Michèle Cotta

les Français disaient à plus de 90 % ne plus croire en rien, ni en personne. L'autorité de l'Etat et la crédibilité de la parole publique avaient sombré corps et biens avec le dévoilement de ce putsch , d'un nouveau genre, sans armée ni combat.

- C'est ce qui se passe en Province. Au total, plusieurs centaines de milliers de gens dans la rue. ça gronde, monsieur le président, ça gronde beaucoup plus que vous ne l'imaginez.

L'ogre médiatique plus encore que le politique n'est jamais rassasié

Pour rappel imaginé fin 2016 et écrit 1er trimestre 2017)
Habituellement le Président se moquait Berlau l’avait connu à Sciences Po, il n’était pas le plus brillant mais il avait la précision d’une montre suisse. En e pas drôle mais très utile dans un cabinet peuplé de jeunes gens dont les ambitions s’affrontaient parfois un peu trop bruyamment.

La réalité nous a habitués depuis longtemps à dépasser la fiction.

Une belle affaire pourtant, son chef-d’œuvre, mais qui avait été finalement le fossoyeur de toutes ses illusions.

Le Sénat est là, il fait du bruit, il retarde les lois, mais en fin de compte, il n'a pas la possibilité de bloquer grand-chose. Alors peu importe qui en sera le président. C'est le nôtre, de président, qui aura toujours le dernier mot. La presse en fera ses choux gras, mais les Français s'en fichent. Et puis on n'aura qu'à leur demander leur avis, proposer un référendum.

Au début, Jouraud avait regardé avec une affectation vaguement distante ce monde qu'il avait entraperçu à Marseille. C'était juste avant de découvrir ces moments privilégiés de la politique que sont les campagnes électorales. Ces milliers de kilomètres parcourus par des hommes et des femmes que la fatigue semblait avoir à jamais épargnés. Ces moments hors du temps où le reste du monde était mis entre parenthèses, où chaque homme politique semblait sacrifier sans regrets ni remords famille et amis pour gagner une parcelle de pouvoir.

Le président de la République, sous les yeux de son secrétaire général, était déjà reparti au combat. Comme au meilleur temps de la campagne. Ne rien céder, ne rien lâcher, ne pas alimenter la machine à broyer. Surtout pas d'interview. Rien qui puisse donner à ses opposants l'occasion de rebondir.

"Tout ceci n'a aucune logique. Je suis sans explication. On est dans le stupéfiant"

(Pour rappel imaginé fin 2016 et écrit 1er trimestre 2017)

-Mais je suis bien Ici Monsieur le President. La question n’est pas la.
-Alors c’est quoi la question? Demanda Berlau en haussant le ton.
-C’est ce qui se passe en province. Au total, plusieurs centaines de milliers de gens dans la rue. Ça gronde monsieur le Président, ça gronde beaucoup plus que vous ne l’imaginez.
-Maïs enfin Archambault, pour qui me prenez vous? Je l’entends très bien. Et je vais vous dire, c’est normal. Même si ça va mieux, la province n’aime pas être bousculée. À 13h, c’est Pernaut, et on dîne à 18h30 pour ne rien rater du journal de 20h. Je sais de quoi je parle, j’en viens.

Adolescent déjà, il avait du mal à cacher une suffisance à peine masquée par un charme dont il usait et souvent abusait. À l'heure où les jeunes gens scrutent avec désespoir les marques de la puberté, lui offrait ce visage lisse et fin qu'il avait encore aujourd'hui. Ses premières conquêtes lui avaient ouvert des chemins qu'il s'était empressé d'explorer méthodiquement, comme si à l'époque les femmes n'étaient pour lui rien d'autre qu'une équation à résoudre ou une lutte à mener.

Les deux s'étaient vite trouvés. Elle, très jolie femme, aussi féminine que féministe, s'était juré qu'aucun homme ne se mettrait en travers de sa route ; lui était persuadé que tout était à conquérir mais que rien ne lui serait interdit. Deux ambitions qui auraient dû se détruire et qui s'étaient finalement additionnées pour former un couple invulnérable.

Sauf que les mots s’envolent plus vite que les actes. Et au terme de ces deux premiers mois, les mots n’étaient déjà plus audibles tant les actes paraissaient inefficaces.

Ces gens-là étaient pour elle des hommes et des femmes comme les autres. Et même pires, avec leurs grandeurs mais surtout leurs petitesses et leurs médiocres arrangements avec la vérité.

Le chagrin, ça se digère seul.

L’amour était pour elle d’abord une rencontre de deux corps. De l’amour, elle n’aimait que la jouissance. D’une heure, d’une nuit ou de quelques semaines tout au plus. La nouveauté était son moteur et la liberté son credo.

Alors qu'il connaissait si bien cette maison, elle lui paraissait presque étrangère avec ce président pas comme les autres. Dès les premiers jours, Peter Jackson avait douché son ardeur toute militaire. Lui qui avait occupé tous les postes avant de se retrouver au sommet de la pyramide du Secret Service n'avait jamais su lui-même s'il était démocrate ou républicain. Et au fond, peu importait. Du deuxième mandat de Clinton à Obama, il n'avait jamais servi qu'un homme : le président. Sauf que Jackson, c'était autre chose. Pouvait-on servir et protéger ce parvenu de la politique contre sa propre impulsivité ? Surtout quand il vous expliquait, à peine installé dans le Bureau ovale, qu'il n'avait confiance en personne et surtout pas dans le FBI, la CIA ou le Secret Service.

Tant d'années passées à planquer avec les flics et à enquêter en parallèle, de quoi se forger de solides amitiés avec la plupart des pontes de la criminelle. Elle avait même eu une liaison avec l'un d'entre eux pendant plusieurs mois. Ce qui n'avait pas manqué à l'époque de provoquer la jalousie de journalistes toujours prompts à justifier par des sous-entendus sexistes et salaces le vide de leurs enquêtes face aux informations souvent exclusives de leur consœur.

Derrière le personnage jovial et amateur de bonne chère, ils savaient l'homme secret. Capable de dissimulation, il avait réussi à compartimenter sa vie sans que jamais les différents cercles se rencontrent. Les femmes, le jeu, Charrié était un cauchemar pour ses hommes de sécurité. Avec ses multiples téléphones, il se jouait volontiers de ceux qui prétendaient le suivre.