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Citations de Michèle Desbordes (55)


(...) là dans le jour, la saison qui s'achèvent, et tout autour il y aurait le parc, le jardin qui descend vers la rivière, la lumière qui tremble doucement. Il y aurait en ce lieu, en cet instant, une douceur rare. Un exceptionnel arrêt du temps. Vous comprendriez que soudain tout s'immobilise autour de vous. Que l'image se compose, n'en finit pas de se composer, dans la pâleur tremblante, ces formes, ces couleurs qui se détachent du néant auquel il y a peu encore elles appartenaient, c'est pourquoi elles gardent cette pâleur, cette forme d'apparition. Le temps s'arrête, il est cette pâte délicate et transparente comme l'argile, où s'impriment des formes qui ne sont là que pour témoigner de leur prochaine disparition, des visages, des sourires évanescents.
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Du monde perdu il restera ça, cette autre nuit, la nuit froide, la nuit d'hiver sur les épaules qui vous emportent. De ces mémoires, de ces bonheurs qu'on peine à dire, ressentant, éprouvant les régions obscures et reculées, où la parole ne peut aborder et la phrase s'échoue, le seuil ultime au-delà duquel il devient dérisoire de prétendre figurer le monde.
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Il y aura ce que nous avons été pour les autres, des bribes, des fragments de nous que parfois ils crurent entrevoir. Il y aura ces rêves de nous qu'ils nourrirent, et nous n'étions jamais les mêmes, nous étions chaque fois ces inconnus magnifiques qu'ils inventaient, ces idées de nous telles des ombres fragiles dans de vieux miroirs oubliés au fond des chambres, et qui ajoutées à nos propres rêves, nos propres et inlassables tentatives de nous-mêmes, composeront durant quelques années encore de la vie sur cette terre cette étrange et brillante, et croirait-on inoubliable mosaïque, où rien ni personne ne permettra de dire vraiment qui nous fûmes. Qu'aurons-nous donc été et pour qui ? Et combien de créatures, combien d'ombres cheminant les unes près des autres dans la lumière des crépuscules, ces cortèges silencieux et recouverts de poussière des fins de jour ? Et qui jamais comprendra ?

pp. 119-120
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C'est la nuit que l'on meurt, un peu avant l'aube. Quand d'une grande et dernière fatigue, et par une de ces redditions qui semblent épuiser jusqu'à la terre même, le coeur faiblit, le corps tout entier. Je me demande si alors le chagrin vous envahit, d'invisibles pleurs au-dedans de soi-même. Si dans le temps fragile se bouleverse le sang, les pensées qui vous viennent. Que se passe-t-il donc la nuit, et qu'est-elle pour tarir notre souffle, notre chaleur de vivant ? d'une invisible étreinte se saisir de ce qui nous reste de voix, de sang qui cogne aux tempes. Le corps se livre, se soumet, il tend le souffle qu'on lui a donné. On se dit que c'est peut-être une affaire de lumière, de ce qui, avec la pâleur du jour, repose encore au bas des murs, autour des lits, comme une vieille haleine, une trace à quoi on n'aurait pas pris garde.
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Nous figurons dans l'image, dans l'étonnante lumière. La demeure, le parc très grand, et tous ces arbres qui paraissent le bout du monde après quoi plus rien ne se voit ni ne s'entend, il n'y en a guère besoin, pour l'heure tout est rassemblé ici de ce que le monde peut vous porter, pour quelque temps, quelques années de bonheur fou.
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Au retour un peu avant la ville il descendait de son cheval, détachait la bouteille d'encre accrochée à la selle, assis dans l'herbe il dessinait, l'île et les grèves, plus bas vers le couchant l'endroit où le ciel rejoignait le fleuve, l'horizon pâle lissé par la brume, l'or gris dans le fleuve. Plus tard quand arrivait l'émotion, il ne pouvait savoir si c'était ce qu'il voyait ou la mort que maintenant sans rien dire, chaque soir à la même heure, il sentait venir.
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Toi dont je parle, dont je n'ai jamais parlé (...) Ta mort allait s'immiscer, s'introduire là dans ma vie, de façon fulgurante l'infléchir, la bouleverser (..). Ignorant que le moment viendrait où il me faudrait parler de tout ça, te mettre dans un livre toi et le déchirement des choses.
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les cèdres et les tamaris dont on sentait les parfums sur toute la colline, et s’il faisait beau ils partaient sur les allées et marchaient dans le parc, parfois même sur les sentiers qu’il y avait après les pavillons, ils marchaient ensemble comme autrefois, foulant les broussailles et les petites garrigues, les odeurs très chaudes, et s’arrêtant pour reprendre souffle ils contemplaient les Alpes et le Lubéron.
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Plus que jamais elle se taisait, et le silence et le regard détourné parlaient mieux que n'auraient fait les paroles, ils disaient l'habitde et la résignation, en elle parlaient toutes celles qui s'asseyaient sans rien dire près des fenêtres et croisaient les mains dans leurs jupes, comme en lui qu'elle regardait d'un regard fatigué vivaient tous les idiots, ce qu'ils voyaient n'était qu'un infime, misérable fragment du temps, sans fin ni commencement, depuis longtemps et pendant longtemps encore des gens comme eux s'arrêteraient dans une rue ou un jardin pour regarder un vieil âme ou un idiot, les observeraient en se disant qu'ils regardaient un âne et un idiot de tous les temps, inchangés, éternels comme le ciel et le soleil, les profondeurs effrayantes de la terre, le malheur, le bonheur.
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Il y aura ce que nous avons été pour les autres, des bribes, des fragments de nous que parfois ils crurent entrevoir. Il y aura ces rêves de nous qu'il nourrirent, et nous n'étions jamais les même, nous étions chaque fois ces inconnus magnifiques qu'ils inventaient, ces idées de nous telles des ombres fragiles dans de vieux miroirs oubliés au fond des chambres, et qui ajoutées à nos propres rêves, nos propres et inlassables tentatives de nous-même, composeront durant quelques années encore de la vie sur cette terre cette étrange et brillante, et croirait-on inoubliable mosaïque, où rien ni personne ne permettra de dire vraiment qui nous fûmes
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Car ce ne serait pas cette robe qu'on a dite, et qu'on voit sur les photographies, la robe triste et morne qu'elle revêt les jours qu'elle veut paraître bien mise, ce ne serait pas cette robe-là de vieille proprette et bien mise avec ses rayures pâles dans le sombre de l'étoffe, ce serait une autre, et qu'il ne lui aurait jamais vue, bleue comme ses yeux, bleue comme la mer où ils sont ce jour-là, une robe longue et bleue, si légère dans le vent, qu'elle lui paraît d'un autre temps, une robe comme autrefois lui semble-t-il, et d'un coton, d'une toile qui dit le radieux d'un jour d'été, une étoffe qui se lève dans le vent, légère bat les chevilles, et parfois d'un grand mouvement vole autour d'elle. Un calicot, une étamine bleue. Une toile douce où passe l'air, la brise du bord de l'eau.
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[ Incipit ]

Ils étaient arrivés par les coteaux, par la route qui après les derniers villages et les vignes rejoignait le fleuve, de loin ils avaient vu les toits gris et la crête des falaises et plus bas entre les saules des pêcheurs sur une barque. Par les sentiers et le petit bois ils avaient longé le fleuve, ils allaient lentement et menaient leurs chevaux au pas, ils regardaient les eaux claires, presque bleues dans le soleil et de l'autre côté du fleuve la plaine immense. C'était un dimanche matin et les cloches sonnaient, joyeuses dans le ciel d'avril, dans le vent frais qui chassait les nuages vers la mer. Des villageois menaient leurs bêtes sur la rive. Derrière, du côté de la Sologne, ils entendaient les aboiements d'une meute.
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Cette façon qu'a le monde en silence et dans une grande douceur, de se défaire d'un coup, de dire en peu de choses et peu de temps ce qu'il y a à dire. Que mourir n'était peut-être rien d'autre que s'étendre à demi sur un lit comme dans Rome il y a deux mille ans aux soupers de fête et regarder la mer tout le temps qu'il faudrait. Mourir dans les yeux de la mer un jour qu'elle serait bleue.
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... longtemps, elle avait imaginé jusqu'à l'obsession les cheveux de Mathilde épars sur l'estrade où on la tondait devant la foule, dans le pli de la robe entre les genoux comme sur les épaules fatiguées où roulaient une à une les boucles rouges qu'ils coupaient à grosses poignées, c'est vrai elle avait de beaux cheveux, autrefois lorsqu'elle était enfant les gens s'arrêtaient dans la rue et se pendant vers elle touchaient les boucles lourdes et soyeuses.
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Sur les coteaux la lumière pâlissait, jour après jour se veinait de gris, les vignerons taillaient la vigne, ils travaillèrent encore tout un mois, étudièrent les appareillages, les artifices, le parcours des lions et la marche des chevaux, le visage, la chevelure des anges. Les chars, les dieux et les nymphes.
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Lorsqu’elle remontait l’allée, elle souriait. La petite silhouette brillait dans le matin. Il lui en était reconnaissant. Il pensait qu’elle ignorait les images folles, rêves de bonheur ou de plaisir. Qu’elle n’avait connu ni le trouble ni l’attente. Ni la peur de tout perdre. Qu’elle s’était tenu à l’écart, par prudence, heureuse des jours tranquilles, du bol de soupe et du pain frais dans son torchon le matin sur le coin de table, et le soir de l’odeur qui montait des terres, du pas des chevaux qui rentraient.
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Elle marchait avec une vaillance qui faisait penser au bonheur.
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 UNE maison.
 Un jour je me suis bâti une maison dans l'Yokna-
patawpha, et bien avant que je sache ce nom-là, si
compliqué, ni même tout à fait ce qu'était une mai-
son, je me suis bâti une maison parmi les grands
champs de coton et de maïs et les collines vertes
plantées de pins, avec le fleuve et les vieux nègres fati-
gués et les femmes qui marchaient, n'en finissaient
pas de marcher dans les grandes chaleurs de là-bas,
une maison dans les printemps, dans les étés de gly-
cine, et les tonnelles où pour quelques temps, avant
que tout ne fût que décombres, on buvait le vin sous
les treilles muscates.

p.7
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Il la regardait comme on regarde ce que l’on découvre, sans faveur ni complaisance. Aux derniers jours du printemps elle dut prendre l’habitude du regard sur elle, se dire que le maître pouvait observer le serviteur comme il observait un arbre ou une couleur de ciel, un cadavre dans un fossé, parfois les choses les plus inattendues tranquillement et sans histoires devenaient si banales et ordinaires que si elles venaient à manquer la vie en était encore plus difficile, quand il se détournait elle le remarquait, puis l’air de rien se détournait à son tour. Il parlait des habitudes, de ce qui commençait et de ce qui finissait.
Il dessinait un visage, ni homme ni femme ni enfant, cherchait dans les cartons d’anciens dessins, le regard clair sous la paupière transparente, l’amas de boucles, recommençait, comparait, en Italie ils avaient parlé de l’ange, des délicatesses de fleur meurtrie à peine éclose, du creux du cerne sur la joue, cette impression de chaleur, de peau brûlante, l’émotion, le plaisir, comment savoir, tout parfois avait été si magnifique.
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On rêve qu'ils sont là. On rêve qu'ils reviennent. un soir, une nuit ils apparaissent. Là devant nous ils commencent à parler et à rire. Ils semblent heureux d'être de retour, de nous revoir après tout ce temps. La journée est belle, on se souvient que c'est une journée comme il y en a rarement eu. Une clarté, une douceur dans l'air, incomparable.
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