Laurent Mauduit et Denis Sieffert, auteurs de "Trotskisme, histoires secrètes. De Lambert à Mélenchon" aux éditions Les Petits Matins.
dans leur boulimie d'appropriation, les géants du numérique ont saccagé l'univers de l'internet, en ont fait un immense espace marchand, asservissant ses usagers à ses logiques commerciales et publicitaires, les rendant prisonniers de ses algorithmes, façonnant à sa façon les hiérarchies de l'information, réduisant les journalistes à ne plus faire leur métier d'enquête pour vérifier seulement les rumeurs, même les plus folles, les plus délirantes ou les plus dangereuses, qui circulent sur ses réseaux.
Quelle que soit la nature du gouvernement, le pays souffre si les instruments du pouvoir sont hostiles à l'esprit même des institutions publiques. A une monarchie, il faut un personnel monarchiste. Une démocratie tombe en faiblesse, pour le plus grand mal des intérêts communs, si ses hauts fonctionnaires, formés à la mépriser et, par nécessité de fortune, issus des classes mêmes dont elle a prétendu abolir l'empire, ne la servent qu'à contrecoeur.
Marc Bloch, L'étrange défaite - été 1940
C'est l'avenir que les géants du numérique préparent pour la presse comme pour le livre : le flux et la rapidité plutôt que la pertinence et la qualité.
Amazon est à la fois le principal concurrent de la Poste et son principal client. La Poste, qui devrait protéger les libraires français, en est donc venue à concéder à Amazon des tarifs avantageux (et secrets), qui ont pour effet d'étrangler davantage... les libraires.
Il y a aussi la grande voix de Léon Blum qui dans un texte célèbre adressé à son fils en 1919 et intitulé Pour être socialiste, s’emporte à son tour : « Si nous considérons autour de nous la mêlée des hommes, elle paraît dirigée, en effet, par ce mobile unique. Gagner de l’argent, c’est le véritable idéal humain, le seul que proclame et qu’essaie de réaliser une société pervertie. Conquérir pour notre compte la plus large part des privilèges que l’argent représente ou permet d’acquérir, c’est le programme de vie que le spectacle contemporain nous propose. Tout nous rappelle à cette lutte : l’opinion et la morale, qui devraient la flétrir, l’exaltent, et il faut une sorte d’héroïsme pour se soustraire volontairement à la contagion. C’est le sentiment moteur aujourd’hui, ne perdons pas notre peine à le contester. Mais où prend-on le droit de conclure que l’humanité n’en puisse connaître d’autres ? »
Comme ces gens -là chassent en meute, Alexandre Bompard n'arrive pas seul à la tête du groupe Carrefour.
Cette confusion généralisé entre intérêt général et appétit privé et d'autant plus spéculaire qu'au même moment on assiste à qui faut bien appeler par son non: une privatisation de quelqu'un des poste clés de la république.
Emmanuel Macron est le produit le plus abouti de cette mutation de la haute fonction publique - sa privatisation progressive, si l'on peut dire. [...] C'est le maître parce qu'il a franchi le Rubicon , un sacrilège que n'a osé commettre aucun de ces prédecesseurs : après l'OPA des oligarques de l'Inspection des finances sur la vie des affaires, il a réalisé l'OPA sur l'État. OPA réussie.
En moins de cinq ans, Google a tissé sa toile et y a capturé, avec la complicité des milliardaires, quasiment toute la presse française.
C'est à l'université [et non à l'ENA] que devrait revenir la responsabilité de former les élites françaises, tout en garantissant l'égalité d'accès aux carrières publiques. C'est elle, et elle seule, qui peut ouvrir l'esprit critique aux étudiants qui aspirent aux fonctions publiques, et pas seulement l'esprit d'obéissance ou de servilité.