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Critiques de Maurizio Serra (23)
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Le mystère Mussolini

Né à Londres, scolarisé en lycée français, Maurizio Serra diplomate, fils de diplomate, ambassadeur d'Italie auprès de l'Unesco, est le premier italien élu à l’académie française (au fauteuil de Simone Veil) grâce à ses nombreuses biographies rédigées dans notre langue.



Honoré en 2011 du Goncourt de la biographie pour « Malaparte, vies et légendes », son ouvrage « Le Mystère Mussolini » reçoit en 2021 le Grand Prix de la biographie politique et le Prix du livre d’histoire du Nouveau Cercle de l’Union.



Cette biographie (remarquablement commentée par Aquilon62) est assez différente de celle que Pierre Milza a publié en 1999 chez Fayard, car Maurizio Serra, en diplomate qu’il est, consacre plusieurs chapitres d’une grande finesse aux errances des politiques étrangères anglaises et françaises qui poussèrent l’Italie fasciste, notre meilleur allié dans les années 20, dans les bras de l’Allemagne nazie à la suite de la conquête de l’Ethiopie.



Elle diffère aussi car l’auteur a connu personnellement de nombreux protagonistes et émaille son écrit d’anecdotes familiales et c’est ainsi que l’on apprend que son père lui a transmis le Luger qu’un officier allemand lui avait remis le 26 avril 1945 en lui disant « nous avons perdu et nous partons »… l’écrivain a rendu cette arme au carabiniers et préféré le sabre de son grand-père comme épée d’académicien.



Maurizio Serra s’appuie sur les travaux de Renzo de Felice et des historiens qu’il a tous lus et qu’il évoque en notes, offrant ainsi une extraordinaire base de données au lecteur, et il cite évidement tous les romanciers et témoins qui ont écrit sur cette époque et dont il a souvent préfacé les éditions et traductions. Cette plongée montre d’ailleurs que les intellectuels « progressistes » de la deuxième moitié du XX siècle étaient nombreux à avoir encensé le régime fasciste avant de se convertir opportunément en 44/45 …



Passionnante et monumentale cette biographie exigeante met en scène cinq cents acteurs ce qui rendra sa lecture difficile à qui ne distingue pas les frères Chamberlain, Austen et Neville, ou ne connait ni Corinne Luchaire ni Hélène de Portes. Le « Mussolini » de Pierre Milza est incontestablement plus accessible et « Rhapsodie italienne » plus romanesque.



Objective et rédigée par une plume érudite, cette biographie est sans doute la « biographie française définitive » du Duce … un dictateur qui est loin de connaitre les succès éditoriaux du Führer.



Une lecture qui donne envie de découvrir les autres titres de notre nouvel académicien.



PS : mon analyse de « Rhapsodie italienne »
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Malaparte, vies et légendes

Maurizio Serra est italien mais écrit ses biographies directement en français - et quel français ! Faut dire que, non content d'avoir été ambassadeur à l'UNESCO (entre autres...) le diplomate-biographe vient d'entrer à L Académie Française (janvier 2020). Après un Les frères séparés (Drieu La Rochelle, Malraux, Aragon) salué par la critique, Maurizio Serra a multi-récidivé avec Italo Svevo ou l'antivie et Une génération perdue, les poètes-guerriers dans l'Europe des années 1930. Il avait également publié un livre d'entretiens avec l'historien et politologue François Fejtö, le passager du Siècle.

Malaparte, vies et légendes, est donc le coeur de cible de Maurizio Serra, qui, par profession comme sans doute par goût, semble tourné vers ces aventuriers des lettres en lisière de la politique, ces poètes ou ces romanciers hommes d'action qui fleurissaient particulièrement à l'époque troublée de la première moitié du vingtième siècle. Porté par cet engagement personnel, documenté à l'extrême y compris par des conversations privilégiées avec certains témoins directs ou leurs héritiers, l'ouvrage est remarquable de bout en bout et constitue aussi une parfaite introduction au monde des lettres italiennes sur la période considérée. J'ai notamment apprécié le souci d'objectivité de l'auteur qui ne s'en laisse pas conter par son personnage, c'est le moins qu'on puisse dire, justifiant pleinement le sous-titre Vies et légendes. Malaparte, en effet, y apparaît comme un romancier fécond, un journaliste prolifique, un succès mondain, un écrivain engagé au service des causes les plus douteuses tout en restant capable d'une grande générosité et d'une considération inattendue pour les humbles, mais aussi comme un illusionniste motivé avant tout par le culte de sa propre image. Narcisse, l'épithète le poursuit tout au long de cette volumineuse épopée : l'auteur de la Peau aura tout fait pour se mettre en scène, parfois en dépit de son propre intérêt ; ainsi quand il s'attaque sans raison apparente autre que d'attirer l'attention à l'un des dignitaires les plus puissants du régime fasciste et se retrouve finalement confiné (le terme est de circonstance, mais "confino" était l'appellation retenue pour la relégation des opposants du régime, exil intérieur qui, bien que peu comparable à l'emprisonnement, fit néanmoins des victimes, tel Antonio Gramsci par exemple, entre bien d'autres).

Je m'étais toujours interrogé sur l'ambiguïté qui préside à la relation des horreurs de la guerre, dans Kaputt, où il est difficile de déterminer dans quelle mesure Malaparte s'oppose vraiment aux dignitaires nazis et tortionnaires de tout poil dont il relate avec une complaisance suspecte les exactions : la biographie de Maurizio Serra jette une lumière révélatrice sur cette attitude. L'ouvrage a été rédigé avant le tournant de la guerre mondiale et, bien que publié en 1943 à peu près au moment de la libération de l'Italie du Sud, semble avoir pâti d'une certaine prudence qui paraît cautionner le pire : Malaparte n'avait pas encore senti le vent tourner et, quand il a repris son manuscrit de 1941, il l'a amendé mais pas suffisamment pour le débarrasser tout à fait de ses fascinations de mauvais aloi.

La biographie est bien équilibrée : avec tous ses aspects détestables, le personnage de Malaparte suscite l'adhésion, voire l'affection. On se passionne pour son talent , ses incartades, ses voyages et même ses palinodies. le loup solitaire, le combattant de deux Guerres Mondiales et de l'expédition d'Ethiopie, le correspondant du Corriere della Sera sur le front de l'est et en Finlande, l'étranger à Paris (Journal secret dont il a publié une partie de son vivant, mais que La Table Ronde édite aujourd'hui dans sa dimension cachée) dont la deuxième patrie, la France, ne le récompense certes pas à la juste mesure de ses services, méritent notre estime. Maurizio Serra, qui a si bien restitué son sujet, mérite lui toute notre admiration .
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Le mystère Mussolini

Excellente biographie de Mussolini , très vivante , extrêmement bien écrite et qui se lit comme un roman

Maurizio Serra maitrise parfaitement son sujet et apporte une vision différente sur le dictateur italien , le fascisme et les années de guerre . Un excellent moment de lecture .
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Le mystère Mussolini

Maurizio Serra nous livre ici, une nouvelle fois serais-je tenté de dire, une magistrale biographie, qui tente de lever le "Mystère Mussolini". "Le plus sibyllin, le plus déroutant, le moins aisé à cerner de tous les dictateurs du XXe siècle" selon l'auteur. 



En trois parties, introduites par 3 citations très justement choisies, il nous dévoile :

- L'homme : "La froideur est la plus grande qualité d’un homme destiné à commander." Napoléon ;

- Ses défis : "Il n’existe point de fortitude, là où manque la raison." Cicéron, Les Tusculanes IV ;

- Sa faillite : "Les coupables attribuent toujours leurs fautes aux circonstances. " Salluste, Guerre de Jugurtha I. 



L'académicien nous explique que le mensonge est une clé majeure de ce dictateur qui "les résume tous, de Lénine à Castro" . 

En premier lieu en affirmant que la victoire de l’Italie aurait été spoliée par les Alliés, et ensuite, en prétendant que les "années rouges" de 1919-1920 (biennio rosso) pendant laquelle se produisirent des mobilisations paysannes, des manifestations ouvrières, des occupations d'usines, constituaient une menace existentielle. 



Selon Maurizio Serra, "le fascisme n’est pas né pour réagir à une fragilisation de la société italienne en1918-1919, comme il l’a prétendu mais, au contraire, pour l’élargir et l’exploiter à fond". 



L'auteur le précise à de nombreuses reprises : Mussolini a "toujours menti", "parfois à son corps défendant" , toujours par un "souverain mépris pour les hommes" . C’est sa manière "d’imposer sa volonté de puissance à un peuple qui, trop civilisé, trop tolérant, trop habitué à pactiser, n’en voulut finalement pas".

Pour l'anecdote Mussolini  se plaît à laisser la lumière de son bureau allumée pour faire croire qu’il travaille toute la nuit alors qu'il se couche en vérité vers 22 heures !!! 



Car les italiens en voulaient-ils ? 

En tout état de cause, lors de la Marche su Rome, le 28 octobre 1922, Victor-Emmanuel et la classe politique italienne, par peur d'une guerre civile, choisirent la reddition face aux paramilitaires des Faisceaux italiens de combat et membres du Parti national fasciste. Mussolini resté tranquillement à Milan attendre 3 jours avant de rejoindre la capitale pour former son gouvernement. 6 mois plus tard, ça en sera fini de la monarchie parlementaire lors d'un plébiscite à presque 8 millions de voix 



Maurizio Serra écrit : "S’il avait cultivé le noble art des échecs, mais nous savons qu’il méprisait tous les "passe-temps" , Mussolini aurait compris qu’il avait déjà techniquement perdu la partie, dès son entrée en jeu".



Dans ce cas aurait-t-il entrepris la conquête de l’Ethiopie en 1935, accompagnée de ses exactions, la participation à la guerre d'Espagne. Autant d'actions qui ternissent un peu plus son image, de plus en plus en Europe. A force de vouloir toujours être du côté du plus fort, il mise sur le mauvais cheval : Hitler. Il fera voter des lois raciales en 1938. La déroute de son armée lui sera fatale, il sera déchu en 1943 par le roi Victor-Emmanuel 



Ultime baroud d'honneur il crée à Salo la fantoche République sociale italienne, Mussolini décide de rompre avec les idées de la classe dirigeante traditionnelle, qui l'a trahi, afin de revenir aux idéaux révolutionnaires de la naissance du fascisme. Mais au final ce sera pour lui la fin. Cette "aventure" durera presque 2 ans. Ce concentré du fascisme originel devait annoncer la résurrection du Duce, il sera son tombeau.



Il fuira, sera arrêté et fusillé, avant d'être pendu, tout le monde connaît les photos du corps du Duce pendu par les pieds en place publique à Milan.



Maurizio Serra clôture son ouvrage sur ces mots : "Plutôt que de blinder son cercueil, n’est-il pas préférable de comprendre Mussolini en le dépouillant de son masque et, dans la mesure du possible, de son mystère ? C’est, en tout cas, ce que nous avons essayé de faire dans ces pages."



En tout cas ce livre est une réussite, la mission est remplie avec l'art et la manière
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Malaparte, vies et légendes

à noter : cette critique correspond à la version de poche "revue et augmentée"(tempus, Perrin 2012)



Malaparte constitue un sujet idéal pour une grande biographie. On peut sans crainte, à la suite du jury du Goncourt de la biographie en 2011, affirmer que c'est bien cela, une grande biographie, que Maurizio Serra a offert au public des lecteurs de cet écrivain hors norme, comme de tous ceux qui se passionnent pour la vie intellectuelle sous le fascisme de Mussolini.

Car ce livre, au-delà même de la seule personne de Malaparte, mais à travers sa vie et l'élaboration de son oeuvre, ouvre un panorama étonnant et nuancé de l'activité des intellectuels, écrivains et artistes qui ont, contrairement à ce que certains aimeraient à croire, fait de ces vingt années un festival de créativité dans bien des domaines, en cherchant, même quand il n'adhéraient pas à son idéologie, à continuer à produire en cherchant des appuis dans le régime.

On y découvre que presque tous les écrivains ou metteurs en scène qui ont fait la gloire de l'Italie de l'après-guerre, en se parant le plus souvent des plumes de l'anti-fascisme, et parfois en adhérent même au parti communisme, avaient recherché, et obtenu, dans ces deux décennies du pouvoir fasciste, l'appui des autorités, sans lesquelles il n'était pas possible de publier, de faire projeter ses films, ou exposer ses oeuvres. Malaparte n'était donc pas le seul personnage ambigu de l'époque.

J'ajoute, au crédit de ce livre, que Serra ne tombe pas, comme c'est malheureusement le cas de bien des biographes, dans le piège de l'hagiographie systématique de celui avec lequel il a passé tant de temps, et sait prendre le recul nécessaire par rapport au sujet dans lequel il s'est plongé entièrement des années durant.

Un livre indispensable donc, et il faut saluer l'immense travail de documentation, d'écoute de témoins, de recherches, consenti par l'auteur. Mais pourquoi éprouve-t-il le besoin de se mettre lui-même en scène, alourdissant ainsi un livre dont la matière aurait déjà été suffisante à en faire une somme ? À titre d'exemple, le dernier chapitre, qui développe la présentation de la villa de Capri la "casa come me", comme c'était effectivement indispensable, compte tenu de son importance dans la vie de Malaparte et de tout ce qu'elle révèle du personnage, aurait pu être très allégé de tout ce qui concerne, non pas Malaparte, mais l'auteur et ses visites sur place. Je ne dis pas que cela manque d'intérêt. Dans un magazine littéraire, cela m'aurait sans doute attiré. Mais dans cette biographie ?



J'ajoute que le nombre de coquilles, de maladresses de langages finit par peser. On finit par se demander si Grasset et/ou Perrin en sont à faire de l'économie sur les relecteurs?

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Les frères séparés : Drieu La Rochelle, Aragon, M..

Un essai passionnant. L'auteur nous raconte la traversée du XXe siècle de trois grand personnages de la littérature française. Il plonge dans la jeunesse de ces hommes pour y puiser les fondements de leur personnalité et nous permet ainsi de mieux appréhender leurs choix et leurs parcours au travers des événements politiques et idéologiques de leur siècle. Cela donne une approche "ludique" de cette période, le texte est fourni en références historiques et culturelles sans nous assommer.

A travers les évènements traversés et les choix pris, l'Histoire les emporte sur des routes diverses sans possibilités de retour, à travers réussites, échecs et déceptions, des parcours de vie intenses et tragiques , véritables symboles de la destinée des peuples européens à cette période.
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Malaparte, vies et légendes

Critique de Pierre Assouline pour le Magazine Littéraire



Enfin, une biographie de Malaparte ! Le Contre Sainte-Beuve de Proust ayant fait les ravages que l'on sait, nous nous sommes si puissamment persuadés que le moi social n'avait rien à voir avec le moi créateur que nous avons longtemps fait l'économie de certaines « Vies » dès lors que l'oeuvre paraissait se suffire à elle-même tant elle nous en imposait. Tel fut le cas pour celle de cet homme né Kurt Erich Suckert en 1898, mort Curzio Malaparte en 1957, grâce ou à cause de Kaputt, de La Peau et de Technique du coup d'État. Or, dans ce cas précis, cette absence dans nos rayons était d'autant plus étrange que peu d'existences auront été aussi intenses, actives, flamboyantes et romanesques que la sienne. De la chair à biographie ! N'était-ce le délicat hommage en forme de portrait de Bruno Tessarech, Pour Malaparte (2007), et les pages que lui a consacrées Milan Kundera dans Une rencontre (2009), on ne trouvait rien depuis une vingtaine d'années, du moins en France, où le personnage fut longtemps ignoré.

Enfin, Maurizio Serra vint, qui écrivit sa biographie directement dans notre langue, comme si cela s'imposait d'évidence pour ce diplomate italien en poste à Paris, si naturellement italofrançais que l'on se plaît à l'écrire sans la nécessité du trait d'union. L'étude qu'il avait publiée il y a deux ans, Les Frères séparés - entendez : Aragon, Drieu La Rochelle, Malraux -, révélait déjà l'acuité de son érudition littéraire. Malaparte, vies et légendes la porte au plus haut. Sa réussite en est éblouissante, qu'il s'agisse de l'élégance de l'écriture, de la richesse de l'enquête ou de la finesse des analyses. Ce qui n'allait pas de soi avec un animal tel que Malaparte. On ne fait pas plus piégeux, tant le mensonge épouse si naturellement le mouvement de son âme et la plupart de ses attitudes ; il persuadait d'autant plus aisément son entourage de la véracité de ses inventions qu'il en paraissait lui-même convaincu ; mais un mensonge qui, dès ses plus jeunes années, s'ennoblit par la littérature, sa mythomanie romanesque s'enracinant dans une mythologie poétique. Ce qui est bien le moins pour qui ne sera jamais fidèle qu'à Chateaubriand et préférera les chiens aux humains. Fabulateur mais pas mystificateur, il n'a cessé de malaxer l'histoire pour en faire la matière première de son oeuvre, manière de signifier son mépris à ce paquet d'événements qui s'avance pompeusement précédé d'un grand « H », quand la littérature doit s'affirmer avec une grande hache. Le biographe a lu tous les livres de et sur son héros ; il a retrouvé quantité d'archives inconnues ; il a épluché sa correspondance et son journal, inédits en français. Le débroussaillage de ce maquis se révélait d'autant plus indispensable qu'il n'existe pas encore de véritable édition savante des oeuvres complètes de Malaparte dans son propre pays. Outre un grand nombre d'informations précises, de détails jusqu'alors entraperçus, de choses vues et entendues, ce livre impressionnant de densité nous offre un portrait de référence qui remet les légendes à leur place, l'indulgence des lecteurs français dût-elle en souffrir. Il faudra s'y faire : oui, Malaparte a été un authentique fasciste, et même un pilier du régime jusqu'en 1934 ; non, sa relégation à Lipari n'a pas duré cinq ans mais quelques mois, et elle ne trouva pas son origine dans sa rébellion politique mais dans une intrigue sordide ; oui, il demeura le protégé de Mussolini jusqu'à la chute de ce dernier, en 1943... L'auteur entend balayer les lieux communs qui traînent aux basques de son héros ; mais qu'il s'agisse de l'opportunisme, du souci de l'apparence, du cabotinage, de l'égocentrisme, de l'exhibitionnisme, du charisme, du dandysme, des bons mots assassins, du cynisme, de sa puissance de travail, du calcul, du culte du moi, du choix du pseudonyme (il avait bien compris l'intérêt de s'appeler D'Annunzio plutôt que Rapagnetta), du goût de la manipulation et de la polémique, il doit bien convenir qu'ils ne sont pas pour autant tous dénués de fondement. On y revient toujours, quand bien même le gratifierait-on d'une esthétique en lieu et place de sentiments. Le fait est que l'amour, ses scènes et ses histoires, est absent de son oeuvre. Rien sur la jalousie.

De ce portrait critique, modèle de ce que devrait être l'exercice d'admiration, Malaparte émerge comme un amoureux de la force dans toutes ses expressions, fussent-elles les plus totalitaires en politique, du fascisme au communisme de guerre. Là se trouve le noeud de sa cohérence et de sa constance. La force, l'ordre, le protocole, l'épure, les masques : il y a du Mishima en lui. Il a pareillement le culte du corps et de la forme. Pour le reste, c'est-à-dire la conception latine de la mise en scène de soi, il faut le considérer comme le fils naturel de Jean Cocteau et de Greta Garbo. Comme s'en targuait Wilde, il aura mis son talent dans son oeuvre et son génie dans sa vie, et nul ne saura jamais dire ce qu'on y a perdu. Lui-même le pressentait-il, qui fut sans cesse miné par une névrose d'échec ?

La démocratie parlementaire lui répugnait à proportion de son attachement aux valeurs de l'esprit républicain. Peut-être parce que la première offrait le spectacle mou de sa faiblesse et de sa médiocrité, comme si tous les idéaux de fer dont elle était porteuse s'étaient réfugiés dans le second. L'empathie de Maurizio Serra pour son personnage est sans indulgence car elle se déploie en permanence sur la crête des contradictions de celui-ci : « Il aura réussi à donner l'impression de la spontanéité, du trop-plein d'émotion et d'indignation, là où il fut le plus froid et sinueux des auteurs », écrit-il. Au fond, le paradoxe de Malaparte s'inscrit dans sa fascinante maison de Capri. Tout sauf une villa : cet « autoportrait en pierre » était un bunker à la beauté sévère, à l'allure austère, au confort ascétique, mais dont la cave regorgeait de grands crus.
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D'Annunzio le Magnifique

Une très belle biographie de d'Annunzio écrite en français par un brillant intellectuel italien cosmopolite. Le livre a un point de vue davantage littéraire qu'historique, et de ce fait il met en avant de nombreuses références littéraires que nous n'avions pas forcément en France (peu de livres de cet auteur italien proche à un moment du fascisme sont facilement accessibles en français en dehors du marché de l'occasion). Ce petit bémol excepté on peut dire que l'auteur excelle à montrer la vie d'artiste et les amours de ce Don Juan impénitent si l'on me pardonne ce cliché. Les pages consacrées à l'épisode de Fiume sont peut-être un peu moins intéressantes, ce qui est dommage, mais l'on pourra se reporter aux nombreux ouvrages de Pierre Milza...

Un livre à lire pour ceux qui souhaitent se rendre au Vittoriale, sur le lac de Garde, qui fut la maison de d'Annunzio pendant plusieurs dizaines d'années et qui est, également, l'un des personnages importants de ce livre.
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Malaparte, vies et légendes

Excellente biographie, très fouillée, sans jugement de valeur, d'un journaliste aussi complexe que le Duce. Mais rien ne vaut, je pense, la lecture de Malaparte lui-même, notamment Kaputt et ses reportages journalistiques, pour tenter de mieux cerner l'homme.
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Le mystère Mussolini

Dans Le mystère Mussolini, Maurizio Serra tente d’éclairer les diverses facettes du dictateur,qui reste l’une des figures les plus sombres du XXe siècle.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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Malaparte, vies et légendes

Et bien il ne reste plus qu'à lire Malaparte... Pas tout, visiblement... Mais tout de même.
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Malaparte, vies et légendes

Fasciste, résistant, aventurier, hédoniste, orgueilleux et paranoïaque, Malaparte est un homme insaisissable. Il faut toute la culture du biographe pour restituer l'environnement culturel, politique et social qui nous permet de comprendre Malaparte.
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Malaparte, vies et légendes

Ayant eu accès à des archives inédites, Maurizio Serra raconte le parcours d’un homme qui « ne peut ni vivre ni écrire sans attaquer ».
Lien : http://www.lespectacledumond..
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Munich 1938: La paix impossible

L’éminent historien frappe les esprits avec son ouvrage sur la crise de Munich en 1938, dont les similitudes avec la guerre actuelle devraient nous alerter.
Lien : https://www.ouest-france.fr/..
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Malaparte, vies et légendes

une plongée dans le 20eme siecle pour cet espece de Mitterand litteraire à l'italienne.....les défauts d'un homme peuvent ils etre inférieurs à ses qualités?

vous avez trois heures;;;;;

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Amours diplomatiques

L’écrivain italien devenu Immortel en 2020 publie son premier roman, «Amours diplomatiques», un triptyque sur la passion, l’errance et l’échec.


Lien : https://www.tdg.ch/maurizio-..
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D'Annunzio le Magnifique

Maurizio Serra pourfend les clichés qui nous ferment l’accès à l’œuvre de l’écrivain italien (1863-1938), dont le mélange de sublime et de morbide se révèle déjà pasolinien.
Lien : http://www.lemonde.fr/livres..
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Italo Svevo ou l'antivie

Portrait d'un perdant sur fond d'angoisse : tel pourrait être le titre du livre de Maurizio Serra, qui se conclut par deux beaux témoignages d'écrivains-admirateurs, Pedrag Matvejevitch et Claudio Magris. En le refermant, on se dit qu'Ettore Schmitz est bien le plus grandiose, le plus spectaculaire, le plus inoubliable et le plus attachant des héros svéviens.
Lien : http://www.lemonde.fr/livres..
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Italo Svevo ou l'antivie

Svevo a eu une vie sans aventure, mais il a donné à la littérature un type d’aventures nouveau, les aventures ironiques et dérivantes de l’intériorité, comme nées des brumes adriatiques du divan et de la fumée. D’une certaine façon, Serra a écrit la biographie d’un homme qui n’est pas son genre.
Lien : http://rss.feedsportal.com/c..
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Italo Svevo ou l'antivie

Homme d’affaires à Trieste, il écrivit le premier roman psychanalytique. Maurizio Serra nous livre les clefs d’un personnage pour le moins déconcertant.
Lien : http://www.lalibre.be/cultur..
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