Une découverte coup de coeur! Je ne connaissais même pas de nom Lionel Ray ( il s'appelle en réalité Robert Lorho, il est né en 1935 et est toujours vivant) et comme il arrive parfois, le hasard a fait que j'ai feuilleté par curiosité ce recueil dans ma librairie préférée. Juste quelques poèmes parcourus ont suffi à me donner l'envie de l'acheter.
La préface éclairante d'Olivier Barbarant et les quelques éléments biographiques trouvés sur le net m'ont permis d'appréhender son univers, de mieux le cerner mais c'est en lisant ses textes surtout que j'ai pu effleurer son monde poétique, et les thèmes récurrents de son oeuvre. " Je est un autre", aurait-il pu dire aussi, d'autant plus qu'il a pris brusquement un pseudonyme pour se démarquer de ses premiers poèmes. Cette recherche d'identité se retrouve ici, dès le début du recueil:
" Je ne suis pas qui je suis,
ce masque dans la nuit anonyme
cette voix qui monte comme un fleuve
ni ces pas ne sont miens."
La fragilité humaine, la mort qui se rapproche ( il a presque soixante ans lorsque paraît ce recueil), le temps dévoreur, les interrogations sur l'acte d'écrire, sur les mots ( il est aussi essayste et linguiste) , voilà ce qui transparaît à travers ses poèmes.
Le vers est libre, avec une prédilection pour l'octosyllabe, les textes plutôt courts, souvent de trois ou quatre strophes. Qu'est-ce qui m'a plu dans ce recueil? La profondeur du regard sur l'existence éphémère de l'homme, le lyrisme délicat, entre ombre et lumière, les questions qui jalonnent souvent les textes et qui ont une résonance en moi, car elles touchent à l'universel, la beauté simple mais intense des images. L'auteur écrit:" De mots furtifs en images brèves, j'accomplis mon métier d'oiseau, je ne m'attarde pas."
Une petite mise en bouche pour terminer,en espérant qu'elle vous donnera envie d'en savoir plus sur ce poète et de déguster ses mots car il le mérite vraiment:
" Être la nuit qui bat à la porte
des paroles humaines, c'est le ciel qui bascule
venant à toi,
Jusqu'au surgir du jeune soleil
aux mille branches, arbre du monde,
Inlassable, jamais à court,
tout un bûcher de syllabes,
des mots de flamme, et qui nous voient,
nous inventent, nous oublient."
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Je ne suis pas qui je suis,
ce masque dans la nuit anonyme
cette voix qui monte comme un fleuve
ni ces pas ne sont miens.
Nous sommes seuls dans ce pays
de sel de pierre de vent
dans ce grand incendie de paroles
dans ce miroir tournant.
Qui es-tu qui que tu sois
ce mort en travers de ma route
cette chose de sang et d'ombre
qui bouge et ne bouge pas.
Tu vis à l'écart de toi-même,
quel est ce visage absent
cet étranger que tu traînes
et qui rame à contre-courant ?
p.9
Paris fleurissait
comme un immense parc, autour de toi.
Voici la fleur des rues et des voyelles,
rue de Fleurus, rue des Camélias,
rue des Saules, rue des Acacias,
rue des Tilleuls, rue des Mûriers,
rue des Cerisiers, rue des Amandiers,
Rue des Silences, rue des Rosiers.
Et voici le brasier des roses,
une lumière intime se pose
sur ta main:
souviens-toi.
Ce qu'on voyait ne ressemble
à rien de ce qu'on voit.
(" Comme un château défait")
Lire la mémoire aux volets fermés,
ses crimes, ses clés, ses caves,
le château des pluies,
Lire la prose des ombres, le babil
des abeilles, cette chose noire et douce,
Lire au soir le blason des nuages
lorsque l'eau se ride et que tu allonges
la main, tirant le fond noir du ciel.
p.36
Comme un château défait
Que peuvent-ils les mots sur tant d'abîme ?
La mort qui n'est que mort, toute la mort,
cette griffe noire sur les corps pliés.
Les soucis les brûlures les années
et bientôt la pierre impitoyable
Que peuvent-ils ? la terre elle-même se tait.
Tout repose dans la fausse mémoire
du temps qui les ignore, du temps vain et sans voix
p.110
Comme un château défait
Passagers du silence,
oiseaux dans le bleu unanime,
jaillissant par salves et nuées!
Voyelles avec des cris
c'est avec vous pourtant
qu'on a construit
et que, depuis toujours
on accompagne le Temps.
Non à la guerre. Anthologie. Poésies du monde, photographie, histoire
Un livre sous la direction de E. Turgut
Poèmes choisis par Lionel Ray
150 ans de conflits illustrés par la photographie,
de la guerre de Crimée jusqu'au conflit israélo-libanais de 2006.
Quatrième de couverture
Savez-vous à quand remonte le premier mouvement pacifiste ?
Connaissez-vous l'origine de la colombe comme symbole de paix ?
L'eau, l'air, sont indispensables à la vie. La paix aussi. Une paix toujours fragile qu'il nous appartient de protéger et de défendre. Nous, c'est-à-dire bien plus qu'une poignée d'idéalistes : nous tous, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, citoyens du monde.
Sous cette couverture immaculée, inattendue, une somme unique de photographies insolites et de poésies du monde à la gloire de la paix. Et plus encore.
Retrouvez tous les renseignements sur ce livre sur le site des Editions Turquoise :
http://www.editions-turquoise.com/non-a-la-guerre-anthologie-poesies-du-monde-photographies-histoire/
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