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EAN : 9782246752813
640 pages
Grasset (16/02/2011)
4.19/5   18 notes
Résumé :
Curzio Suckert dit Malaparte (1898-1957), écrivain italien de père allemand à vocation cosmopolite, a défié toutes les conventions de son temps, dans une épopée flamboyante où se mêlent d'un bout à l'autre vies et légendes multiples. Talent précoce, à la sensibilité éveillée par les carnages de 1914, dont il fit l'expérience comme volontaire en France, conspirateur roué, envoyé spécial sur tous les fronts de guerre, capable de passer des salons aux tranchées, des us... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Maurizio Serra est italien mais écrit ses biographies directement en français - et quel français ! Faut dire que, non content d'avoir été ambassadeur à l'UNESCO (entre autres...) le diplomate-biographe vient d'entrer à L Académie Française (janvier 2020). Après un Les frères séparés (Drieu La Rochelle, Malraux, Aragon) salué par la critique, Maurizio Serra a multi-récidivé avec Italo Svevo ou l'antivie et Une génération perdue, les poètes-guerriers dans l'Europe des années 1930. Il avait également publié un livre d'entretiens avec l'historien et politologue François Fejtö, le passager du Siècle.
Malaparte, vies et légendes, est donc le coeur de cible de Maurizio Serra, qui, par profession comme sans doute par goût, semble tourné vers ces aventuriers des lettres en lisière de la politique, ces poètes ou ces romanciers hommes d'action qui fleurissaient particulièrement à l'époque troublée de la première moitié du vingtième siècle. Porté par cet engagement personnel, documenté à l'extrême y compris par des conversations privilégiées avec certains témoins directs ou leurs héritiers, l'ouvrage est remarquable de bout en bout et constitue aussi une parfaite introduction au monde des lettres italiennes sur la période considérée. J'ai notamment apprécié le souci d'objectivité de l'auteur qui ne s'en laisse pas conter par son personnage, c'est le moins qu'on puisse dire, justifiant pleinement le sous-titre Vies et légendes. Malaparte, en effet, y apparaît comme un romancier fécond, un journaliste prolifique, un succès mondain, un écrivain engagé au service des causes les plus douteuses tout en restant capable d'une grande générosité et d'une considération inattendue pour les humbles, mais aussi comme un illusionniste motivé avant tout par le culte de sa propre image. Narcisse, l'épithète le poursuit tout au long de cette volumineuse épopée : l'auteur de la Peau aura tout fait pour se mettre en scène, parfois en dépit de son propre intérêt ; ainsi quand il s'attaque sans raison apparente autre que d'attirer l'attention à l'un des dignitaires les plus puissants du régime fasciste et se retrouve finalement confiné (le terme est de circonstance, mais "confino" était l'appellation retenue pour la relégation des opposants du régime, exil intérieur qui, bien que peu comparable à l'emprisonnement, fit néanmoins des victimes, tel Antonio Gramsci par exemple, entre bien d'autres).
Je m'étais toujours interrogé sur l'ambiguïté qui préside à la relation des horreurs de la guerre, dans Kaputt, où il est difficile de déterminer dans quelle mesure Malaparte s'oppose vraiment aux dignitaires nazis et tortionnaires de tout poil dont il relate avec une complaisance suspecte les exactions : la biographie de Maurizio Serra jette une lumière révélatrice sur cette attitude. L'ouvrage a été rédigé avant le tournant de la guerre mondiale et, bien que publié en 1943 à peu près au moment de la libération de l'Italie du Sud, semble avoir pâti d'une certaine prudence qui paraît cautionner le pire : Malaparte n'avait pas encore senti le vent tourner et, quand il a repris son manuscrit de 1941, il l'a amendé mais pas suffisamment pour le débarrasser tout à fait de ses fascinations de mauvais aloi.
La biographie est bien équilibrée : avec tous ses aspects détestables, le personnage de Malaparte suscite l'adhésion, voire l'affection. On se passionne pour son talent , ses incartades, ses voyages et même ses palinodies. le loup solitaire, le combattant de deux Guerres Mondiales et de l'expédition d'Ethiopie, le correspondant du Corriere della Sera sur le front de l'est et en Finlande, l'étranger à Paris (Journal secret dont il a publié une partie de son vivant, mais que La Table Ronde édite aujourd'hui dans sa dimension cachée) dont la deuxième patrie, la France, ne le récompense certes pas à la juste mesure de ses services, méritent notre estime. Maurizio Serra, qui a si bien restitué son sujet, mérite lui toute notre admiration .
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à noter : cette critique correspond à la version de poche "revue et augmentée"(tempus, Perrin 2012)

Malaparte constitue un sujet idéal pour une grande biographie. On peut sans crainte, à la suite du jury du Goncourt de la biographie en 2011, affirmer que c'est bien cela, une grande biographie, que Maurizio Serra a offert au public des lecteurs de cet écrivain hors norme, comme de tous ceux qui se passionnent pour la vie intellectuelle sous le fascisme de Mussolini.
Car ce livre, au-delà même de la seule personne de Malaparte, mais à travers sa vie et l'élaboration de son oeuvre, ouvre un panorama étonnant et nuancé de l'activité des intellectuels, écrivains et artistes qui ont, contrairement à ce que certains aimeraient à croire, fait de ces vingt années un festival de créativité dans bien des domaines, en cherchant, même quand il n'adhéraient pas à son idéologie, à continuer à produire en cherchant des appuis dans le régime.
On y découvre que presque tous les écrivains ou metteurs en scène qui ont fait la gloire de l'Italie de l'après-guerre, en se parant le plus souvent des plumes de l'anti-fascisme, et parfois en adhérent même au parti communisme, avaient recherché, et obtenu, dans ces deux décennies du pouvoir fasciste, l'appui des autorités, sans lesquelles il n'était pas possible de publier, de faire projeter ses films, ou exposer ses oeuvres. Malaparte n'était donc pas le seul personnage ambigu de l'époque.
J'ajoute, au crédit de ce livre, que Serra ne tombe pas, comme c'est malheureusement le cas de bien des biographes, dans le piège de l'hagiographie systématique de celui avec lequel il a passé tant de temps, et sait prendre le recul nécessaire par rapport au sujet dans lequel il s'est plongé entièrement des années durant.
Un livre indispensable donc, et il faut saluer l'immense travail de documentation, d'écoute de témoins, de recherches, consenti par l'auteur. Mais pourquoi éprouve-t-il le besoin de se mettre lui-même en scène, alourdissant ainsi un livre dont la matière aurait déjà été suffisante à en faire une somme ? À titre d'exemple, le dernier chapitre, qui développe la présentation de la villa de Capri la "casa come me", comme c'était effectivement indispensable, compte tenu de son importance dans la vie de Malaparte et de tout ce qu'elle révèle du personnage, aurait pu être très allégé de tout ce qui concerne, non pas Malaparte, mais l'auteur et ses visites sur place. Je ne dis pas que cela manque d'intérêt. Dans un magazine littéraire, cela m'aurait sans doute attiré. Mais dans cette biographie ?

J'ajoute que le nombre de coquilles, de maladresses de langages finit par peser. On finit par se demander si Grasset et/ou Perrin en sont à faire de l'économie sur les relecteurs?
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Excellente biographie, très fouillée, sans jugement de valeur, d'un journaliste aussi complexe que le Duce. Mais rien ne vaut, je pense, la lecture de Malaparte lui-même, notamment Kaputt et ses reportages journalistiques, pour tenter de mieux cerner l'homme.
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Fasciste, résistant, aventurier, hédoniste, orgueilleux et paranoïaque, Malaparte est un homme insaisissable. Il faut toute la culture du biographe pour restituer l'environnement culturel, politique et social qui nous permet de comprendre Malaparte.
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une plongée dans le 20eme siecle pour cet espece de Mitterand litteraire à l'italienne.....les défauts d'un homme peuvent ils etre inférieurs à ses qualités?
vous avez trois heures;;;;;
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critiques presse (2)
Ayant eu accès à des archives inédites, Maurizio Serra raconte le parcours d’un homme qui « ne peut ni vivre ni écrire sans attaquer ».
Lire la critique sur le site : LeSpectacleduMonde
Liberation
13 juin 2011
Dans cette magistrale biographie de Malaparte (1898-1957), écrite pour le public français, il se propose, à partir de documents souvent inédits, de livrer le portrait de ce caméléon insaisissable.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
La culture italienne des années 1930, je ne parle pas des intellectuels qui s'étaient exilés, mais bien de ceux qui avaient choisi de rester, fut foisonnante et souvent d'un très haut niveau, malgré la dictature. Dédaignée dans son propre pays après la montée du néoréalisme d'après-guerre - qui n'existerait pas, c'est l'évidence même, s'il n'y avait pas eu auparavant le réalisme ! -, on commence seulement à la redécouvrir, alors qu'elle reste presque ignorée en France, mais non aux Etats-Unis ni en Allemagne. La peinture a donné Sironi, Casorati, Scipione, Balla, de Pisis, Rosai, Campigli, sans oublier la phase classique (et point mineure) des frères ennemis De Chirico et Savinio. Le grand cinéma italien a fait ses débuts avec Blasetti, Camerini, Genina. L'architecture rationaliste, le design industriel, l'ameublement, la mode même, tout ce qu'on appelle un peu abusivement le "style" italien sont nés alors, avec Piacentini, Brasini, Terragni, Nervi, Gio Ponti. En musique Nono, Maderna ou Berio ne seraient pas concevables si Malipiero et Casella, Petrassi et Dallapiccola ne les avaient précédés. En littérature, on admet Ungaretti et Montale, et bien entendu Moravia dont nous reparlerons. Mais que dire de Bontempelli, Bacchelli, Alvaro, Comisso, Cardarelli, Palazzeschi, Papini, Trilussa ? Et où se sont formés, sinon dans ce climat, Buzzati, Vittorini, Brancati, Delfini, Piovene, Guido, Bilenchi, Bassani, Pavese, Tobino ? Lorsque nous sortirons enfin de la damnatio memoriae, propre des idéologies quand elles descendent au plus bas de leur courbe, nous pourrons revenir à une vision plus objective de cette époque. Et la série complète de Prospettive (N.d.Siladola : revue fondée et dirigée par Malaparte) sera un outil précieux pour nous aider à le faire.
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Quel rôle vient jouer Curzio dans cette histoire ignoble ? Pas beau, pas beau du tout. D'abord par ses amitiés : il connaît bien Dumini, dit "Dumini, neuf homicides", ou encore "le sicaire du Duce", même s'il affirme le contraire. Il a même été son parrain dans un duel ! C'est un grand gaillard balafré aux épaules chaloupeuses, les yeux petits, très clairs et très cruels de tueur, de mère anglaise, né et formé aux Etats-Unis, qui s'est découvert une vocation nationale pendant la guerre pour devenir tout de suite après l'un des plus féroces organisateurs des bandes noires. Curzio et lui viennent du même réservoir de l'extrémisme florentin, où ils se sont rencontrés. Certes, il est difficile de ne pas côtoyer Dumini si on dirige les syndicats fascistes de Florence, mais de là à se lier avec lui, il y a loin. Or, Malaparte ne se limite pas à se déclarer attiré par le sang, depuis le jour de son enfance où "je me coupai profondément la main et la vue de mon sang me causa une frayeur mêlée d'étonnement et de bonheur" (Sang et autres nouvelles, traduction de René Novella, Denoël, 1959. Nouvelle édition, préface, bibliographie et chronologie par Alain Sarrabayrouse, Paris, Editions du Rocher- GF Flammarion, 1989) ; il est indéniablement attiré par les hommes de main, ou pire. Un autre personnage de ce genre, que nous rencontrerons plus tard, sera Arconovaldo Bonaccorsi, "le boucher des Baléares" pendant la guerre d'Espagne. La tendance navrante de certains intellectuels en quête de virilité à s'acoquiner avec la pègre est connue. Drieu, qui souffrait de cette attirance, en a donné une interprétation presque psychanalytique dans Les chiens de paille et Journal d'un délicat. Mais on comprend mal ce qui pouvait jouer dans le cas d'un homme équilibré, indifférent au vice et qui avait déjà suffisamment prouvé sa force physique et morale dans la Grande Guerre, comme Curzio.
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Il voulait écrire de sa main tremblante sur une feuille de cahier "Malaparte n'est pas mort" et signer en grand. Il n'en eu pas le temps.
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Videos de Maurizio Serra (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Maurizio Serra
Echange entre le biographe de « Le mystère Mussolini » (éditions Perrin) et Xavier Fos, président de stratégies françaises. L’auteur répond à de nombreuses questions, dans un grand entretien. Quels sont les liens entre Benito Mussolini et le fascisme dans l’Europe des années 20 et 30 ? Quelles sont les étapes de la prise de pouvoir par le « Duce » ? Celui qui vient d’être élu à l’Académie française en 2020 réagit à l’invasion de l’Ukraine et donne son avis sur la personnalité de Poutine. Xavier Fos interroge Maurizio Serra. L’académicien décrit la manière dont Mussolini a réussi à rester populaire en Italie pendant plus de 16 ans. Xavier Fos, président de stratégies françaises fait l’interview du diplomate. Maurizio Serra porte un regard sur les personnages sulfureux de l’Histoire et leur part d’ombre. L’auteur évoque le mariage de Mussolini avec Rachele, et le rôle de sa maîtresse Margherita Sarfatti. Maurizio Serra reçoit le club stratégies françaises. Quelle est la part pathologique du caractère de Mussolini (mensonge, manque de sens de l’humour) ? Quel rôle joue le roi Victor-Emmanuel III ? Pourquoi le livre d’Oswald Spengler « Le déclin de l’Occident » a joué un rôle important dans cette époque ? Maurizio Serra évoque l’agression contre l’Ethiopie en 1935, conquête coloniale avec un temps de retard. L’historien explique comment le fascisme devient antisémite en 1938 avec une série de lois excluant les juifs de l’administration, l’enseignement, la culture. Le biographe de Malaparte essaie d’expliquer l’étrange rapport entre Mussolini et Hitler. Quelle est l’influence du gendre Ciano, qui sera son ministre des Affaires étrangères ? Quelle est la nature du régime de la République de Salo ? Quelles premières impressions à l’Académie française ?
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