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Critiques de Mathieu Riboulet (71)
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Les portes de Thèbes

Court roman dominé par la fin de vie de l'auteur et par la fin d'un monde connu (et reconnu).
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À la lecture

Un règal de lecture .

Une oeuvre aussi intelligente c'est bien rare , en ces temps ou Zemmour vend autant...

L'idée de base est brillante de mettre en avant le caractére universel d'un opus majeur de la littérature contemporaine .

Il aurait était simple pour les auteurs de s'enfermer dans ce postulat et de ne rien proposer d'autre .

Ce à quoi ils répondent avec audace , avec un texte trés malin , brillant , qui fait le bonheur des lecteurs .

Il faut lire ce livre qui donne envie de relire Proust !
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Les Oeuvres de miséricorde : Fictions et réalité

Si le narrateur de "La Recherche du temps perdu" avait une observation à faire sur un autre narrateur, celui des "Œuvres de miséricorde" de Mathieu Riboulet, il dirait de lui qu’il ne manque pas d’esprit créateur. En effet, cet esprit nécessite d’aller loin dans la souffrance, et c’est ce qu’il fait effroyablement.

Le point de départ de ce livre qui tient à la fois de l’essai philosophique et de la fiction est une mise en contradiction des sept œuvres de miséricorde de l’Eglise chrétienne : nourrir celui qui a faim, donner à boire à celui qui a soif, vêtir celui qui est nu, etc., face aux atrocités de l’histoire de l’humanité. Car, contrairement à la pensée rousseauiste de la bienveillance naturelle, l’homme y est ici présenté, ce que je partage totalement, comme chargé originellement d’une haine sauvage et malveillante que l’éducation et les apprentissages seront censés contrôler pour rendre possible une vie sociale pacifiée. Le narrateur va alors, à son humble niveau, tenter de réconcilier sa propre histoire personnelle construite autour des guerres franco-allemandes puis des rapports de domination métropole/colonies, pays riches/pays pauvres, hétéros/homos, avec ces préceptes miséricordieux.

C’est une plongée dans l’histoire, dans les idées, dans l’art : pictural, musical ou cinématographique, c’est à la fois beau, tendre et effroyable. C’est vivant.

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Le corps des anges

🏞 « La leçon des corps est comme la leçon des morts, elle donne une force insensée à qui s’y livre sans réticences. »

(P.67)



🏞Il est des livres qui nécessitent de mettre le temps sur pause et de se consacrer à eux pleinement, pour en saisir chaque émotion, chaque intention, pour ne pas perdre la moindre effervescence, la moindre subtilité. Il faut donner de soi pour tout recevoir, en douceur d’abord, plus fort ensuite. Certains romans sont des extraits bruts de vie, dont on ne sort indemne… Le corps des anges est de ceux-là.



🏞 Dans la campagne limousine, le temps s’écoule lentement, tout semble aller au ralenti dans ce paradis maudit et déserté, où l’homme, en quête de fureur et de vitesse, fuit vers la ville. Peu d’âmes composent ce village où les animaux prédominent fièrement, à la reconquête de leur Eldorado dérobé. Parmi les habitants, il y a Rémi. Jeune homme tourmenté qui éprouve la vie à l’aune de la douleur et des souffrances qu’il s’inflige, il existe de refuser, de se battre silencieusement et effrontément, décidément. Bellâtre adulé de ses paires, les femmes sont des anges qui apparaissent après ses blessures violentes, ses accidents provoqués pour éprouver la vie, sentir sa fragilité, il vit sur un fil retors, intrus d’un canevas cousu au millimètre. Jusqu’au jour où l’ange … où l’homme …



🏞 « Pour la première fois de sa vie, il était au sol sans s’y être jeté. »

(P.87)



🏞 Gabriel, cet ange inattendu, chamboule cette vie monotone, cette campagne silencieuse. Son corps, ce serpent dans son dos, comment ne pas y voir le symbole de la chute irrémédiable ? Orphelin muet, il cherche les voix de ses parents disparus, cette discussion qu’il n’a jamais eue, cet aveu dont il n’a jamais su se libérer …



🏞 Alors que la vie s’écoulait paisiblement, voilà que l’orage s’abat et fait de cette mer d’huile un océan déchaîné. Tous ces “non” retenus, ces barrières dont Rémi ne s’était jamais affranchi, les voilà qui volent en éclat, ultime symbole de libération, de révolte, de colère. A mi-chemin entre réalité et imaginaire, Mathieu Riboulet livre un roman crépusculaire, entre l’ombre et la lumière, où les silences ont autant d’importance que les mots parfaitement choisis …
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Prendre dates : Paris, 6 janvier - 14 janvi..

Questionnement sur le devenir du «nous», après les attaques terroristes de janvier 2015.



Dans le sillage de l’hébétude et de la stupéfaction qui nous ont saisis en janvier 2015, l’historien Patrick Boucheron et l’écrivain Mathieu Riboulet livrent ici les réflexions et questions suscitées par les attaques terroristes, les obligeant à réfléchir sur le sens et le devenir du collectif, «à peupler le monde non en le sillonnant à coup d’avion mais en le regardant en face».



«Maintenant, un peu de courage, prendre dates c’est aussi entrer dans l’obscurité de cette pièce sanglante et y mettre de l’ordre. Il faut prendre soin de ceux qui restent et enterrer les morts. On n’écrit pas autre chose. Des tombeaux.»



Le livre s’ouvre sur le constat que la France, avant les événements, allait déjà très mal, laminée économiquement et idéologiquement depuis les années quatre-vingt, entraînée dans la spirale d’une décomposition démocratique, dont la poursuite des travaux du barrage de Sivens après la mort de Remi Fraisse en octobre 2014, comme si de rien n’était, était l’un des symboles les plus récents, une spirale devenue sans issue après l’échec de tant de contestations, et ayant entamé, et même paralysé, l’action collective et militante de bon nombre d’intellectuels de gauche (propos en forte résonance avec le livre de Mathieu Riboulet paru quelques mois plus tard : «Entre les deux il n’y a rien»).



«Car nous avons peu à peu déserté la grande place ouverte où nos corps se rejoignent pour prendre la parole parce que, même si nous savons bien que nous n’avons que ça, le corps et le langage, pour former tous les «nous» dont nous faisons partie, ou simultanément, ou successivement, nous nous sommes lassés de voir qu’ils ne faisaient plus la vie, mais l’imitaient seulement, parce que les transformations, vertigineuses, du monde ne nous tendaient plus rien que des miroirs lustrés, des habits séduisants, des illusions sociales, des enclos protégés, et à l’autre bout du spectre, des aumônes, de la graisse et du sucre, de l’indignité en pagaïe, pour ne rien dire des théâtres lointains dévorés par la pègre, les trafics, la haine, la guerre, l’envie. Nous l’avons désertée, sans le vouloir vraiment mais sans le regretter davantage qu’en passant.»



Au-delà de l’effroi et de l’émotion collective suscités par les attentats, et par leur exposition dans les medias, dans une société où le collectif est à la fois «suractif et désactivé», pour reprendre l’expression de Nathalie Quintane dans «Les années 10», Patrick Boucheron et Mathieu Riboulet cherchent, avec humilité, tout en laissant entrevoir leurs doutes inscrits dans la durée et la complexité de l’Histoire, à surmonter le vertige pour énoncer une réaction, intime et politique, au plus près de ces événements qui ont jeté à terre un bon nombre des réflexes et des habitudes des intellectuels.



Paru en mai 2015 aux éditions Verdier, ce livre apparaît d’une grande justesse et une lecture nécessaire en cette fin d’année, ouvrant des pistes de réflexion pour ne pas se résoudre à la catastrophe, face à l’éclatement du collectif, aux impasses haineuses et meurtrières et face aux signaux, tous passés au rouges depuis quelques semaines, des menaces pesant sur la démocratie.



«Fragiles et tremblants, crevassés à force d’être immobiles comme le sont les vieillards alités, nos corps poreux se laissent gagner par le lexique guerrier. Et l’on se rend compte, incrédules et honteux, que tant d’heures passées devant le spectacle des horreurs du monde (mais aussi, oui, tu as raison, devant l’impeccable engrenage scénaristique des séries télévisées qui leur font écran) nous y a insidieusement préparés – sans doute pas pour y participer activement, encore qu’on ne sait jamais, mais au moins pour y acquiescer en employant les mots qu’il faut au bon moment.»



Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2015/12/19/note-de-lecture-prendre-dates-patrick-boucheron-mathieu-riboulet/



Pour acheter ce livre à la librairie Charybde, sur place ou par correspondance, c'est par là :

http://www.charybde.fr/

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Les Oeuvres de miséricorde : Fictions et réalité

Rude choc pour le lecteur que je suis de passer du style collégien de "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" à l'écriture d'un vrai écrivain, celle de Mathieu Riboulet et "Les oeuvres de miséricorde". Ce dernier a obtenu le prix décembre, qui se veut être l'anti-Goncourt. Ayant souvent couronné des auteurs exigeants, le cru 2012 ne faillit pas à la règle car nous sommes en présence d'un texte érudit et ambitieux. Je parle de texte car il m'est difficile de définir le genre de ce livre, à la fois essai philosophique, réflexion sociologique et historique mais aussi roman mélangeant littérature, narration classique et art.

Le narrateur, fortement marqué au plus plus profond de lui même par les deux dernières guerres mondiales, part à la découverte du peuple allemand, longtemps notre ennemi. Il décide que cette connaissance passera par le corps d'hommes avec lesquels il essaiera de comprendre le basculement indicible de l'amour vers la haine, du désir vers la violence. S'en suit une réflexion grave et profonde au travers de ses rencontres sexuelles où se mêlent étroitement la peinture du Caravage, des étreintes souvent hards mais aussi un amour platonique et la mémoire très prégnante de tous les actes horribles des deux grandes guerres. Chapitré à partir des impératifs chrétiens appelés "oeuvres de miséricorde" (vêtir ceux qui sont nus, ensevelir les morts, donner à boire à ceux qui ont soif, ...) le cheminement de l'auteur se fait de plus en plus précis et interrogatif. Sa recherche le mènera dans des situations où il comprendra que le corps et l'Histoire sont étroitement liés, que l'étreinte amoureuse est à la merci d'un basculement soudain vers la violence et l'exploitation.

Vous comprendrez assez vite que ce texte ambitieux n'est pas d'une facilité extrême de lecture. J'ai du m'accrocher un peu. Le parti-pris de ce questionnement est très original mais la manière de l'aborder un peu trop alambiquée pour le lecteur lambda que je suis.

La fin sur le blog
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Prendre dates : Paris, 6 janvier - 14 janvi..

Questionnement sur le devenir du «nous», après les attaques terroristes de janvier 2015.



Dans le sillage de l’hébétude et de la stupéfaction qui nous ont saisis en janvier 2015, l’historien Patrick Boucheron et l’écrivain Mathieu Riboulet livrent ici les réflexions et questions suscitées par les attaques terroristes, les obligeant à réfléchir sur le sens et le devenir du collectif, «à peupler le monde non en le sillonnant à coup d’avion mais en le regardant en face».



«Maintenant, un peu de courage, prendre dates c’est aussi entrer dans l’obscurité de cette pièce sanglante et y mettre de l’ordre. Il faut prendre soin de ceux qui restent et enterrer les morts. On n’écrit pas autre chose. Des tombeaux.»



Le livre s’ouvre sur le constat que la France, avant les événements, allait déjà très mal, laminée économiquement et idéologiquement depuis les années quatre-vingt, entraînée dans la spirale d’une décomposition démocratique, dont la poursuite des travaux du barrage de Sivens après la mort de Remi Fraisse en octobre 2014, comme si de rien n’était, était l’un des symboles les plus récents, une spirale devenue sans issue après l’échec de tant de contestations, et ayant entamé, et même paralysé, l’action collective et militante de bon nombre d’intellectuels de gauche (propos en forte résonance avec le livre de Mathieu Riboulet paru quelques mois plus tard : «Entre les deux il n’y a rien»).



«Car nous avons peu à peu déserté la grande place ouverte où nos corps se rejoignent pour prendre la parole parce que, même si nous savons bien que nous n’avons que ça, le corps et le langage, pour former tous les «nous» dont nous faisons partie, ou simultanément, ou successivement, nous nous sommes lassés de voir qu’ils ne faisaient plus la vie, mais l’imitaient seulement, parce que les transformations, vertigineuses, du monde ne nous tendaient plus rien que des miroirs lustrés, des habits séduisants, des illusions sociales, des enclos protégés, et à l’autre bout du spectre, des aumônes, de la graisse et du sucre, de l’indignité en pagaïe, pour ne rien dire des théâtres lointains dévorés par la pègre, les trafics, la haine, la guerre, l’envie. Nous l’avons désertée, sans le vouloir vraiment mais sans le regretter davantage qu’en passant.»



Au-delà de l’effroi et de l’émotion collective suscités par les attentats, et par leur exposition dans les medias, dans une société où le collectif est à la fois «suractif et désactivé», pour reprendre l’expression de Nathalie Quintane dans «Les années 10», Patrick Boucheron et Mathieu Riboulet cherchent, avec humilité, tout en laissant entrevoir leurs doutes inscrits dans la durée et la complexité de l’Histoire, à surmonter le vertige pour énoncer une réaction, intime et politique, au plus près de ces événements qui ont jeté à terre un bon nombre des réflexes et des habitudes des intellectuels.



Paru en mai 2015 aux éditions Verdier, ce livre apparaît d’une grande justesse et une lecture nécessaire en cette fin d’année, ouvrant des pistes de réflexion pour ne pas se résoudre à la catastrophe, face à l’éclatement du collectif, aux impasses haineuses et meurtrières et face aux signaux, tous passés au rouges depuis quelques semaines, des menaces pesant sur la démocratie.



«Fragiles et tremblants, crevassés à force d’être immobiles comme le sont les vieillards alités, nos corps poreux se laissent gagner par le lexique guerrier. Et l’on se rend compte, incrédules et honteux, que tant d’heures passées devant le spectacle des horreurs du monde (mais aussi, oui, tu as raison, devant l’impeccable engrenage scénaristique des séries télévisées qui leur font écran) nous y a insidieusement préparés – sans doute pas pour y participer activement, encore qu’on ne sait jamais, mais au moins pour y acquiescer en employant les mots qu’il faut au bon moment.»



Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :

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À la lecture

Que signifie vivre la littérature au point de l’avoir dans la peau ? Réponse avec des lecteurs réels ou fictifs d’"A la recherche du temps perdu". […] C’est le tissage subtil des fibres du roman à l’être de ses lecteurs. Coécrit par le romancier Mathieu Riboulet et la cinéaste Véronique Aubouy, "A la lecture "arrive tranquillement, un an après les festivités pour le centenaire de "Du Côté de chez Swann".
Lien : http://rss.feedsportal.com/c..
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Le corps des anges

Belle écriture onirique et poétique. Une réussite où la perte des repères rend le suivi du récit difficile. On est effet dans la sensation, l'au-delà, le désir et la folie. Une réussite indéniable qui échappe au lecteur et lui laisse un sentiment ambigu, pas forcément de plaisir et d'envie de poursuivre.
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Entre les deux il n'y a rien

Je serai franche, je ne connais strictement rien des mouvements de contestation et des manifestations étudiantes des années 1970. Je n’étais pas née, mes parents n’avaient qu’une dizaine d’années et mes grands-parents appartenaient à la génération précédente et n’ont donc certainement pas perçus ces événements de la même manière que le narrateur.

Je ne mentirai pas, la lecture de ce livre n’a pas été facile. Il m’a fallu une éternité pour le finir, j’avais l’impression d’être un escargot. Les phrases sont longues, tournicotées sur elles-mêmes, et je m’y suis souvent perdue. Sans oublier la chronologie absente et les sauts entre les époques… Mais je n’aime pas baisser les bras, et j’ai persévéré jusqu’à atteindre la dernière page de ce livre.

Vous l’aurez compris, ce roman se déroule dans les années 1970. Le narrateur revient sur ses souvenirs et nous présente, à travers ses yeux et ceux de ses compagnons, comment il a vécu ces années de lutte qui n’ont finalement mené à rien. Le ton est par conséquent extrêmement amer, rempli de désillusions, mais sans en arriver à geindre.

Notre narrateur, donc, est né en 1960. Il était par conséquent trop jeune pour faire mai 68 et a « pris le train en marche », entre 1972, année d’un voyage en Pologne avec ses parents, et les années 1990, à la veille des guerres de Yougoslavie. Il nous présente donc, en vrac, des souvenirs de ce voyage, la misère de l’Europe de l’Est, les étudiants révoltés, abattus « comme des chiens » dans les rues. Mais la politique n’est pas le seul sujet de ce livre. Le sexe y a une part importante, sans tourner à la pornographie. Mai 68 a libéré les mœurs, les homosexuels se cachent moins, surtout parmi les étudiants, et les années SIDA ne sont pas bien loin.

Honnêtement, j’aurais du mal à dire que j’ai aimé ce livre. Je ne l’ai pas détesté, mais il m’a plus perturbé qu’autre chose. La tournure alambiquée des phrases est parfois difficile à suivre – et j’ai pourtant l’habitude des livres aux styles particuliers. Le sujet est intéressant, surtout pour ceux qui, comme moi, n’y connaissent pratiquement rien, mais le style peut facilement décourager. Je me suis tellement battue contre ce texte pour ne pas lâcher prise que je sors lessivée de cette lecture.

Conclusion : bilan plutôt mitigé. Je crois que je vais aller me reposer la tête avec un livre plus simple. Ce sera mieux pour mon moral !
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Les Oeuvres de miséricorde : Fictions et réalité

« Que faire de tous ces morts, où vivre, comment s’aimer ? » En une phrase se résument les obsessions de quarante siècles de littérature, et de huit romans de Mathieu Riboulet. La vie, la mort, l’amour. Peut-on encore faire chanter ces lieux communs de la littérature ? Oui, en retrouvant la sacralité qui leur donne leur densité de tragédie. Dans L’Amant des morts, Mathieu Riboulet avait réussi le pari de sacraliser le corps en faisant de la sexualité une cérémonie grave et rédemptrice. Les références bibliques donnaient à son narrateur une résonance christique que l’on retrouve dans ce roman, centré sur les sept œuvres de miséricorde. Une question de rythme, mais aussi de suspension du temps — qui songe, avant de toucher le corps de l’Autre, à « se donner le temps du regard, s’accorder le temps de la pensée » ? —, et de suspension du jugement, au nom de la grandeur de l’homme, devant les excès de comportement réprouvés par la morale commune — « seuls les insensés, les assassins et les amants suspendent un instant leur mouvement avant d’atteindre l’autre ». La parenthèse temporelle crée un espace sacré, dans lequel le lecteur est prêt à tout entendre. « Je le dévêts en silence, nous sommes aux premières mesures d’une cérémonie du corps. »

Le narrateur, français né après la guerre, porte en lui les persécutions subies avant sa naissance par les juifs, mais aussi les homosexuels. Comme beaucoup de Français de sa génération, il véhicule des lieux communs transmis par les mots sur le peuple qui a persécuté la génération précédente. Il attend la cinquantaine pour se rendre en Allemagne, et connaître un corps allemand. Mais dans cette étreinte, tout le passé qu’il n’a pas connu s’incarne violemment. Et les questions taboues s’engouffrent dans la faille. S’il avait vécu durant la guerre, s’il s’était trouvé face à face avec cet Andreas devenu son amant, l’aurait-il tué au nom d’un devoir qui le dépasse ? L’aurait-il aimé en bafouant un devoir qui le détruit ? S’il avait été allemand, aurait-il adhéré aux horreurs qui se déroulaient sous ses yeux, aurait-il eu la force de les dénoncer ? « Je cherche simplement à comprendre comment le Corps Allemand, majuscules à l’appui, est entré dans la vie française et continue à en façonner certains aspects, malgré qu’on en ait. » Les questions sont trop lourdes lorsqu’on leur cherche une réponse sincère.

La seule possible est le don total de soi, dans une identification christique à la victime sacrificielle. Le sado-masochisme, évoqué parfois discrètement, parfois très crûment, devient une cérémonie expiatoire. Posséder le corps de l’autre, détruire le corps de l’autre, démarches complémentaires ou similaires, qui renvoient à la même question : « Qu’y a-t-il dans le corps de l’autre ? » A ce face à face entre Français et Allemand se répondent d’autres corps à corps, qui le nuancent. Avec des amants français, bien sûr, mais aussi italiens (« Poser la main sur des corps italiens est toujours la promesse d’une plongée vertigineuse dans l’Histoire »), ou avec un jeune kurde de nationalité allemande parce qu’il ne veut pas être turc, ce qui élargit brusquement la spirale de la persécution. De même, la nécessité de traduire par des mots anglais (leur seule langue commune) des sentiments dont les contours ont été définis différemment en français et en allemand oblige à s’interroger sans fin sur les contours des idées et des mots. Et, surtout, les évocations artistiques, essentiellement du Caravage, renforcent cette sombre sacralité du corps, du sexe, de la violence, de l’offrande. L’histoire chrétienne s’inscrit dans le corps supplicié, du Christ, des martyrs, et transcende le bourreau comme sa victime. Les œuvres de miséricorde qui scandent le récit prennent alors une autre résonance, au gré des variations des formules traditionnelles. « Prendre soin » des prisonniers peut-il devenir « porter des coups » aux prisonniers, si telle est leur volonté et la nécessité de l’offrande ? Les titres des courts chapitres traduisent cette lente et surprenante dérive : « Peindre ceux qui sont nus », « défigurer les morts », « payer ceux qui nous tuent »… Les œuvres de miséricorde trouvent ici d’étranges, mais grandioses variations. La scène finale élève la tragédie intérieure au niveau d’une vision épique à couper le souffle.

Mon seul regret, face à cette remarquable fresque de l’amour maudit, est l’usage parfois immodéré de l’alexandrin, dans des tirades un peu ronflantes (« court jusqu’aux boucles brunes qu’entre mes doigts je roule après s’être gonflée de vingt siècles d’espoirs, de vingt siècles de drames, puissamment rassemblés en un déluge d’art qui unifie le temps, les peines et les joies et continue longtemps à nous transfigurer »…). Cela m’avait échappé dans le précédent roman de Mathieu Riboulet, et symptomatiquement, les passages lyriques encouragent ce travers, que l’on ne retrouve pas dans les pages consacrées à la réflexion sur le passé de persécution. Mais cela n’ôte rien à l’efficacité de quelques superbes pages et à la pertinence de l’analyse des personnages.

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Les portes de Thèbes

Lors d’une flânerie dans ma librairie indépendante, Les passeurs du texte, rue Émile Zola à Troyes, je remarque et emporte le dernier roman de Mathieu Riboulet, édité à titre posthume, un auteur que je découvre, c’est la beauté de la littérature, cet univers si vaste, que l’on explore sans cesse, Les portes de Thèbes viennent enrichir le cercle fermé de mes lectures. J’explore avec beaucoup de curiosité la biographie et la bibliographie de cet auteur qui fait défaut à ma culture, pour m’enrichir un peu plus de cet univers littéraire, arpenter sans relâche cette montagne sans sommet de la connaissance, du savoir et de la vérité, celle souvent obscurcie dans les ténèbres politiciennes sournoises, des médias aveugles, d’une société manipulatrice où le complotisme est l’excuse à tout combat de la vérité pour nier 1984, qui plane déjà sur notre planète, Orwell n’est plus, sa propagande sombre noircit la lumière de nos regards, Mathieu Riboulet est né en 1960, il meurt d’un cancer en 2018 à Bordeaux, le figaro le considère comme une auteur subtil et sulfureux, son œuvre est l’empreinte d’un homme torturé par la violence du monde qui l’entoure et la beauté sensuelle de la chair sans pudeur entre hommes, ne cachant pas son homosexualité, ce roman posthume est presque un testament, l’auteur se meurt d’un cancer, syndrome génétique familiale, comme lui, le monde se fissure sous l’emprise de guerre, d’attentats, nous nous tuons entre nous, son corps implose de l’intérieur, la mort ne lui fait pas oublier les passions de la chair et son attirance pour les hommes, Les portes de Thèbes s’ouvrent dans ce sous-titre les éclats de l’année deux mille quinze où l’auteur laisse des débris multiples joncher dans les interstices des silences où coule sa prose passionnée et poétique, une musique ondule tout le long de ce roman d’espoir déçu et de corps à corps brûlant.

Le roman débute par l’annonce du cancer de son père, un diagnostic de tradition généalogique, l’auteur lui-même va continuer cet héritage, le cancer va avoir raison de son corps pour lui prendre la vie aussi, cet ouvrage relate ce corps malade et la mort sournoise qui va le happer vers cette destinée qui l’entoure : les attentats et la guerre impérialiste, c’est l’analogie de la haine et de l’amour, une écriture percutante et déroutante, une poésie amère et sensuelle, Mathieu Riboulet déroute avec ce roman court, son titre est révélateur, Les portes de Thèbes, allusion à la pièce Les Sept contre Thèbes, une tragédie grecque d'Eschyle, une lutte qui oppose Étéocle et Polynice, les frères d'Antigone et ce sous-titre Éclats de l’année deux mille quinze, où se superpose la diagnostic de son cancer du foie et les horreurs de ce mois de novembre de l’an deux mille quinze, toute l’intimité de Mathieu Riboulet devient une universalité collective, son corps meurtri devient celui de l’Europe, de ce monde malade-« Le corps malade de l’Europe, le corps malade du monde, c’est le mien. » Cette trouble impression que notre société qui se meurt, c’est en lui qu’elle prend racine pour y germer ce cancer, cette maladie n’est plus familiale, elle est collective, nous appartenons à une seule famille, celle des hommes et femmes habitants la terre, il s’interroge « Entrez sans frapper, voyez l’état du monde ; comment ne pas tomber malade ? »

Il y a de la folie dans la prose de Mathieu Riboulet, de l’emphase, lorsqu’il termine certains paragraphes avec une phase qui débute par l’interjection Oh, une belle envolée lyrique, comme un cri du cœur qui perce sa chair de part en part pour, pour boucler sa première partie avec un poème où l’alexandrin est roi, laissant la sensibilité de notre auteur peintre avec sensibilité ses émotions passionnelles, ce tableau de Thèbes et des ces sept amants terroristes, un autre poème dans cette architecture désordonnée, fragmentaire que rédige Mathieu Riboulet dans sa deuxième partie du livre, faisant écho au premier, entremêlant son présent et ce passé avec celui des autres , des sept autres arabes ou musulmans, une novlangue qui perturbe notre amoureux des corps masculins ténébreux, bruns qui se donnent à lui, sans pudeur, le sexe devient une arme de paix et d’apaisement, l’orgie excitante d’être celui qui suce les queues de ces sept égarés, d’être là, entourés de des sept et de leur pomper leurs dards tendus comme des épées…. Ces passages sont une continuité du personnage Mathieu Riboulet, il assume sa personne, son homosexualité et livre ces fantasmes en n’oubliant pas l’attirance qui le lie à ces hommes, et son amour pour un de ces amants qu’il cite, narrant leurs rencontres, leurs étreintes et laissant cet homme devenir la stèle d’un amour unique , le gravant à jamais à lui.

Je vais finir par cet accord inconnu de l’année mille neuf cents seize entre la France et l’Angleterre qui flotte tout au long du roman, comme une blessure ouverte qui n’a pas toujours été cicatrisée, découpant, morcelant le proche orient, séparant Arabe et Turc au profit de ces deux puissances, sans faire intervenir les pays concernés, ce pouvoir occidentale sur les autres, cette puissance coloniale toujours présente, cette faiblesse de voler les richesses, de presser comme une orange ces terres pour en extraire les matières premières, Mathieu Riboulet creuse en profondeur dans les rouages de cet accord qu’il nomme Grey-Cambon, les deux noms qui l’ont signé, Edward Grey et Paul Cambon, il dénonce l’arrogance coloniale, la monstruosité politicienne, celle plus imaginative que la littérature pour inventer des fictions et redéfinir le réel, comme la guerre en Irak !



Une lecture forte et prenante, j’ai eu des saveurs Baudelairienne qui se sont échappées de la prose de Mathieu Riboulet, une forme de révolte Camusien aussi transpire dans ces effluves de ces pages, la mort rode, la mort ronge, la mort c’est la vie aussi, Mathieu Riboulet est un écrivain fougueux, engagé, amoureux, réaliste et le feu qui l’anime, on le retrouve dans son écriture, il faut de temps en temps venir à lui et oser se perdre dans ce marécage littéraire sans s’y noyer, juste découvrir la beauté du lieu et la magie des mots.

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Entre les deux il n'y a rien

Fureur intacte *



Je l'annonce sans détour, je tiens l'écriture de Mathieu Riboulet comme l'une des plus belles de la littérature francophone actuelle, et "Entre les deux il n'y a rien" comme l'un de ses livres les plus aboutis. Dans un entretien, Riboulet reconnaissait sans fausse modestie être parvenu à présent à une certaine maîtrise de son outil. Cela saute aux yeux à chaque page. J'ajoute que la pensée qu'il développe est puissante et vivante. Mathieu Riboulet est un des auteurs majeurs de notre temps. C'est dit.



Pour préciser ce qui précède, j'évoquerai un autre auteur des Éditions Verdier, David Bosc. Sa langue est ciselée, travaillée, impeccable. Son propos, toujours très construit, est nourri par une vaste érudition. Ce qui les différencie pourtant, c'est que tandis que Bosc écrit avec sa seule tête, Riboulet écrit avec son corps, tout son corps, tête, cœur, ventre, sexe. Son œuvre est incarnée. Elle obéit à une nécessité, et cette nécessité ne s'acquiert pas, elle advient.



La question de savoir ce qui lie l'auteur et le narrateur dans les textes de Riboulet s'est posée à moi au fil des lectures. La multiplicité des schémas familiaux que l'on y rencontre tend à montrer que, s'il y a bien d'évidentes similitudes, l'identité stricte est une fausse piste. Dans le cas présent, peut-être la proximité est-elle plus étroite, je n'en sais rien, et en définitive peu importe.



Riboulet interroge dans ce texte les années qui vont de 1972 à 1978, soit entre l'assassinat de Pierre Overney par un vigile de chez Renault, et celui d'Aldo Moro par les Brigades rouges. Entre ces deux dates, Riboulet ressasse inlassablement les noms de ceux qui sont morts dans la rue comme des chiens : Walter Alesia 20 ans, Thomas Weisbecker 28 ans, Pier Paolo Pasolini 53 ans, Georg von Rauch 24 ans, Philippe Mathérion 26 ans, Gilles Tautin 17 ans, Pierre Beylot 24 ans, Henri Blanchet 49 ans, Francesco Lo Russo 25 ans, Petra Schelm 20 ans, etc. Ces noms sont eux bien réels.



Vous l'aurez compris, Riboulet revient sur cette période charnière, après les soulèvements de la fin des années 60, pendant laquelle le choix de la lutte armée s'est posé pour nombre de militants avec une cruelle acuité.



Le narrateur, comme l'auteur, a 12 ans en 1972, trop jeune pour avoir véritablement participé à ce joli mois de mai, mais doté d'une conscience politique suffisante pour recevoir de plein fouet la reprise en main des "valets". Cette conscience politique est doublée d'une conscience sexuelle : "… les mots du sexe ont une part importante dans le langage courant, on y prête à peine attention, ce n'est pas là le moindre de ses liens avec le monde." "La révolution ce sera le sexe…". Cela commence par un rendez-vous manqué, "dans un autobus franchissant le pont de Billancourt" dans lequel un travailleur immigré lui lance une invite discrète mais explicite à laquelle, trop jeune encore, il n'ose répondre. C'est la scène primitive qui gouvernera le militantisme sexuel, dans le sillage du Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire, que le narrateur et son amant Martin mettront en œuvre en offrant le réconfort de leurs jeunes corps aux travailleurs immigrés délaissés, en les laissant en user comme bon leur semble. Ils découvrent "la mécanique précieuse des hommes". Ils en tireront l'amère conclusion que "Conscience sexuelle et conscience politique c'est tout un, être pédé ça vous déclasse en un rien de temps." Il n'empêche, "L'obscénité est bien du côté des palais, elle n'est pas dans nos bouches, moins encore dans nos culs."



L'autre constat sera tout aussi terrible. Entre la violence légitime de l'État et celle dite terroriste, il n'y a rien. Entre le problème et la solution, il n'y a rien. Entre les Russes, les Américains, et ceux qui meurent dans la rue comme des chiens, il n'y a rien. "Vous savez que je tente, ici même, de dire comment s'est refermé, sur nous, le piège cruel de ces années inouïes, et combien, tout dérisoire que cela soit, j'emmerde les piégeurs." Riboulet salue en ce "nous" ceux qui se sont "portés eux-mêmes, parce qu'ils étaient ensemble, au sommet des désirs, politiques, personnels, poétiques, sexuels, sociaux, philosophiques, qu'aucun n'aurait atteint s'il était resté seul."



En 1978, "Tout est plié." Le retour de bâton autoritaire est complet à peu près partout : Italie, Allemagne, France… Resteront encore trois années avant qu'un autre fléau nommé sida ne vienne faucher à son tour les camarades de lutte du narrateur : "… le sida nous a éparpillé les membres, écrasé la tête, mis au pas, enfin, alors que nous voulions n'aller que par traverses, détours, recoins et raccourcis."



Mais la grande affaire de ce livre est une mise en perspective que ne renierait pas Michel Foucault dont elle est peut-être inspirée. Dès la première page, le narrateur déclare, "Je suis fait de ça, c'est en moi que l'histoire prend corps, c'est de mon corps qu'elle prend possession." Il ne cesse par la suite de traquer la façon qu'a l'histoire d'imprimer les corps, de les modeler, d'en faire usage, de les contraindre, à moins que ce ne soient ces derniers qui la forgent et l'écrivent en retour : "… nous ne savions plus bien faire le distinguo entre ce qui, du réel, déteignait sur nos peaux et ce qui, de nos peaux, exsudait sur le monde."



On est en droit d'être heurté par certains passages. Je corrige. On n'est pas en droit d'être heurté par certains passages :



"Je vais vous dire, moi, ce qui est contre nature, après quoi je vous laisserai aller vous faire foutre : c'est la mort des hommes abattus dans la rue comme des chiens dans des pays en paix. Mais, ignorants de ce que vous ratez, vous n'irez pas vous faire foutre, la rétention de pouvoir et d'argent est votre seul carburant, et votre seule largesse l'usage de votre force."



Mathieu Riboulet est mort le 5 février dernier, le lendemain de la rédaction de cet article sur mon blog. Il me manque.



* Ces mots sont empruntés au personnage de Paul Dédalus, incarné par Mathieu Amalric, dans "Trois souvenirs de ma jeunesse" de Arnaud Desplechin.



(Je ne note pas les livres car ce ne sont pas de bons ou de mauvais élèves.)
Lien : https://lesheuresbreves.com/
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Avec Bastien

"Avec Bastien" est finalement la biographie d'un personnage fictif par un personnage fictif omniscient.

J'ai eu du mal à finir ce livre et le dernier paragraphe a été une délivrance. Je verrais mieux l'auteur écrire des recueils de poésie que de vrais romans. Le bon français est là, la narration romancée aussi, la poésie enjolive le tout, mais l'action a déserté tout le bouquin qui finit par être terriblement ennuyeux. Un minimum d'interaction, une petite discussion, n'importe quoi aurait allégé le tout; mais rien. Le lecteur n'arrive pas à respirer tant l'auteur se confond en paragraphes interminables pour ne décrire qu'une seule et même chose. Par là même, il a la fâcheuse habitude de mélanger la chronologie, faire des retours dans le passé, puis bondir à nouveau sur le présent, ce qui le fait revenir incessamment aux mêmes évènements (la fameuse table où Bastien se couche, par exemple, a beau être symbolique et centrale, elle est tellement évoquée qu'on finit par vouloir lui donner des coups de pieds; les lecteurs comprendront).

On aperçoit quelques clins d’œils à la bonne morale, les préservatifs jouent un beau rôle, l'analyse rapide du travestissement lui donne une dimension méliorative totalement inédite, mais une fois de plus, les régiments de paragraphes sensés étayer l'idée originelle de l'auteur finissent par se mélanger les pinceaux et parlent cent fois de la même chose.
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Lisières du corps

Le désir et le verbe souverains.



Publié en septembre 2015 aux éditions Verdier, en même temps que «Entre les deux il n’y a rien», écriture de la mort d’une époque politique et du refus de la résignation, ces «Lisières du corps» se composent de six textes courts où Mathieu Riboulet, à l’orée de la découverte d’un objet de désir, dit cet égarement de l’esprit qui chavire devant la splendeur d’un corps qui se déploie, devant la perfection d’un mouvement ou d’une courbure, quand l’horizon tout à coup se resserre, autour des promesses d’un corps neuf ou d’un geste somptueux et aveuglant.



«On n’est jamais rien d’autre qu’os et muscles, nerfs et eau, on est délimité, contenu par la peau, on n’en sortira pas, sinon les pieds devant, mais parfois on convie le corps à un festin, à des grand-messes de sport, à des rituels d’amour, histoire d’en repousser, pour un temps, les limites, parfois on le confie à la poussée d’un autre pour que la pensée bâille et un instant s’efface, c’est comme une illusion lucide si l’on veut, on est bien, tout est tiède, on a déjà pleinement contenté le regard, maintenant on donne au corps matière à disjonction, on renvoie la pensée, on a payé, on est bien.»



Rencontres et fantasmes, désir inabouti dans un hammam d’Istanbul avec un masseur turc, fascination pour l’image d’un homme torse nu, saisi, ironique et souriant, par le photographe Pierre Hybre, corps multiples entrelacés dans un sauna de Cologne, hommage au corps d’un ami disparu, l’auteur célèbre les corps masculins et le surgissement du désir, dans ces textes courts étrangement apaisés, malgré la crudité et la violence souveraine des attractions.



«Il n’est pas désagréable, certes, mais il fait partie du personnel, d’une part, et d’autre part on a suffisamment à faire pour se familiariser avec le lieu et ne pas d’emblée s’égarer dans les délices de la pulsion scopique à laquelle, dans les hammams plus que partout ailleurs, on donne libre cours, surtout lorsque les corps qui le peuplent ne sont pas corps courants, habituels, corps pratiqués de longue date, mais corps neufs, bruns, sombres, résolument hors codes occidentaux balisés.»



Dans ces six courts récits, Mathieu Riboulet semble mener un combat serré avec le langage, comme un corps à corps, pour saisir les instants lumineux qui se dérobent, l’apparition vertigineuse du désir érotique, qui permet de «sortir du corps, le survoler comme en mourant tant le désir nous aura balayés, ou nous y ensevelir au point que nous n’avons plus rien pour nous y raccrocher». Splendide.



Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2015/11/01/note-de-lecture-lisieres-du-corps-mathieu-riboulet/



Pour acheter ce livre à la librairie Charybde, sur place ou par correspondance, c'est par là :

http://www.charybde.fr/mathieu-riboulet/lisieres-du-corps

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Entre les deux il n'y a rien

L'usage de la violence politique dans les années 1970, l'éveil à soi-même : le corps est au centre de ce récit majeur dans l'oeuvre de Mathieu Riboulet.
Lien : http://www.telerama.fr/criti..
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À la lecture

A la lecture est mi-roman mi-essai, une ode à l'art de la lecture, un plaidoyer des mots et de l'amour de la littérature ou comment un livre peut avoir un impact sur notre existence.



Cet essai nous permet de partir à la rencontre de nombreux personnages et même des auteurs, on devine petit à petit le lien qui les unit, la lecture d'un classique français : A la recherche du temps perdu de Proust. Roman ardu, roman connu mais peu lu, j'ai eu d'ailleurs peur que le fait que je ne connaisse pas l'histoire de cette grande saga littéraire puisse me porter préjudice mais ce n'est pas tant ce point qui est mis en avant mais plutôt la question de l'appréhension de la lecture d'un roman. Certes le titre a une importance notamment pour Véronique Aubouy, ce n'est pas un choix anodin mais néanmoins on peut tout à fait suivre A la lecture sans avoir lu Proust.



Ce que j'ai adoré dans ce récit c'est avant tout cette manière magistrale de savoir d'écrire l'amour des mots. J'ai été happée par cette faculté à comprendre ce que la lecture peut apporter, à quel point elle est nécessaire, plus qu'un passe-temps pour certaines personnes. C'est une partie de soi, on devient même à l'image du livre qu'on lit : on s'imprègne de ses protagonistes, son récit, son ambiance.



Je pense que ce livre plaira énormément à tous les grands lecteurs, à ceux qui étudient la littérature, à tous en général. A la lecture est à la fois une étude et une vérité, les deux auteurs ont réussi à mettre les mots sur l'inexplicable, à rendre universel cette sensation magique. Je me suis même prise en train de lire à haute voix comme les personnes d'A la lecture... A mettre dans toutes les bonnes bibliothèques !
Lien : http://leatouchbook.blogspot..
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Les portes de Thèbes

Les Portes de Thèbes, Éclats de l’année deux mille quinze, Mathieu Riboulet. Janvier 2020 posthume. Éditions Verdier.



Quand l’intime et le politique se nouent et se lient pour faire état de éclats des corps des morts victimes de l’ingérence des puissants et de l’auteur atteint d’un cancer du foie dont il est mort. Triste prescience sur son cancer qui l'emportera et des morts qui s'amoncelent toujours plus au Moyen-Orient…



« Le corps malade de l'Europe, c’est le mien. Frappez et j’ouvrirai. »



« Je consigne ici la crainte récurrente qui me prend à la gorge : que l’insignifiant drame que constitue, pour moi seul ou presque, l’horizon de ma mort, ici chanté en contrepoint des tragédies tressées qui embrasent le monde où je me suis inscrit, n’incite à la méprise, au vieux soupçon d’orgueil ; car en effet qui suis-je pour poser mon parcours en poids équivalent aux désordres mortels qui broient tant de mes frères ? car qui suis-je en effet pour oser célébrer ces deux naufrages muets en langue densifiée ? C’est que, tout simplement, je ne me résous pas à finir en laideur, autant aurait valu disparaître plus tôt, bien plus tôt, aux jours sombres où pointe la conscience des choses. »



À la fois essai et autobiographie, Riboulet mêle ici les attentats de 2015, les accords franco-britannique de 1916 et sa résignation face à son cancer dont il mourra en 2018. Le titre renvoie évidemment à la tragédie d’Eschyle Les sept contre Thèbes mais pourtant jamais l’auteur ne sombre dans le pathos propre à la tragédie. Et dieu sait qu’il en est question ici…



Le pessimisme est absolu mais il est pourtant question de lumière quand les corps se fondent*. Ajoutez-y ce goût pour les malfrats, cette obsession de la mort et la beauté de la prose poétique et vous y retrouvez du Jean Genet dont Riboulet se fait l’héritier.

En effet, la plume est d’une subtilité et d’une beauté comme j’en ai rarement lue. Le style, poétique, est absolument saisissant. Alexandrins, poème, chant lyrique et faits historiques s’y déploient remarquablement. Il faut plus que de l’audace pour mêler les évènements de 1916 à ceux de 2015 en plus d’un cancer en mêlant tout à la fois le désir et la puissance des corps. Il faut du génie. Ainsi l’horizon de la mort de l’auteur rejoint les douleurs du monde et de tous ces corps sacrifiés.



*Peut-être certaines scènes de fusion homosexuelle dérangeront-elles certains lecteurs.

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Mère Biscuit

C'est l'un des premiers livres de Mathieu Riboulet et l'écriture qui lui est propre est déjà là. C'est beau, c'est précis. Et dur.

Mais il y a aussi une grande douceur (à laquelle je ne m'attendais pas) dans ce court roman. Dans la façon dont est racontée la vie de Marie-Louise, alias Mère Biscuit. Dans cette volonté, craintive et pleine de respect, de reconstituer la vie de cette femme, grand-mère adoptive du narrateur, dont il ne sait finalement pas grand chose tout en sachant tout. Dans la façon dont son corps même, malade puis mort, est décrit.

On retrouve des thèmes qui reviendront, obsessionnellement, dans le travail de Riboulet : la maladie, l'opposition ruralité/ville, le souvenir de l'amour perdu, qu'on n'a jamais vraiment eu, et surtout cette fascination/répulsion pour le fait de coucher avec l'ennemi, pour le corps allemand.

Et puis dans ce roman-là, il y a aussi un onirisme bienvenu. Un équilibre incroyable entre visions et réalité, d'une justesse touchante.
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Le corps des anges

Court roman d'à peine 105 pages . Désolé pour l'auteur, mais je n'ai pas accroché. Peut-être devrais-je le relire, mais à la première lecture, je suis déçu , pas par l'écriture même très poétique mais je n'ai pas compris ce que l'auteur à voulu me raconter.
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