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Citations de Patrick Grainville (251)


C'est au Havre que ma mère est née. Au Havre que l'impressionnisme est né. Au Havre que Courbet se lie avec Boudin dont il admire les marines. Au Havre et à Paris que Boudin découvre les caricatures que Monet dessinait alors et devient son maître. Boudin, parrain et passeur de Monet. Un beau jour, au débotté, en 1868, Monet et Courbet débarquent chez Alexandre Dumas, le père des Trois Mousquetaires, installé dans la ville. Grandes embrassades tonitruantes des deux ogres : Courbet et Dumas se découvrent, se reconnaissent et s'empoignent. Des bustes, des crinières ébouriffées, des chemises béantes. À tu et à toi tout de suite ! Dumas invite à dîner Gustave et Monet jouvenceau. On dirait un conte. Non, ils ne mangeront pas le jeune homme aux petits oignons. Dumas leur sert une omelette aux queues de crevettes.
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À bord de la Ville de Saint-Nazaire, un capitaine perdu rejoignait l'île du Diable. Dreyfus était en route pour le bagne. Le même jour. Le Gaulois annonçait qu'une lettre d'Emile Zola faisait savoir à l'Académie qu'il posait sa candidature pour le fauteuil de Ferdinand de Lesseps. Il serait débouté. Rien ne reliait encore le misérable déporté de l'Atlantique et le romancier briguant un titre honorifique. Un océan d'iniquité et d'ignorance les séparait. Pourtant, le destin, à qui il arrive d'avoir des envolées d'albatros, réservait au damné le trône absolu de l'innocence et à l'exclu qui lui porferait secours le Panthéon du Juste, auprès d'Hugo. Personne n'aurait parié, ce jour-là, que la mer de l'exil était le chemin de deux éternités qui marchaient l'une vers l'autre.
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Quand Rimbaud meurt, Monet devient roi. Ménélik de l'Ethiopie des Meules ! Mais Arthur, ce moignon du Soleil, se transfigure presque immédiatement en mythe. Le seul crime d’Arthur Rimbaud fut d’avoir démodé Baudelaire. La vraie tombe de Rimbaud est, pour moi, le mausolée d'une meule rouge d'été, comme la case du Harar le plus pur. Courbet, Rimbaud, Manet, Monet, Van Gogh... Quel grand siècle que celui de Flaubert et de Victor Hugo !
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Le dépaysement l’a arraché aux simagrées de Samantha, au régime de la tentation circonstancielle. Maintenant, c’est du stable immémorial. Il plane. Il a ôté ses lunettes trop noires. La casquette suffit pour éviter le dard du soleil. Elle désire son beau regard d’un bleu royal, d’azur irréel. Ni trop clair ni saphir. Bleu extraterrestre. Bleu de Staël. (page 87)
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Il avait peint le tableau (Guernica) au printemps, juste après le bombardement de la ville, en pleine guerre civile. La tuerie continuait, son pays était détruit, martyrisé. Et lui, monstrueux comme toujours, loin de s’engager dans les Brigades internationales, passait son été de plaisir à Mougins, Antibes, Juan-les-Pins. Il se baignait chez nous, ici, il baisait, sculptait des galets ou des bois flottés. Nusch venait poser pour lui, dans sa chambre, avec la bénédiction d’Éluard. Les pas légers de Nusch. L’été du fascisme et de la mort fut sans doute le plus bel été de sa vie. (page 30)
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Je lis tout haut un paragraphe à ma petite famille :

- «Une seule injustice, un seul crime, une seule illégalité, surtout si elle est officiellement enregistrée, confirmée, une seule injure à l'humanité, une seule injure à la justice et au droit, surtout si elle est universellement, légalement, nationalement, commodément acceptée, un seul crime rompt et suffit à rompre tout le pacte social, tout le contrat social, une seule forfaiture, un seul déshonneur (...). C'est un point de gangrène qui corrompt tout le corps. »

- C'est quoi la gangrène ? demande Charlotte, plus impressionnée par mon émotion que par le contenu du discours.

- C'est la pourriture, la décomposition, le mal.

Péguy, fou de conscience, rejoindra dans mon cœur, lors de ma lecture de 1910, l'Olympe de ma Falaise des Fous de création.
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Quarante-deux ans après, je prends connaissance d'une lettre invraisemblable du bon Durand-Ruel qui écrit à Monet à propos du tableau de la Manneporte que ce dernier vient de lui livrer : « II vaut mieux que vous partiez de suite à Étretat. (...) Vous feriez bien d’y emporter la grande porte (...). Vous auriez à revoir la mer sous la porte. On ne s'explique pas les vagues...» La vie d’artiste est moins libre qu'on ne le prétend !
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Boudin a peint l'effervescence extraordinaire du port de Bordeaux où les terre-neuviers de Fécamp pouvaient débarquer, à la belle époque, soixante mille morues par bateau. Oui, Boudin était fait pour saisir les quais de Fécamp saturés de foule et d'adieux. Il a peint encore ces extraordinaires régates du Havre grouillantes de cohues, de vent, de voiles, de mouvement marin. Ou le futur Pissarro des ports et des foules urbaines ? Boudin et Pissarro, dans sa dernière manière, possédaient le génie du charbonnement métaphysique de la création, de son grain rude que Monet allait volatiliser dans la lumière hallucinée. Mais l'âme de Fécamp est une secrète fulmination de ténèbres. Pour Monet, le dieu de la peinture était le soleil. Et la brume légère qu'il n'en finissait pas de percer. Pour Boudin, c'était Jupiter transformé en nuage. Les baigneurs et les baigneuses, les crinolines de Trouville et de Deauville étaient lo sous la caresse du divin, du précieux nuage.
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Picasso se moque des vieux soleils du père Monet. La lumière, c'est lui. Il peint Verre et Bouteille de Suze ! Il inscrit la marque publicitaire populaire, en relief, sur un foisonnement de fragments de journaux collés, de novembre 1912. Des articles sur le conflit des Balkans et sur le meeting de l'Internationale ouvrière au Pré-Saint-Gervais contre la guerre, les canons Krupp et Schneider. Quarante mille voix chantent alors l'hymne au 17e regiment mutiné : « Salut, braves pioupious ! » Proudhon, partisan d'un art social utilitaire, aurait été indigné de voir l'Histoire ravalée à l’état de fond illisible, la lutte ouvrière servant de quadrillage gribouillé, de collage à des entourloupes cubistes et à une bouteille de Suze. Mais l'art moderne ne recrache pas le réel littéral. Il le défigure et démultiplie ses efflorescences dans un geste de liberté et de transgression. Monet le sait bien. Et si, un jour, les archives sociales de 1912, pour des descendants lointains, n’étaient plus déchiffrables que par la Suze de Picasso, dans un recoin de quelque musée épargné, bunker américain ?

Vive Picasso ! Vive le Pemod !
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Mais il (Picasso) a inventé le collage, la peinture au Ripolin, l’insertion de l’objet, du journal, du tissu, de la publicité Suze, dès avant la Première Guerre mondiale ! Bien avant les nouvelles idoles du pop art. (pages 326-327)
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Picasso, c’est l’amour sans contradiction. Peut-être plus sincère que tricheur. Égoïste absolu. Il jure, il ment, il manipule. Il dit sa vérité polymorphe comme sa peinture. Capable de supplier, de pleurer pour posséder le cœur d’une femme, capable de tout pour la larguer. Papillon à trompe monstrueuse. Contrefaçon de Don Juan avec sa tête de Sganarelle burlesque. (page 122)
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Combien d'individus peuvent ainsi passer d'un genre à l'autre, de la contemplation la plus précieuse à la décision granitique, oui, à la fameuse raison d'Etat, aux représailles si nécessaire et plusieurs fois ?

Clemenceau se complaît à opposer toujours son réalisme actuel aux visions futures de Jaurès. Clemenceau raille : « Savez-vous à quoi on reconnaît un article de Jaurès ? Tous les verbes y sont au futur... Mon affaire à moi, c'est aujourd'hui, car demain dépasse toutes les prévisions. »

Clemenceau, le héros de l'avenir viril...
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Du côté du Perrey, où régnaient les bataillons de cabestans, les pêcheurs triaient le poisson, l'embarquaient dans des paniers, des mannes. Aidés par leurs épouses en tablier et bonnet blancs, ils trimballaient de lourds cordages qu'ils allaient fourrer dans la coque d'une de ces « caloges », caïques hors d'usage coiffés d'un amas de chaume.. . Trois femmes ramendaient les filets en jetant un regard aux bourgeois. Plus haut, au-delà de la plage, se dressaient trois villas cossues à pignons, balcons et vérandas où jouaient au volant de ravissantes petites filles en robe de mousseline à rubans.
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Margaret Thatcher hait la peinture de Bacon : « It’s horribelll ! Horribelll ! » C’est sans doute, son sens du beau qui la pousse à engager la guerre des Fakland. Les Malouines. Les Argentins viennent de les envahir, prétextant qu’ils n’ont fait que récupérer ce qui leur appartenait. Margaret ne fait ni une ni deux. En tailleur bleu roi, flamboyante, elle leur envoie sa marine de guerre. D’une chiquenaude : la foudre !
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Une femme qui vous attire est adorable quand elle approche, se livre sans peur au regard, qu’elle y manifeste un art pianoté que nul homme ne saurait égaler. Une grâce, une connaissance du jeu. C’est moi, tu peux regarder, je viens vers toi et te souris. (page 148)
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Madrid est assiégé. C’est Guernica chaque jour. Les escadrilles franquistes, la fameuse légion Condor allemande cherchent à reprendre le village de Brunete qui a été conquis par les républicains. Bombardements continus. L’aviation gronde et frappe par vagues. Gerda Taro est là. Une belle jeune femme passionnée. Une photographe. Une Dora d’amour guerrière. L’amante de Robert Capa. Ils sont au cœur de la bataille révolutionnaire. Pour photographier la vérité. (page 64)
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Quand Giacometti travaille à une statue, on dirait un violoniste qui accorde son instrument. Clarinettiste aussi. Avec l’agilité circonspecte de ses doigts qui trottent.
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Elles sont drôlement ficelées, les nouvelles filles de Giacometti. Bizarrement fagotées d’argile, puis de plâtre et bientôt de bronze. Ce sont les étapes de la métamorphose. D’abord le corps-à-corps avec la terre, l’argile, les doigts dedans. Modeler la tête, crisper la boule. Grimper la figure, l’étrangler à la taille, donner de la matière et du magma, en retirer. Ajourer la silhouette, évaser les hanches. L’une d’elles révèle l’entaille du sexe, comme chez les Vénus primitives : « Femme de Venise II ».
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Ainsi, migrer était le destin de l’homme. Les premiers Homo sapiens étaient partis de la côte africaine il y avait 60 000 ans et étaient remontés vers la mer Rouge pendant des millénaires pour se répandre dans toute l’Europe, l’Asie et devenir nous-mêmes. Désormais, d’autres mouvements de masses, plus précipités, poussés par la misère, la guerre… Humanité errante, promise à plus d’errance encore si le réchauffement de la planète portait à ébullition les flux migratoires. (page 178)
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Une grimace le fripait, le déformait. Il en avait oublié ses yeux, qui lui mangeaient la face tels deux cratères d’azur fou. (page 108)
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