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Critiques de Kaouther Adimi (455)
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Nos richesses

Quelle joie en cette rentrée littéraire 2017 de voir publiée cette mise à l'honneur du premier éditeur et ami de jeunesse de mon "écrivain-phare", Albert Camus... par une jeune auteure...



Un moment inoubliable grâce à Kaouther Adimi, avec le très courageux éditeur algérois, Edmond Charlot... qui fit ses débuts très jeune, à vingt ans, avec un texte d'Albert Camus, et de trois camarades théâtreux, "Révolte dans les Asturies"... Lancement passionnel dans ce métier d'éditeur-libraire, grâce , entre autres, à sa rencontre enthousiaste avec la libraire parisienne, Adrienne Monnier...qui l'enchanta ! Mais des éléments non négligeables ont précédé... qui ont favorisé le terrain: un grand-père très cultivé, qui n'avait pourtant fait aucune étude, qui lui offre un exemplaire des "Croix de Bois" dédicacé par Dorgelès, un père représentant chez Hachette, qui lui rapporte des livres, la rencontre d'un professeur de philosophie qui marquera également son ami de classe, Camus.

Je voulais nommer cet enseignant spécial, Jean Grenier, qui l'encouragea vivement dans son rêve de réaliser quelque chose dans "La chose imprimée" !



Je connaissais dans les grandes lignes , le parcours humain et intellectuel exceptionnel de cet éditeur, mais grâce à ce livre et aux extraits [ imaginés ] de son carnet de bord, [ rendus d'autant plus crédibles que l'écrivaine a utilisé des sources très détaillées, publiées par Domens ] j'ai appris mille nouvelles choses, entre les anecdotes incroyables de l'univers des éditeurs, imprimeurs, les nouvelles idées qu'il a apportées [ dont un détail dans la maquette des livres fréquent aujourd'hui, sans qu'on sache que cela provient de ce "faiseur de livres": les couvertures à rabats, qui permettaient d'ajouter des éléments sur le contenu du livre, et des renseignements sur l'auteur], la période terrible de l'après-guerre où Charlot créée une annexe de ses éditions à Paris, où le papier est rarissime, et où les grands éditeurs parisiens ne se comportent pas de la plus belle façon... faisant des "coups tordus" à ce petit éditeur , de surplus algérois, qui commence à leur faire de l'ombre....



Cet ouvrage par un subterfuge astucieux, fait alterner le passé et le "tout présent". Entre les extraits du journal d'Edmond Charlot, le récit propre de l'auteure sur l'histoire douloureuse de l'Algérie, les soubresauts violents , terribles de l'Histoire entre Alger et la France , et le présent immédiat, représenté par Ryad, un jeune du même âge que Charlot lorsqu'il a débuté son métier d'éditeur, qui par contre, n'a aucun goût pour la littérature, ni pour les livres, l'auteure nous offre ainsi un tableau plus subtil de la compréhension, perception d'un pays, d'une ville, Alger, de son quotidien, de son histoire dont la "petite-grande" histoire de cette librairie, témoin engagé, vivant d'une époque ... et aussi par les anciens de la rue Hamani...ex-rue Charras, que rencontre Ryad...



Il est juste venu de France pour faire un stage à Alger [avec le piston d'un proche de son père]... et le contenu de ce dernier va être de vider la petite librairie de Charlot, "Les Vraies Richesses", tout jeter , meubles, rayonnages et Les Livres !! puis repeindre le local qui est destiné à devenir une boutique de beignets !!





Je ne peux m'empêcher de transcrire un extrait des "Mémoires barbares" de Jules Roy:

" de cette aventure, dont nous ne savions pas que nous la vivions, il reste pour moi une sorte de mirage. Charlot fut un peu notre créateur à tous, tout au moins notre médecin accoucheur. Il nous a inventés (peut-être même Camus), engendrés, façonnés, cajolés, réprimandés parfois, encouragés toujours, complimentés au-delà de ce que nous valions (...)



Nous étions les poètes les plus grands, les espoirs les plus fantastiques, nous marchions vers un avenir de légende, nous allions conférer la gloire de notre terre natale [...]

Nous fûmes son rêve. C'est là que le sort le trompa, injustement, comme se lève une tempête sur une mer calme. A la bourrasque il tint tête tant qu'il put. Je ne l'entendis jamais protester contre l'injustice ni maudire l'infortune qui l'accablait.

Par moments, il m'arrive de me demander si nous avons été assez dignes de lui. " (p. 210-211)





Du mal à quitter ce livre et surtout cet homme très attachant et brillant que fut Edmond Charlot... qui à lui tout seul... a su découvrir des talents incroyables: Camus, Roblès, Audisio, Sénac, Amrouche, Jules Roy, Mohammed Dib..., [ Que les grands éditeurs parisiens, Gallimard, le Seuil, Julliard ne reculèrent pas à "débaucher" ! ]...Il continua son existence durant , à se battre contre les épreuves les plus âpres...



"17 mai 1938

[...] Mon engagement doit être absolu. C'est ainsi que je conçois mon travail. L'écrivain doit écrire, l'éditeur doit donner vie aux livres. Je ne vois pas de limite à cette conception. La littérature est trop importante pour ne pas y consacrer tout mon temps. " (p. 76)



Merci , en tout premier à Kaouther Adimi, qui nous offre une lecture éblouissante sur un personnage admirable...L'émotion est démultipliée puisque l'auteur est née à Alger, fait revivre une figure emblématique de la ville et remet en mémoire la très douloureuse histoire de son pays.. et ...comble des belles "coïncidences"... , celle et pas des moindres rejoint la devise d'Edmond Charlot choisie à la création de sa petite librairie-édition, "lieu crée par des Jeunes, pour des jeunes !"... Il reconnaissait lui-même qu'elle était un peu prétentieuse, mais il l'a conservée !



Donc un très bel hommage très réussi , rédigé par une "jeune auteure" !....

L'ouvrage est complété par des éléments bibliographiques avec lesquels Kaouther Adimi a travaillé, avec en plus des rencontres avec "les copains de Charlot" !, les précieuses publications des éditions Domens... autour du libraire-éditeur, ouvrages que je vais aller voir de plus près... Car je n'ai acquis seulement que son catalogue d'éditeur, publié par eux... [ il y a qq années !]







[N.B.

Une petite parenthèse personnelle, car à cette lecture, les images et les souvenirs reviennent avec une grande émotion: des années durant, je commandais des ouvrages épuisés à qq libraires d'ancien de "province", dont "Le Haut Quartier" à Pézenas, où je recevais les ouvrages et les courriers de la part d'une dame, Marie-Cécile Vène... Il m'a fallu qq temps pour apprendre que c'était la librairie qu'Edmond Charlot avait recréé en revenant en France, en 1962, après le saccage absolu de sa librairie, Les "Vraies Richesses"... En 2005, l'occasion m'a été donnée d'aller découvrir ce lieu. Un moment magique de discussions, d'échanges

avec Marie-Cécile Vène, qui m'apprenait parallèlement la fort triste nouvelle du décès d'Edmond Charlot, peu avant [ 2004]... Je n'aurai pas eu le plaisir de rencontrer ce "grand Monsieur"... mais curieusement, j'aurais été parmi ses clientes fidèles... anonymes, pendant plus de quinze ans !! ]
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Au vent mauvais

°°° Rentrée littéraire 2022 #43 °°°



Leïla, Tarek, Saïd, tous nés dans un petit village de l’Est algérien, El Zahra. Saïd, le lettré, l’écrivain chéri par une famille favorisé, frère de lait de Tarek, né pauvre, simple berger mais sachant lire et écrire. Et puis Leïla, née femme, forcée d’épouser à treize ans un homme bien plus âgé, mais suffisamment rebelle pour le quitter avec son fils sous le bras puis d’épouser Tarek, à son retour de guerre. Des personnages très romanesques, complexes, qui placent au premier plan la question de la place de l’individu dans le monde, son aspiration à la liberté.



Les destinées de ces trois-là sont ébranlées par la marche de l’Histoire. Ainsi ils traversent les soubresauts de l’histoire algérienne, entre espoir et tragédies. Durant la Deuxième guerre mondiale, Saïd et Tarek sont enrôlés dans des régiments indigènes aux côtés des Alliés, des Frontstalags allemands à la bataille de Montecassino, subissant humiliations et discriminations racistes notamment lorsqu’ils attendent des mois d’être rapatriés en Algérie après la fin de la guerre. Puis c’est la guerre de l’Algérie, Tarek faisant le choix du FLN. Puis l’immigration économique en France : usine, foyer miteux de la Sonacotra ( société créée pour accueillir les travailleurs migrants isolés ) et envoi de mandats à sa famille restée à El Zahra. Et enfin, tous les drames politiques intérieurs, du coup d’Etat mené par Boumédiène pour renverser le président Ben Bella, jusqu’à la terrible guerre civile débutée en 1992. C’est toute l’histoire algérienne que découvre le lecteur mais puissamment incarnée par ceux qui la vivent et la subissent.



Kaouther Adimi relève le pari de proposer une saga familiale, à la fois intimiste et historique, déployée de 1922 à 1992, en seulement 260 pages. Son sens de l’épure et de la justesse du mot lui permettent d’enjamber avec les aisances les années, parfois dans des ellipses temporelles fort longues, sans que le lecteur perdent le sens du récit ou que l’évolution psychologique de ces personnages principaux en pâtissent.



Des trois personnages, celui qui m’a le plus emportée, c’est Tarek, alors que ma sympathie naturelle allait pour Leïla, fatiguée à lutter contre un patriarcat étouffant, usée par les ragots concernant sa vie privée supposée, élevant seule ses enfants avec un mari absent. J’ai d’ailleurs été déstabilisée de ne pas être plus touchée par Leïla.



Tarek, c’est le discret presque insignifiant qui se révèle au fil du récit, c’est celui à qui Kaouther Adimi offre la plus belle évolution psychologique. Lui le taiseux qui subit en silence voit sa vie bouleversée par le tournage du film La bataille d’Alger en 1966. Homme à tout-faire sur le tournage, la rencontre avec le réalisateur italien Gillo Pontecorvo va changer sa vie et la faire bifurquer dans une incroyable villa romaine. Lui le taiseux, toujours en exil, hanté par les guerres auxquelles il a participé, y trouve pour la première fois une accalmie, un refuge, touché par la découverte du Beau, au point de songer à en faire sa thébaïde et ne plus jamais rentrer en Algérie. Lui qui écrit à sa femme inlassablement « Vais bien, mandat suit », se révèle en dictant des messages bouleversants à son magnétophone de poche, jamais envoyés, ayant besoin de garder pour lui cette part de soi.



« Les mots m’ont toujours manqué. J’ai été nourri dans le silence. J’ai pleuré dans le silence. J’ai ri dans le silence. Qu’est-ce que les mots et à qui appartiennent-ils ? Tous les gens que je rencontrais étaient des hommes qui travaillaient pour les autres et qui ne voyaient jamais au-delà de l’effort. Les gens pensent que quand on a fait la guerre et qu’on a survécu, c’est terminé. Moi j’ai fait deux fois la guerre, deux fois je suis rentrée chez moi plein de poussière et je n’arrive pas à m’en débarrasser. Elle est entrée dans ma tête et dans mon cœur. C’est le vent mauvais qui l’apporte, cette fichue poussière qui jamais ne me lâche. (…) Personne ne songe aux nuits où l’on se réveille en sursaut, où l’on regarde sous le lit pour vérifier qu’il n’y a pas de bombe, où la peau se hérisse au moindre bruit. Depuis ma naissance, c’est comme si un vent mauvais soufflait sur moi, m’emportait, me ballottait, me brusquait et jamais ne cessait de siffler à mon oreille, m’épuisant, m’empêchant de penser, de trouver un refuge pour me reposer. Et d’un coup, Rome ! Et soudain la villa du Cardinal ! Le vent a cessé. Pour la première fois de ma vie, le silence, seul le silence, me tient compagnie et je m’éveille et me couche dans le calme. (…) Je ne suis plus ce que j’étais ou plutôt c’est le contraire, je suis devenue celui que j’aurais été sans les guerres. »



Le vent mauvais de la guerre, de l’exil, des malheurs, peut parfois se dissiper mais il menace en permanence et peut souffler d’où on ne l’attend pas. La figure de Saïd, plus en retrait que celle de Tarek et Leïla, permet à l’auteur d’aborder une autre thématique dans cette saga pleine de tempérament : celui de la force de la littérature. Dans Nos richesses, Kaouther Adimi montrer comment la littérature peut sauver. Ici, c’est sa force obscure de « vent mauvais » qui est évoquée, apportant de la noirceur au récit. Mais je n’ai pas compris l’ampleur des réactions de Leïla lorsqu’elle découvre que l’aigri Saïd s’est emparé de sa vie pour la coucher sur le papier. Sans doute m’a-t-il manqué quelques pages pour avoir accès à la psychologie de ce personnage. Cette incompréhension a quelque peu freiné mon enthousiasme initial. Mais la magnifique dernière page qui dresse un pont avec le présent m’a reconnectée avec bonheur au récit.

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Nos richesses

Kaouther Adimi nous emmène en terre algérienne des années 1930 à nos jours, sur les traces d'Edmond Charlot. Pour son troisième roman, Nos richesses, cette jeune auteure lauréate du Prix Renaudot des Lycéens 2017, réussit un très beau portrait de cet amoureux des lettres et des livres qu'était Charlot.

Cet homme un peu oublié qui a pourtant consacré sa vie à la littérature, malgré de faibles moyens et les obstacles rencontrés méritait amplement ce très bel hommage.

Ce roman se compose de deux récits : celui d'Edmond Charlot sous la forme d'un journal si bien écrit qu'on le croirait réel et celui de Ryad, l'un parlant du passé, l'autre du présent.

En 1936, sur les conseils de son professeur de philosophie, Edmond Charlot crée une librairie : « Ce sera une bibliothèque, une librairie, une maison d'édition, mais ce sera avant tout un lieu pour les amis qui aiment la littérature et la Méditerranée. » Il nommera ce lieu « Les vraies richesses » en hommage à Jean Giono et avec son autorisation et son slogan sera : « Des jeunes, par des jeunes, pour des jeunes. » Charlot sera entre autre le premier éditeur du jeune Albert Camus, inconnu à l'époque pour « Révolte dans les Asturies ».

Ryad, quant à lui, étudiant-ingénieur, arrive à Alger pour faire un stage manuel. Il est chargé par l'ami de l'ami de son père de vider, détruire les livres, nettoyer et repeindre justement cette fameuse librairie qui a été transformée depuis en bibliothèque par l'État. le nouveau propriétaire a décidé d'en faire un restaurant ! Les beignets remplaceront les livres… Mais la tâche ne sera pas si facile que cela à réaliser car Abdallah qui était préposé au prêt, « le vieux gardien des lieux », et tous les habitants du quartier veillent et sont décidés à protéger ce patrimoine.

J'ai été emportée par ce roman très attachant, plein de poésie, de douceur et aussi d'humour. Ce livre décrit en même temps des faits d'une extrême violence avec les premières révoltes, la guerre, la décolonisation. Il n'est également pas dénué de nostalgie.



C'est un véritable hymne à la littérature, aux livres, à la peinture, à l'art en général et à la culture. Impossible pour celle ou celui qui aime lire de passer à côté de ce splendide ouvrage.


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Au vent mauvais

Au vent mauvais parle-t-il de ce vent venu du désert chargé de poussière rouge contenant des traces des essais nucléaires de la France ou bien fait-il allusion à tous ces événements dramatiques mettant en péril une indépendance durement acquise ? Kaouther Adimi (Nos Richesses et Les Petits de décembre) qui a des liens étroits avec l’Algérie laisse ses lecteurs choisir la bonne hypothèse à l’issue d’un livre remarquablement construit.

Dans un premier chapitre assez court, l’autrice présente un écrivain, Saïd B., qui vient de publier le premier roman en langue arabe, en Algérie. Ce livre a un succès populaire énorme. C’est pourquoi, son auteur qui travaille à la radio en journée, vient au-devant de ses lecteurs dans une librairie d’Alger. L’héroïne de ce roman dont la photo illustre la couverture, se nomme Leïla.

Dans ce livre, l’auteur raconte sa vie, celle de Tarek, son mari, là-bas dans leur village d’origine, El Zahra. Saïd et Tarek étaient les meilleurs amis pendant leur enfance mais Saïd est parti faire des études alors que Tarek a continué son travail de berger.

Il faut ajouter simplement que la parution de ce livre a bouleversé la vie de Leïla et Tarek qui ont dû fuir précipitamment leur village, avec leurs enfants, sous la pression menaçante des femmes.

Dès que j’ai terminé le livre, j’ai relu les premières pages car elles sont essentielles pour la compréhension du roman dont la première grande partie est consacrée à Tarek, la seconde étant évidemment pour Leïla.

Avec ces deux destins, Kaouther Adimi m’a fait vivre toutes ces années si importantes pour l’Algérie où Tarek est né en 1922, fils d’une mère muette, son père étant décédé. C’est Safia, une femme du village qui a veillé sur lui.

Comme Leïla, Tarek grandit dans une Algérie colonisée par la France. C’est pourquoi, il est enrôlé dans l’armée française et doit aller combattre de l’autre côté de la Méditerranée. Un peu plus tôt, en 1938, Leïla (15 ans) a été mariée contre l’avis de Safia qui la recueille un peu plus tard, avec son bébé de trois mois. Elle avait quitté son mari, récoltant la réprobation de tout le village.

Avec précision, un souci honorable du détail, des chapitres courts et un déroulement palpitant, l’autrice permet de rappeler le sort de ces travailleurs algériens entassés dans des foyers Sonacotra insalubres. Confrontés au racisme, ils apportent leur force de travail indispensable à notre pays durant ces années d’après-guerre.

J’ai souffert avec Tarek, admiré son courage, espéré sans cesse un sort meilleur pour lui et sa famille restée là-bas, à El Zahra. Le mandat qu’il envoie régulièrement à Leïla lui permet de vivre et d’élever leurs enfants.

Dans Au vent mauvais, j’ai bien aimé les détails concernant le tournage de La Bataille d’Alger par Gillo Pontecorvo, un film dans lequel Tarek se retrouve impliqué, un film qui, à Alger, des années plus tard, sera hué par des jeunes acquis aux thèses des islamistes !

La partie consacrée à Leïla apporte beaucoup d’explications, éclaire certains passages concernant Tarek. Le traumatisme subi lors de la parution du livre de Saïd B. poursuit Leïla pendant des années. Là, l’autrice pose des questions essentielles à propos du travail de l’écrivain lorsque celui-ci écrit sur la vie de gens bien réels.

Il faut le profond amour la liant à Tarek pour lui permettre enfin de surmonter cela. Les figues de Barbarie retrouvées plus tard leur donneront encore un peu de bonheur.

C’est dans cette partie que la situation politique en Algérie bascule une fois de plus dans le drame avec attentats, assassinats, extrémisme religieux jusqu’au-boutiste.

J’ai vraiment aimé lire Au vent mauvais, roman faisant partie de la sélection pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives, un livre qui m’a plongé au plus près de la réalité d’un pays qui a traversé des périodes très difficiles pas vraiment terminées d’ailleurs.

Mon émotion est montée encore d’un cran lorsque Kaouther Adimi a révélé un élément fondamental pour l’écriture de son livre, élément que je vous laisse le soin de découvrir.


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Nos richesses

Jules Roy a dit de lui dans ses Mémoires barbares : " ... Charlot fut un peu notre créateur à tous, tout au moins notre médecin accoucheur. Il nous a inventés ... engendrés, façonnés, cajolés, réprimandés parfois, encouragés toujours, complimentés au-delà de ce que nous valions, frottés les uns aux autres, lissés, polis, soutenus, redressés, nourris souvent, élevés, inspirés. "



Edmond Charlot, un jeune homme de vingt et un ans à peine, qui en 1935 ouvrit à Alger une librairie pour éditer, prêter et vendre les oeuvres de jeunes auteurs méditerranéens. Albert Camus, un de ses camarades de classe de Khâgne, Jules Roy, mais aussi Max-Pol Fouchet, Albert Cossery, Emmanuel Roblès, Mouloud Mammeri, et bien d'autres sont de ces écrivains qu'il publia et furent ses amis.



Éditeur de la France libre durant l'Occupation, Edmond Charlot fut, jusqu'au milieu des années 1950, l'un des personnages importants de la littérature française ; jusqu'à ce que les difficultés financières l'obligent à abandonner Les Vraies Richesses, sa chère librairie algérienne, puis, quelques années plus tard, sa maison d'édition parisienne.



Roman historique et inspiré sur le passé douloureux de l'Algérie et des Français, Nos richesses raconte, avec talent et empathie, une histoire passionnante. On y découvre un ami de la littérature, des écrivains et des livres, à travers le voyage fictionnel à Alger de Ryad - jeune stagiaire chargé en 2017 de liquider la librairie Les Vraies Richesses - et des extraits sobres et émouvants du journal d'Edmond Charlot.



Dans la vieille demeure occitane où il a fini sa vie, Edmond Charlot était devenu presque qu'aveugle, " ce qui l'attristait énormément car il ne pouvait plus lire ni écrire des lettres à ses amis. " Après sa mort, il a été incinéré et ses cendres ont été dispersées dans la Méditerranée, son " chez-lui. "
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Au vent mauvais

Après Nos richesses et Les petits de Décembre, j’ai une nouvelle fois été séduite par la plume de Kaouther Adimi avec Au vent mauvais.

Le prologue du roman est là pour intriguer le lecteur avec ce vent mauvais qui a soufflé la nuit du 22 septembre 1972, un vrai vent qui arrive du Sahara et va recouvrir Alger de sa poussière rouge, mais aussi annonceur d’une tempête de jours difficiles.

Début des années 1920, trois enfants, Leïla, Tarek et son frère de lait Saïd grandissent dans un petit village de l’est de l’Algérie, au hameau de El Zahra. Tarek et Saïd dont l’amitié semble indestructible sont séparés à l’adolescence. Le brillant Saïd, d’une famille plus aisée part poursuivre ses études tandis que Tarek timide et discret reste au village et devient berger. Tous deux sont secrètement amoureux de Leïla. Celle-ci âgée de quinze ans, mariée contre son gré à un ami de son père ose le quitter et retourne chez ses parents, avec son fils, dans la réprobation générale.

À travers les destins croisés de ces trois personnages, Kaouther Adimi dresse une fresque certes rapide mais ô combien efficace de l’Algérie des années 1922 aux années 1992, de la période de colonisation jusqu’au moment où le pays bascule dans la guerre civile.

Elle retrace la colonisation, la Seconde Guerre mondiale, l’envoi des hommes au front et la façon honteuse dont ils seront ensuite accueillis à leur retour par les Français, la guerre pour l’indépendance de l’Algérie et l’arrivée du FLN, le coup d’état de Boumedienne qui ne surprend pas la population habituée à observer en arrière-plan de la ville les chars de Gillo Pontecorvo en train de tourner le film La Bataille d’Alger, l’émigration vers les villes et pour terminer avec la montée de l’islamisme et le début de la guerre civile en cet été 1992 inaugurant cette funeste « décennie noire ».

Tout en dressant cette grande fresque de l’Algérie sur un siècle ou presque, Kaouther Adimi nous invite également à réfléchir sur le rôle de la Littérature et le pouvoir des mots.

La publication d’un livre par Saïd devenu écrivain va en effet bouleverser la vie de Leïla et Tarek. Il a pris pour héros ses deux amis et sous leur propre nom. Ils sont ulcérés de retrouver leur vie intime portée à la connaissance de tous et Leïla, personnage principal dans le roman, pose cette question : « Quel nom porte cette sorcellerie qui donne le pouvoir de deviner les corps, les pensées et les rêves les plus intimes de deux personnes ? » Elle pense que son prénom ne lui appartient plus, qu’elle s’est fait confisquer son identité, que son histoire a été salie, que son corps est connu de tous et que ce qui est écrit est écrit pour toujours.

C’est donc ce pouvoir des mots qui est évoqué ici, pouvoir réparateur, pouvoir salvateur comme l’affirme d’ailleurs Tarek en parlant de son collègue avec lequel il travaillait à Paris : « Et la littérature, se disait Tarek, c’était peut-être au contraire ce qui avait sauvé son binôme, ce qui l’empêchait de sombrer, de faire rouler hors de leurs orbites ses yeux-billes » mais, en contrepartie, peut-on raisonnablement raconter l'histoire d'une famille ?

Inspirée par la propre histoire de ses grands-parents, Kaouther Adimi livre un portrait déchirant, la douloureuse tragédie de son peuple, de cette Algérie du XXe siècle.

Au vent mauvais est un livre tout en délicatesse. Avec une écriture concise et émouvante, Kaouther Adimi, parvient à faire ressentir les horreurs qu’a traversé l’Algérie, sans les décrire forcément mais en les suggérant de façon très subtile et malheureusement bien compréhensible.

De façon récurrente, elle insiste sur le fait que les guerres vous altèrent et vous abîment définitivement… mais termine par une note positive en revenant à El Zahra où « les figues de Barbarie continuent de pousser ».




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Les petits de Décembre

Le roman débute en février 2016 à Alger où de fortes pluies sévissent, et nous amène à Dely Brahim, commune de la banlieue Ouest d'Alger où l'auteure nous présente la cité du 11 décembre 1960 qui existe depuis 1987 et dont les lots ont été vendus à des militaires. Un plan de cette Cité est présenté au début de l'ouvrage. Au milieu du lotissement, un terrain d'un hectare et demi est resté inoccupé. Il y a un peu moins de vingt ans, "un groupe d'enfants entreprit de le nettoyer, de bricoler des buts de fortune, de délimiter des zones et créer ainsi un terrain de football."

Depuis, sur ce terrain, resté terrain vague, des milliers de parties de foot ont été disputées par les enfants, les jeunes de la Cité et des environs. En ce 2 février 2016, comme souvent, trois enfants, une fille Inès et deux garçons Jamyl et Mahdi bravent la pluie et font une partie dans la boue.

Voilà que le lendemain, à 10 h, se présentent sur le terrain, escortés par leur chauffeur descendu précipitamment de la voiture avec deux parapluies, les généraux Saïd et Athmane, tous deux dans les soixante-dix ans, des plans à la main. L'ancienne moudjahida Adila qui a combattu les Français, les armes à la main et a continué à militer pendant les années de terrorisme s'approche d'eux. Ils lui déclarent qu'ils viennent voir "leur terrain" sur lequel ils vont construire leur villa et que les travaux débuteront dans quelques mois, la parcelle leur appartenant.

C'est sans compter sur l'innocence, la détermination, la conviction et la certitude qu'ont les enfants de leur bon droit. Nos trois jeunes amis footballeurs dont le domaine va être confisqué vont s'organiser et se mettre à récupérer et à stocker de la nourriture et à en parler aux autres enfants. En cachette et à l'insu des adultes, ils vont organiser la résistance. Et le vendredi 25 mars 2016, commencera alors la révolte des petits de décembre.

Ce que leurs parents, trop timorés et résignés, n'ont pas eu le courage de faire, les jeunes, eux, vont oser ; ils vont se révolter, s'insurger et refuser d'obéir. Ils veulent faire renoncer les généraux, pour qu'ils abandonnent leur projet immobilier.

Cette rébellion, Kaouther Adimi nous la fait vivre comme un conte dans lequel les généraux se ridiculisent, les militaires sont des lâches et les enfants des héros et où les femmes et les filles sont bien mises en avant. Mais, en fait, elle nous fait vivre et comprendre la violence du régime algérien, sa corruption, ses dysfonctionnements, les difficultés du système à se réformer après cette décennie noire et le combat contre les islamistes. L'auteure nous fait revivre de façon originale et fort instructive tout un pan de l'histoire algérienne depuis l'Indépendance, dans le carnet intime d'Adila.

Les petits de décembre est un roman qui sous une forme de légèreté dans l'écriture raconte la société algérienne des années 80 à nos jours, et se révèle d'une immense force. Il nous plonge dans une Algérie toujours corrompue où les abus de pouvoir et les brimades sont toujours de mise. Il nous permet de comprendre les enjeux politiques des révoltes actuelles. Et, avec cette révolte des enfants contre l'injustice, inspirée de faits réels, naît l'espoir d'une génération qui saurait réussir à s'affranchir de la peur et construire un avenir meilleur.

J'avais beaucoup apprécié Nos richesses (Renaudot des lycéens 2017) et j'ai été conquise par Les petits de décembre que je recommande chaleureusement.


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Nos richesses

Pour l'amour des livres



De l'amour, il en a à revendre. Énormément.

Edmond Charlot est un passionné des lettres et des livres et il va y consacrer une grande partie de sa vie.

Dans les années 30, il ouvre à Alger une librairie qu'il appelle avec la bénédiction de Jean Giono "Les vraies richesses". Il veut en faire un lieu de rencontre où l'on honore l'amitié, la littérature et la méditerranée.

Il se lance également dans le monde de l'édition. Camus lui offrira son premier texte. Les noms de nombreux auteurs prestigieux viendront ensuite compléter un catalogue déjà bien fourni.



En 2017, la librairie du 2 bis rue Hamani n'existe plus. Seule subsiste une vitrine que l'on peut encore admirer après avoir traversé un pont et des rues qui évoquent les décors des cartes postales anciennes.

Ryad, pour y valider un stage en ingénierie, est chargé de vider les lieux et les repeindre. La librairie transformée dans un premier temps en annexe de bibliothèque deviendra une boutique où on y vendra des beignets.

"Un homme qui lit en vaut deux". Ryad qui est fâché avec la lecture va découvrir un lieu qui vit encore avec ses souvenirs sous le regard bienveillant et protecteur de ses autochtones.

Trouver des pots de peinture ne va pas être une mince affaire...



Ce roman admirable où l'amour des mots transpire à chaque page est un très bel hommage à un éditeur-libraire qui a traversé les vicissitudes de l'histoire et de l'infortune pour aller jusqu'au bout de sa passion. La vraie richesse étant ici celle de la culture et de l'amitié dans un pays où le pouvoir surveille avec méfiance toute tentative de débordement.
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Des ballerines de Papicha (L'envers des aut..

Dans ce premier roman qui donne tour à tour la parole aux membres et aux voisins d’une famille semblable à tant d’autres des quartiers populaires d’Alger, Kaouther Adimi révèle le mal-être grandissant d’une jeunesse désoeuvrée et sans avenir, en perte totale de repères.





Adel, le fils trop féminin, vit dans la terreur de la violence qu’il attire. Yasmine, la jolie cadette, voudrait tant que ses études débouchent sur bien davantage que le mariage. L’aînée, Sarah, étouffe dans la soumission à un époux qu’elle rejette au point de le prendre pour fou. Pour tromper son ennui d’écolière, sa fille Mouna s'enferme dans un présent de papicha sans cervelle, limité à ses ballerines de toutes les couleurs et à son attirance pour un garçon. Le tout au grand désespoir du gendre Hamza, dépassé par le comportement de sa femme, pendant qu’ombre laborieuse silencieusement barricadée dans son autorité réprobatrice, la mère et grand-mère s'accroche bec et ongle au maintien des traditions familiales et sociales.



 

Tous vivent sous le même toit et sous le regard inquisiteur des voisins, de jeunes hommes occupant leur désœuvrement d’expédients, entre drogue et alcool, et rêvant, les uns de la « vraie vie » en Europe, les autres de la reconstruction de leur pays, sans jamais parvenir à faire plus que se réunir à longueur de jours et de nuits dans les cages d’escaliers de leur immeuble, mais capables néanmoins d’affirmer comme bon leur semble leur loi sur le quartier : gare à celui ou à celle qui leur semblera déchoir au gré d’un comportement trop libre ou marginal. Alors dans cette promiscuité qui pèse comme un couvercle, révolte et désespoir se vivent dans le secret d’une intimité personnelle soigneusement repliée sur elle-même, dans une souffrance et une solitude propices aux tragédies les plus extrêmes.





Un texte d’une grande maturité de la part d’une auteur alors encore toute jeune, et une illustration aussi sensible qu’efficace de la dérive d’une population acculée au désespoir, à la folie et à la mort, avec souvent pour seul espoir le mirage migratoire.


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Les petits de Décembre

Voici un petit livre ( 200 pages) qui ne manque ni de gravité ni d'originalité. Nous sommes à Alger , en 2016 , Cité du 11 Décembre, dans un lotissement dont la plupart des maisons sont occupées par des familles de militaires.

Au milieu du lotissement se trouve un terrain vague où les enfants disputent d'interminables parties de foot sous les regards amusés de leurs familles. Parmi eux , deux garçons et une fille, Ines, Jamyl et Mahdi rêvent de gloire, au nom de la patrie, de l'amour du maillot.....Des enfants comme tous les enfants du monde .

Un jour , deux généraux , plans en mains , arpentent le terrain où, disent - ils , seront édifiées leurs maisons. L'incident éclate. Mais si les enfants se révoltent contre ce qu'ils considèrent comme une injustice , comment pourront-ils résister à ce pouvoir militaire implacable qui maintient le pays sous sa botte , qui a tous les droits ?...Et quelle sera la réaction de leurs parents , peu enclins à se lancer dans un combat incertain et bien décidés à faire " rentrer leur progéniture au bercail " ?

C'est , à travers ce récit, le cheminement cahotique de l'Algérie de l'indépendance à nos jours .C'est une belle lecture épurée , un joli conte qui montre que la machine est sur les rails et se lance à petits pas , lentement mais sûrement , vers une liberté toujours espérée mais bien incertaine .

Kaouther Adimi écrit bien, très bien et la " douceur "des mots lui permet de délivrer son message avec poésie et efficacité.

Les personnages , notamment ceux des enfants , nous ramènent à notre propre tendre jeunesse où , dans un contexte certes bien différent, " le monde " nous appartenait et rien n'était impossible. Qui d'entre nous n'avait pas, dans son village ou son quartier, un petit terrain vague, un théâtre d'aventures interdites aux "grands , parents , ou, plus généralement , adultes ", un territoire qui voyait se succéder des générations de gamins , jusqu'au jour où ....l'urbanisation ...

C'est un très beau livre , fin , intelligent , subtil , qui montre que le monde change et va changer sous la détermination d'une jeunesse bien décidée à vivre une vie libre , une vie différente , une vie de bonheur et non plus de soumission.....

Les dernières pages sont d'une grande beauté . L'Espoir est là, à portée de main .
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Les petits de Décembre

Les petits de Décembre est une histoire émouvante, impressionnante, éloquente qui apprend beaucoup de choses sur la société algérienne.

Kaouther Adimi plonge son lecteur dans le quotidien de la cité du 11 Décembre 1960, à Dely Brahim, commune faisant partie de la wilaya d’Alger. Le nom de ce quartier rappelle la date du début des manifestations, d’une révolte contre le colonialisme français, pour l’indépendance. Cela dura plus d’une semaine et fut, hélas durement réprimé.

Elle n’oublie pas, au passage, de nous expliquer pourquoi cette cité a été destinée à loger les familles des militaires retraités ou actifs. Elle précise aussi régulièrement les étapes souvent très douloureuses vécues par ce pays qui a conquis son indépendance au prix d’une guerre qui a laissé beaucoup de traces en France, comme là-bas.

Le 2 février 2016, tout part de la volonté de deux généraux, Athman et Saïd, de se faire construire chacun une belle villa au milieu du quartier, sur un terrain d’un hectare et demi où les enfants jouent au foot.

Inès, Jamyl et Mahdi sont les trois héros qui vont mener la révolte, mobiliser des centaines d’enfants avec l’aide d’Adila, une moudjahida qui a combattu les Français pour obtenir l’indépendance de son pays. Elle est la seule adulte suffisamment courageuse, les autres se défilant ou restant neutres…

Au travers de ce roman écrit sans concession, avec une lucidité impressionnante, j’ai beaucoup aimé tous les moments intimes de vie familiale chez les trois héros, même lorsque l’auteure nous emmène chez les généraux lorsqu’ils reçoivent Mohamed et Chérif, deux colonels à la retraite soupçonnés de soutenir les enfants.

Courageusement, Kaouther Adimi qui vit en France mais dont la famille réside en Algérie, n’hésite pas à souligner incohérences, compromissions, menaces, corruption, chantage, tous les maux qui gangrènent ce pays. Fille de militaire, elle connaît bien le milieu dont elle parle et ses privilèges.

Avec Les petits de décembre, l’auteure publie son quatrième roman, réussissant à apporter un éclairage à la fois intimiste et politique sur l’Algérie. Elle s’est appuyée sur un fait réel, ses frères ayant joué sur ce fameux terrain, comme elle nous l’a confié à Manosque, lors des Correspondances. Cela m’a beaucoup intéressé, intrigué, ému et j’ai aimé découvrir une autre facette d’un pays qui voit sa jeunesse lutter actuellement pour renverser l’ordre établi.

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Nos richesses

D’emblée, l’auteure prend le lecteur par la main, et guide ses pas dans les rues d’Alger, en 2017, face au soleil, passant devant les boutiques, la Casbah, l’imprégnant des couleurs, pour arriver devant ce qui fut la librairie « Les Vraies Richesses ».



Certes, la librairie n’existait plus en tant que telle depuis les années 90, reconvertie en une bibliothèque, gérée par Abdallah, un vieil homme qui veillait jalousement sur les livres. A son grand dam, elle va être vendue et transformée en commerce de beignets, tâche confiée à Ryad, jeune homme qui arrive de France pour un stage de formation qui va consister à faire place nette…



Le décor est planté et l’auteure va nous raconter l’aventure de cette librairie, bibliothèque, maison d’éditions, alternant les récits de Charlot, ses carnets précieux et l’opération de grand nettoyage de Ryad et l’Histoire.



Kaouther Adimi nous donne la liste impressionnante de tout ce dont il doit se débarrasser : des milliers de livres d’auteurs français, étrangers, en arabe, des livres pour enfants, des ouvrages scientifiques, les meubles, les photos… mais aussi les manuscrits, les correspondances précieuses avec les auteurs que Charlot a publiés…



Le simple fait de la lire m’a fait frissonner, (je dirais même crier intérieurement au scandale) car jeter un livre pour moi est un sacrilège ! Alors un tel trésor !



J’ai beaucoup aimé suivre le parcours d’Edmond Charlot (que je ne connaissais pas, je le reconnais) dans la création de sa librairie « Les vraies richesses » avec peu de moyens, beaucoup de travail et d’opiniâtreté, la manière dont il prend soin de ses auteurs comme de ses lecteurs, ou déniche de nouveaux talents, les coups bas, la censure, les difficultés à trouver du papier pendant la guerre, sans oublier sa revue « L’Arche » …



Il veut créer un espace ouvert aux lecteurs et aux écrivains de tous les pays de la Méditerranée, « gens d’ici, de cette terre, de cette mer, sans distinction de langue ou de religion ». Il soigne la présentation, la couverture, introduit le rabat où l’on peut lire le résumé du roman, sans oublier son catalogue recherché.



Certaines réflexions résonnent étrangement tant elles pourraient être énoncées de nos jours, telle celle-ci, écrite le 17 décembre 1938



« Aujourd’hui encore, des clients intéressés uniquement par les derniers prix littéraires. J’ai essayé de leur faire découvrir de nouveaux auteurs, de les inciter à acheter l’Envers et l’Endroit de Camus, mais totale indifférence. Je parle littérature, ils répondent auteurs à succès. » P 79



On rencontre des auteurs qui ne sont pas encore célèbres, Albert Camus fumant une cigarette devant la porte de la librairie, Jules Roy, Vercors, Max-Pol Fouchet, Himoud Brahimi, Kateb Yacine, Emmanuel Roblès, Saint-Exupéry…



« Au fond, face à l’entrée trône un bureau en bois massif. Des photos en noir et blanc sont accrochées un peu partout. Ryad déchiffre les noms sous les portraits d’hommes dont la plupart lui sont inconnus : Albert Camus, Jules Roy, André Gide, Kateb Yacine, Mouloud Feraoun, Emmanuel Roblès, Jean Amrouche, Himoud Brahimi, Mohamed Dib… » P 48



Le personnage d’Abdallah est très intéressant aussi ; émouvant lorsqu’il surveille ce qui se passe lors de l’opération nettoyage, debout sous la pluie, revêtu d’un drap blanc, tel un linceul. Il est la mémoire vivante du lieu, et respecte les livres, même s’il ne les lit pas.



Kaouther Adimi raconte de fort belle manière l’histoire de la librairie en la mêlant à l’Histoire : celle du pays avec le centenaire de la colonisation en 1930, la seconde guerre mondiale où les Indigènes sont envoyés au combat comme les autres, et la manière dont ils sont accueillis au retour, les massacres de Setif, la Toussaint rouge, et ce qu’on appellera « les évènements d’Algérie », le mot guerre étant encore escamoté…



J’ai beaucoup aimé ce voyage dans l’Histoire et la Littérature, et la petite histoire dans la grande et l’auteure m’a donné envie d’en avoir davantage, et de découvrir plus en profondeur les auteurs algériens que je connais trop peu.



L’auteure a passé « un an à écumer les fonds d’archives », comme elle dit, pour nous offrir un roman riche et bien écrit, que j’ai eu du mal à lâcher, un de mes préférés de cette rentrée littéraire 2017.
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Au vent mauvais

Fresque romancée et romanesque de l’Algérie du 20è siècle, secouée par la sortie de colonisation.

Tarek et Saïd ont été nourri au même sein, l’amitié qui les lie semble indestructible.

Et pourtant.





Amoureux de Leila, Tarek, est effondré par le mariage subi et contraint de sa jeune amie. Par dépit, il s’engage dans l’armée française qui renforce ses troupes, alors que l’Europe se déchire.

Lorsqu’il revient au pays Leila a commis l’impensable : elle a quitté son mari. Tarek l’épouse. Mais le couple n’aura pas beaucoup l’occasion de partager le quotidien : pour faire vivre sa famille, il n’a pas d’autre choix que l’exil, en France puis en Italie. Un message sibyllin et angoissant de son épouse lui parvient, il rentre au pays. En retrouvant la trace de son ami Saïd, il ne s’attendait pas au raz-de -marée que les circonstances de ces retrouvailles occasionneront.





Deux thèmes se détachent de ce roman qui en peu de pages a l’ambition de retracer l’histoire de l’Algérie au vingtième siècle mais aussi et c’est là l’originalité de ce roman, d’imaginer l’impact pour quiconque de se retrouver personnage de roman.



On comprend tout à fait la démarche, mais il, est risqué de le faire tenir en moins de 300 pages. Des pans entiers de l’histoire de l’Algérie dans les années 60 sont passées sous silence et pourtant, ce sont des événements qui marquent forcement les mémoires et les choix de vie.

Le thème de la place de la fiction et des retentissements sur les personnages réels est traité assez rapidement et c’est dommage.



Il aurait sans doute été nécessaire de développer plus, d'autant qu'on est facilement embarqué par la narration.



272 pages Seuil 19 Août 2022
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Nos richesses

C’est à travers le regard de trois hommes que Kaouther Adimi fait revivre une minuscule librairie, serrée entre une pizzeria et un marchand de légumes dans une ruelle d’Alger.

En ouvrant « Les vraies richesses » dans les années 30, Edmond Charlot, libraire, imprimeur et éditeur a voulu partager sa folle passion pour les livres.



Au fil du temps, la librairie, devient une bibliothèque de prêt, faute d’acheteurs. Abdallah, le nouveau maître des lieux n’aime pas lire, mais les livres sont un trésor qu’il doit protéger.



En 2017, lorsque Ryad à son tour investi l’endroit, c’est pour faire le vide, débarrasser, donner où jeter les vestiges d’un temps révolu.



En découvrant par hasard cette petite échoppe, lors d’une promenade à Alger, l’auteure a été intriguée par ce lieu étrange et a fait des recherches sur son créateur Edmond Charlot.

Les carnets qu’elle a retrouvés et son imagination ont donné corps à un personnage hors du commun qui deviendra au fil des années l’ami et confident de Camus, d’Emmanuel Robles où de Jean Giono.



Dès les premières lignes, je me suis laissée envoûter par une écriture aussi élégante que précise. En nous faisant découvrir Alger l’auteure nous invite dans des ruelles baignées de soleil où le bleu du ciel rejoint celui de la mer. Tous les sens sont sollicités dans une ronde de senteurs et de sons.



Chaque personnage de cette histoire vraie, en grande partie, est brossé avec beaucoup d'application et une grande sensibilité.

L’immersion dans le monde de l’édition m’a passionnée et j’ai aimé suivre Edmond Charlot, dans ses succès mais aussi dans ses terribles moments de doute et de découragement.

Outre l’hommage au monde des livres, de l’édition et des libraires, ce livre est aussi une chronique du temps qui passe, il s’en dégage beaucoup de nostalgie.



Kaouther Adimi signe un très beau roman peuplé des fantômes de grands écrivains.

Je garderai longtemps en mémoire l’image de Saint-Exupéry, assis sur un trottoir fabriquant de petits avions en papier de chocolat pour des enfants hurlant de rire sous un soleil éclatant.



Un coup de cœur !

J'ai lu ce roman dans le cadre de l'opération lancée par Lecteurs.com "Les explorateurs de la rentrée littéraire". Merci à eux.

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Nos richesses

Pour valider le stage ouvrier de son école d’ingénieur, Ryad, se retrouve à Alger afin de débarrasser, nettoyer et repeindre une ancienne librairie. Mais le jeune homme va vite s’apercevoir que, beaucoup plus qu’une histoire, la librairie « Les Vraies Richesses » a une âme et les fantômes de grands écrivains habitent encore ses murs.



Ryad se plonge dans les carnets intimes du fondateur des lieus, Edmond Charlot qui à l’âge de 21 ans en 1935 devint libraire, bibliothécaire, galeriste, et éditeur. Edmond Charlot, passeur de livres, publie les premiers écrits d’Albert Camus, Jules Roy, Max-Pol Fouchet, André Gide, Federico Garcia Lorca…



Editeur des plus grands, éditeur de la France libre durant l’occupation, Edmond Charlot tente, à la libération, de conquérir Paris, mais au bord de la Seine, la vie n’est pas un long fleuve tranquille pour un éditeur venu d’Alger. D’autant que les prémices de ce que l’on a appelé pudiquement les « évènements » (sacré euphémisme !) d’Algérie se font sentir.



Kaouther Adimi, en à peine deux cents pages, nous plonge dans la vie d’un quartier d’Alger aujourd’hui, mais aussi dans une émouvante reconstitution de l’activité passée d’une librairie, une histoire irrémédiablement liée à la France et à l’Algérie, deux pays amis et ennemis dans une époque charnière de l’Histoire.



Par petites touches sensibles, la romancière nous conte vie d’un homme qui a su s’engager sans se tromper, Edmond Charlot, un honnête homme pour qui la littérature était au-dessus de tout, un amoureux des livres et des mots.



« Nos Richesses » est aussi un récit de transmission et d’apprentissage, après son passage dans la petite librairie et sa rencontre avec Abdallah, le gardien du temple, Ryad ne sera plus le même, et le lecteur non plus.


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Nos richesses

Un bel hommage que celui rendu par Kaouther Adimi, dans Nos richesses, à Edmond Charlot, un passeur de livres, à la fois libraire, éditeur à Alger où il ouvrit en 1936, une librairie, maison d'édition, 2 bis rue Charras. Belle idée aussi de la part de cette jeune auteure algérienne de l'avoir fait revivre à nos yeux en imaginant les carnets qu'il aurait tenus : "J'imagine le carnet qu'aurait tenu Edmond Charlot, entre 1935, un an avant l'ouverture des Vraies richesses et 1961, un an avant son premier départ de l'Algérie."

Cette forme littéraire lui permet de se glisser dans la vie de cet homme, en en restituant le caractère exceptionnel sans verser dans le panégyrique ou l'hagiographie.

En effet, les faits parlent d'eux-mêmes. Homme passionné de littérature et découvreur de talents, il fit de sa librairie une sorte d'auberge espagnole où se croisèrent les plus grands écrivains de l'époque : Camus, Jules Roy, Fouchet, Kessel, Roblès, Gide, Garcia Lorca... Editeur engagé et militant, il dut aussi à plusieurs reprises payer cher le prix de ses convictions : emprisonnement sous le régime de Vichy, plasticage de sa librairie en 1961 par l'OAS, qui le laissa sans un sou et surtout désespéré par la perte de manuscrits qui lui étaient chers !

Notre Don Quichotte de la littérature et de l'édition n'était pas non plus, de son propre aveu, un homme d'affaires très avisé. Et les grands éditeurs parisiens n'eurent de cesse que de le mettre à genoux...

Une belle vie pourtant à défaut d'une belle carrière. C'est vraiment ce que j'ai ressenti en lisant ces fragments très bien documentés.

J'ai été beaucoup moins impressionnée par la partie fictionnelle imaginée par l'auteure et dans laquelle nous côtoyons, dans un cadre qui est celui de notre époque, deux personnages Ryad et Abdallah. L'un étudiant chargé de faire place nette dans la librairie, l'autre, dernier employé de la librairie devenue annexe de la Bibliothèque Nationale.

L'espace du roman est à mes yeux trop restreint pour leur donner le temps d'exister vraiment en tant que personnages. Autre ressenti : même si certains passages ont un fort pouvoir d'évocation, j'ai eu l'impression, à lecture de ce livre, d'une écriture qui se cherchait encore...

Nos richesses n'est que le troisième roman de Kaouther Adimi : elle a devant elle de belles années d'écriture pour déployer son talent. C'est ce que je lui souhaite !
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Nos richesses

Un livre qui a pour terrain de jeux Alger… L’Alger des années 30 à 60, le réel, celui d’Edmond Charlot, premier éditeur et ami de Camus… L’Alger de 2017, celui fictionné par Kaouther Adimi… Comment ce livre peut-il être entré dans ma vie alors que cet Alger y était entré cinq ans avant en 2017 justement… L’année où j’ai découvert Alger, l’année où j’ai cherché à retrouver les maisons de Camus à Alger, celle de sa mère où il a grandi… celle qu’il a lui-même racheté, dans la même rue de Lyon, aujourd’hui rue Belouizded… Je me rappelle cette ballade, cette quête immobilière avec mon épouse dans cette rue, cette rencontre avec des Algérois devant la maison de sa mère, qui nous racontent des tournages de film devant cette maison… la rencontre avec le bijoutier qui a sa boutique en bas de la maison de Camus, les discussions sur le trottoir autour des regrets que la maison ne soit pas devenue un musée, sur la place que n’a pas su donner l’Algérie à son enfant qui a quand même obtenu le prix Nobel… mais chut, on pourrait nous entendre nous plaindre du gouvernement… Toute cette belle journée… et savoir maintenant que je suis passé sinon dans la rue (rue Hamani aujourd’hui anciennement Charasse) au moins juste à côté puisque notre hôtel était proche de la place de la Grande Poste, non loin de la gare où nous étions arrivés… juste à côté de cette librairie où Camus s’asseyait sur le pas de porte pour écrire ces premiers mots d’écrivain… J’ai tant raté ce pèlerinage au moment même où Kaouter Adimi l’écrivait !





J’ai donc pris un plaisir immense à cette lecture, ce joli patchwork mené de main de maître par une jeune auteure, qui sait par son personnage principal que la valeur n’attend pas le nombre des années, puisque Charlot a fondé cette librairie-bibliothèque-maison d’édition à 21 ans. On passe facilement de l’Alger de l’époque à celui d’aujourd’hui, de cette librairie de légende à cette fermeture et ce remplacement par une boutique de beignets. L’auteure parvient à retracer l’Histoire complexe de l’Alger de l’Occupation comme de celui des luttes pour l’indépendance, jusqu’à même évoquer la décennie noire, tout cela avec un témoin tellement plongé dans ses soucis d’éditeur et de manque de moyens financiers mais aussi de moyens bassement matériels (plus de papier, plus d’encre) que l’Histoire n’est presque qu’accessoire. L’intelligence du choix du journal fictif de son personnage, le joli duo Abdallah-Ryan de 2017, le vieux dernier gérant de la librairie face au jeune ingénieur chargé lors d’un stage de débarrasser sans état d’âme cette librairie pourtant si pleine d’histoire ; le « nous » lancinant des témoins du quartier, ces Algériens spectateurs de l’Histoire comme de cette histoire, qui nous embarquent du coup avec eux dans ce « nous » inclusif et nous font traverser tant d’émotions.





Un petit bijou qui réserve des surprises jusqu’au bout du récit, une pépite de moins de 200 pages où l’amour des livres et de ceux qui les font vivre, libraires, bibliothécaires, éditeurs engagés, suinte de chaque mot.

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Nos richesses

Beaucoup! beaucoup! aimé ce livre! Lu en une demi-journée.

Je ne ferai pas un long commentaire, je vous renverrai à l'excellent billet de notre amie Oran qui analyse très bien cet ouvrage.

Mon enthousiasme provient du fait que j'ai eu la sensation de participer à l'aventure avec Edmond Charlot, de ressentir l'excitation qui accompagne la naissance d'un projet. J'ai partagé aussi ses soucis financiers et regretté comme si j'y étais associée, la fin de l'aventure!

Quelle richesse culturelle que cette petite librairie, quelle effervescence intellectuelle, littéraire, dans cette petite échoppe, à Alger! Extraordinaire! Que des noms illustres!

Le peintre, Sauveur Galliéro, (que je ne connaissais pas, donc internet) aurait inspiré l'Etranger de Camus!

Quelle bonne idée d'intégrer, pour donner plus de consistance à la fiction, les supposés carnets d'Edmond Charlot

De grands moments d'émotion émanent de cette fiction. Tous ces fantômes qui prennent vie autour d'Edmond Charlot sous la plume de Kaouther Adimi et qui provoquent des visions comme celle de Saint-Exupéry qui confectionne des petits avions en papier entouré des enfants. Ou comme Mouloud Feraoun que je ne m'attendais pas à rencontrer dans cette librairie alors que son livre est dans ma PAL depuis trop longtemps. Honte à moi!

J'ai aimé Abdallah, ce grand sage! Comme j'ai souffert de voir des livres maltraités.

Il y a aussi des passages douloureux dans ce récit ayant trait à la décolonisation de l'Algérie.

Vraiment, pour les amoureux des livres que nous sommes, une très belle découverte!







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Au vent mauvais

"Comme dit si bien Verlaine au vent mauvais"... je suis venu te dire, Kaouther, que je reviens. Tu t'en doutais un peu, puisque c'est à la Comédie du Livre que je suis venu t'acheter ce livre et te dire à quel point j'avais apprécié "Mes richesses", que tu as discuté de Spiderman avec mon bonhomme qui a le même âge que le tien, que tu m'as offert ces petits moments d'échanges naturels et bienveillants qu'offrent les salons du Livre quand on veut bien se risquer à la conversation avec ces auteur(e)s qui nous impressionnent parfois trop... ces échanges qui me font naturellement te tutoyer aujourd'hui.



Tu pourrais me dire que j'ai mis le temps puisque la prochaine Comédie du Livre approche... mais tu sais bien que les vents de la littérature attaquent toujours nos PAL et les mettent sans dessus dessous, créant des listes de lecture toujours différentes de celles qu'on avait projeté. Et tu le sais bien que les vents étirent le temps, parce que c'est bien ce que subissent tes personnages, des destins ballotés par L Histoire mais eux aussi par la littérature, car quand on devient un personnage, on n'est plus maître de grand chose, même si on existe vraiment.



Tu seras sans doute heureuse de savoir que j'ai retrouvé tout le plaisir de lecture que m'avait offert ton premier livre (enfin, premier pour moi, tu m'as compris), y reconnaissant ta patte, dans une grande bienveillance envers tes personnages, dans ton sérieux sans faille quand tu abordes les sujets historiques, tels que le destin des combattants des colonies pendant et après la Seconde Guerre Mondiale ou l'évocation si sensible de l'Algérie aux portes de la décennie noire.



Tu te doutes bien que j'ai encore beaucoup apprécié l'originalité de ta construction narrative, avec ses deux parties déséquilibrées, entre le récit centré sur Tarek puis le passage à Leïla où on savait tous qu'on allait apprendre quelque chose qui allait nous faire regarder tout le reste avec un angle si différent que nous nous sentirions emporté par les mêmes vents mauvais que les protagonistes. Et évidemment, tu sais que j'ai apprécié ce final en miroir avec celui de Nos richesses, cette façon de ne t'inviter à nos côtés qu'au dernier moment, de ne pas t'imposer dans le livre mais de venir nous saluer pour nous donner quelques clés de compréhension.



Tu comprendras je l'espère cette demi-étoile de moins... parce que tout en saluant comme je viens de le faire cette construction parfaitement au service du propos... je ne peux m'empêcher de penser que ce sujet de l'Algérie de 1920 à 1990 méritait peut-être une plus grande fresque familiale que je ne pourrais que regretter en vain. Une fresque qui aurait permis d'éclairer tous ses passages que tu as volontairement laissé dans l'ombre, certains par pudeur j'imagine, d'autres peut-être par peur de n'être pas à la hauteur.... Ah, le manque de confiance en eux de nos auteur(e)s apprécié(e)s parfois...



Mais qu'importe, cela me donnera d'autres sujets de discussion pour la prochaine fois où nous nous croiserons... Tu n'es pas annoncée à la prochaine Comédie du Livre... mais si tu lis cette lettre babéliote sache que tu feras partie des noms que je vérifierais chaque année, tu es rentrée dans le cercle fermé de ces "auteur(es) à qui j'ai envie de parler"...
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Nos richesses

Un très beau livre salué par un très beau prix largement mérité et je fais confiance aux jeunes pour leur goût et leur sensibilité.

Nous sommes en Algérie où Edmond Charlot décide de porter la culture "au coin de la rue". Sa librairie accueillera de nombreux et célèbres auteurs, vivra des moments magiques, avec Saint Exupéry, par exemple,mais aussi Camus,Giono,Gide,Roy et bien d'autres.

"Les richesses", c'est un lieu improbable où même les gens qui ne lisent jamais passent avec respect.

Edmond Charlot, c'est un homme de coeur, de passion, un passeur dont le journal personnel nous révèle une mission: valoriser ceux pour qui la culture n'est pas négociable, ignorer les ennemis, les jaloux, se ruiner et faire le maximum malgré les pénuries de papier, par exemple, et les coups bas de concurrents avides de gains.

Et puis, encore des révélations sur "les événements d'Algérie ". La culture plus forte que l'ingratitude des hommes? Pas si sûr.

Un petit livre à même de susciter bien des interrogations.

Au fait, si vous passez à Alger, n'oubliez pas de vous rendre au " 2bis, de la rue Hamami, vous y trouverez de "vraies richesses".
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