Citations de Luis Sepúlveda (1536)
Nous avons bu les derniers matés avec El Tano et puis nous l’avons laissé à son travail, à son bois, à son violon qui, un jour, distraira un esprit tourmenté ou, au contraire, fera peser plus lourdement sur lui la nostalgie latino-américaine si le musicien ressemble au “Becho” de la milonga de mon frère Alfredo Zitarrosa : Becho veut que son violon soit un homme, qui jamais ne nomme, l’amour ou la douleur…
Je n’avais pas envie de boire le café sirupeux des Égyptiens ou l’horrible bière sans alcool, aussi rébarbative que les préceptes religieux qui l’imposaient.
La défaite de l’avant qui rate un penalty décisif à la quatre-vingt-dixième minute.
Pour un exilé, le socialisme roumain c’était le paradis, mais ce paradis ressemblait à celui dont parlaient les curés au Chili : un lieu où, une fois arrivé, tu t’assois sur un nuage et tu joues de la harpe pour l’éternité. C’est ce que j’ai fait. Je suis arrivé, on m’a confisqué tous mes papiers pour raisons de sécurité et on m’a assigné un ange gardien, petit, avec une grosse moustache noire et une alimentation à base d’ail. Il s’appelait Constantinescu, c’était un fonctionnaire de la Securitate et il avait pour mission de m’accompagner vingt-quatre heures sur vingt-quatre et de rendre compte de tous mes faits et gestes, littéralement.
Avant l’entrée en éruption d’un volcan, une série de petits tremblements se succèdent puis leur intensité augmente rapidement et on sent dans l’air l’effort musculaire de la terre. Pour Concepción Garcia, il se passa quelque chose de semblable : ses muscles faciaux se crispèrent, ses dents grincèrent, ses poings serrés se collèrent à son corps et l’éruption, d’abord verbale, commença : elle en avait ras-le-bol de ses maudits classiques, elle en avait marre de vivre avec un raté qui ne bougeait pas le petit doigt pour sortir de la misère, avec un feignant qui restait le cul dans son fauteuil à pleurnicher comme une Madeleine devant des films qui n’intéressaient aucun être humain doté d’un peu de jugeote.
la croyance s’est évanouie, le dogme n’est plus qu’une anecdote puérile et je suis là, tout nu, dépouillé de la grande perspective qui a marqué les individus comme moi : mourir pour quelque chose qui s’appelait la révolution et ressemblait au paradis qui attend les pashdaran islamiques – mais sur une musique de salsa.
Tu sais ce que c’est, l’osmose ? C’est le passage, forcé ou volontaire, de deux liquides de densité différente à travers un tube. Les Turcs, on les fait passer par le tube de la haine à coups d’insultes. Je ne suis pas turc, je devrais donc passer par un autre tube, mais on me met dans le même.
C’est comme une maison close virtuelle. Sans miroirs, sans salons rouges, sans maison. Nous ne vendons pas notre corps en faisant cela, nous offrons de l’imagination et nous stimulons la fantaisie érotique du clien
On se demande si on n’a pas des hallucinations quand on se rend compte que les brins d’herbe ont presque tous la même longueur et que les vaches, affectées d’une folie bien pire que celle de leurs collègues britanniques, se déplacent toutes au même rythme.
ces marbriers qui, sachant que leur vie sera brève, parce que la poussière de marbre est une malédiction blanche qui pétrifie leurs poumons, continuent pourtant de perpétuer la formidable tradition humaine de la beauté et de l’harmonie.
Très rapidement les chevaux désabusés ne regardent pas les bas côtés du chemin.