Citations de Li Po (81)
Pensée dans une nuit tranquille
Devant mon lit clarté lunaire
Est-ce du givre couvrant la terre ?
Levant la tête, je vois la lune ;
Les yeux baissés : le sol natal
Traduit par François Cheng
Un jour de printemps,
le poète exprime ses sentiments au sortir de l’ivresse
Si la vie est comme un grand songe,
A quoi bon tourmenter son existence !
Pour moi je m’enivre tout le jour,
Et quand je viens à chanceler, je m’endors au pied des premières colonnes
A mon réveil je jette les yeux devant moi :
Un oiseau chante au milieu des fleurs ;
Je lui demande à quelle époque de l’année nous sommes.
Il me répond : A l’époque où le souffle du printemps fait chanter l’oiseau.
Je me sens ému et prêt à soupirer,
Mais je me verse encore à boire ;
Je chante à haute voix jusqu’à ce que la lune brille,
Et à l’heure où finissent mes chants, j’ai de nouveau perdu le sentiment de ce qui m’entoure.
Libation solitaire au clair de lune
Parmi les fleurs un pot de vin !
Je bois tout seul sans un ami.
Levant ma coupe, je convie le clair de lune ;
Voici mon ombre devant moi : nous sommes trois.
La lune, hélas ne sait pas boire ;
Et l'ombre en vain me suit.
Compagnes d'un instant; ô vous la lune et l'ombre !
Par de joyeux ébats, faisons fête au printemps !
Quand je chante, la lune indolente musarde ;
Quand je danse, mon ombre égarée se déforme.
Tant que nous veillerons, ensemble égayons-nous ;
Et, l'ivresse venue, que chacun se retourne.
Que dure à tout jamais notre liaison sans âme :
Retrouvons-nous sur la lointaine Voie Lactée !
L’ivresse venue, nous coucherons sur la montagne nue
Avec le ciel pour couverture et la terre pour oreiller.
La Montagne de la porte céleste
Comme un sabre,
Le fleuve Ts'ou a fendu la montagne.
Cette jonque d'or, là-bas, sur le fleuve... Non
C'est la lune qui se lève
LES DEUX FLÛTES
Un soir que je respirais le parfum des fleurs,
Au bord de la rivière,
Le vent m'apporta la chanson d'une flûte lointaine.
Pour lui répondre, je coupai une branche de saule,
Et la chanson de ma flûte berça la nuit charmée.
Depuis ce soir-lâ, tous les jours,
À l'heure où la campagne s'endort,
Les oiseaux entendent répondre à leur chant,
Celui d'un oiseau inconnu
Dont ils comprennent cependant le langage.
SI LA VIE EST UN SONGE
Si la vie est un songe
A quoi bon me tourmenter
Je puis m'enivrer sans remords
Et si j'en viens à tituber
Je m'endormirai sous le porche de ma demeure
A mon réveil un oiseau chante parmi les fleurs.
Je lui demande quel jour nous sommes.
Il me répond : au printemps,
la saison où l'oiseau chante !
Je me sens étrangement ému
Et prêt à m'épancher.
Mais je me reverse à boire
Et je chante tout le jour
Jusqu'à ce qu'apparaisse la lune du soir.
Et quand mes chants se taisent
Je n'ai plus conscience de ce qui m'entoure.
Bleue est l'eau et claire la lune d'automne.
Nous cueillons dans le lac du Sud des lis blancs.
Ils paraissent soupirer d'amour
remplissant de mélancolie le cœur de l'homme dans la barque.
Vous me demandez quel est le bonheur suprême ici-bas ? C'est d'écouter la chanson d'une petite fille qui s'éloigne après vous avoir demander son chemin.
DIALOGUE EN MONTAGNE
On me demande pourquoi j'habite la montagne de jade
Je ris alors sans répondre, le coeur naturellement en paix
Les fleurs de pêchers s'éloignent ainsi au fil de l'eau
Il est un autre ciel, une autre terre que parmi les gens
Devant le vin, le soir m'a surpris
Les fleurs tombées couvrent ma robe
Ivre, je poursuis la lune dans l'eau
S'éloignent les oiseaux, se dispersent les hommes.
Pourquoi vivre au coeur de ces vertes montagnes?
Je souris sans repondre; l'esprit serein.
Tombent les fleurs, coule l'eau, mystérieuse voie...
L'autre monde est là , non celui des humains.
Pourquoi vivre au cœur de ces vertes montagnes…
Pourquoi vivre au cœur de ces vertes montagnes ?
Je souris sans répondre ; l’esprit tout serein.
Tombent les fleurs, coule l’eau, mystérieuse voie…
L’autre monde est là, non celui des humains.
On me demande pourquoi je vis dans ces montagnes bleues.
Je souris sans répondre.
Mon esprit y connaît la tranquillité.
Les fleurs de pêcher et l'eau des torrents passent sans laisser de trace.
Que ce monde est différent de celui des hommes.
Temple du Sommet,
la nuit:
Lever
la main
et
caresser
les étoiles.
Mais chut!
baissons la voix:
Ne réveillons pas
les habitants
du ciel.
Apercevant la cascade du Mont Lou
Du pic Siang Lou que le soleil éclaire se forme une brume pourpre
Observant de loin la cascade, comme un fleuve suspendu
Elle se redresse, se répand et s'envole, chutant de trois mille pieds
Comme si le vrai Fleuve argenté tombait du neuvième ciel
Buvant seul sous la lune
Au milieu des fleurs, un pichet de vin
Buvant seul sans l'aide d'amis
Levant ma coupe, invitant la lune brillante
Mon ombre fait face et nous sommes trois
La lune finalement ne sait pas boire
L'ombre suit en vain mon corps
Compagnes d'un instant la lune soutient l'ombre
S'amuser un moment, profitant du printemps
Je chante, la lune entre çà et là
Je danse, l'ombre s'élève au chant final
Un moment dégrisé, ensemble nous nous réjouissons
Après l'ivresse chacun se quitte et se disperse
Unis perpétuellement, faisant route sans amour
Convenons ensemble d'une retrouvaille, lointaine Voie Lactée
La belle soulève le rideau de perles,
grave, assise, fonçant ses sourcils de papillon
Seule s'aperçoit la trace humide des larmes
On ne sait pour qui son coeur s'afflige.
Je souhaite la chute grandiose de Rozan... Le jour fait naître des fumées violettes éclairant les encens. La longue cascade de la rivière que j'aperçois dans le lointain, chute de 900 mètres. Je me demande si elle ne tombe pas directement des neuf cieux de la voie lactée.
divertissement
devant le vin je n'ai pas vu le soir descendre
des pétales tombés couvrent ma robe
ivre je me lève et marche avec la lune de la rivière
les oiseaux sont rentrés, les hommes aussi se font rares
(p. 191)