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Citations de Michel Roquebert (20)


Nichée au sud de Narbonne, dans les premiers ravins boisés des Corbières, au pied d'un rocher fantastique, l'abbaye de Fontfroide, remarquablement restaurée depuis le début de ce siècle [le XXème], a conservé son église du XIIème et son cloître du XIIIème. Elle est encore aujourd'hui, ausein d'un pays sauvage et dénudé, une oasis étrange, inattendue, un opulent jardin envahi d'amandiers, de cyprès et de pins parasols. C'est de là que partirent Pierre [de Castelnau] et Raoul [de Fontfroide], moines tous deux en la même abbaye. On ne connaît pas la date exacte de leur nomination officielle, mais à l'automne 1203 ils étaient déjà légats en titre. Ils avaient une mission bien précise : aller à Toulouse et, à défaut de convaincre le comte lui-même qui, malgré son pardon de 1198, ne répondait pas aux appels du pape, plier les consuls et les habitants de la ville aux volontés de l'Eglise.
Leur idée première était sans doute de mettre sur pied une vaste délégation de religieux, puisqu'ils vont d'abord à Narbonne demander à Bérenger de les accompagner. Non seulement celui-ci refuse, mais c'est à grand-peine qu'ils obtiennent de lui une aide matérielle dérisoire. Ils vont à Béziers : même refus de la part de l'évêque Guillaume de Roquessels. Ils n'en sont pas découragés pour autant et, s'ils dénoncent au pape la mauvaise volonté des deux prélats, ils n'en prennent pas moins tous les deux le chemin de la cité comtale. Le 13 décembre, ils reçoivent le serment de fidélité des consuls et des représentants du peuple toulousain.
(Edition de 1970, p. 158-159)
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De toutes les acrobaties auxquelles, depuis quelque trois mille ans, par jeu ou par nécessité, s'adonne la pensée occidentale, concilier l'existence du mal avec celle de Dieu est sans doute l'exercice de haute voltige intellectuelle le plus admirable et le plus périlleux.
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Il reste que,même ramenée à sa vocation première et aux justes proportions qui furent celles de ses débuts, l Inquisition demeure une echarde dans la chair de l Eglise romaine.C est qu elle fut sans doute, dès le Langdes années 1230,la première émergence historique d un système de contrôle idéologique exhaustif de toute une population au moyen d enquêtes, de délation institutionnalisée,d interrogatoires et de constitution de fichiers de renseignements. Le pape Grégoire ix n'imaginait certainement pas que,ce faisant, il forgeant l'outil privilégié de tous les totalitarismes à venir.
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Le "trésor" de Montségur.
Une fois n'est pas coutume : voilà un trésor qui n'est pas un mythe ! La réalité de celui de Montségur,en effet, est bel et bien attestée par plusieurs dépositions, devant l'inquisiteur Ferrer, en avril et mai 1244, de rescapés du siège. Ce trésor a donc existé, sinon comme "trésor des cathares", ainsi que veut le faire croire une abondante littérature, du moins comme trésor, il serait même plus exact de dire : comme trésorerie, de la communauté religieuse installée à Montségur à partir de 1232.
On s'étonne même, quand on connaît ces dépositions, que ce trésor ait pu nourrir tant d'extrapolations et conduire tant d'auteurs aux portes du délire. Sans doute était-il trop vulgaire de voir en lui la simple somme d'argent dont parlent les rescapés du siège ; il était autrement plus noble - mais surtout, assurément, plus commercial - d'en faire tour à tour, au gré de l'imagination de chacun, des textes cathares secrets, ou des inédits de Manès, voire de Platon, ou un livre perdu de Flavius Josèphe, ou des documents compromettants pour Blanche de Castille, sans parler, bien sûr, du Saint-Graal, que les cathares cachaient dans leur temple solaire de Montségur et que la croisade albigeoise eut évidemment pour objectif de leur enlever...

p. 463
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Quand le 2 mars 1244, le chef de la garnison [de Montségur], Pierre-Roger de Mirepoix, négocia avec les assaillants la trêve qui lui permettrait de ne leur livrer que deux semaines plus tard le "castrum" assiégé depuis dix mois, nul ne pouvait ignorer le sort qui serait alors réservé aux quelque 200 parfaits et parfaites qui y avaient trouvé refuge. Et pourtant, le dimanche 13, se produisit un fait surprenant : ce jour-là, alors que rien ne les y obligeait, vingt simples croyants et croyantes demandèrent à l'évêque Bertrand Marty de leur conférer le "consolament" qui allait inéluctablement les conduire le mercredi sur le bûcher. Corba de Péreille et sa fille Esclarmonde furent du nombre. De fait, elles accompagnèrent au supplice,le 16 mars, l'aïeule de leur lignage, Marquésia.

p. 164
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" Je jure de faire abattre le château de Montségur sitôt que je pourrai m'en rendre maître ; de mettre tout en oeuvre pour m'en emparer le plus rapidement possible, et de conduire sa démolition au vu et su de tous ceux qui seraient à cet effet députés par le Seigneur roi..."
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Il haïssait la croix,instrument d un odieux supplice."Si on pend ton père, adoreras tu la corde qui l à pendu?" diront plus tard les cathares.
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En résumé, entre 1200 et 1250, l'émergence historique du catharisme se traduit en Languedoc par la constitution d'une société qu'il faut bien appeler "cathare", parce que les modèles dominants, en matière de croyances et de comportements, au sein de cette société, sont les modèles définis par l'église dualiste. Vécu, à l'orée de cette période, comme tradition familiale au sein d'un certain nombre de lignages de la noblesse des "castra" (châteaux), le catharisme passa aisément de la famille au sens étroit à la "familia" (au sens large, incluant serviteurs, serfs et vassaux), ce qui lui donne cet aspect de religion à la fois nobiliaire et populaire (...)
De 1200 à 1250, cette société que l'on peut concevoir à l'origine comme assez morcelée, tend à la globalisation par la constitution de très vastes clans au sein desquels des liens très forts de solidarité vont permettre de faire face à la persécution, guerre ou Inquisition ; elle tend aussi à l'autarcie ... Le catharisme a puisé sa force d'expansion, puis sa capacité de résistance, dans la cohésion et dans la prégnance des groupes dans lesquels il s'est socialement incarné : le lignage, la "familia", le clan. A ces trois niveaux, il a été vécu comme idéologie et comportement de groupe, et même sous la persécution, tant qu'étaient réunies les conditions qui permettaient la maintenance de la tradition qui le véhiculait.

pp. 145-146
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Le consolament faisant le chrétien, sa réception induit un certain nombre d'obligations, du fait qu'un chrétien baptisé est un individu autre, nouveau - c'est vrai aussi dans le catholicisme -, et se doit, pour les cathares, de prendre ses distances à l'égard du monde. Non point en se faisant ermite, en rompant avec le monde, mais en rompant avec ce qui, dans le monde, témoigne au plus haut degré, au plan éthique, de l'emprise du mauvais principe, et tout particulièrement la luxure, la violence, le mensonge, la méchanceté, le vice sous toutes ses formes.

Autrement dit, le consolament engage dans une vie chaste, non violente, transparente et charitable, imitée de la vie apostolique. Il est une entrée en chrétienté, et du même coup une entrée en religion. Le salut passé nécessairement par l'état religieux. Les cathares se séparent ici des catholiques, mais pas tellement des premiers chrétiens.

A ce niveau, l’Église cathare équivaut très exactement à un ordre, auquel il faut s'agréger pour faire son salut. Tout homme ou toute femme désireux de s'engager dans cette voie peut se faire ordonner, le consolament faisant fonction à la fois de baptême et de sacrement d'ordination, moyennant quoi il ou elle prononce des vœux et se dispose, comme tout moine ou moniale de l’Église catholique, à suivre une règle, en l’occurrence la règle de bonté, de justice et de vérité dont parle Saint Paul dans son Épître aux Éphésiens. (pp. 78-79)
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Il ne peut y avoir d amour véritable que dans l adultère, le mariage en tant qu institution ne reposant que sur des arrangements d intérêts.
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C’est en Bulgarie que prit corps, vers 950, le mouvement doctrinal dont devait être issu le catharisme occitan.
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L’homme participe, par son âme, de la substance de Dieu ; par son corps, de la substance satanique. Périlleux mélange dont l’âme ne se libérera que par l’ascèse du corps et par une connaissance illuminatrice dispensée par l’Esprit-Saint. Au terme de plusieurs réincarnations, elles lui feront reprendre au Royaume, auprès de Dieu, sa place perdue.
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Ceci n'est pas une histoire de la croisade contre les Albigeois. De cette épopée dont près d'un demi-siècle de chevauchées, de sièges, d'holocauste et de trahisons, à modelé mille visages, je ne veux dessiner qu'un profil. Mais c'est le plus atroce et le plus fascinant.

Fascinant, parce qu'il vit toujours, de cette vie pétrifiée qui veille à l'angle d'une tour, qui se love à l'ombre d'une voûte ou qui frémit au faîte crénelé d'un mur.
Car les seules traces tangibles du drame cathare, les seuls témoins qu'on puisse interroger aujourd'hui, ce sont des ruines, grands squelettes de pierre que le soleil tanne, que la pluie couvre de larmes, et à qui le vent, qu'il soit murmure ou hurlement, prête une voix sans mots.
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"Idée que le mal est privation d'un bien qui est naturellement dû. Que l'homme n'ait pas la force d'un lion n'est pas un mal. La cécité, en revanche,
est un mal, puisque l'homme est naturellement fait tel qu'il doive voir.
Chez Thomas comme chez Augustin, cette déréalisation du mal ne pouvait que conduire, puisqu'on lui refuse une cause première qui lui soit particulière, à l'insérer dans le plan divin. Si Dieu n'en est pas l'origine, et si l'on ne peut pas chercher cette origine dans un principe différent de Dieu, il reste que Dieu a au moins rendu le mal possible et l'a permis.
C'était la porte ouverte aux formes les plus extrêmes de, pour ne pas dire les plus extrêmistes, de la théodicée: la justification aveugle de tout ce qui a été, est et sera, en tant qu'appartenant de façon inaliénable à l'oeuvre divine.
L'idée culminera chez Leibniz avec son "meilleur des mondes possibles"
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Péreille par sa mère, Mirepoix par son père. Quand on a dit cela du fondateur de Montségur, on a déjà épuisé tous les données connues sur ses origines, toutes les informations qui permettent de le situer socialement, de savoir quelle place il occupait au sein du tissu complexe des dépendances et des possessions.
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"Ils sont pires que les Sarrazins..." écrivit un jour à ses légats le pape Innocent III, en parlant des Cathares. Leur seul crime était d'exister, c'est-à-dire de ne pas entrer dans le cadre d'une certaine idée de l'existence. La froide décision de les exterminer s'est fondée sur des principes transcendants.
Que le meurtre collectif ait secrété sa propre justification, aux yeux des meurtriers, ce n'en fut ni le premier ni le dernier exemple.
(...)
S'il ne reste rien du drame cathare, que des débris perdus au hasard du sol où se il se joua, et de vastes interrogations, c'est quand même André Breton qui a finalement raison : "Montsegur qui brûle toujours..." Et qui brûlera tout le temps et partout. Parce qu'il est moins le symbole d'un souvenir inextinguible - il faudrait on ne sait quelle haine anachronique et presque indécente pour l'alimenter- que le signe d'un feu permanent, qui n'a jamais cessé de couver sous les cendres de l'Histoire.
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Est-il poésie plus hantée que celle des architectures en ruine? Est-il art plus fantastique que celui qui naît des noces de la pierre et du temps?
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L'histoire a fait de cette montagne bien plus que le prétexte à de charmantes promenades : un sanctuaire. On ne vient pas seulement y visiter de vieilles pierres. On vient y rencontrer les fantômes d'une religion perdue, interroger le décor d'un drame vieux de plus de sept siècles.
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L'hérésie professée dans les Balkans entre 950 et 1500 n'a jamais présenté non plus une rigoureuse unité dogmatique. Elle se partagea notamment en deux tendances principales, dualisme "mitigé" et dualisme "absolu", selon que le principe du Mal était posé comme plus ou moins dépendant du principe du Bien, ou que tous deux étaient conçus comme également incréés et éternels - donc indépendants l'un de l'autre. Dans le premier cas le monde avait été créé avec l'assentiment du Dieu bon, dans le second cas contre sa volonté.
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Au demeurant, la liturgie est simple. L'Église cathare ne connaît qu'un sacrement, le "consolament" - le consolamentum des textes latins. Ce mot occitan veut dire "consolation". C'est le baptême par imposition des mains, celui qu'ont dispensé le Christ et les Apôtres, baptême "de feu" par opposition au baptême "d'eau". Il infuse le Saint-Esprit consolateur que le Christ a promis à la Pentecôte. ais ce baptême est aussi sacrement d’ordination : c'est par lui que le simple "croyant" devient "parfait". La cérémonie, qui vient couronner un long noviciat, nécessite l'imposition de l'Évangile sur la tête du postulant, lequel prononce de véritables vœux : désormais, il ne devra manger aucune nourriture d'origine animale - à l'exception du poisson, c'est-à-dire ni viande ni graisse ni œuf ni lait ni formage. Il devra observer une chasteté absolue, ne jamais mentir, ne jamais jurer, ne jamais tuer, fût-ce en cas de légitime défense - et les animaux sont inclus dans cette observance. Il devra "être loyal dans les choses temporelles et spirituelles". Il devra supporter la persécution et la mort.
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