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Citations de Lucie Delarue-Mardrus (79)


Lucie Delarue-Mardrus
Par ma fenêtre ouverte…
  
  
  
  
Par ma fenêtre ouverte ou la clarté s’attarde,
Dans la douceur du soir printanier, je regarde…

Chaque arbre, chaque toit qui s’élance dans l’air,
Tel le roc qui finit où commence la mer,
Marque la fin d’un monde au bord d’un autre monde.
Ici la terre et là le vide où, toute ronde,
Cette terre, toupie en marche dans l’éther,
Sans sa pauvre ceinture d’air
Ne serait à son tour qu’une lune inféconde.

Je contemple ce toit et cet arbre, montés
Vers l’insondable énigme et ses immensités.
En bas, la rue est calme et le printemps tranquille.
Rien ne trouble la paix de la petite ville.
On entend au lointain un merle. Il fait très beau.
C’est tout.
— Pourquoi mes yeux regardent-ils si haut ?
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Lucie Delarue-Mardrus
QU’AI-JE BESOIN…
  
  
  
  
Qu’ai-je besoin de lire un livre
Sous cette lampe aux reflets verts ?
Immobile, je me sens vivre.
Je suis seule avec l’univers.

Puisqu’on dit de Dieu qu’il existe,
Pourquoi, moi, ne suis-je pas lui,
Et lui pas moi ?
Comme c’est triste
D’être humain au fond de la nuit !

Oh ! vas-tu donc toujours te taire,
Sphinx que j’interroge ? (Et j’ai tort.)
Si les chiens hurlent à la mort,
Moi, sans fin, je hurle au mystère.
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Monsieur Polichinelle


Monsieur Polichinelle
De soie ou de flanelle,
Les deux bosses qu'il a
L'empêchent d'être plat.

Ces deux sacs à malice
Embêtent la police.
Ce qu'il en fait, des tours,
En s'esquivant toujours !

Au fond, c'est un apache.
Pourtant, bien qu'on le sache,
À Guignol, on se tord,
Et chacun crie : "Encor !"

Il n'y a pas à dire,
Il nous fait tant rire,
Il a tant de bagout
Qu'on lui pardonne tout.
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La toupie


Tourne, tourne, ma toupie,
De plus en plus fort,
Tourne, tourne, je t'épie,
Tourne, tourne encor.

On dit que tourne la terre
Plus vite que toi,
L'imbécile qui le croit,
Je le ferai taire !

Le doux bruit de ton ronron
Charme mon oreille,
Tourne, tourne, ma merveille,
Tourne, tourne en rond.

Quand tu seras fatiguée,
Tu t'arrêteras.
Mais une valse aussi gaie
Ne s'arrête pas.

Tourne, tourne, ta démence
Fait battre mon cœur,
Tourne, tourne et recommence,
O petite sœur !

Tourne, tourne, ma toupie,
De plus en plus fort,
Tourne, tourne, je t'épie,
Tourne, tourne encor !
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LA JEUNESSE


La jeunesse au beau cou gonflé
     De sève rose,
Je la regarde, cette rose,
Et j'assiste à son jubilé.

Je ne regrette pas son âge
     Que je n'ai plus.
Je me souviens de trop d'orage
Quand j'étais parmi ses élus.

D'où je suis je la vois tragique,
     Vouée au feu,
Elle veut tant, sachant si peu,
Va si droit dans un monde oblique !

L'âge mûr, terrestre au-delà,
     Future tare,
Elle ne prévoit pas cela,
Ne sait pas ce qui se prépare.

Elle court comme un homme saoûl,
     Pleure, rit, aime.
Elle attend le Pactole même
Et n'en aura que pour un sou.

O pauvre jeunesse naïve,
     O passion,
Additionne ! L'Heure arrive
De la morne soustraction.

Vingt, vingt-cinq, ou trente ans... On joue
     À la douleur.
Après on vit. ‒ Donne ta joue
Que je l'embrasse dans sa fleur.
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DISTIQUES


Squelette, notre maître à tous,
Maigre captif au fond de nous,

Squelette, constante présence
Qui t'effaces jusqu'à l'absence,

Un domino, ‒ la chair, la peau, ‒
Te couvre de son oripeau,

Sous quoi, de manières discrètes,
Tu ne fais voir que tes arêtes.

Cheville ouvrière, pourtant,
Seul solide, seul important,

Pauvre squelette qu'on libère
Seulement à six pieds sous terre,

Etre muet, aveugle et sourd,
Toi qui ne vois jamais le jour,

La chair orgueilleuse et fantasque
À beau te couvrir de ce masque,

L'apparent rire de tes dents
Révèle le reste en dedans.

Et cependant la chair t'ignore.
Elle te hait, elle t'abhorre !

Parent pauvre écarté du jeu,
Chaste ascète en un mauvais lieu,

Invisible, tu te promènes
Parmi les amours et les haines.

C'est en vain, timide holà,
Que tu dis parfois : « Je suis là ! »

Au dur fantôme qui la hante,
La chair molle, la chair changeante

Répond : « je sens battre mon cœur,
Je vis ! Tais-toi ! Tu me fais peur ! »

Mais va ! Ton élégance blanche
À son heure aura sa revanche,

Car l'usurpatrice, au tombeau,
Cèdera lambeau par lambeau.

Car, lentement, sa pourriture
Délivrera ton armature,

Et, couché dans le dernier lit
Sur l'oreiller du grand oubli,

Toi, sous la pierre délaissée
Dont la date s'est effacée,

Tu crieras du fond de la mort :
« Petit bonhomme vit encore ! »
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À la mémoire de la doctoresse
Jacqueline Fontaine

JACQUELINE


VII
Te souviens-tu, mon petit naufrageur,
C'était ton nom quand nous étions ensemble !
Si nous avons bourlingué cœur à cœur,
Main dans la main, sur le vaisseau qui tremble ?

Nous naviguions, matelots imprudents,
Quand d'autres son à l'abri dans la rade,
Qu'elle était folle et belle, la tornade,
Et que joyeux le rire de nos dents !

Je revoyais, plus tard, quand nos poitrines
Eurent cessé de braver ce grand vent,
Le souvenir des tempêtes d'avant
Saler encor tes prunelles marines.

Il y avait ces choses entre nous,
Rien qu'à nous deux, et dites à personne.
Notre amitié courageuse, si bonne,
Tanguait encor des anciens remous.

Cela du moins me reste, belle image
Que je contemple en secret. O douleur !
En plein effort, le petit naufrageur
A fait sans moi le suprême naufrage.
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AU RETOUR


Une géographie en moi,
Avec ses verts, jaunes et roses,
Amusant mes heures moroses,
Les remplit de charme et d'émoi.

J'ai vu tant et tant de ce monde,
Depuis que je bourlingue au loin !
Assise seule dans un coin,
Je soupèse la mappemonde.

À quoi je pense, quelquefois,
Quand je reste immobile et sage ?
Fermant les yeux, croisant les doigts,
O mes souvenirs ! je voyage.
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MONTÉE DE MER


Une ville s'allume au bord de la mer pâle,
Sur la côte d'en face encore bleue à voir,
Long collier de lueurs, parure principale
De la terre et des eaux et du ciel et du soir.

Je saurai te forcer, ma jument effarée,
À descendre à travers la vase et les galets,
Entre les rochers noirs de la basse marée
Où le couchant qui meurt concentre ses reflets.

Nous piétinerons là jusqu'à ce que remonte
La mer qui déjà gronde, en mal de revenir.
L'ombre salée, au loin, t'écoutera hennir,
Inquiète, vers les mystères qu'on raconte.

Et, pour atteindre enfin tes impatients pieds,
Quand les vagues, couleur de coquilles murrhines,
Toutes blanches d'écume et les crins déployés
Presseront leur galop de cavales marines,

Alors, joignant ta course à la fougue des soirs,
Tu bondiras sous moi, ruée et cravachée,
Et la mer, formidable et pâle chevauchée,
Mêlera ses crins blancs au vol de tes crins noirs.
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Cinq Petits Tableaux.


III
Je te retrouve donc, solitude fleurie
Où l'on aime parler tout bas !
Voici l'effrayante féerie,
Les soirs où la chouette crie,
Où l'automne sonne le glas.

Disparate, autrefois, d'être une jeune femme
Parmi la funèbre couleur,
Malgré ce front triste et rêveur
J'avais tout l'été dans mon cœur.
— Maintenant, voici le vrai drame.

Il faudra lentement me faire une raison,
Hélas ! et que mon cœur connaisse
Qu'il tombe, autour de ma maison,
Et les feuilles de la saison
Et les feuilles de ma jeunesse….
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Les papillons de nuit


Chacun renaît au crépuscule,
L'aile terne et le ventre roux ;
Et, dans le vent qui les bouscule,
Ils sortent sans bruit des vieux trous.

Leur quadrille va, vient, recule,
S'accroche à la haie en courroux.
Chacun renaît au crépuscule,
L'aile terne et le ventre roux ;

Et, lorsque le soleil bascule
Et meurt derrière les grands houx,
Lourd, à l'heure des loups-garous,
Comme un revenant minuscule,
Chacun renaît au crépuscule.
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La sphinge


Notre pensée intime est un vaste royaume
Dont le drame profond se déroule tout bas.
Toute chair emprisonne un ignoré fantôme,
Toute âme est un secret qui ne se livre pas.

Et c'est en vain, ô front ! que tu cherches l'épaule,
Refuge en qui pleurer, aimer ou confesser ;
L'être vers l'être va comme l'aimant au pôle,
Mais l'obstacle aussitôt vient entre eux se dresser.

Car, au fond de nous tous, ennemie et maîtresse,
La sphinge s'accroupit sur son dur piédestal
Et tout épanchement de cœur, toute caresse
Soudain se pétrifie à son aspect fatal.

Sa présence toujours aux nôtres se mélange,
Sa croupe désunit les corps à corps humains ;
Au fond de tous les yeux vit son regard étrange,
Ses griffes sont parmi les serrements de mains.

Et lorsque nous voulons regarder en nous-même
Pour nous y consoler et nous y reposer,
La sphinge est là, tranquille en sa froideur suprême,
L'énigme aux dents et prête à nous la proposer.
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Je suis la hanteuse...


Je suis la hanteuse des mers fatales
Où s'échevèlent les couchers sanglants,
Des mers basses ou hautes ou étales
Vers qui je crie du profond de mes flancs.

Ma solitude orageuse s'y mêle
Au désert du sable vierge de pas
Et où, sans craindre d'oreille, je hèle
Je ne sais quel être qui ne vient pas...

Oh, la mer ! la mer ! Toi qui es une âme,
Sois bonne à cette triste au manteau noir,
Et de toute ta voix qui s'enfle et clame,
Hurle ta berceuse à son désespoir !
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À QUELQU’UNE


…Elle a l’œil triste et la bouche taciturne
Et quoique parfois ses essors soient très beaux,
Comme elle a bu le temps présent à pleine urne,
Elle se meurt de spleen, lambeaux par lambeaux.
Elle a l’œil triste et la bouche taciturne.

Son dos jeune a le poids du siècle à porter
Comme une mauvaise croix, sans cœur d’apôtre
Et sans assomption future à monter.
Voilà ce qu’elle est devenue et rien d’autre.
Son dos jeune a le poids du siècle à porter.

Mais le souvenir parmi d’autres lui reste
De vos mains qui la soignaient comme une fleur ;
Et si vous vouliez lui rendre votre geste,
Elle pleurerait son mal sur votre cœur,
Car le souvenir parmi d’autres lui reste.

Laissez-la quelquefois revenir encor
À vous, que charmaient ses yeux mélancoliques.
Vous vouliez, songeant déjà sa bonne mort,
La refaçonner dans vos doigts catholiques,
Laissez-la quelquefois revenir encor.
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À QUELQU’UNE


Si vous aimez encore une petite âme
Que vous avez eue en mains au temps passé,
Qui n’était alors qu’un embryon de femme
Mais dont le regard était déjà lassé,
Si vous aimez encore une petite âme,

Laissez-la quelquefois revenir encor
À vous, que charmaient ses yeux mélancoliques.
Vous vouliez, songeant déjà sa bonne mort,
La refaçonner dans vos doigts catholiques,
Laissez-la quelquefois revenir encor.

Elle n’est pas devenue une chrétienne,
Elle est même à présent, comme qui dirait,
Sans foi, sans loi, ni joie, une âme païenne
Des temps de décadence où tout s’effondrait.
Elle n’est pas devenue une chrétienne.

Sa fantaisie a la bride sur le cou.
C’est un bel hippogriffe qu’elle chevauche,
Qui de terre en ciel la promène partout
Sans plus s’arrêter au bien qu’à la débauche.
Sa fantaisie a la bride sur le cou.

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AMOUR
Qu'obtiendrons-nous jamais de vous, noces humaines,
Puisqu'en nous l'animal est mort ou presque mort ?
Mais t'obéir, nature ! aller où tu nous mènes,
Et que tes seuls parfums tuent en nous tout effort.

Mais nous mourir, les soirs que le désir nous couche,
De la possession de tes grands bras touffus,
T'aimer, nous qui savons quelle épouse tu fus
Pour ceux qui t'ont voulu connaitre bouche à bouche !

Propice à nos repos comme à nos passions,
Ton visage, qui change avec toutes les heures,
Rit lorsque nous rions, et, si nous pleurons, pleure,
Sans yeux pour nous tirer une explication.

Tu ne sais pas l'horreur du geste et des paroles,
La contradiction de cet amour impair ;
Tu nous tends seulement tes profondes corolles
Qui sont une douceur plus douce que la chair.

Ton sein ne connait point la limite du spasme,
Le funèbre regret du plaisir accompli.
Pour offrir à nos sens un éternel phantasme,
Au creux des horizons ton amour fait son lit,

Nature, seul rachat de l'homme et de la femme,
Unique amie en qui cesse l'isolement,
O toi qui nous connais, toi dont nous savons l'âme,
Puisque ton âme, c'est la nôtre, simplement.

p.221-222
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Lucie Delarue-Mardrus
Ô mon Dieu !
  
  
  
  
Ô mon Dieu que je veux appeler de ce nom
Faute de rien connaître
Pourquoi donc m’avez-vous fait naître
Avec ce cœur qui dit à l’existence : non !

Ne se pourra-t-il pas enfin que je consente
À vivre comme on vit,
À jouir de ce qui ravit
Le monde, à n’être plus cette éternelle absente ?

Si vanité, fortune, haines, ambitions,
Ces joujoux de la terre,
Laissent mon cœur sans passions,
Pourquoi crier ce cri qui ne veut pas se taire ?

Ô nature, pourtant, ô musique ! Mes yeux
Pleurent de poésie.
Toi que j’aime avec frénésie,
Inconnu, Inconnu, dis-moi ce que je veux !
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Lucie Delarue-Mardrus
L'automne

On voit tout le temps, en automne
Quelque chose qui vous étonne,
C'est une branche tout à coup,
Qui s'effeuille dans votre cou ;
C'est un petit arbre tout rouge,

Un, d'une autre couleur encor,
Et puis partout, ces feuilles d'or
Qui tombent sans que rien ne bouge.

Nous aimons bien cette saison,
Mais la nuit si tôt va descendre !
Retournons vite à la maison
Rôtir nos marrons dans la cendre.

Lucie Delarue-Mardrus
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Lucie Delarue-Mardrus
Pendant que notre corps et notre âme se donnent
Librement à notre seul homme,
Que pures, fraîches, libres,
Riches du trésor d’être honnêtes,
Nous contentons aussi le rêve de nos têtes
Et de nos fibres,

Je pense, avec un cœur serré,
A vous qui, malgré vous, faites l’amour, les filles !
A votre pauvre corps de louage qu’on pille.
Et mon être est meurtri des maux que vous souffrez.

Les instincts ont croisé leurs lames de duel :
Le mâle que tourmente une bête cachée
S’approche. On lui vendra le geste naturel.
L’un cherche son plaisir, l’autre cherche son pain,
Chacun sa faim !
C’est la quotidienne bouchée.

Or les épouses sont, dans leur lit bienheureux,
Avec l’homme choisi roulé dans leurs cheveux.
Celles qu’on respecte et qu’on berce et qu’on soigne…
Les filles ! Vous aussi êtes celles qu’on soigne,
Mais c’est au fond des lupanars !
Pour que tout homme de hasard
Puisse en sécurité vous broyer dans ses poignes.

Ainsi l’amour public déferle sur vos corps
Sans que jamais personne vous aime.
Et vous ne savez plus vous-mêmes
La profondeur d’horreur de votre sort.

Très précieuse chair dont on a perdu l’âme.
Ah ! combien dans mon cœur s’amasse de rancune
Contre votre fatale et mauvaise fortune.
Filles qui malgré tout, êtes ma sœur, la femme !

Horizons, 1904
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