à ronfler doucement – un bruit sifflant, déplaisant, presque un appel à la pitié. Mais c’était surtout son odeur qui le perturbait, écœurante et fétide, typique de son sexe ; une odeur où se mêlaient la sueur, l’urine et les sécrétions intimes et qui racontait, plus fidèlement qu’un livre, la vraie nature féminine – cette nature intérieure secrète que les femmes, usant de tous leurs pouvoirs de dissimulation et de travestissement, s’appliquent à cacher aux hommes.

«Cette fille que tu as engagée est une sorcière, dit Clyve Froment.

— Non. Un ange, corrigea Burdale Collier. Cette capacité à deviner ce que veut un homme avant qu'il le sache lui-même émane du ciel, et non des douze enfers sans moutons.» Burdale gâcha quelque peu l'éloquence de ses paroles en les concluant par un rot sonore. Avec un sourire que la boisson rendait hésitant, le grand berger hirsute s'excusa, puis rota de nouveau.

Il y avait de la tragédie dans le fait de manger sa monture, mais pas de honte.

- Je suis né pour le corbeau, répondit Raif.
- Le veilleur des morts. Bancal fit cliqueter ses cannes. Un fétiche ingrat. Il te mènera la vie dure, se servira de ta chair et ne te laissera rien en récompense.