Que dit la nage de notre rapport au monde et à notre intériorité ? Nos invités explorent les pistes philosophiques et poétiques qu'offre la nage... de quoi inspirer nos lectures cet été, que l'on plonge dans la violence de l'océan ou dans l'eau chlorée d'une piscine.
Olivia Gesbert reçoit trois auteurs qui célèbrent les joies de la baignade : Laurence Devillairs, Lucas Menget et Chantal Thomas.
#été #littérature #critiquelittéraire
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Tout paraît naturel alors que rien ne l'est. Nager vite n'est pas humain, chaque centimètre de corps freine la progression. Il faut apprendre à se diluer. (P.114)
L’Irak est un pays de fantômes. Chaque famille, chaque tribu, chaque religion a les siens. Ils se battent en coulisse. Ils se moquent du sable et des pages des livres d’histoire. Ils laissent des ombres au coin des sourires.
Demain, ce carnet de route s’arrête. Parce que nous partons (si la tempête le permet). Mais aussi parce que les mots sont plus absurdes encore que la situation qu’ils tentent de décrire.
La Voie Lactée pour plafond, la mer sombre et chaude pour lit. Se laisser flotter, brasser le plus doucement possible pour ne pas abîmer la poussière d'étoiles dans les reflets de l'eau.
Peut-être… peut-être que certains pilotes, certains miliciens, à force de se tuer, en ont oublié que l’écriture a été inventée ici. Sur les rives du Tigre et de l’Euphrate. A Ur, Ninive, Babylone, des hommes, les premiers, se sont dit qu’il fallait laisser une trace des conversations, du commerce, des comptes. Ici, l’on se faisait la guerre en s’écrivant des lettres. Sur des tablettes en argile, avec un poinçon. C’était le cunéiforme. Et c’était la civilisation.
Puis j'ai avancé dans l'eau, doucement d'abord. La mer m'a pris par les mollets, m'a arraché les pieds du sable, m'a déséquilibré. On n'entre pas dans cet océan: il vous accepte ou vous rejette, sans pitié ni douceur. Il faut se battre contre lui. Mon combat matinal était vain, je le savais à la fois perdu et nécessaire. L'océan acceptait mes cris et mes coups. Ma violence, je la défoulais contre lui. Il me cognait en retour (...) P.127
Première phrase du livre :
À travers les dunes et les champs de mines, à 160 km/h, voilà comment j’ai franchi pour la première fois la frontière entre le Koweït et l’Irak. C’était en mars 2003, en voiture, avec quelques confrères. La seconde « guerre du Golfe » venait de débuter, les chars américains et britanniques pénétraient sur le territoire. Et nous avec. Nous soupçonnions déjà que Saddam Hussein ne tiendrait pas, que le régime allait s’effondrer et que les fameuses armes de « destruction massive » n’étaient qu’un leurre destiné à justifier une intervention militaire programmée coûte que coûte. Mais nous ignorions une chose : l’Irak allait basculer dans une guerre civile interminable et d’une rare violence.
Tout est triste, vain, angoissant. Burt Lancaster a les yeux fous. Il pose les mains sur l'épaule de l'enfant esseulé. "N'oublie jamais petit, quand tu nages, tu es le capitaine de ton âme" (P.66)
Hussein a douze ans. Je suis allé faire un reportage sur lui. Son père a été tué il y a deux ans et demi, en sortant d’une mosquée. Avec sa mère, il est réfugié à l’autre bout de Bagdad, chez un oncle. Sa vie est normale, il va à l’école tous les matins. Il raconte : « Sur le chemin de l’école, je mets ma main sur mon coeur pour me protéger. Au retour, je remets ma main sur mon cœur ». Toute la journée, sa mère se demande s’il va rentrer. Normal.
L’Irak est le pays du doute. Pour tous et pour chacun. Cinq ans d’extrême violence ont appris aux Irakiens à ne plus rien promettre, à ne plus rien croire.