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Critiques de Paul Léautaud (56)
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Le petit ami

Je viens d'arriver à peu près à la moitié du livre. J'aime bien le parti pris de l'auteur de nous décrire ses turpitudes au milieu de ses jeunes amies prostituées. Nous sommes à la toute fin du XIXe siècle et ces descriptions ne sont pas sans rappeler les toiles de Renoir, de Manet ou encore de Toulouse-Lautrec. L'écriture est incroyablement libre, et Léautaud sait dépeindre à merveille le foisonnement de ce monde interlope, dont il fait surtout l'éloge des jeunes prostituées, ses amies toujours prêtes à le contenter. Ce sont des souvenirs autobiographiques qui nous transportent dans cette belle époque où tout semblait permis. Mais, face aux nombreuses redondances et au manque d'intrigue véritable, j'ai commencé à lire en diagonale, puis en sautant des pages et je finis toujours par retrouver quasiment la même situation. J'ai l'impression d'avoir fait le tour du livre à sa moitié. Je relirai certainement un autre livre de Paul Léautaud un peu plus tard.
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Passe-temps - Passe-temps II

Pourquoi la lecture de Léautaud procure-t-elle un pareil délice ? Quoi de plus délicieux qu'un vieux monsieur indigne, à part une vieille dame ? Léautaud, conscient de son excentricité n'aime que les excentriques. Forcément son oeuvre ne peut pas vieillir. C'est le normal qui vieillit mal. L'excentrique d'hier n'est pas le normal d'aujourd'hui ; avec le temps il devient plus excentrique, plus exotique, plus amusant. Revenu de tout, attaché à rien, Léautaud est plus grunge que Kurt Cobain, plus gaga que Lady Gaga et il écrit plusieurs milliards de fois mieux que tous les Hunter Thompson et les Jack Kerouac, poseurs devenus illisibles. Léautaud est libre. D'écrire tout le mal qu'il pense de ceux dont nous pensons du bien, libre d'en dire du bien au chapitre suivant, s'il le voulait, libre de mentir comme le séducteur mythomane de Women. Léautaud c'est notre Chinaski de France. Tombeur improbable qui baise dans sa tête, avec son chapeau trop petit, son froc trop grand, ses mitaines au bout de ses poignets de chemise cradingues. Entre deux séances de jambe en l'air imaginaires, il raconte et ironise, ce qui est l'art même. Regard en coin, espiègle et brillant, il observe. Une fois rentré chez lui, il se fout de nous dans son journal. J'en reprendrais bien mille pages. Il réussit à me faire croire qu'il est heureux, seul avec son poêle à bois. Léautaud ne se plaint pas, il en rit, il n'écrit pas « mon boulot est pénible », il dit : j'avais toutes mes soirées à moi pour rêver.
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Journal particulier 1937

Suite des aventures polissonnes de Monsieur Paul. Il faut bien avouer que tout cela est assez répétitif. Voilà des pages qui auraient été sans doute plus digestes, noyées dans le corps du Journal littéraire. Et il faut bien avouer que Léautaud est assez insupportable avec sa jalousie et son caractère possessif. Marie Dormoy a eu bien de la patience… Il faut croire que la fréquentation de l’illustre écrivain était le prix à payer pour obtenir la publication du fameux Journal. Toute la question est de savoir si ce Journal particulier méritait d’être édité. Il apporte en tout cas un éclairage supplémentaire, s’il en était besoin, à la personnalité de l’auteur du Petit Ami.
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In memoriam

Deux ans après la mort de son père, Paul Léautaud publie ce texte au Mercure de France. Il évoque son enfance, leurs rapports difficiles, les souvenirs qu'il a de cet homme. Comédien, devenu souffleur à la Comédie Française, séducteur impénitent, qui multipliait les aventures féminines, Firmin Léautaud a dans les souvenirs de son fils, quelque chose d'un ogre. Paul Léautaud se souvient au contraire, avec beaucoup plus de tendresse de sa mère, qu'il aura peu connue, car elle a vite quitté Firmin, à qui elle a laissé l'enfant sans visiblement de grands états d'âme. De même, Paul Léautaud a une grande tendresse pour la bonne Marie, qui s'est occupé de lui jusqu'à ce que son père la renvoie, et qu'une femme qu'il finira par épouser s'installe. Les pages consacrées à la belle mère sont d'une drôlerie irrésistible, cruelle et féroce. C'est qu'elle aura fait souffrir le petit garçon tant qu'elle a pu.



Mais malgré tout, malgré cette lucidité impitoyable avec laquelle Paul Léautaud évoque son enfance, cet humour vache, qui affirme qu'il vaut mieux ricaner plutôt que s'attendrir, il va accompagner son père dans la mort, jusqu'au bout. Et laisser transparaître, derrière des rosseries qui prennent des airs de bravade, une nostalgie, une mélancolie, un attachement malgré tout, un sentiment de perte.



On retrouve dans ce petit livre le ton du fameux journal, mais en condensé : une sorte de quintessence de l'univers de l'auteur, à partir d'une thématique centrale, qui le révèle en grande partie. C'est d'une grande force, à la fois drôle et émouvant, une sorte de résumé de la condition humaine.
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Lettres à ma mère

Loin, très loin du Léautaud railleur et cynique, sarcastique et spirituel, ces "Lettres à ma mère" nous montre un homme débordant d'amour et de tendresse pour une mère qu'il n'a pourtant pratiquement jamais vu. C'est l'enfant qui parle en lui. Un enfant déjà sensible, seul, malheureux, meurtri par l'abandon et le manque d'affection et qui voit finalement son rêve, sa maman enfin retrouvée, l'abandonner une seconde fois. Cette correspondance permet, je pense, c'est même une certitude, d'expliquer une part de sa personnalité, notamment sa farouche misogynie et son rapport à l'amour.
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Journal littéraire - Choix de pages

Entendons-nous d'abord sur l'adjectif "littéraire" que Léautaud a choisi pour son journal : toute sa vie, passée au Mercure de France, il a côtoyé et fréquenté des littérateurs aujourd'hui bien oubliés ; il a écrit des critiques dramatiques, puisqu'en ces années-là le théâtre garde la place prééminente qu'il avait à l'époque des frères Goncourt. Mais Léautaud ne lit pas beaucoup, ne s'intéresse nullement aux événements et nouveautés esthétiques et littéraires, ne connaît de Proust que deux pages, de Céline rien, et ne comprend même rien aux oeuvres et à la pensée de son ami de jeunesse Paul Valéry. Des Surréalistes, nulles nouvelles. Ses idées littéraires sur le style sont vieillottes et naïves : la "spontanéité", le "naturel" sont plutôt des qualités morales et sociales qu'artistiques. Il déteste le mot "art" au nom de ses illusions sur la "nature" en littérature. Il a horreur de la culture et du savoir, au point de déconseiller l'usage du dictionnaire aux écrivains. Léautaud est un esprit étroit, peu cultivé, qui se vante de son ignorance, du haut de laquelle il distribue bons et mauvais points.



Cela dit, on ne lit pas jusqu'au bout les 1200 pages de ce volume (sur les dix-neuf tomes du Journal en édition complète), sans se prendre d'un certain attachement pour l'homme. Pour son époque, il pense mal : hélas, ses mauvaises pensées n'étaient subversives qu'en 1920 (antimilitarisme, antipatriotisme, anticatholicisme, etc), car elles sont devenues aujourd'hui des opinions obligatoires. Sa subversion est notre doctrine officielle. Cependant l'homme Léautaud a eu ces mauvaises pensées en son temps, par indépendance ombrageuse, par goût de la liberté, refus de tous les conformismes du temps. Il paie cet anticonformisme daté d'une grande pauvreté matérielle, et jusqu'à la fin de sa vie, refuse prix et prébendes pour ne devoir rien à personne. Nous sommes loin des rebelles subventionnés contemporains, des "Limousine Liberals" des USA, de nos bobos. Au détour des pages, d'ailleurs, le lecteur s'enchantera de trouver des passages qui ont gardé leur fraîcheur de pensée libre, encore capables de choquer les sensibles âmes blanches d'aujourd'hui.



Enfin, comme beaucoup de misanthropes, Léautaud aime passionnément les animaux, qui tiennent une place immense dans sa vie, plus que dans son journal. Il est un vrai Parisien, un piéton de Paris. Cette ville, aujourd'hui plus morte que Pompéi hantée des touristes, revit sous sa plume, ainsi que la banlieue des pavillons, où commence (hélas) à beugler la TSF. Cet ancien temps vivant dans le Journal est un des plus grands charmes de l'ouvrage.



Il faut donc se défier du titre, qui n'est littéraire que dans un certain sens fort étroit (le milieu littéraire). Léautaud d'ailleurs, au fil des pages, nous appelle à la défiance, seul moyen de rester libre et de ne pas trop se laisser abêtir.
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Journal littéraire - Choix de pages

Un plaisir de lecture permanent d'un personnage hors du commun qui, malgré tous ses défauts, finit par devenir attachant et sympathique. Il était imperméable et indifférent à toute critique comme à tout éloge.



Je ne peux faire mieux ici que de rapporter le seul éloge qui l'a véritablement touché, éloge d'un écrivain inconnu dont il n'avait pas retenu le nom et qu'il rapporte dans son journal à la date du 18 novembre 1946 :



« … il importait de célébrer les richesses innombrables d’une oeuvre unique, d’une plume tonique et frémissante, qui n’a pas écrit une seule ligne pour plaire, d’un intrépide écrivain qui n’est jamais que soi, d’un esprit farouchement libre, et d’un style si clair, si sûr, si franc - et français. »
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Journal particulier 1933

Qu'est-ce qui a poussé l'élégante Marie Dormoy, 46 ans bibliothécaire distinguée dans les bras de Paul Léautaud, 61 ans critique et romancier célèbre ?

Est-ce l'espoir de mettre un jour la main sur son oeuvre et son fameux "Journal littéraire" ?

L'un est petit, d'une propreté douteuse, vicieux en diable et l'autre grande, forte, peu accorte et surtout peu portée à la chose. Léautaud sortant des bras du " Fléau ", sa maîtresse Anne Cayssac est pourtant sexuellement comblé et craint les ennuis d'une liaison trop morne.

Au fil de ce "Journal (très) particulier", se déroule sur une année une liaison que Edith Silve qualifie d'obscène. Léautaud avec une totale franchise y dévoile ses parties de plaisir, ses jeux érotiques. Le vieillard s'avoue un cérébral, excité par la projection de ses futurs salaceries, le plus souvent douché par le manque d'ardeur animalière de sa nouvelle partenaire faite comme un fut de canon.

Nul sentiment ou très peu chez cet homme abandonné par sa mère, élevé au contact des prostituées.

Fallait-il publier tout cela ? Je reste assez dubitatif.
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Le fléau

Le résumé est déjà explicite. La quatrième de couverture précise même que la maîtresse de Léautaud le traitait de brandit, voyou, crapule, canaille et voleur. Lui l’appelle « Garce malfaisante », « Fléau » et « Panthère ». Bonjour l’ambiance ! Le libertinage et les polissonneries de ce couple « compensera » ses déchirements jusqu’au point de rupture que beaucoup trouveront certainement bien tardif. Cette situation houleuse faite d’invectives et de raccommodages, conduit naturellement à des répétitions qui, lorsqu’elles sont au surplus, émaillées d’une multitude d’initiales pour désigner les protagonistes, peuvent rendre la lecture de certains passages fastidieuse. Cela ne doit pas décourager la lecture de cet ouvrage presque unique en son genre.
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Journal littéraire, tome 1 : Novembre 1893 - ..

Dans ce journal Léautaud, au-delà du récit des faits et petits et grands événements de sa vie quotidienne nous fait part de ses réflexions sur la littérature, la création littéraire. Il nous parle de ses oeuvres déjà écrites, notamment celui sur sa mère « Le petit ami », roman autobiographique, et ceux qu'il envisage d'écrire.

Il évoque ses écrivains favoris, parmi lesquels Stendhal a la meilleure place, en particulier ses Souvenirs d'égotisme et son Journal. Il prise son écriture simple et dépouillée et critique le « style pour le style » de Flaubert qui selon lui n'a plus rien de naturel ni de spontané et dès lors se trouve privé de toute vitalité.

Léautaud raconte ses aventures amoureuses, son refus de s'engager, ses tentations homosexuelles.

Il parle de ses amis, parmi lesquels Max Schwob est souvent cité.

Léautaud admire aussi Taine et Renan, Mallarmé, Tinan, Rachilde, Gide et Francis Jammes.

Comme dans de nombreux journaux d'écrivains, la parfaite imbrication, tout au long du récit, entre sa vie privée, son oeuvre et le milieu littéraire de l'époque donne au lecteur l'impression d'être chaleureusement accueilli dans un cercle très privé mais finalement ouvert à qui frappe à porte !

Au-delà de son aspect documentaire (en particulier par l'évocation de nombreux auteurs aujourd'hui totalement oubliés) le journal littéraire de Léautaud est à conseiller à tous les lecteurs curieux de découvrir "de l'intérieur" le milieu littéraire de la fin du XIXème et du début du XXème siècle.

A lire donc, chacun à son rythme, pour puiser à la source de la création littéraire … !
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Journal littéraire - Choix de pages

Le choix des textes est plutôt bon, à ce qu'il me semble, bien que le concept même de l'anthologie me frustre toujours énormément ; et la préface de Pierre Perret est d'une insignifiance et d'une tartuferie sidérantes.



Le style de Léautaud, c'est justement l'absence de style, ou plutôt une façon de s'exprimer la plus franche du monde, la moins contournée. Il exprime librement ses idées, et ses idées sont toujours réjouissantes. Le personnage est un cynique naturel, cynique sans affectation, parce que son regard sur le monde est sans illusion, parce qu'il ne croit à rien qu'à son plaisir. La lecture de ce journal est l'occasion de jouir avec lui de son mordant, de ses bons mots, des portraits cocasses mais justes qu'il fait de ses contemporains. Son œil aiguisé débusque tout de suite le ridicule d'une personne ou d'une situation.

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Bestiaire

N°1751 – Juin 2023



Bestiaire – Paul Léautaud – Grasset.

Dans sa chanson « Don Juan » Georges Brassens conjugue les accords de sa guitare avec ces deux vers « Gloire au flic qui barrait le passage aux autos pour laisser traverser les chats de Léautaud » C’est sans doute ce qui m’a fait ouvrir ce livre, autant que mon attachement à la gent féline. C’est un ouvrage composé à partir des éléments de son fameux « Journal » et consacrés aux animaux qu’il chérissait mais qu’il avait lui-même supprimés . Ces textes, publiés dans leur intégralité sont présentés chronologiquement, de 1908 à 1926 et évoquent les lieux où l’auteur à résidé en même temps que l’histoire fugace de ses bêtes dont il préférait la compagnie à celle des hommes. Ce sont souvent des animaux errants, abandonnés ou perdus, chats ou chiens, recueillis par lui pour leur éviter la fourrière ou simplement nés chez lui ou nourris et placés chez des Parisiens des faubourgs populaires. Il est même devenu un référant en matière de placement et son jardin s’est petit à petit transformé en cimetière animal (300 chats et une centaine de chiens selon Marie Dormoy, femme de Lettres, critique d’art, ancienne compagne de Léautaud et sa légataire universelle). Il déplore les sévices que leur infligent certains humains, désapprouve la vivisection et dénonce aussi les mauvais traitement infligés aux chevaux malgré le service essentiel qu’ils rendent, ce qui trahit une facette peu reluisante de l’espèce humaine qu’il a toujours fuit.

La vie de Leautaud (1872-1956) n’a pas été facile, de l’enfance à l’âge adulte et il s’est sans doute libéré de toutes les épreuves subies à la fois par l’écriture et par la fréquentation de la gent animale qui partage notre vie mais que bien souvent nous ignorons, une manière comme une autre de nourrir sa misanthropie d’écrivain maudit et de marginal. Cette posture n’a pas été qu’une façade, bien au contraire, il était généreux et authentique puisqu’il sacrifiait bien souvent sa propre nourriture, ne comptant ni son temps ni son argent au profit de ses protégés, regardés par lui comme meilleurs que les hommes. En 1907 il négligea même de terminer un roman destiné au jury Goncourt... pour s’occuper d’une chatte. Il ressentait du chagrin et même de la culpabilité quand la mort s’emparait de l’un d’eux.

Cet autodidacte a laissé de lui une image un peu ridicule, mal vêtu, vivant pauvrement, coléreux, angoissé, aux amours chaotiques, difficiles et blessées, célèbre pour sa mordacité critique, sa recherche de l’absolu, son indépendance d’esprit, sa soif de liberté qui ont fait de lui un être irrémédiablement seul. Il a peu publié (son Journal littéraire n’a été publié que dans les dernières années de sa vie puis après sa mort), n’a été connu que tardivement vers 1950, grâce à la radio, et préférait écrire ce qu’il voulait, et pour cette liberté accepta, au « Mercure de France », un emploi mal payé de chroniqueur. Son « Journal littéraire » qu’il rédigea en secret ne fut vraiment connu qu’après sa mort.

Le style qui le caractérise est fluide, dépouillé, sans fioriture, facile à lire, une sorte de mélange d’écriture et d’oralité mais le texte, né de sa volonté de sauver le maximum d’animaux, est quelque peu répétitif.

Ce bestiaire témoigne de son attachement de toute sa vie aux animaux, de son combat contre leurs souffrances, avec le regret de se voir vieillir et mourir et ainsi de devoir lâcher prise « Il n’est tout de même pas gai de penser qu’on mourra un jour , sans avoir rien pu changer à toutes la souffrance qu’on aura vu autour de soi ».
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Correspondance, tome 1

Paul Léautaud est un écrivain, critique, pamphlétaire (collaborateur au Mercure de France pendant 45 ans où il est en charge de la réception des manuscrits) de moins en moins lu et pourtant je pense qu’il faut le lire pour son esprit singulier, pour revivre à travers ses écrits une grande partie de cette intense vie culturelle du début du XXe siècle et surtout pour trouver là une écriture limpide et juste. Son œuvre la plus importante d’écrivain est certainement son « Journal littéraire », soit dans l’édition originale : 18 tomes plus un tome d’index (plus de 6 000 pages), journal qu’il a tenu chaque jour pendant plus de 60 ans.



« La correspondance », que je présente aujourd’hui, est un « petit complément » très intéressant : 1217 pages de lettres que Paul Léautaud a précieusement gardées de 1878 (né en 1872, il a alors 6 ans !) à 1956, année de sa mort. Et encore il n’y a pas ici les « Lettres à Marie Dormoy » qui font l’objet d’un tome supplémentaire. Marie Dormoy, l’écrivaine, muse, conservatrice de l’œuvre de Léautaud comme le fut une autre Marie, Marie de Gournay, pour un auteur à l’esprit autrement plus solide, Michel de Montaigne... Une œuvre imposante qui n’est pas sans évoquer les milliers de pages d’écrivains du XIXe siècle, je pense entre autres à George Sand et à Victor Hugo (aux caractères moins acides mais ayant également par leur énorme production rendu compte de leur époque). Parmi ses correspondants : Maurice Barrès, Paul Valéry, Pierre Louÿs, Henri de Régnier, Léon Blum, André Gide, Maurice Martin du Gard, Louis Aragon, Sacha Guitry, Alain Fournier, Guillaume Apollinaire, Louis Jouvet et des dizaines d'autres personnalités célèbres.



Quel individu singulier… Déjà garder toute cette masse de lettres…Et cette vie d’ermite… Mais un ermite observateur très impliqué dans le monde culturel. Il aimait la vie et détestait par bien des aspects les hommes. A-t-il eu besoin d’une revanche sur son enfance, sur une mère artiste aussitôt partie après sa naissance, sur un père souffleur à la comédie française qui ne s’occupe pas de lui ? Ecrire semble pour lui une manière de prouver qu’il existe. Outrancier parfois dans ses choix, provocateur, c’est un être sensible capable d’amitiés durables (André Billy a été l’ami de toujours) mais qui restera profondément seul toute sa vie. Revient sans cesse ce besoin de secourir et protéger les animaux, les sans voix et les sans défense. Peut-être s’est-il senti délaissé, sans personne pour le secourir, lui aussi, dans son enfance ?



Il aurait recueilli dans toute sa vie quelques 300 chats, 150 chiens, et même une guenon échappée d’on ne sait où, qu’il avait trouvée dans son jardin. Avec en moyenne 15 chats et 3 où 4 chiens à la fois ! Belle ménagerie qui l’a privé de tout confort matériel. Il faut bien dire que Paul Léautaud aime se mettre en scène, aime donner la leçon même s’il revendique l’humilité et aime être ce personnage marginal, vivant petitement dans sa solitude.



C’est une expérience (littéraire) unique que d’être ainsi avec lui pendant tant d’années, soixante dix huit ans exactement ! Il a un style, Paul Léautaud, un vrai grand style, sans fioritures…

« Je puis de plus vous assurer que mes travaux littéraires ne m’ont jamais fait négliger mon travail de bureau et que vous pourriez compter sur tout mon zèle à remplir les fonctions quelles qu'elles seraient que vous me confieriez.»

Quelles qu’elles seraient que vous me confieriez… où la musique simple et charmante, un mot qu’il emploie souvent. Même les lettres les plus banales, par ce talent d’écrire, sont de vrais joyaux. Comme j’aurais aimé pouvoir m’imprégner de cette musique tout au long de ces pages pour, peut être, dans mes phrases, en garder une toute petite parcelle.



Il y a des lettres émouvantes, quand il se raconte sa timidité, sa difficulté à être à l’aise au milieu des autres, tout ce qui fait qu’il se trouve « peu distrayant » (lettre à Paul Valéry du 3 janvier 1903). Il y a des lettres de l’homme éloquent telle celle du 26 août 1921 à Gaston Gallimard, un modèle de l’art de bien plaider sa cause. Il y a des lettres drôles et tragiques à la fois : lettres à Mme Cayssac qu’il commence par « ma chère amie », pour mieux l’aligner ensuite. Voici ce que dit très justement Henri Lhéritier : « Il y en a des tonnes des lettres de ce genre, de la mesquinerie, de la mauvaise foi, de la méchanceté, de la misanthropie, de la misogynie et beaucoup, beaucoup, beaucoup de littérature. ». Il y a aussi des lettres qui sont de vraies lettres d’amour même si l’incompréhension règne entre eux et, à cause de cela, sont bourrées d’ironie. D’autres d’une hargne insupportable, telle cette lettre du 25 juin 1932... Mais quel texte ! Je ne la cite pas, espérant donner envie d’emprunter ou d’acquérir ce livre.

D’autres lettres mettent mal à l’aise quand il fustige les résistants, mettant dans le même sac (au mieux ?) les nazis et ceux qui luttent arme à la main contre eux.

Cela n’empêche pas de temps à autre une clairvoyance mordante, une éclaircie soudaine dans un ciel bien sombre, par exemple quand il écrit au maire de Fontenay Aux Roses en 1948 (la guerre est alors terminée…) :

« J’ajouterai que la nouvelle du passé et la nouvelle menace dans lesquelles nous venons d’être mis du fait des américains, bien qu’elles ne soient que le pendant de l’après-guerre 1914-1918, ne me les rend pas sympathiques. Dans la guerre comme dans la paix, ils ne sont que des hommes d’affaires, (les leurs). L’aide qu’ils nous donnent, soyez tranquille, ils sauront en retirer de grands avantages. Nous n’avons vraiment rien de commun avec eux. »



Quant à tout comprendre à ses prises de position, quel sens cela peut-il avoir pour cette personnalité prônant la solitude et, en même temps, laissant autant de signes de sa présence au monde ? Anticonformiste, anarchiste, égotiste, provocateur génial ? Pour avoir une position claire, il aurait fallu qu’il se préoccupe des autres alors qu’il était surtout centré sur lui-même. Peut-être l’amertume d’une enfance gâchée l’empêche-t-elle de se mêler vraiment des affaires du monde autrement que par une ironie amusée et lointaine, à se préoccuper en priorité de ses chats et de ses chiens (attitude répandue à notre époque).

C’est un écrivain attachant malgré sa mesquinerie, sa mauvaise foi, sa misogynie, sa méchanceté souvent et un précieux témoin de son temps ! Un créneau qui est occupé encore actuellement... J’ai des noms. Et vous, des noms vous viennent-ils à l’esprit ?

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N'hésitez pas à visiter mon blog car vous y trouverez des illustrations, notamment une chronique complémentaire à propos de cet auteur étonnant intitulée "Paul LEAUTAUD, Georges BRASSENS, Pierre PERRET, Marie DORMOY, une comédie humaine du dernier siècle !". Merci de m'avoir lu et belle journée !




Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Le Théâtre de Maurice Boissard, tome I (1907-..

Pourquoi lire des vieilles chroniques dramatiques sur des auteurs et des pièces pour la grande majorité totalement oubliés?

Parce que c'est du Paul Léautaud.



Quel régal, quelle fantaisie, quelle liberté de ton absolument inimaginable à l'heure actuelle! Railleur, moqueur, spirituel mais aussi, et plus souvent qu'on ne pourrait le croire, élogieux voir même admiratif, Léautaud ne suit que son propre goût. Dans ces chroniques totalement subjectives, les pièces lui servent souvent de prétexte pour parler de tout autre chose, au fil de sa plume, au gré de son humeur. De toute façon, toujours en retard, les pièces dont Léautaud parlait n'étaient bien souvent plus à l'affiche... Le théâtre de Maurice Boissard c'est Léautaud à son meilleur.
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Entretiens avec Robert Mallet

On pourrait dire de Léautaud, à l'instar de Stendhal: son style, c'est sa conversation même. Lire les échanges radiophoniques de l'ermite de Fontenay avec Robert Mallet, c'est entendre le ton de sa voix: grinçant, amusé, imprécatoire le plus souvent, tendre aussi, parfois. Une liberté de ton qui fait singulièrement défaut à la littérature d'aujourd'hui. Complément indispensable au Journal Littéraire.
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Le fléau

Avant le « Journal particulier » extrait de son Journal général et qui conte les frasques sexuelles de Paul Léautaud et de sa dernière maîtresse Marie Dormoy, paraissait sous la direction d'Edith SIlve ce premier journal tout aussi « Particulier ».

Léautaud y narre sa rencontre avec Anne Cayssac et leur attention commune aux malheurs animaliers puis aux bonheurs sexuels.

Anne est mariée à un homme complaisant par désintérêt de la « chose » et tombe entre les pattes d’un Léautaud lubrique à souhaits. L’écrivain décrira alors leurs « séances » de haute voltige avec drôlerie, cynisme, rosserie parfois. C’est priapique, plus rabelaisien que Rabelais, plus Brantomien que Brantôme.



Un film de Jean-Pierre Rawson, "Comédie d’amour", sorti en 1989 retrace ces liaisons de façons beaucoup trop soft. Michel Serrault y incarne Paul Léautaud alors qu’Annie Girardot tente de figurer Anne Cayssac et la belle Aurore Clément, la peu accorte Marie Dormoy. Un fiasco mérité.
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Le petit ami

Ouvrage autobiographique, ou presque, puisqu'il avoue certains arrangements avec la réalité, dans un entretien avec Robert Mallet, tels que le décès d'une fille qu'il conduit à l'hôpital et qui, en réalité, n'est pas décédée à l'hôpital ainsi qu'il l'écrit (chapitre V).

Cependant, il s'agit bien là de ses rapports épisodiques et épistolaires avec une mère trop jeune, volage et inconséquente, qui l'a abandonné peu de temps après sa naissance, mais qu'il a aimée malgré tout. Les souvenirs de ses rares et brèves rencontres sont précis et indélébiles.
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Journal littéraire, tome 1 : Novembre 1893 - ..

Pour les amateurs d'histoire littéraire. Le style grinçant du père Léautaud fait merveille. Le Journal des frères Goncourt, suivi de celui de Léautaud, c'est 150 ans de vie littéraire. Passionnant !
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Journal particulier 1935

C'est l'histoire d'amour compliquée entre Paul Léautaud et Marie Dormoy, celle-là même qui édita ses écrits et notamment son Journal Littéraire. Ce sont justement des extraits de ce même Journal qui sont ici proposés, dont on a gardé la version privée.

Dans les "entretiens radiophoniques avec Robert Mallet", Léautaud avoue que le sentiment amoureux n'existerait pas sans le désir charnel. Toute relation homme / femme est la recherche de ce commerce. L'écrivain se bat donc avec sa dulcinée, entre Paris et Fontenay où il réside, pour avoir satisfaction. Lorsque celle-ci se trouve mal disposée (et c'est assez souvent), les soupçons surgissent. Léautaud est un véritable tyran avec la dame : elle doit lui rendre compte de son emploi du temps lorsqu'elle n'est pas avec lui.

On s'écrit des pneumatiques, des lettres – parfois tendres, parfois vachardes- Paul s'interroge, se rend malade, somme toute possède tous les symptômes du sentiment amoureux bien qu'il s'en défendît.

Au milieu de tout ce marasme, de ces relations compliquées, il retrouve un peu de sérénité, de bonheur même, au milieu de ses nombreux animaux et de sa chère solitude.



" C'est avec plaisir, plus même : avec bonheur, que je me retrouve seul chez moi ce soir. Je le dirai une fois de plus: je n'ai connu de bonheur que celui d'être ainsi seul, chez moi, avec mes rêveries même amères. On ne devrait ni désirer ni chercher aucun autre."



Jaloux de Marie comme jaloux de sa solitude qui lui permet d'écrire – sa véritable passion- Léautaud trouve tout de même de bons moments sensuels. Mais dès qu'elle ne le satisfait pas comme il veut, la jalousie, avec tout l'imaginaire qu'il peut concevoir, entre en lice. Que fait- elle chez Vollard? Est-elle vénale à ce point? Marie lui avoue ne pouvoir se passer d'un certain confort auquel, elle est habituée depuis longtemps et, pour cela, fréquenter des hommes riches comme Vollard ou Perret. Elle lui demande du cyanure au cas où ses ambitions ne se réaliseraient pas. Paul, sachant se contenter de peu est consterné:



"Ensuite, étendus côte à côte sur le lit, m'a renouvelé sa demande de lui procurer du cyanure. Comme je lui demande la raison et l'emploi : "pour me supprimer s'il m'arrive de n'avoir plus de quoi vivre." Je lui dis: "il ne peut arriver que tu n'aies plus de quoi vivre. Il ne peut t'arriver que d'être obligée de vivre un peu plus modestement. Se tuer pour cela, je te plains et je ne t'envie pas d'avoir ce caractère. Mais moi je suis près à aller vivre dans une mansarde, à manger du pain et du fromage. La vie n'est pas ce dont tu prétends ne pouvoir te passer. Vraiment je ne te fais pas compliment."



Ce passage m'a paru d'une telle résonnance avec notre époque de consumérisme et de paraître que l'on peut considérer son auteur comme un véritable décroissant.

D'autre part, dans ses réflexions poussées, ses demandes constantes d'aveux, Léautaud peut faire penser au narrateur de "la Prisonnière" de Proust, si justement, elle n'avait été prisonnière.

Liberté d'aller et de venir, certes, mais aussi soupçons constants, désir charnel, certes, mais aussi des ruminations d'adolescent amoureux. Touchantes malgré tout.

Chacun devrait s'y retrouver dans ses passions amoureuses : cette relation extrêmement personnelle tend à l'universel.

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Le petit ami

Un très beau livre lu sur le conseil de SK.

Trois parties :

L’auteur raconte sa jeunesse vers 1900, partagé entre la littérature (et l’écriture de ce livre) et les cocottes avec lesquelles il a des relations d’amitiés et sentimentales. C’est son bain d’oxygène, plaisir, de partage au sein des Folies Bergères ou autres établissements du même genre.

Une deuxième partie, son enfance dans le quartier de la rue des Martyrs, son père, coureur de jupons et ses servantes qui lui tiennent lieu de mère.

Et puis une troisième partie, les retrouvailles, suite au décès d’une tante, avec sa mère, qui a reconstruit sa vie en Suisse. Une troisième partie pleine de délicatesse et de dureté au travers d’échange de lettres. Une mère qui lui donne en même temps des signes d’amour et d’ignorance (elle ne parle que de ses plus jeunes enfants), qui lui écrit des lettres tendres et en même temp marchande, pour la poursuite de leurs échanges, le retour de ses premières lettres (peur qu’il s’en serve ?) pour finir par ne plu échanger avec lui.



Le tout est écrit dans un très beau style : c’est fluide et cela se lit agréablement. j’aimerais que nos auteurs modernes aient une telle fluidité d’écriture.

Un livre très actuel (même si le contexte a bien changé) par le mode de vie (un enfant laissé à lui-même par des parents séparés), les retrouvailles et la quête de l’amour perdu.

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