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Citations de Marta Orriols (38)


1984. Ça paraît dingue, je sais, mais c'est George Orwell qui m'a permis d'accéder à ton téléphone la première nuit où tu n'étais plus en vie.
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Un verre de vin à portée de main, le deuxième déjà. J'essaye de savoir si avant je buvais avec la même fréquence. Je sais que non, que je ne buvais pas autant, mais je fais semblant d'avoir un doute. Lorsqu'on est seule, il est primordial de maintenir un certain dialogue avec soi-même, de se mettre dos au mur, de ne pas tout se permettre. Après cinq minutes, l'alcool est passé dans le sang, l'idée étant de m'écraser dans le canapé et laisser l'éthanol déprimer mon système nerveux central, m'endormir et faire chuter l'intensité de mes fonctions cérébrales et sensorielles, mais j'échoue, comme pour tout ces derniers temps.
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A chaque geste correspondent une dimension, une hauteur et un poids, la somme étant la mesure du vide et de la douleur que j'éprouve dès que j'essaye d'assumer que je ne faisais déjà plus partie de ses projets d'avenir.
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La mort me met en colère. Depuis qu'il est parti, la mort m'agace, m'exaspère par son insolence et son impertinence, par sa façon d'étouffer Mauro alors qu'elle est, elle- même, si vivace.
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La mort répare ce qui ne peut l'être, elle est irrévocable, elle fausse sans exception tout ce qu'elle touche. Elle a transformé Mauro et l'a placé quelque part entre les saints et les innocents. La mort a un parfum de printemps.
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Je ferme les yeux aussi fort qu’il m’est humainement possible de le faire, jusqu’à les entendre gémir au-dedans et froisser mes paupières comme deux parchemins.
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Les souvenirs sont malléables et très faciles à retoucher. Il suffit d’en découper la silhouette et d’y apposer un nouveau fond, de succomber aux vices de notre époque et de les augmenter, de jouer avec des filtres qui les rendront plus beaux, de se composer un passé sur mesure pour affronter un présent en chair et en os, dans lequel il ne sera pas nécessaire d’être à ce point intransigeant. Car personne ne viendra fourrer son nez dans notre solitude pour nous dire que cette ombre-là n’existait pas et que ce coin-là est plus lumineux.
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Les grands changements ont ceci de particulier qu’on les perçoit dans les petites choses.
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Un fardeau de ressentiment et de rage, de douleur inconsolable, un poids qui creuse dans la terre et s’y enfonce dans ses ultimes profondeurs, y érige des murs droits pointus et sombres, et du haut desquels s’échappent des corbeaux qui en survolent l’entrée pour s’assurer que personne ne pénètre. Il est à toi, rien qu’à toi. Tiens. Lamente-toi. Déchire-toi le coeur si tu veux, il n’y aura personne pour te comprendre, car il n’y a rien à comprendre. Attrape-le. Il est à toi, rien qu’à toi, jamais tu ne sentiras à ce point le poids de la propriété. Il est incessible. Ne t’avise pas de le partager, il serait tourné en dérision. C’est le vide, l’absence, la nostalgie comme un gouffre. Et même si nous tous qui sommes de ce côté avons un coeur, tu n’en trouveras pas deux semblables. Chaque témoin endure le sien et survit à sa propre version. Un nouvel endroit. Bienvenue. De l’autre côté, on ne le nomme pas vide, pas plus qu’on aperçoit les corbeaux. De l’autre côté, on cherche des phrases toutes faites comme celles que j’ai utilisées pour détendre les traits de parents désespérés. Je leur disais qu’avec le temps ils s’en remettraient, qu’il fallait se montrer forts et ne regarder que l’avenir. Qu’est-ce que j’en savais du vide ? Rien. Je ne pouvais pas savoir que des corbeaux en garderaient l’entrée, devant chaque mère, chaque père, chaque coeur brisé.
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La mémoire retient des faits qui à l’époque n’avaient rien d’exceptionnel – enfiler des chaussettes toutes neuves – et qui lorsqu’ils ont lieu ne nous préviennent pas que nous créons un souvenir unique de la mère que nous allons bientôt perdre.
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J’ai découvert que la douleur, l’impuissance et la tristesse, loin de faiblir avec le temps, perdurent à l’état larvaire, prêtes à ressurgir à la moindre occasion.
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On perçoit beaucoup de choses quand on est petit, bien qu’à cet âge-là on soit trop faible pour essayer d’en changer le cours.
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Assise par terre, j’observe la poussière accumulée sous les casiers. Des moutons gris comme le troupeau d’une vallée maudite. Jeudi, j’irai dîner et rire. Les déblais de la vie, on les dissimule où on peut.
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Elle est fâchée contre une vie qui s’est pourtant montrée généreuse. Il y a des gens qui fleurissent au milieu de la tourmente mais qui se flétrissent lorsque tout va bien, dépérissent et laissent s’éteindre la flamme qui les rendait uniques.
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Ce que j’avais connu petite – ma mère était tombée malade et était morte en quelques mois – s’était mué en un vague souvenir qui ne me rongeait plus. (…) Mon père avait débarqué, suivi de la directrice, laquelle avait frappé à la porte au moment même où le maître expliquait que dans le monde il y avait des animaux vertébrés et des animaux invertébrés. Le souvenir de la mort de ma mère est resté intimement lié aux lettres blanches tracées à la craie sur le fond vert du tableau scindant en deux le règne animal. Il y avait aussi ce nouveau regard chez celles et ceux qui jusqu’alors avaient été mes semblables, et je m’étais sentie lentement acculée vers un troisième règne, celui des animaux blessés à qui il manquera toujours une mère.
Même si cela ne devait pas la rendre moins terrible, la mort avait eu l’élégance de nous prévenir, et il y avait eu, entre cette annonce et son accomplissement, assez de temps pour les adieux, la prostration et les témoignages d’amour. Il y avait eu, surtout, la naïveté de croire au ciel, l’innocence de mes sept ans, et l’incapacité de comprendre que la mort est définitive.
Mauro et moi avons formé un couple pendant de nombreuses années. (…) Il est mort subitement il y a quelques mois, sans le moindre avertissement. (…)
Privée de ciel, de consolation et d’innocence, j’emploie les adverbes « avant » et « après » pour éviter de parler de Mauro au passé. La charnière est palpable. Il était vivant à mes côtés ce jour-là, il a bu du vin et a demandé un steak un brin plus cuit, (…). Quelques heures plus tard, il était mort.
Le restaurant avait une branche de corail pour logo. (…) Sans doute parce que chacun est libre d’enjoliver son malheur avec tous les fuchsias, jaunes, bleus et verts qu’exige le coeur, depuis le jour de l’accident je me représente l’avant et l’après de ma vie comme la Grande Barrière de corail. Dès que je me demande si telle ou telle chose est survenue avant ou après la mort de Mauro, je m’efforce d’imaginer ce grand récif corallien, le plus grand du monde, de le remplir de poissons colorés et d’étoiles de mer, d’en faire un équateur de vie.
Lorsque la mort cesse de toucher uniquement les autres, il faut veiller à lui faire une place de l’autre côté de la barrière, car sinon elle occuperait tout l’espace avec une totale liberté.
Mourir n’a rien de métaphysique. Mourir est physique, tangible et réel.
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Le téléphone sonnait dans mon sac, ce ne pouvait être que lui. A peine deux heures qu'on s'était quittés de la pire des façons. J'ai laissé sonner en avalant sans appétit une orange. Du jus coulait sur mon poignet. Au restaurant du bord de plage, après qu'il eut vidé son sac, j'avais la bouche sèche de rage, aussi aigre que ma surprise. Habiter une ville de bord de mer embellit terriblement les tragédies qui s'y déroulent, mais alors qu'il me débitait ce que j'avais d'abord conçu comme une série de lieux communs, la mer, elle, ne bronchait pas. Les vagues se couchaient sur la grève comme une jupe d'été blanche et ondulées sur des jambes bronzées. Beauté impassible et stérile, incapable de se rembrunir.
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Le vin me fait une bouffée d'oxygène, il redevient ce qui adoucit, libère, exalte, et cesse d'être ce couloir étroit par où je fuyais il y a encore quelques jours. Il m'apprend à le savourer par petites gorgées et à lui trouver des arômes éclatants, à apprécier les notes de sous-bois, d'humus, de cuir.
"Ferme les yeux. Ne sens-tu pas le lit de fruits rouges et noirs mûrs à point ?"
Je fais non de la tête.
"Réexplique-moi tout ça."
J'avale de nouveau et pars à la recherche de ses lèvres frémissantes, de sa langue au goût de vin. Je sens dans mon dos la flamme d'un feu doux qui caramélise les oignons et grille une giboulée d'ail, et sous mon pull celle de ses mains, la chaleur d'une peau, son toucher, la vie, enfin.
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Je lui demande, les yeux implorants, de me raconter une nouvelle fois l’histoire si belle de son départ de New York pour cette ville, les mains vides, poussé uniquement par la lecture d’un roman de Juan Marsé. Mauro adorait cette histoire. J’apprécie de pouvoir l’écouter à mon tour, et je me dis que c’est sans doute ça qu’on appelle sentir les morts, que c’est à l’intérieur de soi qu’on garde les autres en vie.
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Assise par terre, j'observe la poussière accumulée sous les casiers. Des moutons gris comme le troupeau d'une vallée maussade. Jeudi, j'irai dîner et rire. Les déblais de la vie, on les dissimule où on peut.
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"Un dernier verre et je te laisse tranquille, d'accord ?" ai-je imploré. A cet instant, je le désirais bêtement et simplement.
Il m'a raconté qu'il était menuisier, mais que ce qu'il aimait par-dessus tout c'était faire la cuisine. Je lui ai répondu que j'étais néonatologue et que ce que j'aimais par-dessus tout c'était être néonatologue.
"Je n'ai jamais trinqué avec une experte en miniatures.
- et moi, je n'ai jamais eu autant envie de prendre mon pied avec un fabricant de chaises et de tables."
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