AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Lucie Delarue-Mardrus (79)


AU JARDIN DE MAI


Pour un poète vrai qui, passionnément,
Parcourt d'un pied léger la saison la plus belle,
C'est toujours un étonnement
Que la rencontre d'une ombelle.

C'est toujours une offrande, et c'est toujours un don
Qu'un nuage, un reflet, un rayon, un coin sombre,
Et c'est un trésor qu'un bourdon
Qui survole l'herbe, dans l'ombre.

Nos cœurs battaient de joie, ô printemps ! ô printemps !
Tout était bonne odeur, douce couleur, musique,
Jeunesse, allégresse physique.
- Mais nos fronts étaient mécontents.

Que fait-on quelque part, qu'invente-t-on d'horrible,
Dans le même moment qu'au sein du printemps clair
Le bourgeon le plus insensible
Cède à la crasse de l'air ?

La nature fleurit, bourdonne, encense, bouge ;
Partout brille, innocent, le paradis de mai ;
Le sol même espère et promet.
... Sauf aux lieux où la terre est rouge.

Un épouvantement barre chaque horizon.
Le monstre de la guerre est là, qui boit et mange.
À deux pas de notre maison,
La face de l'Europe change.

Du fond de l'avenir, au bruit sourd des canons,
Voici venir des temps qui ne sont plus les nôtres,
Notre époque sombre, avec d'autres,
Dans l'Histoire pleine de noms.

Mais le jardin en fleurs est plus fort que la guerre.
Tandis que tout s'en va, pourquoi fait-il si beau ?
Ce merle ne peut-il se taire
Pendant qu'on nous couche au tombeau ?

Nous mourons ! Nous mourons ! Mais le printemps embaume.
On tue au loin, mais les oiseaux sont triomphants.
Nous sommes ruine et fantôme,
Et nous nous sentons des enfants.
Commenter  J’apprécie          190
AU JARDIN DE MAI


Le printemps, au jardin de mai, nous faisait fête,
Et nos pieds étaient prêts pour la course et le bond.
Des arbres entiers sentaient bon.
Nous en pensions perdre la tête.

Nous allions, nous tenant la main, comme deux sœurs,
Sans presque nous parler, à grands pas, bouche bée.
Une frêle pluie est tombée
Qui semblait parfumée aux fleurs.

Les marronniers illuminés, tout blancs, tout roses,
Portaient leurs fleurs ainsi que de légers flambeaux.
Des lilas étaient lourds et beaux.
Nous y fîmes de longues pauses.

L'herbe montait à l'arbre, et l'arbre descendait
À l'herbe ; et les gazons berçaient des ombres rondes.
Une branche basse pendait,
Offrant des corolles profondes.

Nous disions qu'on ne peut s'habituer jamais
Au printemps, cette histoire irréelle de fées.
Ivres, par vaux et par sommets,
Nous voulions vivre décoiffées….
Commenter  J’apprécie          80
Féerie


À cheval, j'ai quitté ma maison et ma ferme
Pour le dehors d'octobre immensément fané,
Où, dès que sur nos pas le sous-bois se referme,
Mon frémissant cheval est impressionné.

Mon cheval, mon cheval, sommes-nous chez les fées ?
L'automne aux sept couleurs palpite autour de nous.
Ces fougères au vent, blondes et décoiffées,
Nous enveloppent d'or plus haut que nos genoux.

Le sol rouge est taché comme d'un sang de faune,
Ce hêtre illuminé projette des rayons...
Vois, les feuilles de l'air tombent par millions :
Il pleut orange et roux ! Il pleut rouge ! Il pleut jaune

Quelle aurore, au retour, teintera tes sabots !
Tu trembles, mon cheval... Y a-t-il quelque chose ?
Est-ce de voir, parmi les chemins les plus beaux,
L'automne s'effeuiller sur nous comme une rose ?
Commenter  J’apprécie          130
Vœux


Je ne peux pas finir de songer à la mer...
Je voudrais retourner aux pays d'où j'arrive,
Derrière un paquebot voir s'effacer la rive,
Et, devant, s'élargir l'infini large ouvert.

Je regrette déjà les départs, les escales,
Les courses d'Orient qu'on faisait dans les ports.
Je regrette le calme plat, l'orage tors,
Et ces lames de fond, hypocrites et pâles.

Je voudrais par un sabord les nuits, les jours,
Errer de cale en pont, monotone et bercée.
Je voudrais, je voudrais vivre une traversée
Qui ne finirait pas, qui durerait toujours.

Oh ! J’en ai comme assez de tout et de moi-même,
Des plaisirs et chagrins mesquins et superflus,
De l'existence ici, méchante, basse et blême...
— Je voudrais m'en aller pour ne revenir plus.
Commenter  J’apprécie          90
L'ÂME DES RUES
Mardi gras


Le Mardi gras, falot comme un fantoche,
Met son faux-nez à l'huis, fait briller ses galons,
Siffle un air, et chacun, sautant sur ses talons,
Bâille et s'éveille avec une âme de gavroche.

Enflons de confetti quelque énorme sacoche ;
Le labeur de demain paiera les violons ;
Pendant trois jours entiers, vive la vie ! allons
Déambuler avec la bonne humeur en poche !

Les masques ont au bras les dominos fleuris
Et, sur l'arquelinade immense qu'est Paris,
Une neige en papier tombe, multicolore.

Cependant qu'imitant quelque souffle estival
Les serpentins fluets, comme une étrange flore,
Font aux arbres d'hiver flotter le carnaval.
Commenter  J’apprécie          110
Tempête d'octobre


Pour remplacer partout l'ancienne verdure
Par on ne sait quel iodure,

Les feuilles mortes ont de si belles couleurs
Qu'on peut croire qu'il pleut des fleurs.

Le féroce chasseur de la vieille ballade
Parcourt cette pourpre malade.

Taïaut ! C'est la tempête, au fond du lointain d'or,
Qui passe et qui sonne du cor.

Tout s'effeuille, se tord, s'enfuit. La forêt bronche,
Le vent immense arrache et jonche.

On dirait que plus rien ne va rester debout
Dans cette grande fin de tout.

Et l'on s'en va parmi cette ivresse farouche
En courant, en ouvrant la bouche,

Avec l'âpre désir, dans ces tourbillons d'or,
De voler comme eux à la mort.
Commenter  J’apprécie          60
Cinq Petits Tableaux.


V
Sous ce ciel pluvieux et rapide, l'automne
Reste flamboyante. Et le soir
Qui vient et fait cesser cet oiseau qui chantonne,
Le soir ne peut devenir noir.

Comme un vaste incendie allumé par les hommes,
Le paysage est empourpré.
Et tout le soleil reste en ce panier de pommes
Qui rutile au milieu du pré.

Rouge, rousse, orangée et jaune, et qui insiste,
La couleur ne veut pas mourir.
Parmi ce soir en flamme où j'aime tant courir,
Mon Dieu, comme mon cœur est triste.
Commenter  J’apprécie          60
Cinq Petits Tableaux.


IV
L'avenue au matin, cathédrale d'automne,
Découpe sur le ciel des vitraux flamboyants.
Une épaisse jonchée est aux deux bouts fuyants,
Rouge et jaune lueur dont le regard s'étonne.

Je m'avance sans bruit dans ce monde vermeil,
Et, sous les hauts tilleuls dont la masse s'allège,
Je regarde tomber partout, comme une neige,
Les rondes feuilles d'or et les ronds de soleil.

Menant ainsi dans l'ombre une marche étouffée,
Je trace dans cet or tant de minces sentiers
Que je crois en rentrant voir briller à mes pieds,
Miraculeusement, des bottines de fée.
Commenter  J’apprécie          150
Cinq Petits Tableaux.


III
Je te retrouve donc, solitude fleurie
Où l'on aime parler tout bas !
Voici l'effrayante féerie,
Les soirs où la chouette crie,
Où l'automne sonne le glas.

Disparate, autrefois, d'être une jeune femme
Parmi la funèbre couleur,
Malgré ce front triste et rêveur
J'avais tout l'été dans mon cœur.
— Maintenant, voici le vrai drame.

Il faudra lentement me faire une raison,
Hélas ! et que mon cœur connaisse
Qu'il tombe, autour de ma maison,
Et les feuilles de la saison
Et les feuilles de ma jeunesse….
Commenter  J’apprécie          10
Cinq Petits Tableaux.


II
À travers prés, à travers bois,
Commence la féerie étrange de l'année.
Partout où vont mes yeux, je vois
La grande automne empoisonnée.

Les branchages tordus et noirs
Sont lentement en proie à toutes les chimies.
Les dernières roses, blémies,
Fleurissent sur des désespoirs.

Dans la jonchée épaisse et rose,
Je m'avance, et mes pieds font un étroit chemin.
Et toute tremblante, à ma main,
Une feuille se décompose….
Commenter  J’apprécie          70
Cinq Petits Tableaux.


I
Sur les arbres et sur le sol,
Des feuilles, des feuilles !
Tout jaune, un petit arbre fol
Perd d'un seul coup plus de cent feuilles.

Rouges, jaunes, mauves et roux,
O palette claire !
Le grand vert des prés s'exaspère
Sous les branchages noirs et roux,

Et ce petit bouton de rose
Qui fleurit trop tard,
Brille dans un peu de brouillard,
Cœur frileux de l'automne rose….
Commenter  J’apprécie          90
Grisaille


Le ciel gris au vent court s'effilocher
À la pointe des clochers.

les arbres transis font leur triste roue
Sur les trottoirs gras de boue.

Que le mauvais temps pèse lourd aux cœurs
Qui promènent des rancœurs !

Oh ! marcher sans but ! Oh ! marcher quand houle
L'hiver terne sur la foule,

Seul, bâillant sa peine aux nuages fous
Qui s'en vont on ne sait où !...
Commenter  J’apprécie          40
Les papillons de nuit


Chacun renaît au crépuscule,
L'aile terne et le ventre roux ;
Et, dans le vent qui les bouscule,
Ils sortent sans bruit des vieux trous.

Leur quadrille va, vient, recule,
S'accroche à la haie en courroux.
Chacun renaît au crépuscule,
L'aile terne et le ventre roux ;

Et, lorsque le soleil bascule
Et meurt derrière les grands houx,
Lourd, à l'heure des loups-garous,
Comme un revenant minuscule,
Chacun renaît au crépuscule.
Commenter  J’apprécie          10
La sphinge


Notre pensée intime est un vaste royaume
Dont le drame profond se déroule tout bas.
Toute chair emprisonne un ignoré fantôme,
Toute âme est un secret qui ne se livre pas.

Et c'est en vain, ô front ! que tu cherches l'épaule,
Refuge en qui pleurer, aimer ou confesser ;
L'être vers l'être va comme l'aimant au pôle,
Mais l'obstacle aussitôt vient entre eux se dresser.

Car, au fond de nous tous, ennemie et maîtresse,
La sphinge s'accroupit sur son dur piédestal
Et tout épanchement de cœur, toute caresse
Soudain se pétrifie à son aspect fatal.

Sa présence toujours aux nôtres se mélange,
Sa croupe désunit les corps à corps humains ;
Au fond de tous les yeux vit son regard étrange,
Ses griffes sont parmi les serrements de mains.

Et lorsque nous voulons regarder en nous-même
Pour nous y consoler et nous y reposer,
La sphinge est là, tranquille en sa froideur suprême,
L'énigme aux dents et prête à nous la proposer.
Commenter  J’apprécie          10
Je suis la hanteuse...


Je suis la hanteuse des mers fatales
Où s'échevèlent les couchers sanglants,
Des mers basses ou hautes ou étales
Vers qui je crie du profond de mes flancs.

Ma solitude orageuse s'y mêle
Au désert du sable vierge de pas
Et où, sans craindre d'oreille, je hèle
Je ne sais quel être qui ne vient pas...

Oh, la mer ! la mer ! Toi qui es une âme,
Sois bonne à cette triste au manteau noir,
Et de toute ta voix qui s'enfle et clame,
Hurle ta berceuse à son désespoir !
Commenter  J’apprécie          10
Petit jour


       Tristesse du petit jour,
Frôlement aux carreaux mornes, morne filtrée ;
Aux volets joints clarté, comme de lune, entrée
Sans luisance à travers les fentes du bois lourd ;

       Tristesse du petit jour,
Lueur sans charme au fond de l'inerte campagne
Et qui, dans le silence, en silence aussi stagne,
Faible, laissant encor les choses sans contour ;

       Tristesse du petit jour,
Sur les villes sans bruit que le repos fait mortes,
Le sommeil n'ayant pas relâché leurs cohortes
Passantes, par la rue et par le carrefour ;

       Tristesse du petit jour,
Dans la chambre où vacille une lutte ennuyeuse
D'ombre burlesque avec la dolente veilleuse
Comme, au plafond, un ciel clair et noir tour à tour ;

       Tristesse du petit jour,
Sur les sommeils, néants dans les oreillers souples,
Sombres, naïfs, vénals, malades, ceux des couples,
Rideaux fermés, sommeils lassés, sommeils d'amour ;

       Tristesse du petit jour,
Sur la mer grise et large et largement étale...
Oh l'appel ! Oh ! le cri, parmi le brouillard pâle,
Trouble, double, que jette un bateau de retour !

Oh ! l'horreur de sortir des bons rêves mythiques,
D'avoir à vivre encore une fois tout un jour,
       O tristesse du petit jour
Sur l'ennui, large ouvert, de deux yeux spleenitiques !
Commenter  J’apprécie          20
Mystérieusement


La lenteur de tes pas que suivent les étoffes,
Au sol jonché ramasse une à une des fleurs
Et l'épode te montre au bout des antistrophes
Droite et debout, drapant ta souplesse aux ampleurs
De ta robe en qui meurt toute une gamme bleue
Fraîche de tant de fleurs dans les plis de sa queue.

Et les mille parfums doucement en allés
De ces calices, vont à ta gorge plénière,
Vont à la nudité de tes bras étalés
S'unir à la senteur de ta chair printanière ;
Et le désir humain qui rôde tout autour
De toi son rêve fou d'enlacement farouche
Confie à chaque fleur le baiser d'une bouche
Et dans chaque parfum met un aveu d'amour.
Commenter  J’apprécie          70
Printemps


Je voudrais évoquer à cause du printemps
Quelque rêve fleurant la joie et la tendresse
Où flâneraient des pas d'amant et de maîtresse
Ivres de leur amour et de leurs beaux vingt ans.

Car voici sur le bleu des ciels les aubépines,
Roses bouquets perdant au vent par millions
Leurs pétales mêlés au vol des papillons
Légers plus follement qu'un pas de ballerines.

Car voici susurrer les sursauts clapotants
Des ruisseaux clairs en qui ne dort aucune lie,
Et se mirer déjà quelque longue ancolie
Comme une étoile au fond du glauque des étangs.

Car voici les pigeons aux saluts réciproques,
Le cou gonflé d'amour et de roucoulement,
Et, comme un éventail étalé largement,
Ouvrir leur roue énorme et riche, les paons rauques.

Car les échos moqueurs aux gorges des coucous
Et les rires aigus d'hirondelles alertes
Et les cris des gibiers au sein des ombres vertes,
Tous les refrains qui sont au fond de tous les cous,

Tout ceci, tout cela, l'eau qui court, ce qui passe,
Le vent et la nuée en haut et le sous-bois
Et les champs et la route et les fleurs et les voix,
Toute cette harmonie et toute cette grâce,

C'est l'accompagnement haut et bas tour à tour
Qui soutient le duo de l'homme et de la femme,
C'est tout le renouveau chantant l'épithalame
Pour l'auguste union d'un couple dans l'amour !
Commenter  J’apprécie          60
Lucie Delarue-Mardrus
L'odeur de mon pays

L'odeur de mon pays était dans une pomme
Je l'ai mordue avec les yeux fermés du somme,
Pour me croire debout dans un herbage vert.
L'herbe haute sentait le soleil et la mer,
L'ombre des peupliers y allongeaient des raies,
Et j'entendais le bruit des oiseaux, plein les haies,
Se mêler au retour des vagues de midi....
Commenter  J’apprécie          50
À QUELQU’UNE


…Elle a l’œil triste et la bouche taciturne
Et quoique parfois ses essors soient très beaux,
Comme elle a bu le temps présent à pleine urne,
Elle se meurt de spleen, lambeaux par lambeaux.
Elle a l’œil triste et la bouche taciturne.

Son dos jeune a le poids du siècle à porter
Comme une mauvaise croix, sans cœur d’apôtre
Et sans assomption future à monter.
Voilà ce qu’elle est devenue et rien d’autre.
Son dos jeune a le poids du siècle à porter.

Mais le souvenir parmi d’autres lui reste
De vos mains qui la soignaient comme une fleur ;
Et si vous vouliez lui rendre votre geste,
Elle pleurerait son mal sur votre cœur,
Car le souvenir parmi d’autres lui reste.

Laissez-la quelquefois revenir encor
À vous, que charmaient ses yeux mélancoliques.
Vous vouliez, songeant déjà sa bonne mort,
La refaçonner dans vos doigts catholiques,
Laissez-la quelquefois revenir encor.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Lucie Delarue-Mardrus (29)Voir plus

Quiz Voir plus

De qui est cet extrait d’une œuvre littéraire ?

Sur un plat d’argent à l’achat duquel trois générations ont contribué, le saumon arrive, glacé dans sa forme native. Habillé de noir, ganté de blanc, un homme le porte, tel un enfant de roi, et le présente à chacun dans le silence du dîner commençant. Il est bien séant de ne pas en parler.

Marguerite Yourcenar
Marcel Proust
Marguerite Duras
Éric Chevillard

8 questions
11 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}