Citations de Marcel Duchamp (29)
Tout l’effort de l’avenir sera d’inventer, par réaction à ce qui se passe maintenant, le silence, la lenteur et la solitude.
En fait jusqu'à ces cent dernières années, toute la peinture était littéraire ou religieuse : elle avait été mise au service de l'esprit. Cette caractéristique s'est peu à peu perdue au cours du siècle dernier. Plus un tableau faisait appel aux sens - plus il devenait animal - , plus il était prisé. Ce fut une bonne chose que d'avoir eu le travail de Matisse pour la beauté qu'il rayonnait. Et pourtant il a créé une nouvelle vague de peinture physique en ce siècle ou du moins maintenu la tradition que nous avons héritée des maîtres du XIXe siècle.
Dada fut la pointe extrême de la protestation contre l'aspect physique de la peinture. C'était une attitude métaphysique. Il était intimement et consciemment mêlé à la "littérature". C'était une espèce de nihilisme pour lequel j'éprouve encore une grande sympathie. C'était un moyen de sortir d'un état d'esprit - d'éviter d'être influencé par son milieu immédiat, ou par le passé : de s'éloigner des clichés - de s'affranchir. La force de vacuité de Dada fut très salutaire. Dada vous dit : "N'oubliez pas que vous n'êtes pas aussi vide que vous le pensez!" D'habitude un peintre confesse qu'il a des jalons. Il va d'une jalon à l'autre. En fait, il est esclave de ses jalons - même s'ils sont contemporains.
Dada fut très utile comme purgatif. Et je crois en avoir été profondément conscient à l'époque et avoir éprouvé le désir de me purger moi-même. Je me rappelle certaines conversations avec Picabia sur ce sujet. Il était plus intelligent que la plupart de mes contemporains. Les autres étaient pour ou contre Cézanne. Personne ne pensait qu'il put y avoir quelque chose au-delà de l'acte physique de la peinture. On n'enseignait aucune notion de liberté, aucune perspective philosophique. Naturellement les cubistes étaient fertiles en inventions à ce moment-là. Ils avaient assez de chats à fouette pour ne pas s'inquiéter de perspective philosophique ; et le Cubisme m'a donné beaucoup d'idées relatives à la décomposition des formes. Mais je pensais à l'art sur une autre échelle. On discutait ferme à l'époque de la quatrième dimension et de la géométrie non-euclidienne. Mais la plupart des gens considéraient ces problèmes en amateurs. Metzinger s'y intéressait particulièrement. Et, en dépit de tous nos malentendus ces idées nouvelles nous aidèrent à prendre nos distances à l'égard des banales habitudes de penser - des platitudes de café et de studio.
Tout ce que je fais d'important pourrait tenir dans une petite valise.
L'art est une chose beaucoup plus profonde que le goût d'une l'époque.
Le grand ennemi de l'art, c'est le bon goût.
Tout ce préambule pour te dire:
Prends pour toi ce porte bouteilles.
J'en fais un "Readymade"à distance.
« Le plus grand ennemi de l’art c’est le bon goût »
On peut voir celui qui regarde, mais on ne peut pas entendre celui qui écoute.
224. Lits et ratures
225. La crasse du tympan, le sacre du printemps
226. Pardessus et coutumes
227. Nous livrons à domicile des moustiques domestiques (demi-stock)
A sa mort en 1968, Marcel Duchamp avait laissé parmi ses papiers un petit paquet de notes manuscrites qui couraient au moins sur les cinquante années précédentes.
Le titre est une couleur apporté à l'oeuvre.
Il y a eu un incident en 1912 qui m'a un peu tourné les sangs, si je puis dire, c'est quand j'ai apporté le Nu descendant un escalier aux Indépendants et qu'on m'a demandé de le retirer avant le vernissage. Dans le groupe des gens les plus avancés de l'époque, certains avaient des scrupules extraordinaires, ils montraient une sorte de crainte. Des gens comme Gleizes, qui étaient pourtant extrêmement intelligents, ont trouvé que ce nu n'était pas tout à fait dans la ligne qu'ils avaient tracée. Il y avait deux ou trois ans que le cubisme durait et ils avaient une ligne de conduite absolument nette, droite, prévoyant tout ce qui devait arriver. j'ai trouvé cela insensé de naïveté. Alors cela m'a tellement refroidi que par réaction contre un tel comportement, venant d'artistes que je croyais libre, j'ai pris un métier. Je suis devenu bibliothécaire à Sainte Geneviève. J'ai fait ce geste pour me débarrasser d'un certain milieu, d'une certaine attitude, pour avoir une conscience tranquille mais aussi pour gagner ma vie. j'avais vingt-cinq ans on m'avait dit qu'il fallait gagner sa vie et je le croyais. Puis, la guerre est venue qui a tout bouleversé et je suis parti aux Etats-Unis. (p.22)
Tout ce que l'on voit - c'est-à-dire tout objet, plus le fait de le regarder - est un Duchamp. John Cage : Silence, "Les Lettres nouvelles", Paris, 1959
Cité par Pierre Cabane dans la préface à l'édition 1995.
Depuis Courbet, on croit que la peinture s'adresse à la rétine ; ça a été l'erreur de tout le monde. Le frisson rétinien ! Avant, la peinture avait d'autres fonctions ; elle pouvait être religieuse, philosophique, morale. Si j'ai eu la chance de pouvoir prendre une attitude antirétinienne, malheureusement ça n'a pas changé grand chose ; tout le siècle est complètement rétinien, sauf les surréalistes qui ont un peu essayé d'en sortir. Et encore ils ne s'en sont pas tellement sortis ! Breton a beau dire, il croit juger d'un point de vue surréaliste, mais au fond c'est toujours la peinture au sens rétinien qui l'intéresse. C'est absolument ridicule. Il faudrait que ça change, que ça ne soit pas toujours comme ça. (p.52)
Mais en fin de compte qu'est-ce qu'un artiste ? C'est aussi bien le fabricant de meubles, comme Boulle, que le monsieur qui possède un "Boulle". le Boulle est aussi fait de l'admiration qu'on lui porte (p.86).
Une œuvre de Marcel Duchamp n'est pas exactement ce qu'on a devant les yeux, mais l'impulsion que ce signe donne à l''esprit de celui qui le regarde.
Par exemple, les voyages ínterplanétaires semblent être l'un des pas vers le soi-disant "progrès scientifique" et pourtant en dernière analyse, il ne s'agit que d'un agrandissement du territoire mis à la disposition de l'homme. Je ne puis n'empêcher de considérer cela comme une simple variante du MATÉRIALISME actuel qui emporte l'individu de plus en plus loin de la quête de son moi intérieur.
Rrose Sélavy connaît bien le marchand du sel.