Lisa Henry

- Tu crois avoir gagné mon cœur ?
- Eh bien, dit-il en tapant ses doigts à la surface de l’eau. Cela me semble plutôt juste, tu ne trouves pas ? Puisque tu as volé le mien. [...] C’est ridicule de voler un truc comme ça, continua Min. C’est moche, pas pratique et ça ne vaut rien.
- Peut-être bien.

- Tout ce que tu veux, répéta Shaw. Peu importe ce que tu es venu chercher ici. Dis-moi, et c'est à toi.

Je me rendis dans mes quartiers, souhaitant n'en être jamais sorti. Et je devais encore avoir la bouche plus pincée que le cul d'un chat quand je pénétrai à l'intérieur, car Cam et Doc me dévisagèrent.

C’était anormal de gagner cette sorte de confiance aussi rapidement, aussi instinctivement. Ce n’était pas le genre de confiance que quelqu’un devrait abandonner. Même les chiens qui avaient été battus presque à mort étaient prudents la première fois qu’une gentille main les touchait. Le gamin était seulement désespéré.

Mais il n'arrive pas vraiment à se débarrasser de l'impression que grandir, c'est renoncer. [...] Comment était-il censé vouloir étudier la criminologie alors qu'il a l'impression que la semaine dernière encore il avait huit ans et voulait être un Jedi ?

— En tant qu’agent fédéral, je tiens à te dire que ton manque de respect envers les lois de ce pays me répugne.

— Oui, mais je t’impressionne aussi, ne le nie pas. Je te « répussionne » grave !

— Je ne suis pas « répussionné », je suis atterré !

Et si la prostate de Jai est comme le conduit d’évacuation de l’Étoile de la Mort ? Comment Nick est-il censé la trouver ? Il n’est pas Luke Skywalker. Il n’a jamais éclaté des rats Womp sur un T-16 chez lui.

Et OK, il devrait sans doute arrêter de penser à Star Wars, là.

— J’ai plus ou moins été pris en train de faire des trucs avec un mec. Dans les toilettes.

— Des trucs ? demande sa mère.

Chris se crispe. Tout comme Nick.

— Euh, lui offrir une pipe ? dit-il, et en parlant de pipe, il prie le petit Jésus que sa mère sache ce que c’est et qu’il n’ait pas besoin d’expliquer.

Et qu’elle le sache parce qu’elle l’a lu dans un livre, pas parce qu’elle… Argh. Mais qu’est-ce qui ne va pas avec son cerveau aujourd’hui ?

— Oh, dit sa mère avant de cligner lentement des yeux. Oh !

Et le silence s’installe.

Nick fronce le nez et fixe une tache de ketchup fossilisé sur la table.

L’horloge tique contre le mur.

Le chien trottine dans la cuisine, jette un coup d’œil aux humains, puis repart en se dandinant.

Et l’horloge continue de tiquer.

— Euh, dit enfin Nick.

Son père a un spasme à l’œil.

— Non, dit sa mère avec bonne humeur, en rejoignant le frigo pour fourrager à l’intérieur, l’air de dire : non, je ne laisserai pas ces nuages gâcher mon pique-nique. Non, je n’admettrai pas que le verre est à moitié vide. Et non, mon précieux petit ange ne vient pas de se faire prendre en pleine fellation dans des toilettes portables.

— Non, personne n’en fera toute une affaire. Ce n’est rien de grave.

Les yeux de Nick s’écarquillent lorsqu’elle réapparaît de derrière la porte du frigo, la main crispée sur une bouteille de vin. Elle la débouche avec force et prend une gorgée. Sa mère, qui boit en journée. Il a cassé sa mère.

— .... Mais le fait est que, quand on aime quelqu’un comme ça, ce n’est pas difficile, ou un fardeau, ou on ne mérite pas une part de gâteau pour l’avoir traité comme on aimerait être traité. On l’aime, on apprécie les bons moments, et c’est tout.

John esquissa un léger sourire. Pour la première fois de la journée, quelque chose se dénoua dans sa poitrine.

— C’est aussi simple que ça, hein ?

— Bien sûr que ça l’est. Sans vouloir t’offenser, frérot, tu n’es pas vraiment un cadeau non plus, tu sais ? Tu fais des heures de merde, tu as un mauvais caractère, et ton visage ressemble à un crabe écrasé…

— Va te faire foutre ! s’écria John en s’esclaffant.

David lui retourna un sourire.

— Mais Caleb fait avec, parce qu’il t’aime, non ? Et tu fais la même chose pour lui, parce que c’est comme ça que ça se passe. N’est-ce pas ?

— Ouais.

John lui donna un coup de coude.

— C’est comme ça que ça se passe.

— Nous avons un marché, Monsieur.
Bien sûr, il aurait dû savoir qu’un serpent comme Sabadine n’aurait jamais accepté un refus. Il le réalisa au moment où la porte de l’étude s’ouvrit en grand et qu’un homme habillé d’une tunique bleue entra. Un sorcier. Les Sabadine étaient assez riches et puissants pour employer un sorcier. L’homme traînait un Harry reniflant derrière lui.
— Harry ! s’écria Min.
Harry releva les yeux. Ces derniers étaient grands ouverts et son visage strié de larmes. Un sceau noir de la taille d’une pièce avait été brûlé sur sa joue.
Le cœur de Min se glaça.
Ils l’avaient maudit.
Les Sabadine avaient jeté une malédiction sur Harry.
Merde.

Aiode leva la main et traça le sceau sur la joue d’Harry.
— C’est…
Elle soupira.
— C’est une malédiction très coûteuse et très compliquée. Si je ne me trompe pas, c’est un sort de lune.
— Qu’est-ce que cela signifie ? demanda Min.
— Que tu as jusqu’à la prochaine pleine lune avant que ça ne le tue, lui répondit Aiode.
Harry cligna des yeux et des larmes coulèrent le long de ses joues.
— Est-ce que tu connais un moyen pour briser la malédiction ? la questionna Min.
— C’est un sorcier qui a fait ça, répliqua Aiode.
Bien, ça répondait à ça, déjà.
Il y avait pensé, mais maintenant qu’Aiode le confirmait, cela lui fit un coup. Les sorciers étaient extrêmement puissants. La majeure partie d’entre eux travaillaient directement avec le roi, usant de leurs Dons pour défendre Amberwich des attaques du Seigneur Caché. Ils étaient craints de tous, même des autres Doués.
— C’est une malédiction par le sang. Elle ne peut être brisée que par celui qui l’a jetée. Cette malédiction…
Les sourcils d’Aiode se plissèrent et elle secoua la tête.
— Utiliser cette malédiction sur Harry, c’est comme si on prenait une enclume pour tuer une fourmi.

— Aramin Decourcey, dit-il d’un ton monotone.
— Lui-même, répondit Min en se demandant s’il y avait un moyen de négocier avec le vieil homme.
— Qu’est-ce que vous voulez ?
— Votre apprenti, déclara-t-il. Sa famille m’envoie pour le ramener à la maison.
Une lueur d’une émotion inconnue passa sur le visage de Kallick. Il leva à nouveau la main, une boule de lumière apparaissant dans sa paume. Du feu.
— Eh ben, c’est très impressionnant, pour un hedgewitch, commenta Min, en esquivant la boule de feu qu’il lui envoya.
Beaucoup trop impressionnant pour un hedgewitch, pour être honnête, mais cela ne faisait aucune différence qu’il fût un hedgewitch, un magicien, un mage ou un sorcier. La hiérarchie des Doués était de la pure sémantique pour Min, bien que cela signifiât que les Sabadine lui avaient menti. Aucun hedgewitch n’était capable de créer du feu.

Le garçon n’était pas conventionnellement beau, mais depuis quand aimait-il le conventionnel ? Son nez retroussé et sa large bouche n’attireraient peut-être pas l’attention d’un artiste en quête de beauté incroyable, bien que ses pommettes, admit Min, feraient pâlir n’importe quel sculpteur. Le garçon lui faisait penser à un chiot à moitié adulte, avec de longs membres encombrants, et il n’arrivait pas à décider s’il allait devenir une beauté dévastatrice ou, au contraire, un véritable laideron. Il trouvait les deux idées aussi séduisantes l’une que l’autre.
Bien entendu, il avait toujours eu des problèmes pour différencier les personnes qu’il voulait frapper et celle qu’il voulait baiser ; c’était si souvent les mêmes.

— Putain d’arbres, murmura Harry en jetant un coup d’œil dans les bois.
Min sourit malgré lui. Harry était un petit merdeux agaçant, à sa propre image.
Il conduisit Harry vers la route, le relâchant avec une tape dans le dos. Les hommes de Robert marchaient non loin, étirant leurs membres et profitant de l’occasion pour manger. Min sortit un pain de sa tunique et en arracha un bout avec ses dents, cherchant Kaz du regard, tout comme Harry cherchait Talys.
Ils étaient tous deux de parfaits idiots.

Le souffle de Kaz était chaud contre ses lèvres.
Min se servit de sa langue pour ouvrir la bouche de Kaz. Il avait le goût de la bière de Joderman. Chassant le parfum amer avec sa langue, il la glissa sur les dents de Kaz et contre son palais, avant de se retirer et de sucer un instant sa lèvre inférieure.
Kaz fit un petit bruit de surprise et lui enfonça ses doigts dans l’épaule. De sa main libre, Min trouva la tête de Kaz et il glissa ses doigts tremblants dans ses cheveux.
Il approfondit à nouveau le baiser, cette fois-ci en poussant sa langue contre celle de Kaz, puis en la tirant vers l’arrière pour l’encourager.
Kaz gémit et frissonna.
Min suça sa lèvre inférieure encore une fois puis s’éloigna avec regret.
Les yeux sombres de Kaz étaient grands ouverts, ses pupilles étaient dilatées. Sa bouche humide resta ouverte, et sa mâchoire peina un moment avant qu’il ne parvienne à prononcer quelques mots.
— Tu… Tu vas me donner ce soir, alors ?

— Tu lui as dit quoi ?
— Je lui ai dit que je reviendrai le chercher. Une fois que tu serais en sécurité.
Il essaya de sourire mais ne fut pas sûr de réussir.
— Et tu sais ce qu’il m’a dit ?
— Quoi ?
— Il m’a dit de ne pas faire de promesse que je ne pourrais pas tenir.
— C’est un bon conseil, Min, répliqua Harry en haussant les sourcils. Mais comment sais-tu si tu peux tenir tes promesses ou non, si tu ne te bouges pas le cul et que tu n’essaies pas ?
Min cligna des yeux face à l’eau que Freya déposa devant lui. Harry avait marqué un point.

En tout cas, Rob était une rencontre bien plus agréable que celle de l’agent du FBI : M. Chauve et Grincheux. Il avait dû passer en mode berserk quand il avait découvert la salle de bains vide. Henry avait pourtant accompli son devoir civique : il avait appelé la police, alors qu’il aurait pu se barrer sans rien dire. Dean Maxfield n’aurait eu, de fait, aucune raison de lui faire la peau. Quoique…

— Tante Gloria, ce petit merdeux va te plumer !

— Cesse de dire des bêtises, Dean. Toby est un bon garçon. De plus, je fais ce que je veux avec mon argent.

Non, en fait, Dean avait des raisons légitimes de le détester – il l’avait toujours jaugé comme un pitbull gonflé aux stéroïdes – et avait probablement rongé son frein pour ne pas le descendre jusqu’à présent. Qu’il pourrisse en taule ! Avec son témoignage ou non, la police scientifique parviendrait bien à prouver sa culpabilité.

La porte de sa cellule s’ouvrit, et Henry se redressa, espérant qu’on lui apporte enfin à manger. Loupé, c’était l’agent chauve du FBI. McGuinness ? McLeffe ? Heineken ? Merde, merde, merde ! Il tenait un gobelet de café à la main ou, plutôt, de la pisse de chameau vu l’odeur. Boire du décaféiné : quel sacrilège ! Mieux valait le laisser engager les hostilités en priant qu’il n’opte pas pour la version où il éclatait le crâne d’Henry contre le mur. Heineken tirait une tête de trois pieds de long.

- Qu'est-ce que tu feras, si tu ne vas pas à la fac?
- Je ne sais pas, dit-il. Je ne savais pas qu j'étais censé avoir tout déterminé.

Nick n'est pas stupide. Il est juste... Il est juste vraiment nul pour gérer la pression. Il ne l'a jamais dit à ses parents, et maintenant c'est trop tard, ça n'aura l'air que d'une énième excuse. Il ne leur a jamais dit que si parfois il fuit ses responsabilités ce n'est pas à cause de la flemme ou parce qu'il oublie, mais parce qu'il reste éveillé toute la nuit en y réfléchissant, jusqu'à ce qu'elles prennent tellement d'ampleur qu'il... n'y arrive plus.

Dans les films, la vérité est tellement puissante. Elle a le pouvoir de fendre la terre et de changer tout l’univers.
Harry Potter est un sorcier.
Vador est le père de Luke.
Neo est l’Élu.
La sienne de vérité ? Il a peur d’aller à la fac.
C’est carrément pathétique. Ce genre de vérité ne mérite pas un plan rapproché, un orchestre et un Mark Hamill torturé et hurlant « Noooooon ! » tout en s’accrochant au moignon de son poignet.