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Citations de Mikella Nicol (60)


La beauté est un territoire où l'on flirte avec la disparition pour apparaître
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(p. 45-46)

En 2018, la plateforme YouTube répertoriait quelque neuf millions de chaînes actives sous le thème "santé et fitness". Les influenceurs se sont emparés du marché, rebaptise "industrie du bien-être". Plus que jamais, "s'entraîner, ce n'est pas que rester en forme : la frontière entre le fitness et le mouvement du sélf-help (ou la croissance personnelle, ou auto-aide) est devenue floue". Car, par le biais de ces activités, il est aussi de notre responsabilité d'entretenir notre santé mentale. Les vidéos que je consomme sont ponctuées d'interventions valorisant l'empathie envers mon corps, mes capacités. Le simple fait de m'engager dans l'activité de fitness est un pas dans la bonne direction, un accomplissement en soi; "rien qu'en étant ici aujourd'hui, vous avez déjà réussi", dit Amy. Le fitness serait le remède désigné pour guérir, parmi un ensemble de choix menant au mieux-être. [...] Dans une chambre blanche, pourtant toujours impure, je m'entraîne comme si j'allais sortir le mal de moi.
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(p. 84)

Jeté en pâture aux autres, mon corps m'est inconnu. Je lui cherche une objectivité, mais il ne peut y en avoir, puisque la beauté réside dans le regard de celui qui regarde. Et j'oublie qu'il y a d'autres vérités du corps que la beauté ou la laideur , d'autres juges que ces étrangers.
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À I'instar de leur décor qui embellit avec les années, parfois même d'une vidéo à l'autre, les influenceuses se font toujours plus « belles». L'ensemble de leur mise en scène évolue, devient plus léchée et uniforme. Leurs chaines formant un système cohérent d'images, leur apparence ne peut échapper à la scénographie. Mes entraîneuses se ressemblent de plus en plus entre elles, comme les studios dans lesquels elles se meuvent. Et les discours d'acceptation de soi qu'elles profèrent tombent par conséquent en désuétude. Alors pourquoi je les écoute ?
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Deux choses restent à moi : la chambre et le corps. C'est dans l'une que je sculpte l'autre. Je le prépare dans ce lieu intime pour le livrer au monde une fois prêt. Une forme de structure m'encadre ici en tant que femme seule, qui ne peut plus se définir, qui erre. Je sais intuitivement que la mal-aimée, l'abandonnée, doit reprendre le contrôle de son apparence, puisque C'est sûrement dans son laisser-aller que s'est joué le désamour.
Cette faute que la société rejette sur les femnes en ca d'echec a même engendré un concept, le revenge boy. Apparemment, se venger par son corps veut dire l'amincir et le rattermir jusqu'à faire payer nos détracteurs par le désir ou la jalousie et, plus souvent, jusqu'à ce que notre ex regrette d'être parti ; c'est transformer « votre corps en couteau supersexy [qui] poignarde un ex ou la méchante de l'école secondaire ». En s'engageant à atteindre les standards de beauté, la femme délaissée redéploie son capital de séduction ; elle s'affine pour dévoiler son noyau, son cœur, pour que l'homme comprenne enfin ce qu'il a perdu.
Le concept s'est cristallisé dans la téléréalité Revenge Body With Khloé Kardashian, lancée en 2017. Khloé, qui a maigri et changé d'apparence de manière radicale à la suite de son divorce médiatisé en 2013, devient le symbole du corps vengeur.
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De même, pour nous, les femmes, la perspective d'être vues en train d'arborer un corps qui se laisse aller nous incite à le tenir en laisse, chacune dans l'usine de la maison ou de la gym : ''Il en résulte une production de corps dociles qui se surveillent, s'évaluent et se disciplinent eux-mêmes."
Page 86
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Ce n'était pas une peine romantique que j'avais, mais une peine-gastro, quotidienne, de laquelle on ne parle pas avec les autres, de même que la chiasse qui nous a gardés éveillés toute une nuit.
Page 66
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Au terme de leur transformation, souvent subie et non choisie, les jeunes premières se ressemblaient toutes, façonnées selon les mêmes codes que, malgré moi, j'intégrais par ricochet.
Page 68
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L'expression même, se mettre en forme, implique un éternel labeur, un chemin entre soi et soi au bout duquel le but ultime est sans cesse reporté. Et, bien que, dans les efforts consacrés à la quête du corps sublime, ''il devienne démesurément gratifiant que vos progrès soient remarqués (un kilo perdu, un compliment au sujet de votre teint)", la ligne d'arrivée apparaît comme un perpétuel mirage. Il n'y a pas de fin ; on n'est jamais mise en forme. (...)
Page 60
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Je souffre, et pourtant mon corps continue à vivre sans moi.
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Il est difficile de concevoir que les balades en solo constituent des aventures pour les femmes. Qu'elles signifient un risque pour leur intégrité physique, et un risque de disparition.
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Le discours du fitness, qui promet santé et accomplissement personnel, présente cet entrainement comme une préparation aux difficultés de la vie. Or il ne prépare à rien, puisqu'il nous maintient dans un état d'insatisfaction à propos de notre apparence.
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Même si on appelle le fitness l'"industrie du bien-être", non sans élégance, les buts cers lesquels il tend sont surtout esthétiques, concentrés sur un résultat de transformation de l'apparence. Cette "beauté" s'atteint par le travail des muscles et par la diabolisation du gras. Néanmoins, la peur de devenir trop athlétique est souvent citée parmi les objections que les adeptes opposent aux entraînements intégrant de la musculation, car des muscles très visibles généreraient des complexes chez les femmes. La minceur reste l'objectif principal. Pour ne pas compromettre l'aspect fragile que l'on associe à la féminité, la sportive marche en funambule sur le fil tendu entre une silhouette « ferme» et « trop définie». Elle aspire à une à force invisible.
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Depuis mon adolescence, j'oscille entre deux instances structurantes : la recherche de ce qu'on m'a vendu comme la beauté, et la présence d'un homme. Quand j'obtiens cette dernière, je peux oublier la première, un peu. Est-ce que ma quête de la beauté n'est qu'un moyen d'accéder au couple, qui me permet enfin de me reposer? Je circule sur cet axe comme une bille sur un boulier, incapable d'imaginer d'autres voies.
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Je m'applique à parfaire mon corps comme si je le préparais pour le combat. Chaque muscle est une nouvelle arme dont je me dote. Chaque muscle est entraîné.Mais à quoi ? Je suis sculptée comme un objet, mais les objets ne peuvent pas se défendre. Personne ne les craint.
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Trop souvent, selon la professeure australienne, l'entraînement physique pour et entre femmes n'est envisagé que comme un corollaire de troubles alimentaires ou psychologiques. Alors que le corps sportif masculin est valorisé, encouragé, le féminin est médicalisé : « En rapprochant l'anorexie et l'aérobie, on ignore ou on déplace les bénéfices sociaux (et politiques) de cette dernière?. » En considérant la mise en forme des femmes comme le prolongement d'une pathologie, nous perdons de vue les bienfaits qu'elle nous apporte, qui n'appartiennent qu'à nous et que personne ne peut nous enlever.
(P. 151)
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L'industrie du bien-être néolibérale nous berne sous son déguisement postféministe. En nous faisant miroiter la reprise du contrôle de nos corps et de nos vies, elle tient les luttes des femmes qui nous ont précédées pour acquises : l'égalité des chances, l'accès à la contraception, au monde du travail, la normalisation des différents modèles de mater-nité, etc. Son objectif intrinsèquement individualiste nous détourne des mouvements collectifs : « Les types d'exhortations véhiculés par le fitness n'invitent pas les femmes à s'al-lier, mais à se concentrer sur elles-mêmes en travaillant sur leur propre corps'. » Même quand nous sommes ensemble, nous avançons parallèlement vers des buts esthétiques qui ne se partagent pas. Dans les panoptiques de Bentham et de Foucault, la séparation des cellules, qui empêche les détenus de se voir mutuellement, élimine toute possibilité de soulè-vement, de mutinerie et de camaraderie : « La foule, masse compacte, lieu d'échanges multiples, individualités qui se fondent, effet collectif, est abolie?.»
(P. 146)
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Se promener seule est donc une véritable aventure. Voyager en est une autre, comme le montre l'histoire de la tante assassinée de Maggie Nelson, qui a voulu rentrer dans sa famille en covoiturage avec un étranger. Mais la vérité est que les femmes peuvent disparaître en un claquement de doigts, sans s'aventurer nulle part, juste en étant là, vivantes.
(P. 124)
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Nous aussi, nous voulons nous baigner en pleine mer. Les femmes sont plus braves qu'on le croit. Comme l'écrit l'urbaniste et penseuse féministe Leslie Kern, elles continuent de jogger à travers Central Park, à rentrer seules en bus, à marcher jusque chez elles à la fermeture des bars et à ouvrir leurs fenêtres les nuits d'été.
(P. 123)
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L'univers des fictions criminelles s'alimente de ces disparitions insensées, quand le danger vient de l'extérieur. Les médias raffolent de ces histoires d'horreur où des femmes ont subi des agressions de la part d'inconnus, et dont le caractère aléatoire terrorise. En contrepartie, et jusqu'à tout récemment, on parlait beaucoup moins des violences domes-tiques. Cette différence de traitement encourage les femmes à craindre les rues - qui leur sont déjà hostiles - et à rester à la maison. Ce faisant, on renforce l'ordre patriarcal : « la famille nucléaire et la dépendance des femmes aux relations hétérosexuelles pour leur apparence de sécurité ».
(P. 119)
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