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Critiques de Miguel Angel Asturias (60)
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Histoires étranges et fantastiques d'Amérique l..

"Cela n'est pas possible, et pourtant, cela est."

(J. L. Borges, "Livre de Sable")



Si vous me dites : "fantastique latino-américain", je vous réponds : "Macondo".

Marquez représente sans doute le mieux ce que j'imagine sous le terme "réalisme magique", et sa "magie" restera toujours connectée avec la chaleur humide et l'odeur des bananiers qui se dégagent des pages de "Cent ans de solitude" : cet air qui ondule en créant toutes sortes de mirages qui transforment le réel en irréel, féerique ou inquiétant.

C'est comme une bulle de savon colorée qui flotte dans un monde rationnel, et il ne faut pas appuyer dessus, sinon elle explose et toute la magie est brisée.



Bien sûr, cette anthologie ne serait pas complète sans un récit de Marquez. J'ai appris dans un petit médaillon, dédié à chaque auteur, que Macondo de Marquez doit beaucoup à Yoknapatawpha County de Faulkner... mais oui ! Mais tandis que Faulkner utilise le procédé classique du "courant de conscience", pour créer des histoires aussi inquiétantes qu'"Une rose pour Emily", les auteurs de l'Amérique latine vont créer quelque chose à part, en distordant la réalité et en y rajoutant des éléments absurdes et oniriques. La géographie aidante, nous nous sentons subitement à mille lieues des auteurs à l'héritage européen.



Toutes les histoires du recueil (une bonne trentaine) ne sont pas du "réalisme magique", mais elles sont toutes "étranges" ou "fantastiques". Que vous préfériez un conte plutôt classique dans le style de Poe, une bizarre histoire humoristique, une terreur pure et dure ou un récit psychologique, vous y trouverez toujours votre bonheur. Les auteurs comme Quiroga, Borges, Marquez, Bioy Casares, Cortazar, Vargas Llosa et bien d'autres sont à votre service... donc, à lire de préférence dans une confortable chilienne avec un gros verre de mocochinchi à la main.



Forcément, chacun ses goûts (ce qui est aussi valable pour le mocochinchi; à ne surtout pas confondre avec Monchhichi !), alors je vais dresser mon propre palmarès, en commencant par "Anaconda" d'Horacio Quiroga. En général, les histoires d'animaux m'ennuient profondément, mais il y avait quelque chose de paralysant, voire venimeux, dans ce récit sur un Grand Conseil de serpents de la jungle, qui vont se liguer contre leur ennemi commun, l'homme.

En me disant qu'il n'y aura probablement pas mieux, j'ai relu avec plaisir "L'Aleph" de Borges et l'histoire de Marquez sur le plus beau noyé du monde, avant de tomber sur le "Retour aux sources" d'Alejo Carpentier. Son histoire m'a fait penser au "Masque de la mort Rouge" de Poe par son esthétisme baroque, sauf que Carpentier s'y prend autrement. Don Martial va se lever de son lit de mort pour vivre sa vie à l'envers, et l'histoire réserve plein d'images insolites, comme ces bougies qui se consomment en grandissant, le piano qui redevient clavecin, et don Martial qui oublie la musique pour ressortir ses soldats de plomb. Un voyage d'un néant à l'autre, assez dérangeant, somme toute...

Pour vous détendre, vous pouvez enchaîner sur "L'Aiguilleur" de Juan José Arreola, une histoire qui décrit d'une façon tout à fait drôle et tout à fait absurde le fonctionnement des chemins de fer au Mexique. Cela vous amusera d'autant plus que même dans notre beau pays, à un moment ou à un autre nous avons probablement tous vécu les mêmes tourmentes que le pauvre voyageur d'Arreola.

Si vous voulez quelque chose de plus costaud dans le style "terreur classique", prenez "Aura" de Carlos Fuentes. Pour les amateurs de récits psychologico-bizarres, l'histoire de chiens d'Elena Garro devrait faire l'affaire.

Et pour finir vraiment en beauté, pourquoi pas "L'homme aux champignons" de Sergio Galindo, une des histoires les plus étranges que je n'ai jamais lues.

Seulement, méfiez vous des enfants trouvés dans une belle clairière pleine de champignons. Vous ressentez d'abord une grande euphorie, et le reste n'est plus qu'un rêve... D'ailleurs, saviez-vous en quoi consiste le métier d'un "homme aux champignons" ?



Il est toujours précaire de noter une anthologie qui regroupe tant d'auteurs difficilement comparables. Certaines histoires m'ont laissée de marbre (je m'excuse notamment auprès de João Guimares Rosa !), mais ce fut un beau voyage, et 4/5 devrait convenir.
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Histoires étranges et fantastiques d'Amérique l..

Je suis un anaconda. J'ai avalé cette anthologie de 505 pages avec grand plaisir et je ne suis pas repue, je vous préviens. Vous aurez droit à de petits billets sur certaines histoires que je compte bien relire ou écouter.

Claude Couffon un très grand spécialiste a réuni en 1989 la crème de la crème, d'un continent formidablement divers et prolixe (voir la liste complète dans "résumé"). Une trentaine d' histoires signées des plus grands écrivains hispanophones et lusophones du XXe. Tous désormais classiques. Tous ont écrit de superbes textes étranges ou fantastiques. Ne me demandez pas quelle est la différence, je vous goberais tout cru sur votre oreiller de plumes ce soir. Ces définitions varient tous les ans et sont toujours indigestes tant il y a d'exceptions. Je suis bien davantage sensible à la maîtrise du cuento ou conto, qui est considéré là bas comme un des beaux arts.

« J'ai lutté, écrit Quiroga, pour que le conte n'ait qu'une seule ligne, tracée d'une main certaine du début jusqu'à la fin. Aucun obstacle, aucune digression ne devait venir relâcher la tension de son fil, le conte est, au vu de sa fin intrinsèque, une flèche soigneusement pointée qui part de l'arc pour aller directement donner dans le mille. »



Ces fins archers sont tous les héritiers de plusieurs traditions écrites et orales amérindiennes, africaines, européennes. Ils ont le don de vous faire gober le surnaturel comme si de rien n'était. On l'accepte d'autant plus volontiers qu' on aime entendre des histoires, entre plaisir et horreur, qui nous sortent littéralement de l' ordinaire pour mieux l'interroger.



J'ai savouré des histoires qui sont indisponibles à ma connaissance en français actuellement :

-Oscar Cerruto : Les Vautours***** un voyageur croise le regard magnétique d'une femme dans un tramway et plonge dans un cauchemar.

-Juan Bosh : La Tache indélébile*** : un conte fantastique civique...si, si.. qui vous fait perdre la tête (voir citation).

-Juan Jose Arreola : L'Aiguilleur***** : un voyageur cherche en vain son train et dialogue avec l'aiguilleur. Une nouvelle absurde et drôle.

-Elena Garro : le Jour où nous fûmes des chiens****La cruauté du monde vue à travers l'imagination innocente d'une petite fille.

-Virgilio Diaz Grullon : au-delà du miroir*** Un homme à la recherche de sa véritable identité.

-Sergio Galindo : L'homme aux champignons ****Une terrible fricassée familiale.



Merci beaucoup Bobby.

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Légendes du Guatemala

Avec ces légendes bigarrées et hallucinées, j'ai été bien surprise de retrouver, longtemps après le choc de Monsieur le Président, un Asturias dans une veine, comment dire, moins linéaire!

Tout est déroutant dans cette oeuvre: la construction avec un prologue, des légendes mais aussi une pièce de théâtre; le style, déroutant, foisonnant, presque dissonant parfois comme une musique céleste que l'on envie de slammer. La lecture est ardue, et pourtant elle laisse au final la sensation d'un rêve éveillé pendant lequel on aurait touché avec ses cinq sens un peu de l'âme de la grande Amérique originelle.

Une expérience de lecture riche et originale, qu'à mon regret je n'aurai pas su vivre pleinement.
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Monsieur le Président

Dès les premières pages, je n’ai pas accroché à Monsieur le Président. Avoir été sage, j’aurais refermé le livre au lieu de tenter à tout prix de passer au travers, je l’aurais mis de côté pour pouvoir mieux le ressortir dans cinq, dix ans. Malheureusement, j’ai persisté et ma mauvaise première impression m’a accompagné tout au long de ma lecture. Et les critiques élogieuses que je lis (que j’ai lues trop tard, hélas) me le font regretter, me signifient que je suis passé à côté de quelque chose de formidable. Un rendez-vous littéraire manqué !



J’ai d’autres raisons de m’en désoler. Cela faisait un certain temps que je me promettais la lecture d’une œuvre de Miguel Angel Asturias, grand auteur guatémaltèque, récipiendaire du prix Nobel de Littérature, une légende du 20e siècle. Vraiment pas n’importe qui ! Et son Monsieur le Président fait même partie des 1001 livres qu’il faut avoir lu, une belle porte d’entrée à son œuvre. Je voulais l’aimer avant même le commencer…



Ce roman polyphonique critique la dictature. Le Guatemala a dû subir le joug de quelques de ces tyrannies, comme d’autres pays d’Amérique du Sud. Et d’ailleurs dans le monde. Ainsi, Monsieur le Président a une portée universelle. On y voit les dérives de tels systèmes et comment les gens ont peur, tentent de survivre mais même les innocents finissent par en souffrir. C’était glauque et démoralisant. Je sais, je sais, c’est le propos de l’auteur ! En même temps, les aventures décrites avaient cet air d’irréel et d’étrangeté.



Si cette œuvre était instructive, je n’éprouvais pas vraiment de plaisir à le lire, je lui trouvais un je-ne-sais-quoi de claustrophobique. C’est probablement le style qui m’a rebuté. Un roman qui n’en est pas vraiment un, constitué d’une multitude de chapitres courts qui mettent de l’avant des personnages nombreux (c’est une des rares fois où je n’arrivais pas à retenir les noms), bigarrés et pas partuclièrement sympathiques. Et je ne parle pas de l’intrigue que j’ai eu de la difficulté à cerner. Une véritable histoire labyrinthique !
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Histoires étranges et fantastiques d'Amérique l..

A l'exception de quelques rares romans, dont le célèbre "Cent ans de solitude", je dois avouer que la littérature d'Amérique latine, m'est à peu prés inconnue.



C'est pourquoi, quand je suis tombé sur ce recueil dans une bourse aux livres d'occasion, j'ai saisi la chance de la découvrir par un biais qui me passionne : le fantastique.



Ce livre présente un panorama de la littérature sud américaine, vu au travers du prisme déformant, mais aussi parfois révélateur, de l'étrange, de l'insolite...



Les auteurs présentés ici, sont originaires de l'Uruguay, du Mexique, du Brésil, de République Dominicaine, et autres contrées exotiques.

Citons, entre autres, José Luis Borges, Adolfo Bioy Casarès, Julio Cortázar, Gabriel Garcia Marquez, Jorge Amado pour les plus connus.



Autant le dire, nous sommes fort loin du fantastique anglo-saxon par exemple, dont les grands auteurs ont imprimé un style devenu référentiel.



Ici, nous sommes plus souvent dans le réalisme fantastique, ou l'onirisme. Une vision de l'insolite que l'on peut qualifier de plus "poétique" et moins sensationnelle.



L'histoire de ces pays, a en général été marquée par des périodes pour le moins troublées, allant jusqu'aux révolutions, dictatures, guerres civiles. Cela se retrouve tout naturellement dans certaines oeuvres, ainsi, par exemple, dans le roman distopyque (un des rares lus dont je parle plus haut) "Journal de la guerre au cochon" d'Adolfo Bioy Casarès.



Le recueil s'avère donc une introduction intéressante à une expression littéraire très caractéristique.



Comme presque toujours dans ce genre d'ouvrage, les textes sont d'un intérêt variable,et pour quelques uns un peu ésotériques (pour le néophyte que je suis tout au moins !).



Ceci dit, la qualité d'écriture, et de traduction est toujours au rendez-vous.
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Le pape vert

Plaisir de retrouver Asturias dans la veine d'El Senor Presidente, dans un de ces romans politiques incandescents au récit sublimé par cette pointe de folie, le réalisme magique, que je n'ai jamais trouvé ailleurs que chez ces grands auteurs latino-américains du dernier siècle.

Pas vraiment de dictateur dans ce roman-ci, mais la dénonciation d'un pouvoir politique et militaire complètement corrompu car si aisément corruptible par les grandes compagnies fruitières américaines qui ont façonné sans la moindre vergogne, appuyé par Washington, la géopolitique de l'Amérique centrale pour leurs seuls et gigantesques profits.

Asturias nous convoque donc dans les agissements brutaux, véreux et machiavéliques d'un roi de la banane, Geo Maker Thompson. Un pirate aventurier pour lequel l'entreprise bananière n'est qu'une autre façon d'exercer ses talents de piraterie, extorquant, corrompant, esclavagisant, délogeant et même tuant à tout va, jusqu'à parvenir aux portes de la consécration de ce capitalisme sauvage et être sacré président de la compagnie... porte devant laquelle il recule au dernier moment, ensorcelé par un amour obsédant...

Je rejoins le commentaire d'un autre babéliote, le livre est un peu long, c'est vrai. La première partie qui décrit l'ascension du pape vert et son immersion dans le même temps dans les filets étranges d'un amour impossible, est géniale. La seconde, plus bavarde, met la focale sur la population locale et les ravages dans les mentalités de cette politique économique de sauvages, souffre de quelques longueurs, mais l'ensemble est sauvé par quelques scènes sublimes soit de poésie, soit d'acuité à décrire le pouvoir corrupteur de l'argent.

Un auteur et un roman à lire pour le témoignage unique qu'il porte, l'évocation de la puissance de la nature luxuriante, la lutte impossible des plus faibles, la sauvagerie d'un capitalisme sans foi ni loi qui n'en finit pas de réapparaitre sous de nouvelles formes.

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L'homme qui avait tout, tout, tout

L’auteur est pourtant prix Nobel de littérature, mais son œuvre reste assez méconnue.

Ce joli texte qui est accompagné de superbes illustrations de Jacqueline Duhême est un conte philosophique qui nous enseigne que même lorsqu’un homme a tout, tout, tout, c’est-à-dire tous les biens matériels qu’il peut convoiter, il lui manque peut-être encore l’essentiel : le bonheur, parce que chacun le sait l’argent ne fait pas le bonheur.

Et l’homme de cette histoire a une particularité : lorsqu’il dort ses poumons se transforment en aimants qui attirent à eux tous les métaux (à moins qu’il ne puisse dormir sur un lit de gros sel), ce qui ne manquera pas de susciter la cupidité de bien des personnes, qui ont compris que parmi les plus précieux des métaux attirés par l’homme qui a tout, tout, tout, il y a l’or.

L’homme qui a tout, tout, tout, va vouloir leur échapper et pour cela il va entreprendre un long voyage qui lui fera visiter notamment l’Egypte et Rome et bien d’autres lieux indescriptibles, et qui va lui faire rencontrer d’étranges personnages (et bien des problèmes).

Un texte totalement loufoque, poétique à souhait, mais qu’est-ce que c’est beau, qu’est-ce que ça fait du bien à lire.

Une très belle découverte qui m’incite à aller explorer l’œuvre de Miguel Angel Asturias.

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Le pape vert

Un Américain renonce à son métier de pirate pour devenir planteur de bananes. Il tombe amoureux d’une belle métisse qui disparaîtra sans laisser de traces. Un roman d’amour et d’aventures? C’est ce que je croyais à la lecture de la jaquette du livre du récipiendaire du Nobel 1967 (le résumé sur Babelio est celui du Poche).



Dès le premier chapitre, on fait la connaissance de Geo Maker Thompson, le planteur de bananes qui veut devenir « le pape vert », qui n’a aucun scrupule de s’approprier des terres des indigènes pacifiques, en les achetant avec de l’or ou en utilisant le fusil. Il y voit d’ailleurs un avantage : les orphelins sont une main-d’œuvre docile… Et tout ça, avec la complicité des autorités, achetées elles aussi. On se retrouve donc en plein drame social et politique. Bien que ce soit une œuvre de fiction, à travers ses personnages, c’est l’histoire d’un pays qui n’est jamais nommé, une « république de bananes » d’Amérique centrale.



Comme Miguel Angel Asturias est originaire Guatemala, on ne peut s’empêcher d’aller vérifier l’histoire du pays, pour constater que tout ça correspond en gros à la réalité, la colonisation par la « Compagnie » au cours du XXe siècle, a bel et bien existé.



Un roman d’une écriture riche et imagée, avec un décor tropical, des émotions amoureuses et des réactions humaines face à l’injustice. Un livre pas très réjouissant, qui change la façon de voir le monde…

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Hommes de maïs

Hommes de maïs, oeuvre magistrale d'Asturias, consacre, par son génie à créer une langue d'une originalité éclatante, la volonté de l'auteur de donner une dimension universelle et une puissance inédite à la mythologie hispano-américaine.

Cette épopée poétique et onirique, à la teneur à la fois baroque et expressionniste, d'une vivacité étonnante, immergeant le lecteur dans l'imaginaire culturel guatémaltèque, prend appui sur le rôle central antagoniste que joue le maïs, à la fois dans la mythologie maya mais aussi pour l'économie agricole de son pays.

C'est avec le maïs que tout commence puisque l'homme fut créé à partir de cette graine dorée comme le soleil sacré, selon les textes du Popol-Vuh. Asturias déroule ensuite un véritable chant d'amour pour la terre indigène et ses habitants, dénonçant les effets dévastateurs d'un capitalisme rapace exploiteur de terres et l'oppression des populations rurales indigènes.



A la manière du temps maya, Miguel Ángel Asturias au travers de plusieurs superbes récits autonomes, organise son écriture de façon circulaire et non linéaire, alternant entre un maïs exploité comme denrée économique et un maïs sacré, élément fondateur de la tradition indigène.

Multipliant les possibilités d'interprétation en intriquant réalité et mythe, l'auteur au travers de ses protagonistes, réinvente en permanence le réel et déstabilise la lecture pour mieux unifier ensuite les récits autour d'une prémonition première où la réalité devient légende.



On retrouve dans cette œuvre magnifique les fondements essentiels de la littérature d'Asturias : offrir un espace au langage symbolique maya-quiché, aux mythes pré-colombiens et à l'oralité populaire des métis, tout en autopsiant les luttes sociales et politiques qui traversent l'histoire comme le présent du Guatemala.
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Monsieur le Président

C'est une période historique vécue par Asturias durant son enfance et son adolescence, la dictature d'Estrada Cabrera, qui est le support de cette fiction. Elaborée selon trois mouvements, dont les titres insistent sur la temporalité indéfinie de la dictature, cette oeuvre reconstruit à merveille le climat de dégradation morale d'une société broyée par la terreur.

Le récit s'organise autour de l'assassinat d'un colonel proche du dictateur, prétexte pour entamer la persécution de deux opposants au régime, un général et un avocat. A cette trame s'ajoute l'histoire d'amour entre le favori du dictateur et la fille du général opposant. A partir de ces deux axes narratifs, le roman incarne tout à la fois l'univers misérable des laissés-pour-compte, la cruauté du régime totalitaire, la délation comme sport national et le contrôle policier de la population. L'ombre du dictateur parcours tout le roman au travers des agissements de ceux qui servent son pouvoir.

Si Asturias donne une dimension esthétique au langage populaire guatémaltèque, enchâssé dans un cadre culturel bien précis, la réalité qu'il construit dans cette oeuvre devient universelle, s'attachant à montrer les ressorts internes des êtres humains dans un environnement autoritaire. D'un point de vue littéraire, on sent les influences de l'onirisme surréaliste et de l'oralité qu'Asturias a expérimenté lors des 10 années qu'il a passées à Paris. Ce roman brillant se pose comme l'archétype littéraire du dictateur latino-américain en renouvelant la structure du récit, le langage et la temporalité.
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Légendes du Guatemala

Petite mise en garde à tous les futurs lecteurs, Légendes du Guatemala n'est pas une lecture facile. La plume de Miguel Angel Asturias n'est pas facile à appréhender : les phrases sont longues, on passe du coq à l'âne mais surtout il y a une quantité de notes ajoutées (je parle ici de l'édition folio) pour nous faciliter la lecture. Malheureusement, cela ne fait qu'empirer les choses puisqu'elle sont ajouter a la fin du roman et classé par ordre alphabétique et non par ordre d'apparition dans le roman. Bref, il faut faire une série d'aller retour incessant ce qui est assez agaçant.



Au-delà de ce bémol,c'est une lecture intéressante a la découverte d'un autre pays et d'une autre culture avec ces mœurs et ces croyances. Je suis heureuse d'avoir découvert ce livre mais il ne me laissera pas un souvenir extraordinaire.
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Le Larron qui ne croyait pas au ciel

J'ai regretté de ne pouvoir lire ce texte dans sa langue d'origine. Car je crois vraiment que pour être encore plus envoûté par ce roman, mieux vaut dominer tous les jeux de langage qui y abondent. Et connaître les références culturelles ..

Mais tant pis, il suffit finalement de plonger dans le monde de la Cordillère des Andes vertes," là où tout le sol blessé perd son sang". Et surtout dans cette langue foisonnante, et d'accepter de s'y noyer un peu.



En fait, pour moi, il y a deux parties distinctes dans ce livre. La première est plus historique, celle de la conquête d'un territoire par ces fameux conquistadors , nommés ici les Teules. Mais d'emblée, un élément majeur, à chaque camp sa magie:



"Les Teules- yeux bleu clair, cheveux blonds, peau blanche- ont fait un mauvais calcul: l'hiver les a devancés. Les premières averses paralysent leur progression. L'eau les frappe, l'eau qu'ils ne voient pas, aveuglés par le brouillard; l'eau les frappe, l'eau qu'ils n'entendent pas, assourdis par l'altitude; l'eau les frappe, l'eau qu'ils ne sentent pas, tellement la pluie tombe sur eux. Ils combattent contre une armée de cristal qui dispose de la foudre, de l'éclair et du tonnerre, des arbres qui tombent, des pierres qui roulent, des étincelles et des serpents de feu. Une main osseuse, cubitière d'armure, sort des croix de l'air et se les plaque sur le visage. Une autre main osseuse, manche de bure, sort des croix de l'air et se les plaque sur le visage. Guerre de religion, non. Guerre de magie."



Et c'est cette même magie qui va manquer au chef des opposants Mam.. déjà là pointe l'ironie , aux croix brandies, prétexte des invasions espagnoles, Caibilbalàn, le Seigneur des Andes vertes, opposera sa raison..:



"Puissant Caibilbalàn, le valeureux guerrier de ta compagnie te répond! Salut, Seigneur de la Grande Forteresse! Sans la magie, la guerre perd son attrait et se réduit aux dimensions mesquines de l'exactitude: elle est le feu qui brûle, l'eau qui noie, la pierre qui écrase, le poison qui tue, l'obsidienne qui blesse comme blessent la flèche, la lance et la pique. Et sans les escadrons de guerriers chatoyants aux visages peints et aux parures de couleur, la guerre n'est plus qu'une chose confuse, grise, dépourvue de grâce et de beauté.

- Et ce qui nous a manqué pour triompher dans la dernière bataille contre les Teules.....

Toute puissance est magie! La magie c'est l'éclair qui ne se transforme pas en pierre d'aimant mais qui se change en chef , et alors, comment obéir à un chef qui ne croit pas qu'il est.... qu'il est le mage des tempêtes? Pourquoi lui obéir?"



Ces longs extraits, d'une part pour la beauté du texte lui-même, mais aussi pour la portée universelle qu'il a.



La deuxième partie, beaucoup plus longue, s'attache au chemin de quatre marginaux. Anti-héros par excellence, partis découvrir le fameux passage entre Atlantique et Pacifique, pour en tirer une gloire personnelle.

Et là débute aussi la fabuleuse histoire du Mauvais Larron.

Ce larron "mauvais" est un personnage très précis des Evangiles. Deux larrons sont crucifiés en même temps que Jésus. La Tradition les retient sous les noms de Gesmas ou Gestas pour le mauvais larron, et de Dismas (Saint Dismas, fêté le 25 mars) pour le bon larron.



"Comment les réchappés des galères auraient-ils pu ne pas adorer le Mauvais Larron? Et avec eux les fils qui n'oubliaient pas leurs pères brûlés sur le bûcher, les réconciliés et les apostats, les hérétiques, les non-baptisés, les judaïsants? Pourtant, en dehors de ces hommes de sac et de corde ou de ces sangs-impurs, les chrétiens aux idées larges préféraient eux aussi à la croix spirituelle la croix rebelle de l'impie. Moins d'anges et plus d'or! Moins d'indiens convertis et plus d'esclaves dans les mines! Moins de christs et plus de croix du Mauvais Larron , Seigneur de toute la création dans le monde de la cupidité, depuis que l'homme est homme!"



C'est long, je sais , mais c'est très difficile de parler de cet extraordinaire roman sans être long. Et encore, je vous épargne les écureuils, les tarentules, les coeurs de palmier et leurs conséquences digestives, les tigres et les guenons !

Pour m'attarder juste une minute sur ce fabuleux dialogue entre Lorenzo Ladrada, le sculpteur et sa créature, le Mauvais Larron, presque d'ordre métaphysique:



"On peut tout pardonner à l'homme , sauf ce que tu fais et qui consiste à dérober au coeur de celui qui attend quelque chose, oui, quelque chose, ce petit brin de possible... ou d'impossible, si tu préfères, car partout et à toute heure, quand on n'est pas de ton clan, quelque chose est sur le point d'arriver. Tu es le pire des voleurs! Va.. tu me fais souffrir... je ne veux pas te voir mourir sur une croix.. ils ne te pardonneront pas, tu leur as volé l'espérance.. va et dis-leur que si, tu crois au ciel, dis-leur que dans la mort tout ne finit pas, dis-leur que la matière est pétrie dans l'homme avec les forces divines qui composent l'âme, dis-leur qu'il n'est pas sûr que l'homme une fois disparu, une fois désintégré, rien ne lui survive!

Et, après un silence, l'esclave, couché sur le sol poursuit, sans ouvrir les yeux:

- Je pourrais t'éclairer sur d'autres points- c'est pour cela que tu m'as acheté- mais que peut t'apprendre d'utile, à toi qui n'as ni foi ni espérance, celui qui comme moi croit que l'âme retourne au tout et qu'elle reprend sa place dans le brasier des cieux?"



Et le mot de la fin ( pas du texte!)à Güinakil, l'Indien:



"- Il n'y aura pas d'autres fers ni d'autres croix ! Si la première, avec ce Dieu qui n'avait rien à voir avec les biens matériels et la richesse de ce monde, a coûté tant de fleuves de larmes, tant de mers de sang, tant de montagne d'or et de pierres précieuses, à quel prix nous aurait-il fallu contenter ce deuxième crucifié, bandit de grand chemin, pour lequel on doit profiter ici-bas de tout ce qui est à l'homme ? ...Si le Dieu de la première croix, le rêveur, le songe-creux, nous a valu la désolation, l'abandon, l'esclavage et la ruine, qu'aurions-nous pu attendre de ce deuxième crucifié, pratique, cynique et voleur ? Si, avec la première croix, celle du juste, tout ne fut que rapines, viols, bûchers et pendaisons, qu'aurions-nous pu attendre de la croix d'un hors-la-loi, d'un brigand ? ..."



Fresque épique, iconoclaste ,pleine d'une saine ironie, contenant de nombreux thèmes de réflexion..

Je redoutais un peu cette lecture, j'en suis sortie ravie..

Beaucoup de citations, mais l'auteur dit toujours beaucoup mieux que moi ce qu'il y a à dire..

Magnifique.













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Le Larron qui ne croyait pas au ciel

Guatemala, 16ème siècle.

"- Chef ! Chef ! Les Espagnols sont là, il faut les harceler en faisant la guérilla dans la montagne !

- Non non, on va se battre comme une vraie armée.

- Mais chef, ils ont des fusils et nous des lances, ils vont nous mettre la misère !

- J'ai dit."

Voilà, en gros, l'action des soixante premières pages.

Bien évidemment, vous remplacerez à chaque fois "Chef" par : "Orgueilleux Guerrier Mam, Seigneur aux oreilles percées pour les émeraudes, Seigneur aux bras polis avec des feuilles de chêne pour les bracelets, Seigneur aux jambes fines de lévrier et aux pieds légers" et ainsi de suite pour chacun des termes, de façon à atteindre les soixante pages.

Arrivés là...

...les Mayas se sont fait ratatiner et se sont repliés dans leur forteresse des Andes vertes, et leur Seigneur devient une taupe.

La narration passe ensuite du côté des Espagnols. C'est un groupe - plutôt bigarré - d'Espagnols qui arpente l'Amérique centrale à la recherche du passage souterrain qui joindrait l'Atlantique au Pacifique : "Je vais mourir ici en cherchant l'endroit où la mer que nous avons traversée rejoint celle qui mène à la Chine. Ma théorie est qu'elles se rejoignent sous terre. Ce n'est pas un isthme qui sépare les deux mers, c'est un pont. Et quelque part, Pedro Paredes, l'eau passe sous ce pont."

Arrivés là...

... pour obtenir le troisième œil, et même plus d'yeux que ça, deux des Espagnols se font piquer par une tarentule et sont saisis de convulsions, ce qui crée un parallèle avec les rites indiens contre les tremblements de terre - mais rend le voyage plus compliqué.

Arrivés là...

... les Espagnols vont "adorer le diable en la personne d'un larron" (celui du titre) et ils vont tenter de convertir les Indiens en construisant un temple dans la Vallée du Mauvais Larron.

Mais arrivés là...

... vous serez tombés sous le charme total de ce roman inclassable, mélange de roman historique, de poésie ("Les océans, ces grands animaux de cristal mousseux") et d'humour rabelaisien. Difficile d'y entrer, mais une fois dans le récit vous regretterez que leurs aventures se terminent déjà (avec une morale : vous risquez une fin atroce si vous partez conquérir des personnes qui n'ont rien demandé, et si vous mangez des coeurs de palmier la nuit.)

Traduction, un vrai tour de force, par Claude Couffon.

Challenge Globe-Trotter (Guatemala)

Challenge Nobel
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Légendes du Guatemala

Ce livre, qui a donné à l'auteur une reconnaissance internationale, illustre la rencontre de Miguel Angel Asturias avec le surréalisme représentant pour lui la découverte et la reconnaissance de l'inconscient culturel indigène.

Dans cette œuvre, le processus de création évoque la participation d'une mémoire individuelle, celle des souvenirs d'enfance, et d'une mémoire collective, celle des traditions culturelles mayas, fusionnant à travers l'oralité et le rêve. Le tout est à l'image de la très originale langue littéraire d'Asturias. Paul Valéry qui avait préfacé la première édition en France de ce livre qualifiait ces légendes d'histoires-rêves-poèmes.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Hommes de maïs

Seulement 30 lecteurs Babelio ! Il est grand temps de lancer une promotion éhontée de cette merveille.



D'abord, parmi les 11 849 lecteurs de Cent ans de solitude, il y en a certainement énormément qui se demandent pourquoi Garcia Marquez n'en a pas écrit d'autres de cet acabit. Ne cherchez plus : Asturias l'a fait. Et avant lui, en 1949. Ce qui semble initialement une suite d'histoires et personnages sans grands liens entre eux se termine aussi en grande saga familiale et même, ici, cosmogonique.



Ensuite, à l'heure où cet ahuri de Bolsonaro relance avec entrain la déforestation de l'Amazonie, la dénonciation du même sort fait à la forêt primaire guatémaltèque au début du XXe siècle redevient d'une actualité... brûlante. Et Asturias épouse le point de vue des indiens pour nous dire en quoi c'est une abomination. Ce qui lui donne une perspective à la fois magique et pleine de bon sens.



Enfin, parce que Hommes de maïs mèle le dépaysement le plus total et le plus enchanteur, dans le monde des croyances magiques issues des mayas, à des sentiments si intimes qu'ils résonnent forcément en nous.



Je n'ai pas mis 5 étoiles parce que je me suis senti tellement paumé au début qu'il a fallu m'accrocher pour continuer. Mais ça en valait largement la peine. Et si je relisais maintenant le début, sûr que je les lui mets, ses 5 étoiles.
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Légendes du Guatemala

Paru en 1930, c’est le premier livre publié par l’auteur. Le livre a été écrit à Paris, où Miguel Angel Asturias suivait des cours d’anthropologie et où il a aidé son professeur, Georges Raynaud, à traduire le Popol-Vuh, un texte en langue quiché évoquant la religion maya. Mais la dédicace du livre évoque aussi les histoires qui lui racontait sa mère. Il ne faudrait toutefois pas s’attendre à un livre présentant une collecte de récits au plus près de la mémoire indienne, ni un ouvrage anthropologique. Même si l’auteur connaît ces histoires de l’intérieur, et qu’il maîtrise la démarche scientifique, Légendes du Guatemala, est avant tout l’oeuvre d’un écrivain, ambitieux et personnel, dont l’écriture poétique et très travaillée donne une résonance très particulière à l’ouvrage. Les légendes qu’il évoque lui donnent la possibilité de se réapproprier sa culture, mais aussi de l’interroger, et en filigrane de se positionner dans le présent, ce qu’il fera d’une manière plus explicite dans certains de ses ouvrages suivants.



La structure du livre est complexe. Lors de la première parution, le livre se composait d’une sorte d’introduction, intitulée Guatemala, dont la première partie évoque en particulier les villes du pays, leurs fondations, mi-mythiques mi-réelles, puis une deuxième partie, « Maintenant je me souviens » qui est centrée sur les conteurs, un vieux couple mais aussi le narrateur et qui lance en quelque sorte l’acte de conter. Puis suivent cinq récits intitulés Légendes. A ces textes se sont ajoutés dans les éditions postérieures, deux autres textes, plus longs. « Les sorciers de l’orage du printemps » peut être rattaché aux Légendes précédentes, avec sans doute plus d’ampleur, c’est à mon avis le texte le plus ambitieux du cycle, mais le dernier texte, "Cuculcan" se présente sous la forme d’une pièce de théâtre, même si contenu est aussi légendaire.



Il ne faut pas que le lecteur s’attende à ce qu’il a l’habitude de lire en ouvrant un livre de contes et légendes. Il s’agit ici plus de poèmes en prose, qui traitent d’un contenu légendaire, mais réinvesti par l’auteur, et narré d’une manière qui n’est pas réellement explicite. Il s’agit plus de créer une ambiance, de suggérer, de broder, de créer de superbes images, que de raconter une histoire, avec un début, une fin, et un enchaînement logique des événements. La lecture de notes s’avère indispensable pour s’y retrouver à peu près. Miguel Angel Asturias brode en quelque sorte un tissu riche et coloré, où telle ou telle figure, telle ou telle image, évoque tel ou tel personnage légendaire, mythe, ou événement. Il faut noter que l’univers mythologique de l’auteur associe aussi bien les mythes indiens des sociétés précolombiennes, que les récits liés à l’arrivée des conquistadors. Il y a parmi les personnages des religieux catholiques par exemple. C’est une mémoire métissées, mélangée, que revendique l’auteur.



Autant prévenir d’emblée le lecteur curieux qui voudrait tenter l’aventure de ce livre : cela demande un certain effort. Il faut aimer les textes poétiques, et ne pas s’attendre à des récits structurés, et la multiplicité de références à la culture, à l’histoire et à la mythologie du Guatemala font que beaucoup de choses échappent à un lecteur qui ne connaît pas parfaitement toutes ces questions. Pour ma part, j’avoue une certaine difficulté à entrer dans l’univers du réalisme magique, dont Asturias est considéré comme l’un de ses précurseurs ou créateurs, tout particulièrement dans ce livre. Il aurait aussi subi une influence des surréalistes, lors de son séjour parisien, et là aussi ce n’est pas le courant littéraire qui me passionne le plus. Je suis restée un peu sur le bord du chemin pendant une partie du livre, même si j’ai trouvé certains passages splendides. Il faudrait sans doute lire ce type de livre à haute voix, pour trouver le rythme, la scansion, le souffle qui habite le texte. Plus qu’un écrivain au sens classique du terme, Asturias se pose en barde halluciné, qui chante des récits immémoriaux, pour un public qui les connaît déjà, et pour qui une image, une métaphore, un nom, vont être source de réminiscences, d’associations, vont libérer un imaginaire préexistant tout en provoquant une surprise par une manière inhabituelle ou différente de présenter les choses. C’est incontestablement puissant, original, mais difficile à pénétrer.
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Légendes du Guatemala

Lecture intéressante sur les légendes traditionnelles guatémaltèques, le rapport à la nature et aux éléments est très présent bien évidemment. J'ai cependant trouvé la lecture plutôt ardue avec de nombreuses notes en fin de livre, classées par ordre alphabétique et non par ordre d'apparition ce qui est un peu perturbant et prend du temps à chercher, du coup j'ai dû de nombreuses fois relire les mêmes phrases pour ne pas être perdue après avoir lue la note.



Un livre à lire à tête reposée et au calme au risque sinon de ne pas tout suivre.

Le dernier conte en forme de pièce de théâtre m'a paru trop long également.

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Monsieur le Président

El Señor Presidente


Traduction : Georges Pillement & Dourita Nouhaud


On ne sort pas indemme de ce roman où la cruauté et une fatalité implacable s'acharnent sur l'intégralité des personnages et dans des proportions qui rappellent tout ce que vous avez jamais pu lire sur les tortures pratiquées par les régimes totalitaires.


Guatémaltèque, Asturias nous dépeint évidemment une dictature latino-américaine vendue aux USA et, par conséquent, conservatrice dans l'âme. Mais ce que n'avait pas prévu cet écrivain qui reçut le Prix Lénine de la Paix en 1966, c'est que la puissance de son évocation est telle qu'elle en arrive à bannir les frontières et que, en dépit du contexte géographique, son "Monsieur le Président" finit par symboliser la Dictature à l'échelle universelle.


Quiconque a lu le "1984" d'Orwell ne pourra s'empêcher d'effectuer le parallèle entre le roman futuriste et essentiellement dirigé contre la dictature stalinienne du Britannique et celui, presque intemporel et dirigé contre une tyrannie pro-capitaliste, d'Asturias. Mais là où Orwell expliquait l'emprise de Big Brother sur son peuple par sa présence permanente, via la télévision et les dispositifs de surveillance, dans le foyer de chacun, Asturias imagine un Président qui voit tout, entend tout, devine tout et finit toujours par tout savoir tout simplement parce qu'il est le Mal incarné.


A propos de son oeuvre, l'écrivain guatémaltèque fut le premier à évoquer le "réalisme magique" qu'il tenait à développer autant dans son style (d'un lyrisme déconcertant) que dans son univers guatémaltèque. Il le reliait non pas aux Surréalistes français - qui l'influencèrent pourtant beaucoup mais à qui il reprochait d'être trop intellectuels - mais aux origines pré-colombiennes de sa culture. De fait, "Monsieur le Président" peut se lire comme un hymne de mort, à la gloire de ces dieux qui, après avoir créé les quatre premiers hommes, furent pris de peur à l'idée que leurs créatures pourraients les supplanter. Ils les privèrent alors de certains sens et les rendirent mortels.


Il semble que la religion maya, surtout après l'arrivée des Toltèques, ait eu quelques rapports avec celle des Aztèques. Or ces derniers avaient un faible accentué pour les sacrifices humains particulièrement sanglants. En ce sens, le roman d'Asturias offre une véritable manne à cette espèce de Moloch maya que représente le Président.


L'intrigue ? ... Disons que le confident du Président, Miguel Visage-d'Ange, tombe amoureux de la fille d'un général qui doit partir en exil sur l'ordre du dictateur. A partir de là, le malheureux, qui était pourtant non seulement beau mais aussi "méchant comme Satan", se met à jouer un double-jeu qui le mènera à une fin abominable.


Le tout baigne dans une atmosphère de cauchemar, non pas un cauchemar à la Kafka, froid, net, précis et pourtant absurde mais un cauchemar réaliste, aux couleurs flamboyantes des Tropiques, où les misérables se font piétiner dans la boue et le sang et où le soleil s'éteint à jamais pour ceux qu'a condamnés la vindicte cruelle du Président.


Si vous avez l'estomac bien accroché, ce livre - qui est un grand, un très grand livre - est pour vous. Sinon, abstenez-vous. Avec sa description des mendiants de la Porte du Seigneur, la première page, au reste, vous renseignera déjà sur vos capacités à aller de l'avant. ;o)
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L'homme qui avait tout, tout, tout

L’Homme qui avait Tout, Tout, Tout est une bien curieuse créature, issue de l’imagination, d’une inventivité débordante, de Miguel Angel Asturias, prix Nobel de littérature en 1967. Lorsqu’il dort, s’il n’est pas couché sur un lit de gros sel, ses poumons - des aimants - attirent à lui, au rythme de chaque respiration, tout ce qui est fait de métal, avec tous les inconvénients que cela peut entraîner… Lancé sur les routes, c’est toutes sortes d’expériences, toutes plus déjantées que les autres, qu’il va être amené à faire - ou à attirer à lui -, dans cet hymne à la nature. Imprimé sur un papier glacé agréable à manipuler et joliment illustré par Jacqueline Duhême, cette fable étonnante nous invite à profiter des choses simples, qu’il n’est point besoin de posséder pour en saisir la valeur.
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Légendes du Guatemala

LÉGENDES DU GUATEMALA de MIGUEL ANGEL ASTURIAS

Une dizaine d’histoires et de légendes guatémaltèques.

Ça parle de Palenque et de Copan, de villes empilées les unes sur les autres, de vieux qui discutent avec Satan, ferment leurs portes aux bohémiens qui enlèvent les enfants. Ça parle de Tikal, « le coucou des rêves file les contes », six hommes peuplèrent le pays des arbres, trois venaient dans le vent, trois dans l’eau. Cabrakan le géant « crache une salive qui brûla la terre », alors qu’Hurakan gravit le volcan pour lui « peler le cratère avec ses ongles ». Le Symbole dit »certain siècle, il y eut un jour qui dura plusieurs siècles « . C’est l’histoire de Nido, et le Calejo dans les plaines qui coupe les tresses aux filles comme celle de Mère Elvire de St François chargée de couper les hosties qu’elle donnait à l’homme Pavot. La légende du Maître Amandier qui à la pleine lune du Hibou-Pêcheur, partagea son âme entre Quatre Chemins, hélas le chemin noir la vendit à un marchand de bijoux sans prix. La légende du Sombreron, un garçon perd une balle en caoutchouc qu’un moine ramasse, il a envie de sauter tout le temps, sa mère voit le moine et lui dit qu’elle est l’image du démon, le moine s’en débarrasse, elle rebondit sur la tête du garçon sous forme de chapeau noir. Et la première ville émergea, Serpent à Fontaine

D’Horizons, les serpents éternuaient du soufre, les hommes qui les surveillaient furent appelés prêtres. «La religion primitive fut ainsi pétrie avec de la cendre de poils et de la salive de prêtres, écorce de silence et fruit amer des premières magies ». Et pour conclure la merveilleuse histoire de Cuculkan et de Guacamayo, le Serpent à plumes et l’Oiseau de feu qui sont contés dans le Popol Vuh avec la création du monde selon les Quichés.

Asturias reprendra une autre légende de la création du monde dans « les hommes de Maïs.

Un très beau livre plein de poésie qui nous plonge aux origines du Mexique et du Guatemala ainsi que d’une partie de l’Amérique centrale dans un temps où ces pays n’étaient qu’un. Un mélange de nature, de croyances, de religions et de fantastique le tout agrémenté de la langue délirante f’Asturias.
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