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Citations de Michel de Jaeghere (56)


Thémistocle, raconte Plutarque, «aménagea le Pirée parce qu'il avait remarqué la situation favorable de ses ports et qu'il voulait unir la ville entière à la mer. Il suivait ainsi une politique opposée à celle des anciens rois d'Athènes. On dit en effet que ceux-ci, s'évertuant à détourner les citoyens de la mer et à les habituer à vivre, non de la navigation, rnais de l'agriculture, avaient répandu le récit selon lequel Athéna, disputant le pays à Poséidon, avait montré l'olivier sacré au juge et remporté ainsi la victoire » sur le dieu de la mer qui avait très inutilement, fait sourdre sur la colline de l'Acropole une source d'eau salée. « Mais Thémistocle ne fit pas ce que dit le poète comique Aristophane d'après qui "il pétrit le Pirée avec la ville" ; c'est au contraire la ville qu'il attacha au Pirée, et la terre à la mer ».
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Les romantiques l'avaient trouvée mélancolique. Revêtue d'un péplos et coiffée d'un grand casque, Athéna est penchée en avant, une main sur la hanche. Elle s'appuie de l'autre sur sa lance plantée en terre comme sur un bâton de pèlerin, inclinant doucement la tête pour lire, devant elle, un texte gravé sur une stèle. L'armement de jeune guerrier contraste avec l'abandon de la pose et la courbe des seins qui évase délicatement la tunique. La robe de la déesse s'ordonne en plis obliques, étrangers à la pesanteur, qui lui donnent la grâce d'une colonne ionique. Ils tranchent par leur linéarité avec le velouté des bras, palpitants de chair vivante. Le visage, saisi de profil, est presque inexpressif. Ni curiosité ni surprise : une gravité souveraine.

(INCIPIT)
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(les chambres de Raphaël)
Raphaël a situé L’École d’Athènes dans la nef de la basilique Saint-Pierre, que le maître architecte était alors en train d’élever. Platon y lève le doigt vers les idées invisibles qui siègent dans l’éther. Aristote le ramène aux réalités sensibles en bénissant de la main la terre, et la puissance ordonnatrice de la raison. Tandis que Socrate énumère ses arguments pour Alcibiade, Pythagore démontre la pertinence de son théorème, Euclide trace sur une tablette les figures de sa géométrie, Ptolémée arbore le globe terrestre, Héraclite regarde le temps passer avec une moue désabusée. L’équilibre de la composition, la noblesse des attitudes, la monumentalité du décor donnent à la foule des philosophes, parés de couleurs toscanes, la gravité d’un bas-relief. L’harmonie des couleurs et la limpidité de la lumière nimbent la scène d’une sublime clarté.
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(Saint-Jean de Latran)
Les murs avaient été peints à fresque par Giotto. Dante, qui visita alors pour la première fois l’édifice, en fut émerveillé : « Il n’est aucune œuvre mortelle, dit-il, que le Latran ne surpasse. »
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Le Jugement Dernier de Michel-Ange
« L’œuvre, écrit Vasari, fut dévoilée le jour de Noël 1541, à la stupeur émerveillée de Rome entière. J’étais cette année-là à Venise. J’allais à Rome la voir, et je demeurai stupéfait. »
Nous le sommes encore.
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Mais pouvait-il se dispenser de nous offrir, en pendant de la nuit de Sounion, et après s'être mis en scène en découvreur de la cité antique, cette nuit passée sus un laurier (il l'avait méritée [sic], il me semble), sur les rives de l'Eurotas: "La nuit était si pure et si sereine que la Voie Lactée formait comme une aube réfléchie par l'eau du fleuve, et à la clarté de laquelle on aurait pu lire. Je m'endormis les yeux attachés au ciel, ayant précisément au-dessus de ma tête la belle constellation du Cygne de Léda." Le génie de la langue est tel chez lui qu'il peut broder, tricher, mentir tout à loisir : du fond de ses mensonges les plus avérés, de ses inventions les plus absurdes surgissent des images qui n'appartiennent qu'à lui.

p. 252
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Comme [si les Grecs] avaient compris que le mystère de la condition humaine laissait place à des questions auxquelles la réponse ne pouvait être donnée que sous le voile du mythe. Et que le triomphe de la raison sur les forces obscures de la pensée magique ne pouvait avoir, pour autant, toujours réponse à tout.
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Sans doute les représentants de la pensée dominante – celle qui prône d’un même élan le métissage des peuples, l’immigration de masse, le féminisme conquérant, l’écologie politique, la libération des mœurs et l’idéologie du genre – se sont-ils emparés aujourd’hui, en France comme dans nombre des démocraties occidentales, des leviers de commande de la plupart des grands médias audiovisuels, ont-ils colonisé l’Éducation nationale et l’Université, autant que le monde de la publicité, celui de la culture de masse, et ont-ils ainsi pris en main une partie des consciences afin d’y exercer, à travers ce que l’on désigne couramment comme le « politiquement correct », une pression qui conduit tous les partenaires du débat politique à user des mêmes clichés, des mêmes slogans, à faire les mêmes professions de foi ; qui condamne ceux qui y contreviennent à la relégation professionnelle, médiatique et sociale ; qui fait d’eux non les partenaires d’un débat contradictoire, mais les porteurs d’un « discours de haine », des ennemis de la liberté dont chacun conviendra qu’il est urgent, au nom de la morale, de les mettre hors de combat.
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Au-delà même de ce qui peut apparaître comme une manière un peu brutale, sommaire, de régler les différends politiques, l’Assemblée d’Athènes vota parfois des lois liberticides.

C’est ainsi qu’alors que les premières années de la guerre du Péloponnèse étaient marquées par une peste qui allait emporter un tiers de la population (dont Périclès lui-même), elle adopta sur la proposition d’un devin qui exploitait la poussée de superstition que suscitaient les malheurs publics, une loi qui faisait un crime que d’enseigner l’astronomie, suspectée de détourner les hommes de la croyance aux dieux immortels. Ami de Périclès, Anaxagore de Clazomènes, qui avait prétendu que le soleil, la lune et les étoiles étaient des pierres en combustion, ne dut son salut qu’à la fuite.

C’est sur le même fondement d’impiété que Socrate serait condamné, trente ans plus tard, à boire la ciguë ; que le sophiste Protagoras, ayant été chassé d’Athènes pour avoir constaté : « sur les dieux, je ne puis savoir ni qu’ils existent, ni qu’ils n’existent pas, ni quelle forme est la leur», ses livres furent brûlés en public.
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Sur la colline de l’Acropole, à l’heure où les ombres s’allongent, les murs du temple d’Érechthée prennent une couleur de pêche mûre. Les cariatides qui soutiennent le baldaquin du tombeau de Kekrops, le roi légendaire d’Athènes, semblent vibrer sous la caresse du couchant. Au loin, la mer scintille entre les caps qui ferment le port du Pirée. Les îles se dissipent dans la brume, Salamine devient imperceptible et le ciel flamboyant embrase la surface de l’eau ; l’horizon se brouille, il n’y a plus d’autre ligne droite que celles des colonnes et des frontons des temples. Sur le mur de la cella du Parthénon, la foule en procession pour les Panathénées s’immobilise.
On dirait que le soleil oblique, en précisant les ombres, souligne des contours que l’on avait crus à peine esquissés dans la pierre. Au Nord, les hoplites et les cavaliers ont revêtu leurs habits de fête. À l’est, les dieux attendent leurs hommages dans l’ombre, impassibles et muets.

[...] je sais bien qu’il s’agit là d’une illusion d’optique. Que les motifs des monuments de l’Acropole, les caissons de leurs plafonds, les personnages des frises, des frontons, étaient rehaussés de couleurs vives. Que la blondeur chatoyante qui nous émerveillé est celle de la pierre d’un monument en ruine, décapé par le temps. Mais si la disparition des couleurs a transformé l’aspect des édifices, elle ne les a pas dénaturés. En les privant de la polychromie qui en soulignait le décor, elle les a rendus à leur seule architecture, elle y a intégré les chefs-d’œuvre de la sculpture qui lui avaient été surajoutés. Elle nous en a révélé, plus encore qu’à leurs contemporains, peut-être, le sublime. Car, à l’égal des pyramides de Gizeh, du Panthéon de Rome, de Sainte-Sophie de Constantinople, le Parthénon est l’un de ces rares monuments qui se suffisent par leurs proportions, leurs formes ; qui n’aient nul besoin, justement, d’être décorés parce qu’ils parviennent, par leurs propres forces, à la plénitude.
(INCIPIT)
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Les lois de la guerre font d'Athènes une ennemie impitoyable, écrit Albert Thibaudet, et la politique impérialiste pour laquelle elle s'est violemment décidée lui donne tous les traits d'une puissance de proie. Il ne semble pas qu'en passant du joug perse à celui d'Athènes, les Ioniens aient gagné plus de liberté et de bien-être. Plutôt y perdirent-ils.
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(Saint-Pierre aux Liens, le Moïse de Michel-Ange).
Les groupes se succèdent devant le Moïse. Les guides racontaient ici aux touristes, il y a quelques années, les péripéties de la construction du tombeau de Jules II et la vie ardente de Michel-Ange. Ils tentaient de montrer comment le sculpteur avait réussi ce prodige de faire, avec la figure du prophète, un portrait moral qui était par sa force, son énergie, son ardeur, celui de son commanditaire ; par l'inquiétude inextinguible du regard, son propre autoportrait en géant harassé. Aujourd'hui, ils s'efforcent de leur expliquer qui était Moïse, sans retenir plus d'un instant leur attention.

p. 74
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La vérité, la vérité toute nue, est que son voyage en Grèce l'a déçu. Des monuments détruits, dont il ne reste que de rares vestiges, des campagnes pelées, un peuple asservi et comme retourné à la barbarie : la Grèce ne ressemble guère à l'image qu'il s'en était faite en lisant Télémaque ou Le voyage du Jeune Anacharsis. Tel est le sentiment qu'expriment ses lettres qu'arrivé à Constantinople, il expédie à ses amis. A Jean-Jacques Faget de Baure, le 13 septembre : " ... A chaque pas qu'on fait, dans la vie, on perd quelque illusion. Ne voyez jamais la Grèce que dans les livres, Monsieur, c'est le plus sûr."

p. 280
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"Les Martyrs" représentaient à ses yeux l'ultime aboutissement de sa carrière de romancier : celle qui devait faire de lui le créateur de la grande épopée chrétienne qui, mieux que "Les Natchez", où il avait tenté de traduire "Homère en Iroquois" (Sainte-Beuve) ferait pendant aux poèmes homériques. Faute d'avoir pressenti quel champ nouveau la critique sociale et l'exploration des ressorts intimes de la psychologie allaient donner au roman, au XIX°s, il ne voit pas, sur le terrain de l'imagination, comment aller plus loin. Aussi a-t-il conclu son livre par un "adieu aux Muses", prévenant qu'il ne dirait plus désormais "les amours et les songes séduisants des hommes", mais consacrerait le reste de son âge "au tableau sévère de la vérité".

p. 261
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(Constantinople). " Aucun signe de joie, aucune apparence de bonheur ne se montre à vos yeux : ce qu'on voit n'est pas un peuple, mais un troupeau qu'un imam conduit et qu'un janissaire égorge. Il n'y a d'autre plaisir que la débauche, d'autre peine que la mort. (...) Au milieu des prisons et des bagnes s'élève un sérail, Capitole de la servitude : c'est là qu'un gardien sacré conserve soigneusement les germes de la peste et des lois primitives de la tyrannie."

Cité p. 273
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Nous avons entamé un dialogue sans limite avec les hommes de notre temps. Il nous donne le sentiment d'une amplification inouïe de nos connaissances, de notre intelligence, de notre faculté de compréhension. Il nous grise de l'illusion de notre omniscience, acquise sous les couleurs du divertissement. Elle ne se résume guère qu'à une succession d'impressions que rendent éphémères l'abondance et le rythme des informations, notre indifférence foncière à l'égard d'une actualité que démodent sans cesse de nouveaux rebondissements.
Le dialogue avec les morts semble échapper, seul, à la curiosité universelle, parce qu'il correspond à de tout autres exigences, qu'il est le fruit d'un effort absorbant. Il s'établit par la frequentation des livres d'histoire, des grands textes, des documents. Par la méditation de leurs leçons. Il ne se contente pas d'une attention superficielle : il suppose qu'on franchisse la barrière de langues parfois mortes depuis longtemps ; que l'on s'acclimate à des habitudes, des institutions, des coutumes, des mœurs, des religions qui nous surprennent ; dont nous ne sommes pas sûrs de comprendre toujours la signification. Qu'on entre en familiarité avec des mentalités qui nous sont étrangères. Il demande qu'on accepte de poursuivre longuement une recherche imparfaite, incertaine, qui nous laisse dans le doute et l'insatisfaction. Nous ne comprenons pas toujours ce que les morts nous disent. Nous sommes sujets aux contresens comme le seraient deux hommes conversant du haut de deux falaises, de part et d'autre d'un gouffre dont on ne verrait pas le fond : l'écho ne leur renvoie que des bribes de réponses, sans qu'il leur soit possible de se faire confirmer la justesse de l'interprétation que chacun d'entre eux a faite de cris presque indistincts.
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