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Citations de Paul Nizan (139)


Les philosophes seront simplement les chiens de garde du vocabulaire et les historiens de ce moyen âge où les mots avaient plusieurs sens. En attendant ils apprennent à mettre de côté les pensées dangereuses pour le jour où leurs poisons seront évaporés : la raison a le temps, elle les retrouvera à son heure qui ne coïncide pas avec l'heure des hommes.
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Nizan n'était pas ingénieur. Ni politique. Il écrivait ; l'exercice de sa puissance ne pouvait être qu'un exercice de style. Il mit sa confiance en ses livres : il survivait par eux.

(Préface, Sartre)
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Sa colère se nourrissait de souvenirs vivaces : il revoyait des yeux, des boucles, des sourires, la couleur d'une peau, un air sévère ou cagot et il haïssait ces faces trop humaines, si familières ; s'il connut jamais la plénitude, ce fut à ces heures violentes où, choisissant ses têtes à massacre, sa rage devenait jouissance.

(Préface, Sartre)
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Au cœur de l'engagement collectif, il conserverait la singularité de son inquiétude. Il voulut ne plus penser à lui, il y parvint, il n'eut d'attention que pour les nécessités objectives : il demeurait pourtant par ce creux néant indissoluble, par cette bulle de vide, en lui, le plus fragile et le "plus irremplaçable" des êtres.

(Préface, Sartre)
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Désabusé, Nizan renonça pour toujours au vieux rêve spinoziste : il ne connaîtrait jamais cette plénitude affirmative du monde fini qui, du même coup, brise ses limites et retourne à l'infinie substance.

(Préface, Sartre)
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Ils transportent tous les débats dans un monde si pur, dans un ciel si lavé, que nul d'entre eux ne risque de s'y salir les mains. Et ils nomment cette hygiène philosophie.
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Nous n'accepterons pas éternellement que le respect accordé au masque des philosophes ne soit finalement profitable qu'au pouvoir des banquiers
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p. 23 :
Il y a de ces moments de l'histoire où la vie sociale est tellement dégradée, où le commerce humain produit tant de malheurs que ce désordre paraît être une condition perpétuelle de la vie collective. Lorsqu'elle est jugée essentiellement, et non accidentellement, inhumaine, l'espoir même des métamorphoses, le courage même des utopies disparaissent.
Si la vie sociale est l'unique loi naturelle de l'homme, il n'y a pas d'issue : on ne remonte pas le courant de la nature. Mais si elle est une fabrication, une convention, on peut toujours reprendre ce courant naturel qui ne va qu'à la joie, restituer dans l'homme une nature que le groupe effaça. Un nouvel espoir naît : si le malheur est social, le malheur n'est pas une loi. Les contemporains d'Epicure n'imaginaient même plus qu'il pût exister un bonheur collectif. L'histoire demandait que l'homme naturel fut mis à nu : Epicure, comme plus tard Jean-Jacques, n'a guère fait que parler pour lui à une heure où il était lui-même menacé.
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... aucune pensée n'est vide de poisons, pourvu qu'elle soit dite et redite.
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Bloyé pensait à Mme Renard qui traversait les rues avec son domestique ; le domestique traînait une petite voiture avec un grand chaudron. De porte en porte, les gens donnaient des restes que le domestique versait dans le chaudron. Mme Renard mêlait les restes et les faisait chauffer et elle les donnait aux chômeurs : c'était une ville qui ne pouvait pas être justifiée. (page 117)
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INCIPIT
C’était une rue où presque personne ne passait, une rue de maisons seules dans une ville de l'Ouest. Des herbes poussaient sur la terre battue des trottoirs et sur la chaussée, des graminées, du plantain. Devant le numéro 11 et le numéro 20 s'étalaient les taches d'huile déposées par les deux automobiles de la rue.
Au numéro 9, le marteau qui figurait une main tenant une boule, comme la droite d'un empereur, portait un nœud de crêpe; au pied des trois degrés de granit de l'entrée se trouvait une boîte noire à filets blancs, ornée d'une croix et de larmes blanches, c'était une maison où il y avait un mort.
La porte était entrouverte : les visiteurs pouvaient entrer sans frapper, car le tintement des sonnettes et l'écho des heurtoirs au fond des chambres troublent le sommeil des morts. Parfois, toutes les heures peut-être, un passant levait la tête vers le numéro d'émail bleu et blanc, et entrait. Il poussait la porte noire qui avait le marteau cravaté de noir et qui portait aussi un judas de cuivre, une ellipse de cuivre et la bouche de cuivre de la boîte à lettres: sur l'ellipse de cuivre était gravé un nom : ANTOINE BLOYÉ. Le visiteur faisait deux ou trois pas sur un carrelage rouge et blanc dont un carreau descellé sonnait sous le pied comme un avertissement : une vieille femme chaussée de feutre arrivait dans la pénombre et prenait le chapeau ou le parapluie du nouveau venu. Il demandait :
«Puis-je Le voir?»
La femme répondait :
« Oui, il faut monter... nous l' avons transporté là-haut... il est tombé dans son bureau... on ne pouvait pas le laisser là. »
Il montait l'escalier de chêne luisant : sur le palier du premier étage, d'une porte verte entrebâillée sortait une lueur jaune insolite comme la lumière d'un jour d'éclipse. Il avançait, souffrant d'entendre le craquement insolent de ses semelles. Au fond de la chambre s'étendait le lit démesuré du mort; les feux mobiles et flexibles des bougies dressées dans leurs chandeliers de cristal, qui n'avaient pas servi depuis des années, qui ne servaient qu'aux morts, illuminaient les draps. Un homme et une femme dont on distinguait mal les traits se levaient des fauteuils où ils étaient enfoncés et venaient de près reconnaître celui qui arrivait du dehors, avec le froid de février sur ses joues. Les hommes serraient leurs mains, les femmes embrassaient le visage humide de la femme, tous disaient :
« J'ai appris le grand malheur qui vous frappe... »
Ou bien :
«Qui aurait pu s'attendre, à Le voir si allant, si en train? Quelle chose terrible !... Nous sommes bien peu de chose.»
Ou bien :
«Vous savez, n'est-ce pas, la part que je prends à votre douleur.»
L'homme, qui était Pierre Bloyé, le fils du mort, reculait vers la fenêtre, sans rien dire après avoir serré les mains qu'on lui tendait. La femme, qui était Anne Bloyé, la femme du mort, reprenait le cours de ses sanglots, taris et suspendus par la lassitude, que chaque parole d'amitié, chaque condoléance relançaient, alimentaient de nouveau, comme si elles lui avaient rappelé que son mari était vraiment mort, qu'elle l'avait déjà oublié. Tous les arrivants allaient prendre une branche de buis des derniers Rameaux qui trempait dans une assiette creuse à filets d'or et lançaient deux ou trois gouttes d'eau bénite sur le lit. Les femmes s'approchaient du corps, l'aspergeaient, se signaient avec cette sûreté des êtres qui accomplissent leurs mouvements dans la certitude et l'inconscience instinctives d'un insecte; les hommes bénissaient, s'inclinaient maladroitement. Les visiteurs demandaient alors :
« Quel jour sont les obsèques ?
– Après-demain, demain, cet après-midi, à quatre heures », répondait Pierre Bloyé, à mesure que le temps passait.
Les gens partaient enfin et dans la rue, sur l'étendue de quelques mètres, retenaient l'élan et la sonorité de leurs pas, jusqu'à ce qu'ils fussent sortis du cercle magique où dominaient la présence et la puissance de la mort, jusqu'à ce qu'ils se sentissent le droit de se réjouir d'être en vie : et ils respiraient soudain sans avarice et laissaient craquer librement leurs souliers.
Dans les journaux de la ville, dans Le Populaire, dans Le Phare, on lisait : ont la douleur de vous faire part de la perte cruelle qu'ils viennent d'éprouver dans la personne de leur fils, mari, père, décédé dans sa soixante-troisième année.
Monsieur Antoine BLOYE,
Ancien Ingénieur aux Chemins de fer d'Orléans,
Officier de l'Instruction Publique
Les obsèques auront lieu le jeudi 15 courant, à l'église Saint-Similien, sa paroisse. On se réunira à la maison mortuaire, 19, rue George-Sand, à 15 heures.
Le présent avis tient lieu de faire-part.
Dans sa chambre, Antoine Bloyé était étendu, sur une cime de soixante-cinq années. Son visage était à demi éclairé par les bougies de la table de nuit : comme, à l'autre bout de la pièce, une lampe à pétrole brûlait, son profil projetait trois ombres sur le mur.
Pierre Bloyé regardait ce visage qui n'était pas creusé comme celui des morts épuisés par des jours de bataille : son père était mort d'une embolie, sans combattre, il était de ces morts dont on dit : «N'est-ce pas qu'il était bien beau, sur son lit de mort ?...»
La lèvre inférieure tombant sous une courte moustache blanche jaunie par la nicotine lui donnait une expression insoutenable de déception, de hauteur et de mépris. Pierre avait beau savoir que c'était là l'effet naturel de la mort sur une bouche sans dents, il ne pouvait s'empêcher d'y voir une dernière expression sentimentale de son père, une expression d'homme vivant, le dernier témoignage qu'il avait donné sur sa dernière pensée, sur sa dernière angoisse, la dernière signification qu'il avait accordée à la conclusion abrupte de toutes ses années. Pierre détournait les yeux de ce masque de pierre vers lequel un attrait invincible les ramenait toujours. Sa mère pleurait : tantôt avec des sanglots qui soulevaient son corps comme un gros rire, tantôt avec les larmes parcimonieuses de la fatigue, ce filet usé d'eau salée au coin des paupières brûlantes.
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Il lui montrait qu'il faut aimer le travail bien fait : le travail bien fait garde toujours sa valeur ce que les hommes font de mieux, c'est le travail. On a sa tâche devant les yeux, on comtemple, on a le droit d'être fier, on l'élève devant soi comme une œuvre. On ne craint personne, on ne craint pas la nature, on peut tout vaincre. p217
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Et Anne pensait avec une sorte de colère contre Antoine, qu'il ne se dépouillerait jamais de sa première peau, elle pensait à cette formule grossière qu'elle eût rougi de prononcer à haute voix "la caque sent toujours le hareng". p209
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Les inventeurs transforment plus les hommes et le monde que les généraux et les hommes d'état. p49
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Au sein de la paresse solitaire de la nuit paraît soudain sous un voile tout ce que le jour interdit, les désirs condamnés par les tribunaux bon citoyens du jour, par leurs ordres, par leurs vertus. La pudeur, la discipline, les désirs manqués, l'absence de loisirs écrasent la partie obscure de l'être où se cachent peut être ses plus authentiques besoins. Aussi longtemps que les hommes ne seront pas complets et livres assurés sur leurs jambes et la terre qui les porte ils reveront la nuit. Ils assouviront toutes leurs faims, leurs faims réelles car il y a tous les hommes qui ne mangent pas à leur faim dans le monde, qui ne boivent pas à leur soif, il y a les hommes de la misère - leurs faims de vengeance oms remporteront des victoires sur leurs oppresseurs du jour. Ils conquerront des femmes consentantes. L'homme de la nuit fera ses confidences à son ombre diurne qui ne les écoute pas. p261
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Antoine a les dehors de la force, mais il est aussi un homme incertain et faible ; les combats les plus minces le laissent désarmé.
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Nous n'accepterons pas éternellement que le respect accordé au masque des Philosophes ne soit finalement profitable qu'au pouvoir des banquiers.
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