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Elisabeth Monteiro Rodrigues (Traducteur)
EAN : 9791022612920
370 pages
Editions Métailié (18/08/2023)
3.75/5   169 notes
Résumé :
Vous n’avez jamais lu un texte comme celui-là !
Une vieille dame enregistre ses derniers jours en maison de retraite et le résultat est un condensé incroyable de force vitale, de dérision, de révolte, d’attention aux autres et de foi dans la vie.

Misericordia est l’un des livres les plus audacieux de la littérature portugaise actuelle. Comment l’auteure arrive à faire qu’il soit à la fois brutal et plein d’espoir, ironique et aimable, un mélang... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (57) Voir plus Ajouter une critique
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La vieillesse , une décrépitude sans fin, rarement heureuse vu l'état physique qui décline, est abordée dans ce très beau livre de l'écrivaine portugaise Lydia Jorge, par Maria Alberta une vieille dame chanceuse qui pu garder ses facultés mentales intactes. Favorisée par un tempérament qui veux trop, donne trop d'ordres, surtout à sa fille 😊, aime trop quelque chose hors de sa portée et quand il ne l'atteint pas, cherche désespérément à transformer ce qui existe de façon à rapprocher l'objet défectueux de la réalité inatteignable, Maria Alberta valorise l'enchantement , la connaissance, saisit les instants de bonheur comme des bouées de sauvetage…
Résultat , un livre qui brille de l'éclat de la vie, au contraire de nombre de livres très sombres sur le sujet, bilans de vie qui additionnent les faits d'une existence pour en tirer un trait, et mettre fin à l'addition . Maria Alberta qui vit dans une maison de retraite appelé Hôtel Paradis est directement inspirée de la figure réelle et concrète de la mère de l'écrivaine, qui lui demande d'écrire un livre intitulé Misericórdia, en en parlant tout au long de son séjour à l'Hotel Paradis, mais surtout le dernier jour comme un ordre où elles se verront pour la dernière fois sans qu'aucune des deux ne le sache . La fille au premier abord ne prend pas cette demande de la mère au sérieux jusqu'à ce que cette dernière finalement disparaissant , elle réalise que l'ordre était son testament. À partir de ce moment-là, partant d'un monde fictif elle essayera de raconter la réalité que vivait sa mère, s'appuyant sur la « transcription d'une archive audio » de presque quarante heures de « témoignages » de Maria Alberta Nunes Amado, enregistrés pendant un an quasiment jour pour jour entre avril 2018 et avril 2019 . Jorge précise « Bien entendu, il s'agit là d'une autre réalité, comme cela se produit dans la construction de toute oeuvre de fiction. Il m'est très difficile de démêler , il existe une zone de transfusion entre le vécu et le vécu rêvé qui est difficile à dissocier. »
Misericórdia suscite également une réflexion sur le moment dans lequel nous vivons et sur la manière dont la condition humaine y réagit. En pleine conscience de ses capacités diminuées d'où découle sa situation de dépendance, où son intimité corporelle n'existe plus, Maria Alberta arrive encore à se frayer un chemin dans l'existence, s'attachant à ses pensées, ses ressentis qui lui donnent une joie de vivre attisée par son tempérament de curieuse « une belle personne a le pouvoir de tempérer la laideur du monde par la beauté. Dans un autre registre, ici déjà, à l'Hôtel Paradis, j'ai vérifié qu'une simple corbeille de fruits roses suffit à transformer un espace triste aux murs gris en une enceinte accueillante. »
Bien que très réaliste aucune note macabre dans ce récit très intime, où poésie, rêves, et zestes de fantastique comme l'invasion de la maison de retraite par les fourmis se chevauchent. Tant que la vie continue et qu'on possède encore les moyens de penser, rêver, aimer, détester….il faut en profiter. Un très beau livre émouvant où j'ai passé des moments délicieux en compagnie de Maria Alberta qui en plus d'être futée a le sens de l'humour 😊!

« Être en vie c'est me souvenir des mouvements du temps et du rythme de la floraison. »

Un grand grand merci aux Éditions Metaillé et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce très beau livre !
# Misericordia #NetGalleyFrance
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Il y a des lectures qui s'imposent à vous, des livres qui sont dans votre PAL depuis quelque temps, et un jour, il faut absolument les ouvrir. Celui-ci en fait partie. Il m'a accompagnée tout ce mois de Novembre, dans l'attente de l'anniversaire de ce jour il y a deux ans aujourd'hui, et dont l'écho résonne encore douloureusement en moi.

Misericordia est beaucoup de choses, et aborde beaucoup de sujets.

C'est l'histoire d'une vieille dame, dépendante physiquement, mais avec toute sa tête, une femme en exil dans cet hôtel Paradis, nom paradoxal pour ce qui constitue pour ses pensionnaires l'antichambre de la mort.

C'est l'histoire au jour le jour de cet établissement, avec ses différents pensionnaires, les menus ou grands évènements qui se passent, de l'invasion de fourmis à la visite d'un photographe, du départ des aides-soignantes vers des boulots mieux payés à l'arrivée de nouveaux bras, étrangers et heureux de travailler, de menus larcins, d'amour aussi entre pensionnaires, d'une soignante enceinte, d'une autre surnommée Bosch, d'une directrice peut-être trop jeune.
C'est le quotidien vu par cette vieille dame de tous ces personnages, des sorties appréciées dans le jardin, du piano que l'on écoute grâce à un des résidents, de la nuit où certains résidents errent dans les couloirs tandis que d'autres s'aiment encore…
C'est aussi l'arrivée du Covid, alors peu connu et qui fera des ravages.

Une vieille dame forte, au tempérament affirmé, qui veut encore tout régenter, qui perd parfois un peu la mémoire, qui doit faire avec la déchéance de ce corps, qui a décidé de ne plus suivre les nouvelles parce qu'elle ne croit plus que le monde puisse changer en bien, mais qui nous enchante par ses réflexions, quelquefois drôles, souvent poétiques, toujours étonnantes, suscitant en écho chez le lecteur questions et introspection, refusant de se laisser abattre malgré les larmes qui perlent parfois, malgré les défaillances du personnel, malgré la douleur, malgré la mort qui rode la nuit …

C'est tout cela ce livre, mais cela a été d'abord pour moi une formidable histoire d'amour, l'amour d'une mère pour sa fille, l'amour d'une fille pour sa mère, un amour qui ne se dément pas malgré les disputes, les reproches, les incompréhensions aussi souvent :
« Ma fille peut dire des choses bizarres, mais c'est la créature la plus importante qui existe sur Terre, l'être le plus précieux de tout L Univers. Si je devais choisir entre L Univers avec la Terre au centre, et tous les habitants existants et elle, elle seule en tant qu'être humain, je choisirais ma fille. »
Et c'est en cela qu'il m'a bouleversée.

Merci à NetGalley et aux éditions Métailié pour ce partage, et à Idil et Eric (Bookycooky et Merik) qui les premiers ont attiré mon attention sur ce roman.
#Misericordia #NetGalleyFrance
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Crrrrouiiicccc, cccrrrouuuiiicccc, la chaise roulante avance dans le couloir.
Dona Maria Alberta Amado dite Alberti, Hôtel Paradis, chambre 210, secteur B, se redresse, la tête haute lorsqu'elle avance dans la grande salle à manger. Ses amis sont déjà installés à table et lui adressent un signe de tête à son approche.
Maria est soucieuse, son dialogue la veille au soir avec la nuit ne s'est pas bien passé, elle s'est retrouvée incapable de répondre à sa question, de quel pays Bakou est-elle la capitale ?
Sa main sur le buzzer est restée inerte, et même si Julien Lepers n'était pas là pour la tancer, Maria Alberta vit comme un signe terrible de décrépitude son incapacité à répondre, elle qui a tant voyagé grâce à son atlas.
Ce personnage de Dona Alberti s'avère touchant dans ses batailles silencieuses contre la mort, contre l'oubli, contre son impression de devenir de plus en plus transparente aux yeux des autres, elle lutte pour ne pas s'effacer, quand ils rentrent dans la chambre de l'EHPAD sans lui adresser la parole, sans la regarder, sans lui répondre quand elle leur pose une question ou leur fait une demande.
J'ai trouvé un juste équilibre dans les petits bonheurs auxquels Maria se raccroche de toutes ses forces de ses mains maintenant ridées, tachées et abimées, et les frustrations et les colères du quotidien ; ne pas être entendue, perdre toute intimité, tant pour la toilette que pour ses affaires dans lesquelles tout le monde fouille allégrement, prend ce qui lui plait vêtements comme argent… Et puis bien sûr l'omniprésence de la mort, qui fait sa ronde de nuit comme de jour dans les couloirs, guettant le moindre faux pas, en embuscade parfois aussi pour les plus valeureux et les plus appréciés des résidents.
Malgré ses nombreuses qualités et un sujet qui avait tout pour me plaire, j'ai un peu trainé dans ma lecture. J'espérais un coup de coeur qui n'a pas été au rendez-vous.
Je n'ai pas trouvé la plume fluide, certaines pensées revenaient parfois avec un peu trop d'insistance, même s'il est sûr que le quotidien d'une personne en EPHAD est celui d'un jour sans fin, monotone et répétitif, avec bien peu de faits saillants, permettant de se repérer dans le temps.
Les incompréhensions mère-fille sont touchantes, si sa fille vient lui rendre visite avec les meilleures intentions, souvent la conversation dérape et les critiques de Maria Alberta se font acerbes à l'encontre de sa progéniture pas assez ambitieuse à ses yeux.
Bon alors, vous avez toujours la main sur le buzzer ? Julien est en train de faire le décompte, là, plus que quelques secondes ! Ça y est vous l'avez ou vous avez déjà triché en allant pianoter sur le portable ? sinon, il ne vous reste plus qu'à lire le livre ou à ouvrir votre plus bel atlas dans la bibliothèque…
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Elle s'appelle Maria Alberta Nunes Amado et elle parle, elle parle beaucoup en plus d'écrire des petits agencements de mots tels des haïkus, 38 heures d'enregistrements audio face à un Olympus Note Corder DP-20 sans croire forcément qu'on écoutera ses mots. « Du vent parlé à un petit objet de rien du tout » pense-t-elle même depuis sa résidence à l'Hôtel Paradis. On sera prévenu en exergue de la « transcription infidèle » par sa fille elle-même, Lidia Jorge, dans un geste littéraire où il sera question de  ré-agencement, de respect du rythme et de la respiration, et c'est peu dire que l'autrice a donné corps et âme à sa mère tant on la sentira palpiter Dona Alberti, dans ce récit d'une année de vie et de réflexions au sein de son Ehpad portugaise partagée avec 70 résidents.
Oui ça palpite de vie malgré la fin supposée proche, entre histoires de coeur, disputes, cirque, vols ou maltraitances aussi. Et ça commence par les habitudes de Dona Alberti, dont celle d'engager des discussions avec la nuit qui « connaît les douleurs de son âme », prête à débattre avec elle sur ce qu'est l'amour, à se demander sans son Atlas sous la main de quel pays Bakou est la capitale. Une nuit en partenaire d'insomnie pour celle qui ne sait plus où mettre les pensées « qui sont beaucoup trop vastes pour le vase » de sa tête et de son coeur, débordant parfois de mensonges. Ainsi les grandes choses comme la mort pourront être symbolisées, ici par la nuit, et les petites sembleront vivantes pour qui est «engagée dans le monde des riens ». Mais il y aura d'autres personnages issus de cette «humanité avec deux espèces uniquement, les fiables et les agresseurs » : Lilimunde précédée de ses effluves de bergamote, Dona Joaninha et ses amants renouvelés avec persévérance, Mr To et ses velléités révolutionnaires, Dona Rita de Lyon et son pilote de fils soutenu par un ange gardien... Sans oublier Lidia Jorge en personne, une fille écrivaine qui fait « l'amour avec L Univers » et qui reçoit de sa mère les exhortations à une ambition plus grande dans ses livres, en s'intéressant à des personnages emblématiques.

Elle a certainement tort sur ce point, Dona Alberti. Lidia Jorge s'en sort très bien dans son histoire d'amour avec L Univers et nous livre à travers les mots de sa mère un récit à coeur ouvert sur l'humanité, sa condition, ses joies et ses tourments, éloigné des caricatures accommodantes sur la vieillesse. Il serait certes surprenant de voir caracoler ce livre au milieu des titres phares de cette rentrée (quoique...), tant le sujet suscite inquiétude, angoisse ou rejet. Il est probable qu'on flirte avec la sérénité grâce à cette lecture, qu'il faudra prendre le temps de déguster en marge de la frénésie pour profiter au mieux de son condensé de vie, sur le fil enivrant d'une littérature au service d'un enregistrement pour redonner corps et âmes. Prendre le temps oui, de lire cette chronique lumineuse sur la vieillesse, habitée par l'esprit de Sepulveda, pour goûter à la singularité de ses réflexions sur le bonheur, l'amour, la joie ou la tristesse, L Univers, la nuit, la littérature, toutes ses grandes choses de la vie... Sans oublier les petites.

« 14 novembre 2019

Danse et redanse, ma petite âme
une parmi tant et si
seule – Ton secret
dans ton petit sac. »
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La narratrice est une vieille dame qui réside à la maison de retraite « Hôtel Paradis », quelque part au Portugal. Un endroit au nom douteux, dont on ne sait s'il veut désigner un lieu paradisiaque pour la fin de vie, ou un purgatoire permettant d'obtenir un hypothétique éden post-mortem.
Mais soit.
Dona Alberti n'a plus l'usage de ses jambes et à peine celui de ses mains, mais il lui reste toute sa tête et son sens aigu de l'observation. Sa fille lui a offert un petit magnétophone sur lequel la vieille dame a enregistré une sorte de journal vocal, entre avril 2019 et avril 2020.
Dans Misericordia, Lídia Jorge a retranscrit, en les mettant en ordre et en forme, ces 38 heures d'enregistrement de la voix de sa mère (puisque c'est bien d'elle qu'il s'agit), qui témoigne ainsi d'une année de vie en maison de retraite. Un microcosme fait d'amours et de chamailleries entre résidents, d'amitié et de solidarité, de ragots et de mesquineries. Dona Alberti évoque aussi l'attitude du personnel soignant, attentif mais dépassé en raison d'un manque chronique d'effectifs, sa relation avec sa fille, cette écrivaine qu'elle ne comprend pas, sa résistance à la Mort et à son avatar, la Nuit, à laquelle elle livre des combats acharnés, et l'arrivée du Covid et du confinement au début de l'année 2020.
Dépossédée de sa vie d'avant dans sa maison et son jardin, et de son corps qui l'abandonne, Dona Alberti est également confrontée aux étourderies du personnel soignant qui ne répond pas aux appels pendant la nuit, ou qui l'oublie pendant des heures dans son fauteuil roulant au bout d'un couloir désert, sans compter la débandade de certains au début du Covid et le manque d'information à propos de la situation et des mesures de confinement. Il y aurait de quoi se révolter, parce que même si on peut comprendre que le personnel soit débordé, ces situations où les résidents sont infantilisés, déshumanisés, sont intolérables, et n'en constituent pas moins de la maltraitance et des atteintes à la dignité et l'intégrité humaines (ce qui a le don de me mettre en rage, mais c'est une autre histoire).
Mais il n'y a aucune amertume à cet égard dans le récit de Dona Alberti. Elle s'exprime avec lucidité, humour et ironie, avec de la joie et quelques larmes, mais sans « nourrir la mélancolie ». Elle ne se résigne pas, elle veut vivre, se battre contre la mort et l'oubli, et de fait, Lídia Jorge en fait un personnage inoubliable.
Misericordia est un livre fort, un très beau plaidoyer pour la résistance, l'espoir et la vie, et un superbe hommage, sensible et bouleversant, de Lídia Jorge à sa mère. Un grand livre.

En partenariat avec les Editions Métailié.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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critiques presse (6)
LeJournaldeQuebec
13 novembre 2023
Une lecture sereine, lumineuse, qui aide à voir la vieillesse sous un jour meilleur.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LaLibreBelgique
10 novembre 2023
Dona Alberti, la narratrice de"Misericordia", 12e ouvrage traduit en français de l'écrivaine portugaise Lídia Jorge, n'a pas sa langue en poche et c'est jouissif.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
RevueTransfuge
07 novembre 2023
Prix Transfuge du meilleur roman lusophone, "Misericordia" raconte la fin de vie d’une vieille dame en maison de retraite. Un bijou stylistique.
Lire la critique sur le site : RevueTransfuge
LeFigaro
07 novembre 2023
L’écrivain portugaise Lidia Jorge évoque avec beaucoup d’élégance et de finesse la bataille de la vie.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
26 octobre 2023
Lidia Jorge a accompli, avec "Misericordia", une sorte de miracle, mêlant fiction, archives sonores, chronique du quotidien et extraits d’un journal intime aux propos aussi poétiques que flous.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaCroix
02 octobre 2023
À partir d’un journal enregistré par sa mère, en maison de retraite, la Portugaise Lidia Jorge livre un récit rempli de vitalité sur les dernières années de nos anciens.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (62) Voir plus Ajouter une citation
Avant j’avais l’habitude de demander qu’on me lise les informations, mais maintenant je ne veux plus. Dans la vie, naturellement, le bien succède au mal, dans les journaux, au contraire, on ne fait qu’ajouter du mal au mal, j’ai dit. J’ai précisé cependant que j’aimais toujours écouter lire, à présent que je n’y arrivais plus par moi-même. J’ai précisé encore que passé la première ligne, toutes les autres se confondent et tremblent comme si le papier produisait de petits éclairs qui m’aveuglent. Le jeune homme aux sourcils épais, très laid, s’est mis à fouiller dans son sac à dos pour en sortir de petits paquets de feuilles rangées dans des pochettes transparentes. “J’ai une nouvelle pour vous”, a-t-il dit, après avoir sondé le contenu des pochettes. J’ai voulu savoir de quoi parlait la nouvelle qu’il avait l’intention de lire. Le jeune homme aux sourcils épais a répondu : “Elle parle de la vie d’un instituteur chilien qui a inspiré une très belle histoire.” Mais je me suis méfiée : “Très belle et très triste, n’est-ce pas ? Si elle est plus belle que triste, d’accord. Sinon, je m’en passe.”
“Plus belle que triste, je vous assure”, a-t-il répondu, et il s’est mis à lire l’histoire d’un instituteur du nom de Gálvez.
Le garçon lisait bien, très bien même. Même si la nouvelle ne parle que de misères, de persécutions, de déportations et de tristesses, comme je l’avais imaginé, la voix du jeune homme parvenait à être plus belle que les malheurs qu’il lisait. Les sourcils trop épais, sur son teint très sombre, avec ses dents trop blanches et puissantes, se sont mis à se modifier sous mes yeux à mesure que le garçon lisait les phrases surprenantes, que je ne réussissais pas à retenir mais qui éclairaient la fluidité de cette voix. Et une fois évoqués les malheurs et les tristes voyages accomplis entre les continents par le personnage, persécuté par un dictateur assassin, le jeune homme que j’avais auparavant trouvé très laid a lu admirablement le dernier volet de l’histoire de cet instituteur du nom de Gálvez.
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Ceci est mon lieu d’exil. On m’a déposée ici à ma demande et de mon plein gré, j’arrive de la maison de mes parents où je ne retournerai plus, de mon propre chef aussi. La vie est un arc, elle a son commencement et sa fin, elle début dans un berceau, effectue son vol ascendant, et à partir d’un certain moment la courbe descend jusqu’à ce qu’on se rende à la terre, de nouveau à l’intérieur d’une caisse en bois qui ne diffère en rien d’un berceau. »

« C’est dans cette descente que je me trouve, je n’ai pas à me plaindre de rien. Je refuse la lamentation, je rejette la contemplation de ma maladie et je condamne le prolongement de la vie au-delà de ses limites. Ce qui ne veut pas dire que je ne souffre pas. Je suis depuis longtemps arrivée à la conclusion qu’affronter la souffrance fait partie de la descente de l’arc de la vie. Voilà des années que je marche à peine, je fais des pas chancelants, voire je ne marche pas du tout, comme c’est le cas la plupart des jours et des nuits depuis que je suis arrivée ici, paralysée, et la sensation que j’ai, comme je viens de le dire, est celle de l’exil.
Mais, malgré tout, je recours à la mémoire pour sortir de ces murs et triompher de mon état de recluse.
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Il lisait si bien que l'histoire du contraste qui était racontée touchait mon âme et moi, devinant, à mi-lecture, ce qui se passerait à la fin, je désirais que le lecteur n'en finisse jamais plus de lire ces trois pages qu'il tenait en l'air. Comme à l'occasion de la lecture du printemps, la beauté d'une image liquidait la violence à laquelle elle était associée, et réclamait en moi une harmonie qui devait exister quelque part dans le monde et que je n'atteignais pas encore. Ce garçon me disait encore une fois que dans une certaine région de l'être doit se trouver cet endroit extraordinaire vers où va notre imagination. Il a compris ce qui m'arrivait, car autrement il n'aurait pas demandé : "Voulez-vous que je le relise ?"
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J'ai pensé à ma fille, j'ai ressenti la nostalgie du temps où je l'emmenais par la main à l'école, et à d'autres endroits que je ne nomme pas dans ma tête tellement il y en a eu. Quand je me suis réveillée, elle était assise sur le lit d'à côté à me regarder. J'aurais dû être surprise, mais non, j'ai trouvé que c'était juste, qu'elle me devait ce regard d'amour filial. J'ai fermé les yeux et accepté qu'elle veille sur moi comme je l'avais fait sur elle au début de sa vie. Le temps que vous avait changées de place comme il se doit. Désormais c'était elle qui me regardait d'en haut et moi qui me laissais voir. C'était bien. La nuit avait été chassée au bout du monde, et à sa place une grande harmonie soutenait ces murs et elle, elle était là. C'était bon de savoir qu'elle me suivait de cette façon, que j'aie les yeux ouverts ou fermés.
(p.287)
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“Vous ne voyez pas, madame, que ce sont des photos artistiques ?” …..Que ceux qui avaient envie de voir leur portrait avec des rides et des taches comme la peau du crapaud les achètent. Moi je n’avais pas envie. Si augmenter la laideur c’est de l’art, alors une partie du monde est déjà une œuvre d’art et on n’a pas besoin de plus d’artistes.
( photos prises dans une maison de retraite )
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