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Critiques de Natalia Ginzburg (37)
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Les mots de la tribu

Lu en V.O.

J'ai beaucoup aimé ce livre...

Natalia Ginzburg nous fait revivre toute sa famille : son père Giuseppe, scientifique, professeur d'université, d'origine juive, colérique, quelque peu tyran, sa mère Lidia, ses frères et soeurs, ses grands-parents, oncles et tantes mais également les amis tous ces personnages.

Le milieu dans lequel ils évoluent est celui d'intellectuels, de personnages célèbres, écrivains, scientifiques, profondément antifascistes.

Il y a donc énormément de personnages - lors de ma lecture je me suis fait un petit arbre généalogique et ai recensé les amis de chaque membre de la famille.

Les portraits sont dessinés avec beaucoup de pudeur : l'auteure se garde de porter de jugement (à de rares exceptions près).

Le roman se déroule durant la montée du fascisme, les lois raciales, la guerre mais ces événements sous-jacents sont à peine esquissés et pourtant ils sont importants dans la vie de Natalia Ginzburg qui verra son mari arrêté, torturé et tué en prison !

Elle ne parle pas d'elle, pas de ses sentiments, quelques brefs mots nous apprendront la mort de son mari, une simple phrase nous apprendra son remariage !

Pourquoi avoir aimé ce livre alors que le contexte de l'Italie en ce temps n'est pas développé, que tout cela pourrait paraître superficiel ?

Pour de nombreuses raisons :

je citerai d'abord les expressions utilisées par les personnages, le père surtout, mais également la mère, la grand-mère utilisent des phrases, des expressions qui deviennent culte dans sa famille, et qui sont répétées, donnant un rythme au livre et lui apportant beaucoup d'humour. Ces phrases expliquent tant le titre italien (Lessico famigliare) que le titre donné à l'édition française.

J'ajouterai que le milieu est particulièrement intéressant, Natalia Ginzburg fait le portrait de personnages importants : des écrivains comme Cesare Pavese, Carlo Levi, des personnages comme Adriano Olivetti.

Dans la relation de ses souvenirs d'adulte, le livre se fait moins léger, les événements, même s'ils ne sont que légèrement évoqués, nous en sommes conscients.

J'ai apprécié le style, très fluide.
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Les voix du soir

Je découvre Natalia Ginzburg (1916-1991) avec ce court roman publié en 1961.

La narratrice anonyme est une jeune femme de vingt-sept ans qui vit dans un bourg piémontais. Elle accompagne sa mère chez le médecin. Elle nous fait entendre, sans intervenir, son babillage, ses commérages et ses jérémiades. Sa mère voudrait la marier. Son père est le notaire de l'usine. Tout le village vit en fonction de l'usine. Elle l'a finement observé et nous raconte, avec distance, sur plusieurs décennies la vie du fondateur, le vieux Bouboule, patriarche omnipotent ; celle de ses enfants qu'il méprise ; celle de Faluche qu'il élève et qui se rallie au fascisme. Chaque personnage bien singulier finit par renoncer à son originalité pour se plier à la normalité bourgeoise de l'époque. A la fin, la narratrice qu'on attend réapparaît avec un prénom et des désirs. Va-t-elle renoncer elle aussi ?

Le roman m'a plu non pas tant pour sa thématique mais plutôt en raison de son écriture atypique : claire, franche, précise, sans concession. de courts paragraphes laconiques, comme un compte rendu. Beaucoup de psychologie avec un zeste d'humour, beaucoup de sensibilité pudique sans aucun sentimentalisme.

A suivre.

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Les mots de la tribu

J'avais beaucoup aimé les Voix du soir et là, j'ai dévoré Les Mots de la tribu, prix Stega 1963.

Natalia Ginzburg (1916-1991) raconte sa famille depuis les années 30 jusqu"au début des années 50 à travers les mots, les expressions ressassées ou les anecdotes ressurgis du passé qui font d'eux une tribu singulière. La narratrice est la petite dernière. Sa voix semble effacée. D'abord derrière celle des grands, dans l'enfance. Puis contrainte au secret durant toute son adolescence et sa vie de jeune femme, marquées par le combat clandestin anti-fasciste de ses frères puis les persécutions anti-juives et l'arrestation tragique de son mari, Leone Ginzburg. L'écriture est limpide.



Petite, c'est la voix du père qui domine ses souvenirs. Il tonitue, il vitupère, il éructe comme s'il était au théâtre avec une voix de stentor : « Ne faites pas d'inconvenances ! Ne faites pas de souillonneries ! Ne faites pas de nègreries !  »Le père est un universitaire, spécialiste d'anatomie comparée à l'université de Turin. Il dicte sa loi sur toute la famille, refuse que ses cinq enfants aillent à l'école primaire pour éviter les maladies, porte des jugements tranchés moraux ou esthétiques avec des mots hauts en couleurs, mâtinés de dialecte et d'argot. le monde est rempli d'ânes et d'ânesses. La mère en apparence docile le suit à distance. Elle est d'un naturel joyeux et optimiste, aime les arts et les lettres, chante Lohengrin à tue-tête volontiers à la fin du dîner et lit Proust, cet empoté. Derrière leur apparente opposition, qui nourrira la personnalité ambivalente de Natalia Ginzburg, on sent beaucoup de complicité et de tendresse entre les époux. Les mots des domestiques et ceux des parents à leur égard dessinent aussi le portrait de la bourgeoisie turinoise encore traditionnelle. On voit aussi les différences de traitement entre les garçons et les filles.



Ensuite, ce sont les mots des frères et soeur. Ils s'affrontent pour des peccadilles ou des choses qu'elle ne comprend pas. Ils ont des secrets, font des messes-basses. L'Histoire fait son apparition à travers les discussions des frères qui veulent agir contre la dictature et le père, plus intellectuel et plus pessimiste, qui veut d'abord les protéger. Ce sont toujours des anecdotes significatives qu'elle raconte, des mots vrais que les historiens n'utilisent pas. La famille cache Turati (grande figure politique socialiste que le père tient pour un ingénu). La narratrice l'a déjà vu une fois mais elle fait l'obéissante et l'appelle Paolo Ferrati. Cependant elle ne comprend rien au mensonge des parents. A la fin du séjour Turati/Ferrati lui demande de ne raconter à personne qu'il a habité chez eux. Et il part avec deux hommes et son beau-frère Adriano Olivetti, qui désormais sera aussi en fuite. Ce moment marque la fin de l'innocence. Les frères Levi et leurs amis du mouvement “Giustizia e Libertà”(Salvatorelli, Foa, Ginzburg) sont des « conspirateurs » avec de hautes responsabilités dans la lutte anti-fasciste. La narratrice les montre uniquement sur le terrain privé par rapport à sa vie de famille et les récits qu'elle a entendus...



Après-guerre Natalia Ginzburg travaille comme éditrice et s'impose comme traductrice (Proust) dans la maison Enaudi naissante. Elle raconte bien le besoin de mots, de débats, de polémiques après la chape de plomb fasciste. Elle trouve les mots justes pour évoquer la solitude intérieure de Cesare Pavese. Et puis elle revient aux mots de sa tribu.



Le livre est plein d'amour et de finesse. Un vrai bonheur.
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Les mots de la tribu

Petite deception.

De ma premiere lecture, d'avant le deluge, je gardais de bons souvenirs. Il faut croire qu'ils se sont fanes avec le rechauffement climatique.



C'est une tranche de vie que nous raconte Ginzburg, tres autobiographique, en appuyant fortement sur les mots et les phrases qu'avaient habitude de ressasser ses proches. A l'epoque j'avais trouve ca amusant et en meme temps emouvant, car l'auteur temoignait en fait, sans aucun pathos, des vicissitudes de sa famille (juive) et de ses amis (antifascistes) en l'Italie de la premiere partie du 20e siecle.

Cela a du merite, sans aucun doute, mais aujourd'hui j'ai trouve son ecriture tout simplement plate, sans grand interet; ses bons mots familiaux n'ont pas reussi a m'egayer tant soit peu et en certains moments de lecture je me disais que j'avais sous les yeux un document familial interne. Interne et trivial, chaque famille, partout et de tous temps, ayant un "lexique familial". La mienne aussi avait, a encore, le sien. Meme la retenue de l'auteur, quand elle raconte le cataclysme qu'a provoquee l'ascension fasciste et les malheurs de la deuxieme guerre mondiale ne m'a pas impressionne comme auparavant. J'y ai vu une froideur qui, en estompant les sentiments, peut estomper aussi les reactions du lecteur, ce qui a ete mon cas present.



J'exagere. C'est quand meme un bon livre. Il plaira certainement a beaucoup de lecteurs. Il en emouvra certains. Je l'ai simplement fait degringoler de quelques crans des cieux ou je l'avais juche en d'autres temps. Je deviens vieux? Je deviens vieux. Il faudra m'y faire. Mes lectures aussi devront s'y faire.
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La mère

9 juin 1993- Lecture de ce recueil de nouvelles de Natalia Ginsburg [ sauvegardé anciennes notes de lecture, dans journal de bord - Retranscrit le 21 mai 2020]



Une écriture des plus sobres pour narrer des bouleversements intérieurs, des frustrations profondes, des espoirs d'amours déçus...



Le premier texte "Une absence" raconte la première journée d'un homme après le départ de son épouse; une sorte de mariage de raison , avec toutefois une admiration du mari pour sa femme, lui, personnalité éprouvant peu de choses pour ses semblables....



"La maison au bord de mer": un homme reçoit une invitation d'un ami perdu de vue depuis un long moment. Ils se retrouvent. Des mésententes conjugales, un ami-mari peu soucieux de ses congénères, est très étranger aux émotions habituelles, ayant très peu d'échanges en profondeur !



"Mon Mari". Le texte qui m'a bouleversée. Un homme pour conjurer une passion pour une très jeune fille, se marie, fait deux enfants, avoue cette passion à cette compagne très compréhensive... En dépit de sa tolérance, son mari lui manifeste ingratitude et indifférence.

" Je songeais parfois, avec étonnement, à l'enfant qui allait naître. Il appartenait à deux personnes qui n'avaient rien de commun entre elles, qui n'avaient rien à se dire, qui

restaient de longs moments assises côte à côte en silence"



La jeune maîtresse attend à son tour un bébé, elle meut et l'homme se tue, l'épouse se retrouve seule, sans la moindre pensée de son époux envers elle !

"Je m'étais attachée à cette maison, mais il me semblait ne pas avoir le droit d'y habiter, parce qu'elle ne m'appartenait pas, parce que je l'avais partagée avec un homme qui était mort sans un mot pour moi. Et cependant je n'aurais pas su où aller. Il n'y avait

dans le monde aucun droit où j'eusse envie d'aller"



"La Mère" est aussi un texte très puissant, un amour non compris, ou pas suffisamment partagé entre une jeune femme et ses deux enfants. Une mère ayant perdu trop prématurément son mari, obligée de retourner vivre chez ses parents. Ce sont les parents qui prennent le relais...

" Toutes ces personnes étaient très importantes pour les deux enfants car c'étaient des gens très forts, auxquels on pouvait se fier, des gens forts dans leurs permissions

ou leurs interdictions, très compétents dans ce qu'ils faisaient et toujours pleins de sagesse et de force; des gens qui pouvaient protéger des orages et des voleurs.

Mais s'ils étaient seuls à la maison avec la mère, les enfants avaient aussi peur que s'ils avaient été seuls; quant à permettre ou à interdire, elle ne permettait ou n'interdisait jamais rien. "



Un sens aigü de l'humain et de ses failles !! Emouvant , bouleversant...universelles ambiguïtés humaines !





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Tous nos hiers

Au premier abord, la radicalité du style de narration choisi par l'auteure de «Tous nos hiers», roman rédigé entièrement en discours indirect peut sembler rude, quelque peu monocorde et efflanqué. Très peu de matière grasse non plus pour ce qui est de la plume, nette, exempte de tout artifice, qui raconte des faits du quotidien sans fioritures, avec des mots tout simples, dépourvue aussi de tout sentimentalisme inutile. Pas de dialogues directs donc, pas d'analyse psychologique, pas de flux de conscience non plus.



Fond et forme s'y combinent pourtant pour créer un magnifique roman d'apprentissage qui s'avèrera paradoxalement très entraînant, d'un réalisme et d'une vérité surprenants et, en fin de compte, très touchant. Un vrai prodige!



L'auteure écrivait par ailleurs, dans un essai autobiographique sur le métier d'écrivain :



«Il y a un péril dans la douleur, de même qu'il y a un péril dans le bonheur, à l'égard de ce que nous écrivons. Parce que la beauté poétique est un ensemble de cruauté, d'orgueil, d'ironie, de tendresse charnelle, de fantaisie et de mémoire, de clarté et d'obscurité, et si nous ne parvenons pas à obtenir tout cela ensemble, le résultat est pauvre, précaire et sans vie.»



Quod erat demonstrandum! Tout en refusant justement, sur le fond et sur la forme, le recours à des effets de pure rhétorique ou d'un mimétisme trop démonstratif à propos du «bonheur» ou de la «douleur» de ses personnages, Natalia Ginzburg parvient au contraire à faire éprouver au lecteur toute la complexité indécomposable, la vérité irréductible et le caractère singulier et émouvant de chacun d'eux. Ainsi, évitant généralisations ou autres extrapolations en dehors d'une chronique du flux constant de la vie telle quelle se déroulait pour eux au jour au jour, Ginzburg régale son lecteur d'instantanés captés par un regard d'une grande acuité, avec un sens d'observation remarquablement affuté, servis en même temps par des tournures d'une grande limpidité qui leur accordent une spontanéité et une irréfutable véracité. Et l'exercice formel, quant à lui, au lieu de mettre à distance, sert en fin de compte à les rendre encore plus vivants!



Pas de pamphlet politique explicite ou de discours moralisateur non plus chez Ginzburg, alors même que le contexte historique où se déroulent les faits s'y prêterait à merveille (l'Italie de Mussolini, puis l'avènement de la Deuxième guerre mondiale, avec sa cohorte implacable de privations et d'horreurs), aucune trace ou tentative de démontrer un sentiment tragique de l'existence face à l'ampleur de telles catastrophes collectives, comme d'ailleurs de toutes autres conjectures universelles de quelque ordre que ce soit. En somme, pas beaucoup de place en dehors des choses relevant strictement de la vie ou de leur célébration par la mémoire : c'est du coeur battant et imparfait de l'existence dont il est prioritairement question ici. C'est l'imprécision intrinsèque et souvent insaisissable à nos propres yeux caractérisant nos paroles, nos actes, voire nos choix existentiels qui est surtout mise en exergue.

En toute simplicité, avec cette étonnante profondeur qui se situe quelquefois à la surface même des évènements de la vie courante, «Tous nos hiers» s'attelle à faire rimer, selon les dires inspirés d'un autre poète, «la douleur et le délice d'être qui on est» malgré la part de mystère que cela comporte, malgré toutes les injonctions et toute la fidélité dues aux mots provenant de la famille, malgré enfin les aléas du monde ou le poids cruel de la réalité environnante.



Dans le pessimisme même, ne pourrait-il y avoir, pourquoi pas, quelque chose de jubilatoire à partager avec nos semblables?



L'histoire des deux fratries d'adolescents, voisins de quartier dans une ville du Nord de l'Italie, aux destins qui vont s'entremêler étroitement sur fond des soubresauts parmi les plus terribles de toute l'histoire du XXe siècle, ne ressemble cependant à aucun instant à un roman à thèse.

Chronique familiale riche et solidement construite -un art que Natalia Ginzburg maîtrise à merveille, y excellant comme peu d'autres auteurs contemporains, toutes nationalités confondues -, le roman, publié en 1952, se situe à mon sens un peu à part par rapport à cette littérature néo-réaliste et existentialiste très foisonnante de l'après-guerre. Ici, les personnages ne sont en définitive emblématiques de rien d'autre que d'eux-mêmes, de leur individualité insécable et de leurs réactions idiosyncratiques face à des choses auxquelles ils n'étaient pas préparés, «qu'ils ne savaient pas faire», comme se souviendront modestement ces derniers des années après, à l'âge adulte.



Ippolito, Concettina, Giustino et Anna d'un côté, Amalia, Emanuele et Giuma de l'autre, les adultes les entourant, l'inoubliable Cenzo Rena ou Madame Maria, parmi tant d'autres, dépeints parfois par d'infimes touches sans prétention, des paroles, gestes et faits en apparence anecdotiques, quelquefois dérisoires pris isolément, mais qui contribueront à construire et à délimiter au fur et à mesure dans l'esprit du lecteur, sans que ce dernier s'en aperçoive forcément, un microcosme de plus en plus dense en significations et en émotions, aux multiples entrées et ramifications possibles, transformant les personnages du roman en êtres parfaitement tangibles, tout à fait proches de lui et familiers.



Je dois cette superbe découverte à des amis que je remercie au passage (chers amis à la fois réels et virtuels!) très enthousiastes vis-à-vis de l'oeuvre de Natalia Ginzburg.



Une oeuvre originale qu'on pourrait au passage qualifier comme à mi-chemin entre le néo-réalisme italien et le nouveau roman français, par son aspect d'expérimentation formelle. Une auteure exceptionnelle mais qui, semble-t-il, resterait encore inexplicablement peu connue et pas suffisamment reconnue comme elle le mériterait : comme l'une des plus grandes plumes de la littérature italienne du XXe siècle.



«Tous nos hiers», alliant avec une grande originalité recherche formelle et clarté narrative, fut l'une de mes plus agréables surprises littéraires de ces derniers temps. Sublimement simple. Simplement sublime.





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Tous nos hiers

Un retour ( ce n'est pas le premier ) à une de mes passions de jeunesse, la littérature italienne et en particulier les auteurs néoréalistes, mais pas que... parmi lesquels j'ai été et suis encore un grand fan de Vasco Pratolini ( Metello, Il quartiere, Chronaque di poveri amanti...), Giuseppe Pontiggia ( Il raggio d'ombra...), Elsa Morante ( L'isola di Arturo... un de mes préférés), Gavino Ledda ( Padre Padrone...), Emilio Lussu ( Un anno sull' Altipiano et Marcia su Roma e dintorni ), Carlo Cassola ( Il taglio di bosca ), Vitaliano Brancati ( Il vecchio con gli stivali, Il bell'Antonio, Paolo il caldo...), Alberto Moravia ( Il disprezzo, La Ciociara ( un coup de coeur à l'époque ), Il conformista, La noia, Gli indifferenti, La vita interiore, L'attenzione...)... et Natalia Ginzburg que j'avais négligée à l'époque et vers laquelle j'ai eu envie de revenir en lisant - Tous nos hiers -... oui, celui-ci je l'ai lu en français ( j'ai abandonné les VO en anglais et en italien depuis sept ou huit ans... tutto scorre ( clin d'oeil à Vassili Grossman...) time flies...)

Autant dire d'entrée de jeu que je me suis immédiatement senti à l'aise dans cette approche néoréaliste de Natalia Ginzburg.

La volonté de ne pas trahir la réalité telle qu'elle est, à travers une écriture volontairement dépouillée de tous les artifices littéraires susceptibles de la déformer, une écriture simple pour évoquer une période ( milieu des années trente jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale et le retour de la paix, de la démocratie italienne débarrassée du fascisme et de l'Occupation nazie ) et des faits bruts, sans parti pris de l'auteur qui laisse au lecteur son "libre arbitre", des faits authentiques qui s'inscrivent tels quels dans le réel... de la même manière que sont décrits, traités et qu'évoluent les personnages, humains on ne peut plus.

Natalia Ginzburg ne cherche ni à les embellir ni à les enlaidir, de même qu'elle ne cherche pas à les catégorier, à les essentialiser... ils ont quelque chose de Camusien, de Sartrien, de Pratolinien, de Pasolinien, de Moravien, de de Sicaien ( pas très "beau"...) dans - le voleur de bicyclette -, - Umberto D- ou - La Ciociara -, dont j'ai déjà parlé... Ils sont ce qu'ils sont, peuvent être héros, lâches, indifférents... selon les circonstances... mais ne sont que ce qu'ils sont ou que ce qu'ils font...

Même Cenzo Rena, le seul héros positif du roman a ses faiblesses...

Pour coller au plus près de la réalité telle qu'elle est, pour que les dialogues ne viennent pas parasiter le réel, mieux qu'un Claude Lelouch qui s'est entêté tout au long de sa très longue carrière à faire du ciné-réalité en cherchant vainement à imiter Lee Strasberg, le pimentant à la sauce micro-trottoir et caméra invisible réuni(e)s, ou bien mieux encore qu'un Godard trop "cérébral", Natalia Ginzburg a eu recours pour ses dialogues à la forme indirecte... tout "simplement"...

Et croyez-moi, le tout, car il y a vraiment une unité parfaite dans ce roman, se lit avec le plaisir qu'offre la fluidité qui n'est que rivière.

Elle coule et ne fait que couler.

À charge aux hommes et à leurs histoires de la regarder couler, de s'y baigner, d'y pêcher, de la musicaliser, de la peindre, de la poétiser, de la traverser ou de s'y noyer les poches emplies de cailloux... elle, ne fait que couler...



L'histoire est celle de deux familles dont les maisons se font face dans une petite ville de la périphérie turinoise.

Nous sommes au milieu des années trente ; le fascisme est à son apogée.

Dans l'une des maisons, Madame Maria fait office de gouvernante et de "mère" de substitution à quatre enfants.

L'aîné, Ippolito, est un idéaliste qui sert de scribe à son vieux père plongé jour et nuit dans l'écriture de ses mémoires antifascistes.

La seconde, Concettina, est lycéenne. La coquetterie et les garçons sont la préoccupation de la demoiselle... plutôt jolie bien que forte de hanches et ayant de trop grosses jambes...

Le troisième, Giustino, est au collège. Les filles, le jeu, la vie intéressent ce jeune adolescent plein d'enthousiasme.

Anna, la petite dernière, la petite boulotte qu'on trouve plutôt laide, a une personnalité plus complexe qu'il n'y paraît.

Dans l'autre maison il y a un couple avec trois enfants et un hôte...

L'homme est un vieux monsieur chenu, industriel aisé, propriétaire de l'usine de savon du bourg, qui emploie 200 ouvriers.

Il est marié à une jolie femme bien plus jeune que lui, que ses enfants appellent "mère chérie".

Ses enfants sont Amalia, jeune femme qui espère l'homme de sa vie.

Emanuele, son frère, est étudiant. le jeune homme boite et, comme Ippolito est un idéaliste.

Giuma est le préféré de "mère chérie". C'est un petit snob, gâté version caméléon aux couleurs de l'épate, de la couardise et du je-retourne-ma-veste-toujours-du-bon-côté...

Et il y a Franz, l'hôte de la famille. Un beau gosse, amateur de belles choses... les femmes, le tennis, les voyages, les beaux hôtels... Il ne manque jamais d'argent bien que ne travaillant pas.

On dit dans le voisinage que "mère chérie" n'y serait pas pour rien.

Ces deux familles vont faire connaissance.

Des liens étroits vont se tisser entre les uns et les autres.

Entre Ippolito et Emanuele, mus par l'antifascisme et un idéal révolutionnaire.

Entre Giuma et Anna, d'abord camarades de jeux enfantins avant de jouer à des jeux... autres...

Des personnages comme Danilo, jeune révolutionnaire et Cenzo Rena, ami du père d'Ippolito vont être des points de bascule entre les membres de ces deux familles que le temps et l'histoire passant vont entraîner sur des chemins de vie inattendus (?)...



Outre l'intérêt qu'il y a à suivre l'itinéraire de ces personnages, Natalia Ginzburg en bonne auteure néoréaliste nous brosse à travers les péripéties existentielles des uns et des autres, leurs pérégrinations, le portrait de cette Italie mussolinienne d'avant-guerre, puis son histoire une fois le pays plongé dans la guerre. Sa participation au conflit mondial, les maigres petits succès dans un premier temps... avant sa mise sous tutelle par le grand frère hitlérien, la campagne de Russie, la Résistance, la condition et le sort des Juifs, celui des relégués, la République de Salo, l'Occupation, le débarquement en Sicile, la libération, la paix et l'après...

Comme toute bonne auteure réaliste elle évoque avec beaucoup d'acuité le divorce et l'ignorance qui séparent les Italiens du Nord "les Polentoni" ( mangeurs de polenta ) et ceux du sud ( il Mezzogiorno ) dits "les Terroni" ( les paysans, les ploucs ). Les conditions d'abandon du Mezzogiorno par l'État et ses conditions de survie plus qu'extrêmes. La corruption qui est ( sans jeu de mots monnaie courante).

Réquisitoire contre une certaine histoire... mais réquisitoire sans accusation(s) ( ce n'est pas aussi paradoxal que cela peut sembler !), sans jugement. Réquisitoire qui se contente d'instruire la réalité, de convoquer les faits, de laisser parler le quotidien.

Réquisitoire réussi. On est vraiment emporté par ces gens-là qui vivent ces choses-là. Et nul besoin pour Natalia Ginzbug de dater, de nommer... on sait où l'on est, à quel moment se situe tel ou tel évènement parce que leur petite histoire s'inscrit dans la grande que l'on re-connaît d'évidence.

Un grand bouquin.

Une grande auteure.



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Les voix du soir

C’est à la lecture de Sisyphe est une femme de Géneviève Brisac que j’ai découvert et eu l’envie de lire cette grande écrivaine.

Ce roman se passe dans un petit village italien, Elsa la narratrice nous conte le quotidien des familles bourgeoises, un récit sans concession, on y découvre l’étouffement et l’envie de la jeunesse d’un changement, l’histoire se passe dans les années 1940 avec la montée du fascisme, du communisme.

J’ai beaucoup aimé l’écriture minutieuse, d’une grande justesse et de beaucoup d’attention que Natalia Ginsburg donne à ses personnages.

Je reprends les mots d’Italo Calvino : « Les voix du soir est une histoire de personnes qui tentent d’enfouir leurs pensées, de s’identifier seulement dans les gestes qu’elles font et dans les mots qu’elles disent et finalement elles se retrouvent oppressées dans un étau d’absurdité et de douleur. »

Rien n’a ajouté au propos de cet autre grand auteur italien.

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Tous nos hiers



Tous nos hiers est un livre dense, compact, qui ne se livre pas facilement. La langue est froide, sèche, dénuée d'émotions.

Composé de longs paragraphes sans alinéas et sans dialogues, Tous nos hiers relate la vie de deux fratries pendant la seconde guerre mondiale, dans une ville au Nord de l'Italie pendant la première partie, puis dans des villages au Sud. Les deux familles se sont connues car résidant dans des maisons se faisant face dans la même rue. Les deux pères disparaissent assez rapidement et des liens d'amitié et amoureux se nouent entre les frères et les soeurs, désoeuvrés, livrés à eux-mêmes. Quelques autres personnages gravitent dans l'entourage de ces adolescents, une sorte de dame de compagnie, un ami riche qui jouera un rôle important dans la deuxième moitié du livre, un juif polonais qui ne sait pas ce que sont devenus ses parents.

Les adolescents terminent leurs études, se mobilisent contre le fascisme sans trop s'engager. Les filles tombent rapidement enceinte et se marient aussi vite avec des hommes qui ne sont pas les pères de leur enfant.

La guerre éclate et les deux familles sont dispersées ; certains partent au front, ou vont se réfugier à la campagne. D'autres sont emprisonnés et l'un d'entre eux se suicide.

A partir de scènes de la vie quotidienne, sans pathos et sans affect, Natalia Ginzburg nous offre un témoignage de la vie en Italie pendant ces périodes troublées.

Point de portraits psychologiques, ni d'analyse fine des relations entre les personnages, mais plutôt une fresque sociale où de jeunes adultes, en phase de construction, écrasés par le régime mussolinien et par le conflit mondial, sont mus par des enjeux et des desseins qui les dépassent. Le sort des jeunes femmes, notamment, est peu glorieux. Passives, dépendantes, elles sont ballotées au gré des hommes qui veulent bien s'occuper d'elles et de leurs enfants.

Un personnage sort du lot à la fin du roman, Cenzo Rena, l'ami d'un des pères qui deviendra une figure héroïque en se sacrifiant devant les allemands.

Tous nos hiers est un roman étonnant, intrigant, exigeant, où tout est suggéré de manière sous-jacente et où Natalia Ginzburg semble ne céder à aucune facilité.
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Les mots de la tribu

Voilà une autobiographie hors du commun!



Centrée sur l'intimité d'une famille, d'un clan noyauté par ses rites et singularisé par ses idiomatismes, la narration évite pourtant tous les pièges de l'exhibitionnisme, de la confidence , de l'épanchement propres au genre autobiographique.



Avec une grande pudeur, et beaucoup d'humour-la politesse du désespoir?- . Natalia Ginzburg évoque les silhouettes de ses parents, de sa mère, intellectuelle un peu fofolle et généreuse, dépourvue de tout sens pratique, son père, un physicien adepte de courses en montagne épuisantes, tyran domestique et maître à penser acerbe et haut en couleurs, ses frères, sa soeur,et tous les amis, célèbres- Einaudi, les Olivetti, Leone Ginzburg, Cesare Pavese, Balbo...- faisant partie de cette intelligenzia turinoise, juive et athée, farouchement opposée au fascisme, et qui fut la première cible des chemises noires: comme le marquent les nombreuses arrestations, tortures, relégations et morts qui très discrètement jalonnent le récit.



Car c'est autour du lexique familier et familial que fait mine de s'articuler toute la narration:néologismes cocasses, expressions idiomatiques, anecdotes savoureuses- c'est tout un folklore privé, cher au cœur de la narratrice qu'elle ressuscite avec tendresse et ironie, masquant avec légèreté et élégance une période terrible -arrestations et morts la frappent de plein fouet à plusieurs reprises...



De beaux portraits: un magnifique et discret hommage à son mari, Leone Ginzburg, torturé et tué par les fascistes, Pavese, le désespéré à la pipe, Olivetti le riche industriel , ami du père...



je n'ai pas lu ce livre en français, et j'ai du mal à imaginer comment ont été traduites toutes ces images et créations verbales si pleines de saveur en italien.. Je vais néanmoins "poster" cette critique dans les deux versions: c'est un tel plaisir de lire ce livre original, drôle et subtil, léger et grave...le lire, même en français vaut qu'on s'y arrête!
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Les voix du soir

Années 1940, Italie. Dans un petit bourg de la région piémontaise non loin de Turin, vivent Elsa et sa famille depuis toujours. C'est un endroit où tout le monde se connaît. Elsa raconte l'histoire des habitants, des habitudes des uns et des autres, de leurs vie, de leurs projets et de leurs espoirs. Les anciens se plaisent dans leur vie où chaque jour se ressemble. Les jeunes rêvent de partir, ailleurs. Le quotidien semble se répéter en permanence. On a parfois l'impression que le temps s'arrête.

Et dans tous ces portraits, Elsa s'ouvre et s'affirme.



Je découvre Natalia Ginzburg avec ce roman que j'ai acheté au Festival du livre de Paris alors qu'il célébrait la littérature italienne. L'autrice, née en 1916, fait partie des grandes voix d'Italie. Elle a grandi à Turin et a une vingtaine d'années lorsque la guerre éclate. Elle connaît alors la violence, la montée du fascisme et la résistance italienne. Cela se ressent totalement dans son écriture.



"Les voix du soir" a été écrit et publié en 1961. Elle y parle de la génération ayant vécu la guerre puis l'après guerre. Il s'agit d'un livre très court dont la lecture est à la fois simple et pourtant très riche.



Par l'intermédiaire d'Elsa, la narratrice, elle parle de Nebbia, Gemmina, Vincenzo, Faluche, puis Mario, Raffaella ou encore Tommasino.



Les jours défilent et se ressemblent. Les gens sortent, se saluent, échangent, se soucient les uns des autres. On pense au mariage, on imagine les futurs couples et on tente de connaître les moindres nouvelles touchant les familles. La vie suit son cours.



Il n'y a pas de surprise. Tout est prévisible, répétitif. C'est rassurant pour les parents et les anciens. Mais, les plus jeunes, les adolescents s'inquiètent de leur avenir. Ils veulent voir le monde, décider seul de se marier ou non. Ils veulent décider de leur destin et aller de l'avant.



La première partie du livre peut perturber car on y trouve beaucoup de personnages et de dialogues. Puis, progressivement, l'autrice cible l'entourage d'Elsa et, grâce à ses échanges, nous fait découvrir l'histoire de toute une communauté et nous laisse entendre leurs voix au lendemain de la 2nde Guerre mondiale.



Ce livre est une jolie lecture qui se lit simplement, tout en douceur et dans laquelle le lecteur se laisse facilement emporté.



A découvrir !


Lien : http://labibliothequedemarjo..
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C'est ainsi que cela s'est passé

Une jeune femme pense aimer un homme, qui en aime une autre, mais va finir par épouser la première.



Triangle amoureux classique, me direz-vous. Certes, mais je n'ai pas tellement aimé l'écriture, très années cinquante.



L'histoire aussi est datée, à une époque où les amours conjugaux côtoyaient les premières tentatives de jeunes femmes de vivre leur vie, comme la meilleure amie de là protagoniste.



Cela ne sera pas un souvenir impérissable.
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C'est ainsi que cela s'est passé

Un court roman. Une jeune femme tue son mari puis raconte comment elle en est arrivé là.

Un portrait de femme tout en finesse, malgré l'apparente banalité du personnage. Les attentes, les sentiments, les peurs, les stéréotypes qui l'assaillent sont tout à fait crédibles. La protagoniste est incertaine d'elle-même et de ses désirs. Et ce qui transparaît subtilement c'est le désarroi d'une société qui ne sait pas sur quelles valeurs se fonder, la situation des femmes et le regard (ou l'indifférence) des hommes à leur égard. Mais pas de dénonciation, ni de jugement évident. Plutôt un constat et les malheurs ordinaires de la vie.

Écrit dans les années 1940, j'ai trouvé que ce roman présentait des affinités avec Moravia (Le mépris) ou la Massaia de Paola Masino. Même si le premier est plus caustique et si la seconde fait une place au fantastique.

Quoi qu'il en soit un roman à découvrir sans aucun doute.
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Les voix du soir

Un court roman pas loin du théâtre. Une narratrice de 27 ans, non mariée, nous décrit le huis-clos d'un village italien après-guerre : quelques familles bourgeoises autour de l'usine et son patron. Dans le verbiage de sa mère, la description clinique du décor et d'actions toutes simples, se dessine un désenchantement de pensées étouffées.

C'est froid, on ne sait pas trop où ça va, mais ça donne le sentiment que c'est plus puissant que ça en a l'air. Il faut sûrement relire...

Les voix du soir, c'est surtout la voix d'une autrice italienne, importante dans l'histoire de la littérature italienne si j'en crois la 4e de couv', que je serai curieuse de découvrir plus amplement.
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C'est ainsi que cela s'est passé

Tout d'abord, je voudrais rappeler que NATALIA GINZBURG est née en 1916 et décédée en 1991, elle a tout de même obtenu un prix équivalent à notre Goncourt pour l'un de ses romans. Je ne connaissais pas cette dame de la littérature italienne, mais je dois dire que son petit roman "c'est ainsi que cela s'est passé' m'a beaucoup plu. Effectivement c'est une écriture un peu particulière mais elle décrit parfaitement bien la culture italienne, ce portrait de cette femme qui analyse ses sentiments amoureux et amicaux tout au long du roman est attachante. Le décès de sa petite fille va la plonger inexorablement vers une abîme dont elle ne parviendra pas à ressurgir. Elle se sent délaissée par un mari volage et après avoir analysé froidement ses sentiments elle prendra la décision de le tuer.

A aucun moment je me suis ennuyée dans la poursuite de ma lecture, je pense avoir découvert une grande dame de la littérature italienne.
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Les mots de la tribu

Née dans une famille de la bourgeoisie juive de Turin, Natalia Ginzburg écrit ici d'abord avec beaucoup de tendresse une chronique familiale dédiée à ses parents, à leurs habitudes, à leurs travers, à leurs mots et expressions favorites. Mais c'est aussi le récit de la résistance au fascisme mussolinien dans lequel est impliqué son mari et toute une bande d'amis et d'intellectuels, visés par une répression variable qui se terminera pourtant par l'assassinat en prison de son compagnon. C'est aussi l'histoire d'une maison d'édition, la maison Einaudi, prestigieux refuge du groupe des "ragazzi di via Po", les jeunes de la rue Po, avec une série de portraits passionnants, à commencer par le jeune, timide mais décidé Einaudi lui-même, puis Pavese, lecteur et éditeur exigeant, dont la fin tragique est éclairée par une intime, l'auteur. Au total un récit plein de vie qui retrace les luttes et les débats d'un groupe d'intellectuels et d'écrivains engagés qui ont fait partie de l'histoire italienne des années de guerre et d'après-guerre.
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Les mots de la tribu

Les mots de la tribu (Lessico famigliare, 1963) est son roman le plus célèbre; il obtint le Prix Strega 1963 (l'équivalent de notre Goncourt); elle nous donne, dans ce roman, une vision de son quotidien très néoréaliste, c'est un roman autobiographique.



C'est un roman très jouissif dans la première partie où elle livre un portrait très drôle de sa proche famille: une famille composée par un père tonitruant, une mère fantasque, trois frères aux fortes personnalités et une soeur très différente d'elle. Aussi sont très bien esquissés le personnage de la grand mère paternelle, de la servante Natalina et des amis proches de la famille. Quelle brochette de personnages hauts en couleurs qui ont marqué la jeunesse de Natalia Levi; elle a surtout retenu le lexique très particulier utilisé à la maison.

Ce n'était pas une famille de tout repos, entre le père érigé en Statue du Commandeur, ses frères et sa soeur, tous très différents et aux fortes personnalités.

L'écrivain décrit très bien les siens mais ne se livre pas; elle s'applique à les décrire avec un regard d'entomologiste.



La deuxième partie est très différente avec Natalia devenue adulte, très intellectuelle, très active politiquement. C'est incroyable d'observer le niveau intellectuel des personnes de son entourage: son premier mari Leone Ginzburg, Pavese, Balbo , Einedi et tant d'autres.

Ici, l'écrivain se livre encore moins et reste très en deçà d'un ressenti ou d'une affectivité, ce qui a rendu ma lecture par moments un peu aride.

Un très grand livre.
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Les mots de la tribu

Voilà une autobiographie hors du commun!



Centrée sur l'intimité d'une famille, d'un clan noyauté par ses rites et singularisé par ses idiomatismes, la narration évite pourtant tous les pièges de l'exhibitionnisme, de la confidence , de l'épanchement propres au genre autobiographique.



Avec une grande pudeur, et beaucoup d'humour-la politesse du désespoir?- . Natalia Ginzburg évoque les silhouettes de ses parents, de sa mère, intellectuelle un peu fofolle et généreuse, dépourvue de tout sens pratique, son père, un physicien adepte de courses en montagne épuisantes, tyran domestique et maître à penser acerbe et haut en couleurs, ses frères, sa soeur,et tous les amis, célèbres- Einaudi, les Olivetti, Leone Ginzburg, Cesare Pavese, Balbo...- car faisant partie de cette intelligenzia turinoise, juive et athée, farouchement opposée au fascisme, et qui fut la première cible des chemises noires: comme le marquent les nombreuses arrestations, tortures, relégations et morts qui très discrètement jalonnent le récit.



Car c'est autour du lexique familier et familial que fait mine de s'articuler toute la narration:néologismes cocasses, expressions idiomatiques, anecdotes savoureuses- c'est tout un folklore privé, cher au cœur de la narratrice qu'elle ressuscite avec tendresse et ironie, masquant avec légèreté et élégance une période terrible -arrestations et morts la frappent de plein fouet à plusieurs reprises...



De beaux portraits: un magnifique et dicret hommage à son mari, Leone Ginzburg, torturé et tué par les fascistes, Pavese, le désespéré à la pipe, Olivetti le riche industriel , ami du père...



je n'ai pas lu ce livre en français, mais j'ai du mal à imaginer comment ont été traduites toutes ces images et créations verbales si pleines de saveur en italien.. Je vais néanmoins "poster" cette critique dans les deux versions, c'est un tel plaisir de lire ce livre original, drôle et subtil, léger et grave...le lire, même en français vaut qu'on s'y arrête!
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Les mots de la tribu

Lu en italien. Je me demande comment la traduction rend l'idiome familial, le pittoresque et l'inventivité des termes employés par le père de Natalia, curieux excentrique difficile à vivre ! J'irai jeter un oeil sur la traduction. Par curiosité. Sinon l'ouvrage est plaisant et on y croise des personnages célèbres, Turati, Carlo Levi, la famille Olivetti qui montrent comment Turin la ville de Primo Levi était un foyer de culture dans laquelle les juifs (ebrei en italien) comptaient pour beaucoup.

N. Ginzburg qui a joué un rôle important dans les lettres italiennes après guerre en tant que lectrice pour les éditions Einaudi (le Gallimard italien), est par ailleurs connue pour avoir refusé le manuscrit de Primo Levi [i]Si c'est un homme...[/i] principalement parce que, dans les années 60, elle a considéré que le public était fatigué (stufo) des histoires de la guerre...
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C'est ainsi que cela s'est passé

Natalia Ginzburg est une figure importante de la littérature italienne du XXe siècle (autrice, éditrice, traductrice et aussi politicienne), mais je ne la connaissais pas du tout. Son œuvre s’inscrit dans le courant du néoréalisme italien, aux côtés de sa compatriote et contemporaine Elsa Morante.



Le très court roman C’est ainsi que cela s’est passé donne la parole à une jeune femme qui vient d’assassiner son mari d’une balle entre les yeux. Elle erre dans les rues désertes de sa ville et évoque les conditions qui l’ont menée à ce geste irréversible : petite bourgeoisie, mariage sans amour, désillusion, aliénation domestique. Le ton triste et gris, sans cynisme, est porté par une plume plutôt sèche (rien pour me déplaire), comme le cœur de la narratrice. Le titre français traduit d’ailleurs assez mal cette sécheresse, contrairement au titre original (È stato cosi) et à celui choisi pour la version anglaise (The Dry Heart).



Le récit introspectif de cette femme perdue m’a happée le temps de ma lecture, mais son souvenir s’estompe déjà une semaine plus tard. Quoi qu’il en soit, Ginzburg n’a pas dit son dernier mot avec moi.

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