Mélanie Fazi est une habile et savante tisseuse d’atmosphères, sombres, mélancoliques, oniriques. Elle écrit joliment parfois de manière fort poétique et possède des thématiques intéressantes. Hélas, rien n’y fait. Je n’accroche pas. Il me manque toujours un petit quelque chose pour adhérer pleinement à la plupart de ces nouvelles. Je n’ai pas l’élan, l’étincelle. Je reste extérieure. Quand je me met à regarder combien il reste de pages à une nouvelle, cela est mauvaise signe, généralement. C’est que je m’ennuie en lisant. C’est exactement ce que j’ai fait pour presque toutes les nouvelles de ce recueil. Je lis les mots, les phrases et rien ne se produit en moi. Les histoires me passent par-dessus la tête, les personnages m’indiffèrent… Pourquoi ? Tentative de trouver des éléments de réponse :
1°
Sauf exception, les nouvelles sont très lentes (pour ne pas dire longues), verbeuses et trop introspectives.
2°
Les nouvelles sont statiques, elles manquent d’action, de rebondissements, de tension et de suspense… Ensuite, et c’est un comble !, je trouve que ces nouvelles fantastiques/SF manquent souvent cruellement….de fantastique justement. Elles sont plus psychologiques que réellement fantastiques. Encore une fois, c’est dommage. Il y a certains sujets que M. Fazi pourraient pousser plus loin, et qu’elle ne fait qu’effleurer, préférant se consacrer (parfois sur plusieurs pages) aux états d’âme et aux ressentis de ses personnages, j’avoue que j’ai souvent décroché à cause de cela. On attend, on attend. Oui, on attend que ça décolle enfin, sauf que ça décolle jamais. Alors, oui, c’est bien écrit, poétique, et emplies de jolies idées, n’empêche que c’est bavard et que l’on s’ennuie un peu, beaucoup.
3°
Les chutes des nouvelles. J’adore être surprise, rester baba devant les derniers paragraphes ou les dernières phrases d’une nouvelle et me dire : « Non ! Pas possible !». J’adore me faire manipuler par un auteur. Or, chez Mélanie Fazi, hormis rares exceptions comme dans Matilda, je vois arriver les chutes grosses comme des maisons ! Et c’est très frustrant, croyez-moi !
Un rapide tour d’horizon des nouvelles composant le recueil :
Serpentine : L’une des nouvelles les plus réussies du recueil. Elle ouvre bien les hostilités, si je puis dire. L’ambiance est prenante mais la chute se devine trop tôt.
Élégie : Je n’ai pas du tout accroché. Ce n’est qu’un long monologue. L’intrigue est statique. Trop. Il ne se passe rien et l’histoire de cette mère à la recherche de ses enfants disparus, ne m’a pas du tout émue. Bien au contraire, je me suis superbement ennuyée et je n’avais qu’une hâte : voir apparaitre le point final.
Nous reprendre à la route :
Cette nouvelle aurait pu être formidable car l’idée qu’elle met en scène et son ambiance sont prometteuses, mais son traitement est trop bavard, ce qui rend la nouvelle plate et longuette. Je me suis formidablement ennuyée en la lisant.
Rêves de cendres : Encore plus ennuyeuse est celle-ci. Je n’ai toujours pas compris l’intérêt de cette nouvelle. Plate, ennuyeuse et mettant en scène une héroïne bonne à baffer. Tout comme pour Élégie, elle m’a semblé sans saveur. Je ne vois pas ce qu’apporte ce genre d’histoire à la littérature fantastique (!?).
Matilda : Ma préférée du recueil malgré ses défauts indéniables et son côté un peu bancal et brouillon. Elle m’aura captivée voire subjuguée, par son ambiance si particulière, son excellente restitution d’un concert de jazz, son atmosphère sombre, brumeuse et mystérieuse et une chute qui, pour une fois, m’a surprise. Car même si de petits indices sont semés par-ci par-là, je n’avais rien deviné! Bonne nouvelle malgré quelques longueurs gênantes.
Mémoire des herbes aromatiques
Une relecture sympathique de la mythologie grecque. Mais trop de dialogues qui sentent le remplissage à plein nez et une fin assez facilement devinable.
Petit théâtre de rame
Un début très ennuyeux car assez plat et trop descriptif qui m’a donné envie de sauter cette nouvelle pour passer à la suivante. Or, j’ai eu raison de m’accrocher. Car M. Fazi réussit à installer progressivement une belle ambiance dérangeante à souhait jusqu’à un final parfaitement maîtrisé d’une noirceur absolue.
Le faiseur de pluie
Sympathique. Un peu trop enfantine. Le sujet aurait pu être traité de manière plus effrayante.
Le Passeur
Pas du tout accroché. Je n’aime pas le message que véhicule cette nouvelle, ni la violence gratuite que l’auteur semble y glorifier ! Aucun intérêt, selon moi. Un coup d’épée dans l’encrier.
Ghost Town Blues
Belle ambiance western, atmosphère désenchantée très réussie, thématique fantastique originale, plume inspirée et alerte, et très bonne intrigue. Une nouvelle râpeuse comme du sable sous les dents que j’ai beaucoup aimé en dépit de quelques petites redites dans les descriptions.
Mon top 3
Matilda
Ghost Town Blues
Petit théâtre de rames
Les autres sont assez moyennes dans l’ensemble.
En conclusion :
Je suis assez déçue de ma lecture, je me faisais une telle joie de découvrir Mélanie Fazi après avoir lu ses excellentes traductions des nouvelles de Lisa Tuttle (son modèle et inspiratrice). En dépit de belles atmosphères développées avec un talent indéniable, ces nouvelles souffrent à mes yeux de nombreux défauts, longueurs discursives, descriptions inutiles, style parfois haché, abus de subordonnées (combien de phrases commençant par Et et Mais ?, beaucoup.) Cela alourdit considérablement les textes. Sans oublier, les répétitions. Dans Nous reprendre à la route, j’ai remarqué une page où sur deux paragraphes, le mot «bleu/bleue » revient au moins six fois ! Certain(e)s trouveront peut-être que je suis un peu dure avec ce recueil. Mais c’est la déception qui me rend si critique; alléchée par pléthore d’avis dithyrambiques, je m’attendais à lire beaucoup mieux !
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