Citations de Lionel Ray (229)
Avec les mots tu as construit…
Avec les mots tu as construit
une maison mentale la maison du temps
masse de nuit qui pense à voix haute
et que traversent des regards jadis aimés.
Avec les mots tu as bâti des ponts
entre l’ici et l’ailleurs tu entendais
quelquefois la houle sonore des forêts comme
une réponse et un salut au bord du froid.
Et tu devins pêcheur d’ombres étonné
de tout miroir de tant de vertige et de feu
immergé.
Avec les mots
ouverts comme des blessures
tu as parlé un langage de sang
et tu as pris le chemin de septembre
vers les fruits la mer le silence.
Est-ce ainsi qu’on à vécu... (chansons)
Est-ce ainsi qu’on a vécu,
côté nocturne côté solaire,
les deux font un seul visage,
est-ce bien cela que j’ai voulu ?
Voici donc nos deux profils,
côté gauche et côté droit,
de l’un à l’autre passe inchangée,
toujours la même voix.
Quand tu chantes c’est l’âme qu’on entend,
même si tu l’inventes, c’est toujours toi,
même sang, même opéra.
Que le cristal se brise ou que tu fuies
vers le dehors, ce monde étrange,
ce jeu perdu, c’est toujours toi.
Comme on glisse hors de soi…
Comme on glisse hors de soi
aux confins de la veille et du songe,
on regarde une autre demeure, un corps chantant.
Qui est cet homme proche de toi
si peu semblable et pourtant ressemblant,
Dans le tumulte des soifs et des mondes,
broyant le grain des paroles,
cherchant la source brève, la présence sans nom ?
Les actes
épitaphe
On a balayé les salissures du grand vent
Tout autour de la ville Il fixait son miroir
Où sa tête reposerait « je ne suis pas venu
Dans un salon de quelques jours » il prit des ailes
Il envahissait le silence verrouillait l’écl-
Atement par les persiennes blanches sur la colline
Apparue un bruit somptueux de dix étages
Convenait de bâtir insolemment regardait
Lionel RAY bourré de mots à flanc d’oubli
Une grande maison sans porte comme un ventre clos couché
Par la main qui le ferma regardait son ombre
Jeter aux chiens son chapeau de vingt-neuf ans (quels ?)
Copie des symboles dans l’élan des lucarnes une
Bougie sombre écartant les horloges LIONEL
Ouvrit son crâne aux cormorans : effacé moi
Adieu l’autre ! adieu
La cour aux tilleuls
Exploration
De pas s’éloignent comme
Des lumières dans ma nuit.
Voici que s’ouvre
La porte des mots
Ce sont des façons de voyage
Au plus profond de soi
Pour remonter le temps
Jusqu’au château des contes
Où personnes
Ne viendra plus.
Sauf vous qui m’êtes proche
Au vaste champ des chimères
Ce minuit nu
Comme la voix.
p.48
ILS BRUISSENT, LES ARBRES…
Ils bruissent, les arbres ce sont crécelles
De feuillages et d'écorces vives.
Et quelquefois cela crépité comme un brasier.
Ici reposent les dieux assis sur les gradins
Ensanglantés des monts tout éclaboussés
De mouches de rossignols et d'écharpes.
C'est une ronde sans fin un petit vent
Qu'on entend pas une plainte un gémissement.
Érables en pantalons frênes ormes et rouvres
Ils échangent quelquefois casques et bonnets
Tout badigeonnés de pourpre Et les colchiques
Bleuissent dans les prairies proches
Un horizon de chair peinte s'ouvre
Avec des élégances de vieilles dames
Promises aux solitudes d'octobre.
p.24
Le cercle des arbres pacifiques
ruisselle
d'imperceptibles oiseaux.
Tu serais un arbre calme
modulant feuille à feuille des syllabes
éparses, étranger aux heures,
par un clair après-midi de juillet.
Tu serais l'étreinte de l'eau
et du vent, si proche du chant,
à l'embouchure de quelque fleuve secret,
si frêle aussi à l'horizon d'une voix
Qui cherche le chemin pressenti
Tu serais ce que tu n'as jamais dit,
jamais vu ni rêvé ni pensé,
Tantôt fouet, tantôt silence,
souriant miroir où quelquefois passent,
Sur fond d'enfance, des images légères.
Passagers du silence,
oiseaux dans le bleu unanime,
jaillissant par salves et nuées!
Voyelles avec des cris
c'est avec vous pourtant
qu'on a construit
et que, depuis toujours
on accompagne le Temps.
Contre la vitre vient battre
le bruit du monde.
Ce qu'il y a d'éveillé en toi,
Comme l'écho murmurant
d'une source, accompagne l'écriture
Des oiseaux. Le corps est devenu
plaines et montagnes. Sur l'axe du temps
tourne la roue des aubes.
Sur un chemin fabuleux
le travail doux-amer des mots
la musique des matins.
Plus loin que les vents
quel fil mystérieux
Scintille? Quel est cet orchestre
vivant? Et quelle horloge
remonte le temps?
Marions-nous, disait le poème.
Ils se sont mariés un jour de juin
dans le bleu surpris.
Evadons-nous, disait le poème.
Ils se sont évadés un après-midi de septembre
Dans le jaune éclaté.
Déchirons-nous, disait le poème.
Ils se sont déchirés un soir de mars
dans le rouge éteint.
Cent mille étoiles nous font signe.
VISAGE PUR (extrait, p. 18)
Très proche quelqu’un vous aurait appelée ou de très loin
Dans les solitudes d’automne et les patrouilles du crépuscule
Depuis ce lieu où s’effacent les brumes et il n’y a
Plus rien que le visage pur de l’Amour.
AVEC LES MOTS (p. 90)
Avec les mots tu ouvres la voie aux migrations
Et c’est un surgissement d’hirondelles de sources
Vives de ronces de mousses de corolles
La joie infinie
d’être
traverse les fleurs
Le matin est devenu ce toit de silence où
Sont posés calmes des oiseaux patients
Illisible visage
TU SERAIS UN ARBRE CALME…
Tu serais un arbre calme
modulant feuille à feuille des syllabes
éparses, étranger aux heures,
par un clair après-midi de juillet.
Tu serais l’étreinte de l’eau
et du vent, si proche du chant,
à l’embouchure de quelque fleuve secret,
si frêle aussi à l’horizon d’une voix
Qui cherche le chemin pressenti.
Tu serais ce que tu n’as jamais dit,
jamais vu ni rêvé ni pensé,
Tantôt fouet tantôt silence,
souriant miroir où quelquefois passent,
sur fond d’enfance, des images légères.
Variabilité
NAVIGATION INTERSTELLAIRE
…une bougie allumée au fond de la mémoire comme
un œil ouvert la maison des solitudes la servitude des
saisons il sombra dans un futur fabuleux aspiré
par la nuit aventureuse la constellation d’Hercule ou
d’autres alvéoles cherchant une planète habitable
un chiffre simple centaines de mille millions de milliards
le noyau de l’extrême l’inaltérable la rédemption l’apogée
de l’être mercuriel ou neptunien ô tant de naissances
inapaisées ces générations frénétiques
et le mystère entier d’une présence invisible
entre la chevelure de Bérénice et Véga de la Lyre
il voyagea il avait rencontré toute la boue du temps
il revint par matin tiède c’était en avril jusqu’au pied
du lit étroit de l’après-sommeil
La neige du temps
RÉSURRECTION
extrait 2
Nous connaîtrons des ruissellements d’aristoloches
[…]
Des cristallisations de volubilis des lectures d’eau morte
Entre estampes et caprices désastres et triomphes
Et les oiseaux qui s’évaporent sous le soleil
Des effondrements de ciels profonds et soudain
Habitables En attendant le colloque des traces
Des coulures les semis des étincelles
Enfin les plus hautes tours Il y aura des matinées
Heureuses au fil des rivières nous saluerons
La patience des heures les dernières glaces
La musique sinueuse des labours et la germination
Enfin d’un éternel sommeil