Bienvenue à l’Hôtel Paradis, résidence pour personnes âgées, où nous faisons la connaissance de Maria Alberta Nunes, que l’on appelle familièrement Dona Alberti qui enregistre sur son Olympus Note Corder, ses pensées, ses émotions dans l’établissement. Elle est arrivée le 18 avril 2019, à la suite d’une chute qui a laissé des séquelles qui ne lui permettent plus de rester chez elle.
Elle nous raconte au jour le jour, les évènements, l’ambiance, les amis (et les autres), les soignants, en nombre insuffisants qui s’occupent de leurs corps, les lavent les habillent, sans échanger le moindre mot, pas même un simple bonjour, alors que Dona Alberti est toujours polie, la manière dont on pousse son fauteuil, qu’on l’oublie dans un coin comme un meuble.
Dona Alberti se lie avec une autre pensionnaire, Dona Juana, (qui pousse le fauteuil à l’occasion) qui est très différente d’elle, se précipitant vers un nouvel entrant, encore bien de sa personne, mais plutôt volage…
J’ai aimé la relation qui se noue entre Dona Alberti et une des soignante, Lilimunde, jeune Brésilienne, qui est, elle, à l’écoute, dans l’empathie avec la vieille dame, elle lui parle de la façon dont elle arrivée au Portugal, avec un réseau « religieux » qui n’hésite pas à ponctionner le peu d’argent qu’elle gagne, « à titre de dédommagement pour service rendu ». Elle doit compléter son salaire à l’Hôtel Paradis, avec une activité nocturne dans un bar. Parfois, tellement épuisée elle dort quelques minutes sur le lit vide à côté de Dona Alberti. Lorsqu’elle tombe amoureuse d’un étudiant hongrois, en vacances, elle raconte son amour.
Mais, il y a une valse dans le personnel, certains s’en vont, d’autres sont renvoyés pour faute, et la situation devient de plus en plus pénible pour les résidents : on ne fait que le strict nécessaire ! mais un jour, de nouveaux visages apparaissent, moins exigeants sur le salaire, plus corvéables et parmi eux Ali qui a le malheur d’être homosexuel.
Il y a soixante-dix personnes dans la résidence, à la table de Dona Alberti, il y a une entente cordiale, mais à côté il y a la table du Club des « Six Gentlemen Distribuent des Cartes »et le comportement de certains est odieux, notamment vis-à-vis d’Ali, avec des gestes déplacés, une homophobie revendiquée…
Dona Alberti reçoit la visite de son gendre, de sa fille, écrivaine dont les livres ne plaisent pas du tout à Dona Alberti ; les relations entre la mère et la fille sont tendues, parfois à la limite de la toxicité, ce qui rendent la résidente un peu moins sympathique, mais on comprendra plus tard pourquoi.
Bon an mal an, on arrive à surmonter les crises, entre mère et fille, ou au sein de l’Hôtel Paradis, avec une invasion par les fourmis, et tout ce que cela implique : désinfection, appel au spécialistes (ce qui rappelle le phénomène punaises de lits très actuel !) ou encore, les décès, les maladies, les vols, le désir de mourir parfois… Jusqu’à l’entrée en scène d’un certain virus, le COVID : plus de visites, plus de médecins, les infirmiers qui fuient… Etc. Etc.
Dona Alberti enregistre sur son appareil, elle écrit aussi des petits mots sur des feuilles volantes, comme des Haïkus, qu’elle a parfois du mal à relire…
Une scène m’a beaucoup émue : Dona Alberti cherche dans sa tête de quel pays Bakou est-elle la capitale, mais les jeunes ne savent pas, ou s’en moquent éperdument, jusqu’à ce qu’un résident lui réponde en précisant que si elle a besoin de savoir d’autres chose, ils sont là, lui et son smartphone. Chez elle, elle possédait un atlas, un globe terrestre lumineux qu’elle n’a pas voulu emporter à l’Hôtel Paradis.
Lidia Jorge nous livre un beau témoignage, car il s’agit en fait des notes et enregistrements de sa mère, qu’elle a retranscrit le plus fidèlement possible, en améliorant le style de l’écriture, témoignage bouleversant, de l’enfermement, quand le corps ne suit plus, mais que la tête fonctionne encore très bien, l’empathie (je préfère ce terme à Miséricorde plus connoté religieux à mon sens) qui manque souvent, et le tsunami déclenché par le COVID… Le récit est très riche et j’ai choisi de donner la préférence à certaines des thématiques proposées par l’auteure, afin de ne pas être trop dithyrambique!
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Métailié qui m’ont permis de découvrir ce roman et la plume de son auteure que j’ai envie de connaître davantage.
#Misericordia #NetGalleyFrance !
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