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Critiques de Lucien Jerphagnon (115)
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Histoire de la pensée d'Homère à Jeanne d'Arc

Il faut prendre son temps pour lire cet essai érudit et pourtant accessible puisque l'auteur nous emmène à la découverte des philosophes et des philosophies sur près de 2000 ans, des anciens Grecs à la fin du moyen-âge.



Lucien Jerphagnon les recense chronologiquement, ce qui pourrait laisser craindre un peu d'ennui. Mais cet exercice n'est jamais pesant car le professeur qu'il a longtemps été savait visiblement intéresser son auditoire !



Il alterne passages généraux, pleins de sel, et questions pointues, détaillées autant que de besoin.



Les idées se suivent et se ressemblent. En philosophie aussi la nouveauté du jour n'est jamais éloignée des intuitions et des travaux du passé. L'auteur rend souvent à César ce qui est à César. Nos anciens philosophes et théologiens n'avaient pas besoin de se préoccuper des emprunts, qu'ils s'attribuaient sans vergogne !



J'ai aimé le ton parfois malicieux de Lucien Jerphagnon, qui maîtrise son sujet de bout en bout.



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Connais-toi toi-même... : Et fais ce que tu a..

Il s'agit davantage d'un travail d'historien sur la longue et riche période de l'Antiquité qu'une étude où émergerait la formule mise en exergue avec ce titre un peu racoleur.

C'est donc un titre trompeur "à plus d'un titre", puisqu'il n'est nullement question de bien-être, de santé ou de pensée positive.



En effet le contenu conviendra parfaitement à un passionné d'histoire tant le propos est clair et son cheminement fluide respectant la chronologie.



Le récit commence sous la lumière grecque, avec Socrate, Platon, les sophistes et Plotin puis se développe sous Roma aeterna avec notamment Sénèque puis les Césars et se termine par un hommage vibrant à la vie de Saint Augustin sans qui, on le pressent, le christianisme ne serait pas ce qu'il est actuellement. Les points développés se concentrent finalement sur ce dernier mais aussi sur les sectes chrétiennes. Développements qui montrent l'intérêt de l'auteur pour la foi sans que cela ne tende vers le prosélytisme sinon le livre se serait comme fermé de lui-même entre mes mains.

Jerphagnon propose une lecture de l'Histoire que j'ai trouvée habile et instructive.



Ce qui prévaut pour les trois quarts du livre, voit une dernière partie plus confuse avec un changement radical de période, de style et de contenu.



Jerphagnon se départ alors de sa toge de vieux pédagogue malicieux pour enfiler le bleu de chauffe et se lancer frénétiquement dans l'explication des propos de philosophes plus récents: Jankélévitch et Bergson. Explications pour moi, peu convaincantes mais qui trouveront sans doute preneur chez des initié(e)s.



Mis à part ce dernier point, l'historien Jerphagnon s'appréciera ici grandement par le florilège de ses textes sur l'Antiquité.
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Histoire de la Rome antique : Les armes et ..

Une merveille d'érudition !



Et l'histoire de Rome est passionnante (on en fait même des séries télé !).

En plus, Jerphagnon est drôle. Au détour d'une phrase il sait balancer de petites piques qui font toujours mouche. J'ai vraiment ri en lisant ce petit bijou.



C'est LE livre à amener sur la plage cet été. Je vous assure que ça se lit tout seul.

Et franchement, ça fait classe au camping !
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Histoire de la Rome antique : Les armes et ..

Un excellent ouvrage de vulgarisation où l'auteur s'attaque avec intelligence et humour aux nombreuses idées reçues sur l'histoire de la Rome antique. L'ensemble est écrit simplement avec le souci de s'adresser à tous et pas seulement à des spécialistes. Il est cependant difficile de relater en moins de 600 pages une histoire longue de douze siècles, et le livre tient à la fois du pavé et du survol. La fin de la période avec sa succession d'empereurs donne même le tournis. L'auteur ne considère d'ailleurs lui même ce livre que comme une simple introduction à la Rome antique, et mentionne en fin d’ouvrage toutes les références pour qui veut aller pus loin.
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Histoire de la pensée. Tome 1 : Antiquité et Mo..

L'on apprend beaucoup à lire ce genre de livre. C'est un ouvrage exclusivement destiné à la philosophie, ou pour être plus précis, à l'histoire de la pensée, à savoir comment elle a débuté, et évolué au fil des premiers siècles. L'on ne peut pas passer à côté d'Aristote, pour ne citer que lui, sans doute l'un des penseurs les plus en vue à cette époque, encore étudié aujourd'hui.

A l'époque, les penseurs se risquaient à donner leurs avis sur les pensées humaines, au risque de finir emprisonné ou tué directement. Les écrits d'Aristote forment un tout philosophique, une oeuvre achevée trop tôt.

La question que l'on peut se poser, c'est de savoir si la pensée à réellement une histoire, son histoire, ou bien si son évolution rejoint celle de l'homme. Car sans l'homme, il n'y aurait pas de pensée.
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De l’amour, de la mort, de Dieu et autres b..

Comme souvent, je découvre un auteur au moment où il s’en va. Paru quelques semaines avant le décès de Lucien Jerphagnon, ce livre serait me probablement passé inaperçu. Il aura donc suffi que l’on parle de son auteur, pour aiguiser ma curiosité, et l’opportunité offerte par News Book pour le lire ; je l’en remercie ainsi que les éditions Albin Michel. J’aime de temps à autre délaisser le roman pour les choses de l’esprit.

Dans cet ultime ouvrage, le philosophe s’est entretenu avec Christiane Rancé, journalistes chef de service « enquête » au Figaro, essayiste, et romancière. Il y a autant de chapitres que de thèmes abordés, qu’ils soient sérieux ou plus légers, d’où les autres bagatelles du titre. J’ai trouvé la conduite de l’entretien très vivante, avec une grande variété de type de question.

Si les grandes questions philosophiques me restent encore et toujours de l’ordre de l’inaccessible, j’ai apprécié la volonté de l’auteur d’être compréhensible. J’ai diversement goûté aux sujets abordés, mais, ce genre d’ouvrage me réconcilie avec la philo.

Lucien Jerphagnon revient sur toute une vie dédiée non pas à la philosophie, mais à l’histoire de la pensée, comme il l’explique modestement : « En tant que philosophe, je ne me voyais pas créer un étage supplémentaire à la tour de Babel. » Mais c’est sur toute une vie qu’il revient en distillant tout au long de sa réflexion, sagesse et bon sens.

« Nul ne souffle plus haut qu’il n’a l’esprit »

En effet, au-delà de la consistance du propos, j’ai trouvé ce livre reposant, amusant par moment. Et ceci sans céder à la facilité de langage, semant, ici où là ses entretiens de locutions latines, et grecques.

Commenter un essai, philosophique, est délicat… à vrai dire un peu angoissant. Je ne sais pas trop si j’ai réussi à me faire comprendre. Si certains peuvent appréhender l’abord d’un tel ouvrage, il peut facilement se picorer, se lire dans le désordre, par petits morceaux, au milieu d’autres lectures. Il n’a rien de pompeux, ni d’intello tout en étant intellectuellement relevé, et abordable. Parole de quelqu’un qui n’a pas encore les clés de la "maison philosophie".






Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Au bonheur des sages

Un ouvrage où brillent intelligence et érudition, une bouffée d'air frais en des temps obscurs.



L'écriture de Lucien Jerphagnon est limpide et emmène le lecteur avec patience, humour et pédagogie, malgré des citations en grec et en latin pas toujours traduites. Mais il est bon d'exercer son esprit en tentant de déchiffrer, et de chercher à comprendre par soi-même.



L'essentiel du propos de chaque essai est de relire les textes des auteurs romains, historiens ou poètes, des plus anciens au plus proches de l'effondrement de l'empire, en fonction des sous-textes, symboles et sens cachés qui peuvent échapper aux humains modernes. Nous sommes tellement habitués à considérer, à revendiquer même, qu'un récit soit authentique, et basé sur des faits, que nous pouvons faire des contresens et passer à côté de l'essentiel.



C'est pourtant ignorer d'autres préoccupations, politiques, religieuses ou morales qui conduisent les auteurs antiques à user de thèmes ou de motifs tellement récurrents qu'ils posent question : pourquoi les philosophes meurent souvent si vieux, alors que l'espérance de vie ne dépassait pas 35 ans ? Pourquoi tant de morts infamantes ou ridicules ? Pourquoi les philosophes sont si souvent présentés comme des personnages dont la vie contredit les principes, plus souvent parasites, pauvres et crasseux que modèles de vertu ? Quelle a été l'influence réelle de la philosophie et des philosophes sur les empereurs romains ? Pourquoi autant de personnages stupides dans les premiers dialogues de Platon ? Et quelques autres, tout aussi passionnantes.



La connaissance profonde des textes et de l'histoire romaine par Lucien Jerphagnon éclaire chaque essai de ce recueil et en font un bonheur de lecture.

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Histoire de la Rome antique : Les armes et ..

C'est un peu l'Histoire Auguste en version light. César, Titus, Marc-Aurèle, Caracalla, Héliogabale se succèdent dans cet ensemble de biographies qui ne peut que donner envie de creuser davantage suivant ses affinités. Le style est plutôt professoral et très recherché.
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Histoire de la Rome antique : Les armes et ..

C'est un excellent livre pour apprendre à connaitre l'histoire Romaine. Ce livre fait surtout référence à l'histoire politique de Rome et l'histoire de la pensée et de l'art de la Cité Éternelle. L'auteur nous met souvent en garde contre les parallèles et les conclusions trop faciles. De plus, il met à la disposition des lecteurs une énorme bibliographie qui permettra d'approfondir certains sujets à ceux que ça intéresse. Comme plusieurs livres d'histoire, l'auteur passe par dessus certains sujets et fait un survol rapide sur d'autres. Il faut se dire qu'on ne fait pas le tour d'au dessus de 1000 ans d'histoire en 600 pages. Des choix se sont imposés et je crois personnellement qu'il a fait les meilleurs en fonction d'une bonne vulgarisation. Cela permettra aux lecteurs qui connaissent peu l'histoire de la Rome Antique de ne pas trop se perdre. En conclusion, je recommande ce livre à tout ceux qui veulent vraiment découvrir cette période d'histoire.
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Connais-toi toi-même... : Et fais ce que tu a..

Lucien Jerphagnon a un humour qui sert à conter l'histoire antique (grecque et romaine) ; notre histoire. Car comment ne pas discerner dans notre urbanisme, nos institutions la "patte" de ce passé. Un monde grec avec ses cités-Etats telles qu'Athènes, ses mythes, ses esclaves ; Pythagore "l'inventeur" de la philosophie, Socrate et Platon, les plus connus des philosophes grecs.

Rome a vécu mille ans avant de "lâcher" sa dominations politique et militaire. Mais les termes République et Empire sont restés vivaces. Les romains s'approprient les Dieux et l'art de vivre hellénistiques. Le polythéisme doit faire face à un nouveau venu le Christianisme qui dans un premier temps est combattu avant d'être adoubé par l'empereur Constantin. Malgré les querelles intestines des premières sectes chrétiennes, le monothéisme grandit. La foi se révèle à des hommes comme Augustin d'Hippone qui devient St Augustin.

Lucien Jerphanon nous livre aussi les ramifications de la philosophie antique pour notre société contemporaine en convoquant Bergson qui se questionne sur les conditions du penseur. Il termine par le cinéma et ses représentations de cette âge remarquable.
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Les dieux ne sont jamais loin

Ce livre est tout d'abord passionnant pour ceux et celles qui aiment lire hors sentiers battus. L'auteur, Lucien Jerphagnon, est un professeur émérite des Universités, qui possède un style clair et parfois ironique qui nous capte avec brio dans ce que l'Homme a le plus profondément ancré en lui, sa relation avec la nature et la mort, qui se traduit dans l'ensemble des mythes.

Comment à travers les âges, l'homme développe et assimile ce qui l'entoure pour donner un sens à son existence.

Des Grecs avec le polythéisme que l'on connaît, qui manie avec sagesse un certain équilibre entre surnaturel et raison. La coupure advient quand apparaît le monothéisme (christianisme et islamisme principalement), qui se base essentiellement sur la religion et la science, laissant peu de place au besoin profond de l'homme de donner du merveilleux et de l'espoir dans sa vie pour mieux affronter la mort.
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Connais-toi toi-même... : Et fais ce que tu a..

Ce n’est pas en connaissance de cause que j’ai ouvert cet ouvrage.



Pour moi la formule évoquait Saint Augustin, une figure que j’apprécie et je suis donc plongée sur l’ouvrage sans l’examiner plus avant.



Je suis donc restée quelque peu perplexe en me retrouvant avec un ouvrage de philosophie entre les mains…il y a longtemps que je n’ai plus ouvert un manuel de philosophie.



J’ai dû m’aider du dictionnaire maintes fois, cependant la lecture de monsieur Jerphagnon est fort plaisante et sa façon de nous prendre la main pour nous emmener à la découverte de l’histoire des idées et des idéaux transformerait le pire des cancres de la classe de philo en érudit.



Parfum de collège et de syllabi, nostalgie, rires, pensées et sourires, c’était là un beau moment de lecture



Monsieur Jerphagnon ce livre fait de vous un « O capitaine, mon capitaine » pour l’élève avide de découvertes que j’étais restée sans le savoir.

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A l'école des Anciens : Portraits et préférences

Un livre très intéressant mais également très ardu. J'ai du à maintes reprises me plonger dans le Grand Larousse et autres dicos de définitions pour préciser du vocabulaire parfois obscur pour moi et c'est aussi ce qui a rendu cette lecture agréable car un vrai parcours d'apprentissage de grands noms de la philosophie. Au travers le portrait de Socrate, Plotin, Saint-Augustin et autres, on parcourt une histoire de la philosophie assez fascinante (être philosophe dans l'Antiquité ne ressemble en rien à être philosophe au XXIème siècle, soyons clair!) et qui, finalement, dirige bien plus que l'on veut bien le voir notre vie quotidienne, dans le sens où des courants de pensées nous suivent implicitement.

Une première partie qui rappellent à tous les cours de Terminale, en reprenant les théories des grands penseurs tels Héraclite, Socrate, les Épicuriens, le Platonisme, le Stoïcisme et le Néoplatonisme.

Puis, Lucien Jerphagnon nous parle des disciples de ces philosophes, leur vie, ce que c'était qu'être philosophe dans l'Antiquité, partie courte mais très intéressante.

Et suite à cette "introduction" pourrait-on dire, on s'enfonce dans le dur, le vrai, la vie et la philosophie de Plotin, homme du IIIème siècle et dont L.Jerphagnon est un grand connaisseur. Partie parfois très compliquée que j'ai mis du temps à lire car voulant tout de même comprendre un minimum de ce que l'auteur me racontait mais dans l'ensemble bien vulgarisée et comportant même des touches d'humour qui allège le propos dense et spécialisé.

Et enfin, l'auteur nous entraîne avec Saint-Augustin et se plaît à le présenter non comme un homme qui s'est converti du jour au lendemain, comme la "légende" le voudrait, mais qui a suivi tout un parcours de pensées et de réflexion grâce à divers auteurs que le livre nous fait suivre également (de façon plus condensée évidemment mais tout aussi intéressante!).

Pour finir ce livre compliqué et plaisant à la fois, on nous livre un échange de lettres avec un ami de L.Jerphagnon et que ces échanges sont drôles et spirituels!!

Un livre sur la connaissance de nous-même au travers de grands noms de la philosophie antique qui m'a beaucoup plu même si parfois, comme je l'ai déjà mentionné, le niveau était trop élevé pour mes petits neurones!
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Histoire de la pensée d'Homère à Jeanne d'Arc

Pour apprécier un paysage, un panorama, et être capable de le décrire dans tous ses aspects, de le « comprendre », d'en mesurer l'étendue, la profondeur, il faut le considérer sous différents angles, de différents lieux, de différentes hauteurs et points de vue. Il faut se rapprocher pour observer certains détails puis prendre du recul pour mieux appréhender l'ensemble. Il en est de même pour acquérir des connaissances dans n'importe quel domaine, comme par exemple en philosophie. Ce n'est pas à la première lecture d'un texte expliquant une notion que l'on peut acquérir une connaissance intime d'un sujet. Il faut aborder la question sous différents angles, les divers points de vue qui permettent une telle approche sont l'histoire et la chronologie (pour les faits), la biographie (pour les personnages), le vocabulaire, l'étymologie, les concepts (pour les idées). Cette approche thématique doit être élargie à la lecture d'autres ouvrages traitant du même sujet par des auteurs différents et ceci à des niveaux de complexité progressifs. Trop souvent nous buvons à la même source, il faut varier les endroits, goûter à plusieurs fontaines pour comparer et apprécier. le livre de Lucien Jerphagnon « histoire de la pensée » s'inscrit dans cette démarche en embrassant de manière très large l'histoire des hommes avec comme fil conducteur l'évolution des idées depuis les premiers temps d'Homère à Jeanne d'Arc. Il s'intéresse à tous les courants de pensée, mais aussi aux hommes qui en sont les principaux représentants ainsi qu'aux contextes historiques dans lesquels ils se sont développés. Ce parcours est jalonné de personnages, d'évènements, d'anecdotes et de faits historiques nombreux qui nécessitent de la part du lecteur un minimum de concentration, mais surtout d'un peu de détermination pour prendre le temps d'assimiler cette masse d'information (il faut étaler cette lecture sur une dizaine de jours compte tenu de recherche de complément d'information que l'on peut être incité à faire). L'auteur parvient à maintenir l'intérêt du lecteur par la clarté de ses démonstrations la qualité de son style et aussi grâce à un sens de l'humour toujours présent pour tempérer un peu le sérieux des propos :

« Timon de Phlionte (325-235) buvait sec... Homme de haute culture, il lisait Homère tous les soirs avant de — à moins que ce ne fût pour — s'endormir. » (page 221).

 Ce livre constitue une excellente approche de la philosophie, car il ne se limite pas à l'énumération aride des principes et des écoles philosophiques, mais nous parle aussi de l'évolution des sociétés humaines, du parcours de vie et de la personnalité des principaux penseurs. C'est donc une synthèse, une vue d'ensemble qui montre le cheminement siècle après siècle, avec parfois ses lenteurs, ses fulgurances, ses retours en arrière, d'une marche vers une vérité que chacun pense avoir trouvé avant qu'un autre ne démontre qu'elle est inaccessible. C'est un ouvrage de bonne vulgarisation qui ne se contente pas de résumer et de simplifier, mais qui fournit dans un langage clair tous les matériaux utiles à chacun pour se forger une opinion, et pour éveiller sa propre pensée. Ainsi que le dit l'auteur : « Le propos de ce livre est de donner accès à l'histoire de la philosophie de l'Occident. Je m'abstiendrais de truffer mon propos de notes avec grec et latin à tous les étages, car je n'écris pas pour les philosophes, mais pour tout le monde. » (page 24)

 Lucien Jerphagnon, philosophe et historien de l'antiquité, spécialiste de la pensée grecque et romaine, est reconnu comme un grand pédagogue, un passeur de savoir. Loin d'une terminologie élitiste et confuse, il agrémente son récit de conseils et de points de vue personnels sur la manière d'aborder la philosophie et les philosophes :

« Il existe un grand décalage des modes de pensées entre l'antiquité et aujourd'hui, même entre Descartes et Berson. on ne peut donc pas lire un texte ancien en y appliquant nos cadres de pensée. » (page 29)

« Un philosophe et un Monsieur qui veut comprendre, et qui un beau jour estime qu'il a compris — et qui le fait savoir ». (page 18)

« Les philosophes ne s'entendent pas très bien entre eux. » (page 18)

« Les philosophes ont tous raison de leur point de vue et pas tout à fait raison ou franchement tort du point de vue des autres. » (page 527)

 Il sait rassurer le lecteur qui pourrait éprouver une certaine honte à ne rien comprendre à certains philosophes ou théories en expliquant que les textes anciens sont écrits dans une langue archaïque d'une traduction difficile effectuée à l'aune de théories contemporaines aux traducteurs et qu'il faut donc rester modeste dans leur interprétation.

 Il admet lui-même le degré de complication voire d'obscurité de ce qu'il nomme « des élucubrations philosophico-théologiques » ce qui l'amène à un certain scepticisme quant au rayonnement supposé de certaines théories philosophiques dans les masses. Il dénonce des thèses qui peuvent paraître au lecteur d'aujourd'hui, « carrément loufoque ». En ces temps reculés on raisonnait en termes d'essence, de nature, de propriétés fondamentales de la matière, de trinité, pourquoi pas de sexe des anges, autant de sujets et surtout de manière de les aborder très hermétique pour l'homme moderne. Grâce aux précautions de l'auteur, le lecteur rentre donc dans cette aventure, décomplexé et prêt à en recevoir la substantifique moelle.

 Que retenir de toute cette aventure, qui n'est d'ailleurs pas terminée. Aux origines il y a la Grèce, un pays dont l'ensoleillement permanent favorise l'observation du ciel étoilé. le vertige et l'émotion ressentie face à ce spectacle a peut-être contribué à développer chez ses habitants, la méditation et l'interrogation sur le monde. Il est intéressant de constater que Siddhārtha Gautama, le fondateur du bouddhisme, et les grands représentants de la philosophie de l'extrême orient (Lao Tseu, Confucius) ont développé leur doctrine à la même époque que les grands penseurs grecs . La Grèce est aussi le pays des mythes dont la plupart reposent sur un texte : « La théogonie d'Hésiode » dont Homère s'est sans doute inspiré pour écrire l'Iliade et l'Odyssée. Tous ces mythes ont des ramifications avec des textes encore plus anciens comme l'épopée de Gilgamesh. Puis viendront les poètes latins Virgile (l'Enéide), Ovide (« Les métamorphoses »). le mythe était un état d'esprit qui permettait de conjurer les angoisses et de créer un certain type stable de culture. La conscience philosophique est issue de la conscience mythique. « C'est ainsi qu'aux VIe-Ve siècle av. J.-C., dans le monde grec, se manifeste l'ébauche d'une rationalisation de l'expérience : la philosophia. » (page 42). À cette époque on passe du mythe à la raison, mais les premiers philosophes sont encore des demi-dieux qui s'adressent aux hommes en vers, la parole est magique. Ils s'intéressent à l'origine du monde et à la nature.

 Thales (vers 625-620 av. J.-C) est l'un des premiers à rechercher une substance primordiale à l'origine du tout. C'est une démarche scientifique, plus exactement de physiologue. Pour Thalès cette substance première c'est l'eau, pour les philosophes qui lui succéderont ce sera l'air (Anaximene), le feu (Héraclite), la terre ou les quatre réunis (Empédocle). Les philosophes (le mot a été créé par Pythagore) prennent quelques distances avec les mythes. Avec Pythagore la notion de « Cosmos » (monde organisé) s'oppose au « Chaos », le tohu-bohu originel de la genèse. Il considère que les nombres régissent le monde. Puis viennent les sophistes, ce sont des professeurs qui enseignent aux enfants de la haute société l'art de la parole pour devenir avocats ou politiciens (Protagoras, Gorgias). La vérité objective n'est pas le but recherché par les sophistes, ils veulent surtout développer la capacité d'argumenter pour convaincre.

 Socrate (470-399 av. J.-C.) est considéré comme le père de la philosophie. Rejeté par la classe politique, il sera condamné à boire la ciguë pour avoir, par ces idées jugées nocives, « corrompu » la jeunesse. Il s'intéresse à la morale, à l'éthique, il est opposé aux sophistes. Pour lui, le beau et le bien existent objectivement, indépendamment du sujet. On connaît sa pensée grâce à son élève Platon, qui va s'attacher, après la mort de son maître, à redresser le jugement politique de ses contemporains en recherchant des vérités solides sur lesquelles asseoir les décisions politiques. Pour Platon le monde des idées est fondamental, si le beau, le bien et le juste existent c'est grâce à l'idée que l'on s'en fait et qui nous permet de la concrétiser par des actes soumis à ces idées. La pensée de Platon est résumée dans son « mythe de la caverne » que Lucien Jerphagnon prend le temps de bien expliquer. Pour Platon seules les idées sont réelles, tout le reste n'est qu'illusions. Sa doctrine va être exploitée par le christianisme et va conduire au rejet du corps au profit de l'âme qui s'élève vers Dieu. À cette époque, les grands philosophes grecs ont encore un pied dans la mythologie, Pythagore est considéré comme un demi-dieu, un descendant de Zeus, Platon serait le petit fils d'un roi légendaire d'Athènes et Aristote est issu du demi-dieu Esculape.

 Aristote (384-322 av. J.-C.), précepteur d'Alexandre le Grand, est un savant. Il a une démarche empirique, il observe puis classe les phénomènes. Il va remettre en cause le système de Platon dont il a été l'élève (à l'académie). Il va créer sa propre école « le lycée » pour combattre les théories monistes des présocratiques.

 Après Aristote les philosophes vont s'occuper plus du bonheur individuel que de la cité. Épicure  (342-270 av. J.-C) voulait se délivrer de la crainte des dieux et de la peur de la mort. Pour cela il va énoncer le principe selon lequel « La mort n'est pas à craindre, car quand je suis vivant la mort n'est pas là et quand elle est là je n'y suis plus. »

 Pour Épicure le plaisir c'est l'absence de douleur, c'est ce que doit rechercher le sage : « Ne rien désirer trop fort. Pour faire bombance, il lui suffisait d'un rien de fromage et d'un quart de vin. » Un précurseur des théories sur la décroissance.

 Jerphagnon nous parle ensuite des Romains : Cicéron, Lucrèce, Sénèque, Epictète… Puis vient le temps du christianisme, cette religion va devenir dominante en occident. Elle écarte pour un long moment les philosophes, c'est Saint-Augustin (354-430 ap. J.-C) qui va s'imposer dans le monde des idées jusqu'au XVIIIe siècle. Sa philosophie est fondée sur le platonisme. Il va mettre en évidence la convergence entre platonisme et christianisme. La chute de l'Empire romain et les invasions barbares vont faire oublier progressivement les philosophes grecs et leur tentative de penser le monde rationnellement. Ces évènements entraînent l'oubli des grands penseurs grecs et romains au profit d'un sentiment religieux qui s'est répandu dans le monde du IVe siècle jusqu'à la fin du moyen âge. La bible devient presque l'unique texte de référence pour tous les lettrés. Pendant cette longue période, la religion est considérée comme la vraie philosophie. Tout juste admet-on que la philosophie doit être la servante de la théologie. «  Une bibliothèque doit contenir la bible et rien d'autre. » (page 392). C'est le temps des cathédrales. le rationalisme d'Aristote est écarté il faudra attendre Saint-Anselme, Saint Thomas d'Aquin et plus tard Descartes et la renaissance pour renouer avec la dialectique des philosophes antiques sur lesquels vont s'appuyer, en renouvelant leurs idées, les philosophes modernes. Ce retour à une pensée rationnelle favorisa une certaine prise de liberté avec les dogmes de l'église. En réaction, pour combattre les hérétiques, l'Église catholique va créer au XIIIe siècle une juridiction spécialisée : l'inquisition. Seul le christianisme va permettre d'assurer une certaine stabilité et cohérence des sociétés. Il va se développer au détriment de la culture gréco-latine. Après cette longue éclipse, Aristote reviendra en faveur notamment grâce aux philosophes arabes grands lecteurs d'Aristote, Al-Kindi, Avicenne et Averroès. Saint-Thomas d'Aquin (1225-1274) tente une synthèse de la raison et de la foi, il cherche à concilier la pensée chrétienne et la philosophie d'Aristote.

 J'ai eu un peu de mal à m'intéresser à la philosophie des pères de l'Église les spéculations sur la nature de l'âme, de dieu et les débats sur la trinité échappent à ma compréhension. L'un de leurs principaux représentants, Saint Augustin, semble pourtant avoir marqué non seulement son temps, mais les siècles suivants. Si je résume ses travaux il a développé l'idée de l'enfer, du péché originel, il a interdit l'accès au paradis pour les enfants non baptisés ou les païens quand bien même leur vertu serait établie, il prétend également que la foi est essentielle pour comprendre le monde « il faut croire pour comprendre », « Crois et tu comprendras ; la foi précède, l'intelligence suit ». L'influence de Saint-Augustin sur la doctrine du christianisme a sans doute été fondamentale, mais je ne vois pas en quoi ces idées ont pu faire progresser la pensée philosophique. Sans doute que mes connaissances sont trop rudimentaires encore pour porter un jugement valable, je m'en tiendrais donc à ces quelques impressions. le dogmatisme qui s'impose dans le domaine de la religion me gêne un peu, je rejoins sur ce point le camp des sceptiques.

« À l'aube du 13e siècle, les ingrédients se trouvent réunis d'un puissant, d'un irrépressible renouveau de la spéculation philosophique. Elle ne s'affranchira évidemment pas du cahier des charges imposé par le christianisme, mais elle se verra reconnaître un territoire précis, où la raison exercera ses pouvoirs en toute autonomie à la condition expresse de ne jamais outrepasser ses frontières. » Page 423

 Que dire pour conclure ? Anaximandre (vers 610 av. J.-C. — vers 546) pensait que les humains descendaient des poissons (c'est une thèse qui est toujours d'actualité), Thales de Milet (Vers 625-620 avant J.-C) estimait que l'univers était infini, Démocrite (vers 460-370 av. J.-C) expliquait que la matière était constituée d'atomes, Aristarque de Samos (vers 310-230 av. J.-C.) avait compris que la Terre n'était pas le centre de l'univers il avait aussi calculé les diamètres de la Lune et du Soleil, relativement à celui de la Terre, et la distance de la Terre au Soleil. On peut se poser la question de l'essor qu'auraient pu prendre de telles intuitions géniales si la pensée n'avait pas été enfermée dans le raisonnement religieux et les discussions infinies sur la nature de la trinité à l'aube du premier millénaire. Cette domination du religieux était déjà en puissance au temps où Socrate était éliminé en raison de sa prétendue impiété.

 Lucien Jerphagnon pose sur la philosophie un regard lucide, amusé, érudit, parfois ironique, mais toujours au service de la passion des idées et de la transmission des savoirs. Je ne regrette pas ce long voyage qui m'a ouvert de nombreuses perspectives de lectures. Je dois d'ailleurs constater un paradoxe ; plus je lis et plus ma liste de livres à lire s'allonge. La connaissance semble susciter plus d'interrogations qu'elle n'apporte de réponses.



Vocabulaire :

Antilogie : L'antilogie consiste en une contradiction ou incompatibilité entre deux idées ou deux opinions dans une même phrase ou un même texte. C'est aussi le fait de soutenir avec le même brio une thèse et son contraire comme savent le faire les sophistes.

Apophatique : Se dit d'une théologie qui approche de la connaissance de Dieu en partant de ce qu'il n'est pas plutôt que de ce qu'il est.

Anagogique : Interprétation des Écritures, par laquelle on s'élève du sens littéral au sens spirituel.

Simarre : 1 (anciennement) Longue robe d'homme ou de femme, faite de riche étoffe. 2 Partie antérieure de la robe des magistrats.

Numineux : Phénomène que l'on ne parvient pas à expliquer de manière rationnelle, et qui par conséquent laisse à penser qu'il est relatif au divin.





Bibliographie :

— « Histoire de la pensée, d'Homère à Jeanne d'Arc », Lucien Jerphagnon, Pluriel (2017), 528 pages. Cartes et bibliographie détaillée en fin d'ouvrage.

— « La philosophie pour les nuls », Christian Godin, First Editions (2010), trois volumes. Ouvrage de vulgarisation rédigé dans un style détendu. Très complet et didactique. La mise en page est particulièrement agréable et le plan bien structuré.

— An
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Au bonheur des sages

Ce recueil d'articles de Lucien Jerphagnon intéressera le lecteur aimant l'histoire romaine, non des événements, mais des idées, des mythes et des personnes. La vaste compétence de l'auteur se dissimule sous un ton familier de conversation amicale, qui allège le propos mais n'ôte rien de sa richesse. On sera attentif aux références qu'il a soin de donner, et qui ouvrent la voie à d'autres lectures, en particulier des sources antiques, abondamment citées, mais aussi du dernier état de la recherche historique et philosophique. Ce livre est aussi le meilleur moyen d'entrer dans l'oeuvre même de Lucien Jerphagnon: il récapitule sous forme de courts articles les thèses majeures de ses livres plus volumineux sur l'Histoire romaine, la figure de l'Empereur et du sage, la place du mythe et de la raison à Rome.
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Julien dit l'Apostat

L'empereur Julien a toujours excité les passions et l'imagination. Sa mort même a inspiré des légendes, noires ou dorées, suivant la religion des biographes. « Un Julien de plus !... », dira-t-on. Mais la tâche était d'autant moins aisée que, depuis l'abbé de la Bletterie (au temps deVoltaire), le sujet est rebattu. Est-ce à dire qu'on en connaît mieux Julien « dit l'Apostat » ? le mérite de L. Jerphagnon est de nous en proposer une analyse pour ainsi dire intime, de nous aider à comprendre Julien de l'intérieur, depuis l'enfance, en raison même de cette enfance orpheline, mais nourrie d'Homère par l'excellent Mardonios, comblée de soleil et de nuits étoilées, d'arbres, de vignes et de senteurs dans le jardin d'Astakia. Ce livre n'a rien d'une réhabilitation apologétique. L'auteur décèle et démasque sans complaisance les graves défauts de cet « adolescent prolongé », de ce « khagneux » pédant et naïf comme une colombe, de ce moine païen si peu philosophe au fond, malgré le surnom qu'on lui a donné (pour le distinguer du minable Dide-Julien).



Mais L. Jerphagnon souligne aussi très justement sa sincérité. Il nous explique le personnage dans toute sa complexité biographique et intellectuelle. Convaincu d'avoir été prédestiné par les dieux (surtout par le Soleil qu'adoraient ses ancêtres) et investi d'une mission pour guérir le monde romain, Julien a tenté une « révolution culturelle » avec toute l'ardeur qui animait son « totalitarisme spéculatif ». Même dans sa campagne malheureuse et mortelle contre les Perses, c'était « la philosophie grecque, bottée et casquée » qui était censée marcher contre l'ennemi. Trop Romain pour les Grecs, trop Grec pour les Romains, ce passéiste sublime dérangeait autant les païens que les chrétiens. Son paganisme inquiet, bardé d'occultisme, de théurgie et de néoplatonisme mal assimilé, ne ressemblait guère à celui du « divin Jamblique », dont Julien se réclame intensément. Quelques portraits approfondis et nuancés nous éclairent indirectement ou par contraste celui de l'héroïque réactionnaire : Constance II, un « grand patron », quoique antipathique ; la belle et stérile Eusébie, ambiguë et redoutable ; le vieux Libanios, toujours enthousiaste et pourtant modéré. Avec toute sa sympathie critique, L. Jerphagnon nous offre donc un Julien plus attachant que celui des laudateurs inconditionnels, un Julien revécu au jour le jour, jusqu'au jour où « la nuit tombait doucement sur ses rêves ». Vif et vibrant, ce livre se lit d'un trait.
Lien : https://www.lucienjerphagnon..
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Histoire de la Rome antique : Les armes et ..

Reprise d'une critique que j'ai faite sur mon blog en 2013, elle-même déjà une version remaniée de mes notes.



Lucien Jerphagnon (1921-2011) n'est pas un historien, mais un philosophe. Spécialiste de l'antiquité et du moyen âge, il a gratifié les historiens d'une Histoire de la Rome antique fort utile. Il n'aborde pas cette histoire d'un point de vue d'historien, mais d'un point de vue de philosophe. Il utilise, bien sûr, les mêmes méthodes de recherches que celles des historiens, mais il oriente autrement son propos. Il veut aider ses étudiants à contextualiser, à se faire une idée du cadre social, politique et surtout culturel dans lequel vivait Cicéron, Marc Aurèle, et tous les autres.



Trois de ses livres sont, ou seront sans doute des classiques : Histoire de la Rome antique (2002), Les dieux ne sont jamais loin (2006) et Au bonheur des sages (2007). C'est le premier qui va nous intéresser ici. Je l'ai lu relativement vite, avec un réel plaisir, et avec aussi, c'est important, avec cette soif de connaître qui m'anime parfois. le livre n'est pas autre chose qu'une « Introduction à l'histoire de la Rome antique », c'est-à-dire un aperçu, une fresque, et donc, naturellement, et Jerphagnon ne le cache pas, une fresque incomplète.



Le début de l'Introduction donne une idée de ce que veut l'auteur : remettre les choses à leur place en donnant des connaissances aux lecteurs. Pour moi qui en étais au stade des préjugés, c'est un excellent livre. de plus, je dois le dire, j'ai souvent été outré par certains propos tenu sur le moyen âge, les Mérovingiens (des monstres attardés pour certains), etc., etc. Penser que les hommes du moyen âge (période qui s'étale sur dix siècles !) sont tous des pauvres paysans opprimés par des seigneurs féodaux, des pilleurs, des brigands, des incendiaires, reste une vision assez limité de la réalité. Entre Charles Ier le Grand (768-814) et Charles VIII l'Affable (1483-1498) il y a tout de même une différence de culture, d'époque, de manière de penser, de façon d'être en société, etc., etc. C'est cela que Jerphagnon veut nous montrer avec la Rome antique.



De Romulus à César il y a déjà sept siècles de différence, et de César à Clovis il y en a cinq. Si l'on imagine déjà la différence qu'il y a entre l'époque de Charles VIII à celle de Louis XIV (1498 à 1715) elle est énorme. Il y a, nous Français de 2018, presque trois siècles qui nous séparent de la mort de Louis XIV. Il faut retenir de cela que le temps, la notion du temps, c'est quelque chose d'important en Histoire. Il ne faut jamais l'oublier. Cela permet d'éviter les amalgames. Par exemple : César était un dictateur lettré. Napoléon III est le parfait exemple de cet accaparement de l'Histoire pour se forger une image. C'est une récupération. Il est donc nécessaire de faire la part des choses.



Jamais César n'aurait pu prévoir que 19 siècles plus tard il servirait de modèle aux bonapartistes. le contexte politique, économique et social était différent. La mentalité était différente. Les moeurs et coutumes étaient différentes. le droit était différent. La langue et la religion était différentes, etc., etc. En un mot, rien ne relie César à Napoléon. Rien ? Si pourtant. Une sorte de fascination de Napoléon pour l'idéologie de César. D'ailleurs, les historiens qualifient le régime de Napoléon III de "césarisme".



Le livre de Jerphagnon n'est donc pas un simple livre d'Histoire, même si le style, celui du philosophe, est parfois jargonneux, mais c'est un véritable voyage dans le temps vitesse grand V...



« Cela dit, nous explique notre auteur, je serais atterré qu'on me prêtât la prétention de présenter ici le livre idéal qui suffirai à tout : "Prenez et lisez, etc." Par tous les dieux ! Il faudrait être paranoïaque ou à peu près inculte. Plus modeste infiniment est mon intention : offrir quelque chose comme une approche de la Rome antique. Je la destine non point à mes collègues spécialistes, qui n'en ont aucun besoin, mais à tous ceux qui auraient envie de prendre une vue cavalière sur ces douze siècles qui préludent à notre propre civilisation. (...) Voilà pourquoi j'ai essayé d'être aussi complet que possible, et moins ennuyeux qu'il se pouvait. (...) Cela devait être rédigé aussi simplement que possible, comme une histoire qu'on raconte, afin que tout être raisonnable pût y avoir accès, et peut-être même y trouver plaisir. » (p. 17, 18-19)



L'Introduction a été écrite en mars 1987 comme l'indique l'ouvrage... Seulement, le contenu du livre a été revu et complété par l'auteur pour cette édition de 2002 (celle que j'ai lu). Il y a eu d'autres éditions avant la mort de l'auteur et je ne sais pas si elles sont aussi revues et corrigées.



Le monde des idées et des pensées côtoie le monde des dates, des grands hommes, et cela avec une facilité déconcertante... Par exemple, voilà ce qu Jerphagnon écrit sur le siècle d'Auguste (le Ier après notre ère) : « Peu de siècles, quand on y songe, auront rassemblé autant de cartes maîtresses, autant de gloires dans les lettres, les arts, l'histoire et ce qu'on peut appeler, toutes choses égales d'ailleurs, la science. C'est vraiment le Grand Siècle. » (p. 222)



Après Auguste, et ce siècle d'or, Tibère. le IIe siècle apporte un autre style, une autre manière de penser : c'est l'époque du prince-philosophe Marc Aurèle, dont Ridley Scott raconte avec quelques fantaisies la mort. En effet, dans le film il meurt étranglé par son fils dans cette Germanie barbare, alors que, en réalité, il meurt de la peste à Vienne.



« La postérité n'a pas été tendre pour le fils de Marc Aurèle. Avec Caligula, Néron, Domitien et quelques autres, Commode est membre du club des princes maudits, voués aux zones les plus désolées des Enfers. Renan, par exemple, le voit comme un "équarrisseur de bêtes, un gladiateur", et les manuels vont répétant qu'il fut une sombre brute, sans se donner la peine d'aller plus loin. »



Toutefois, il est vrai que le Sénat ne l'aimait point, que sa soeur Lucilla conspira contre lui... Ainsi, le film de Ridley Scott, Gladiator, est une illustration parfaite des amalgames, du mélange entre le mythe et la vérité, que l'on peut faire perdurer. Si vous avez regardé le film, sans doute ne vous êtes vous jamais demandé si c'était vrai ou faux. Penser que Marc Aurèle fut assassiné est bien plus romanesque que de penser, comme c'est le cas, qu'il est mort de la peste.



Avec ces quelques lignes vous aurez compris que j'ai bien aimé ce livre et je ne peux que le conseiller à ceux qui veulent s'instruire sans dépenser trop d'énergie (même si certains passages sur la philosophie romaine sont parfois ardus).
Lien : http://le-cours-du-temps.ove..
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Connais-toi toi-même... : Et fais ce que tu a..

Il s'agit d'un ensemble de textes, publiés dans des revues ou magazines. Donc des textes plutôt courts, consacrés aux divers sujets de prédilection de l'auteur, l'antiquité, Saint Augustin, les gnostiques, et quelques sujets plus modernes, comme des articles sur des films, traitant tout de même de l'antiquité.



C'est merveilleusement bien écrit, et se lit tout seul. Cela dit, nous restons à la surface, en ne faisant qu'effleurer les sujets abordés. C'est sans doute inhérent à ces textes courts, destinés à être publiés en revue, mais cela est un peu frustrant. Mes impressions sont contradictoires. C'est à la fois bien agréable de lire quelques pages sur les pérégrinations politiques de Platon, la vie de Sénéque ou les idées de Plotin ou Saint Augustin, rédigées de façon brillante et spirituelle. Mais c'est en même temps frustrant de ne rien apprendre de nouveau, parce que finalement toutes les informations données sont malgré tout relativement connues, et pour ma part, j'ai déjà lu tout cela ailleurs.



J'aurais maintenant envie de lire sur ces sujets des ouvrages un peu plus consistants de l'auteur.

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Julien dit l'Apostat

Biographie passionnante toujours écrite avec le ton exquis, plein d'humour et de légèreté de Lucien Jerphagnon, qui prend le soin de traiter tous les aspects de la vie du dernier empereur païen, nous immergeant dans le IVe siècle romain et l'intimité de son sujet comme seul lui sait le faire.
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Augustin et la sagesse

sagesse
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