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Critiques de Pedro Lemebel (12)
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Je tremble, ô matador



Attisée par la chronique éclatante de DanD, je me suis lancée dans la découverte de cet auteur chilien dont je ne savais rien. Bien m’en a pris.



1986 – Santiago – Dictature du général Pinochet.

La Folle d’En Face est un travesti qui a quitté son secteur de prostitution pour une maison branlante d’un quartier pauvre de Santiago où il excelle dans la broderie raffinée de nappes qu’il fournit aux boutiques huppées et aux familles aristocratiques. Tout en écoutant les chansons romantiques de Sara Montiel dont l’une donne son titre au livre.



Son chemin croise celui de Carlos, un jeune étudiant révolutionnaire, qui voit en sa maison le refuge idéal pour la révision de ses cours de droit avec ses amis et l’entreposage de ses syllabus volumineux. La Folle tombe irrémédiablement sous son charme tout en n’étant pas dupe du contenu des caisses qu’elle dissimule sous maints falbalas et dentelles ni du sens des réunions d’étudiants. Il/elle jouera un rôle de premier plan dans la préparation de l’attentat de septembre contre le président/dictateur.



En écho, un autre couple, détestable celui-là, permet à Pedro Lemebel de donner libre cours à son opposition politique, celui de Lucia et Augusto Pinochet. Elle, vitupérant sans cesse contre son mari qui a laissé revenir tous ces communistes « qui se prennent pour des écrivains » et ne pensant que comme son mentor, coiffeur et styliste Gonzalo. Lui, arrogant, homophobe en diable, détestant le jaspinage continuel de sa femme, et misérable lorsque ses rêves d’hier et d’aujourd’hui lui font détester la peur qui ne le quitte pas. Celle d’un attentat.



Le ton de l’auteur change radicalement lorsqu’il parle des uns et des autres. D’une douce violence lorsqu’il s’agit des sentiments éprouvés par La Folle à l’affection que finit par lui vouer Carlos, du verbiage ridicule de la première dame au mépris sadique de Pinochet/Pinocchio. « Je hais la poésie comme je l’ai dit à ce connard de journaliste qui m’a demandé si je lisais Neruda… Vous voulez que je vous fasse un aveu ? Je hais les poèmes. Je n’aime ni en entendre ni en lire ni en écrire, rien du tout. Où est-ce qu’il est allé chercher une question aussi conne ? Pourquoi ne pas me demander si je fais de la danse classique, tant qu’on y est » (p. 122).



Ce roman est empreint d’événements biographiques et réels qui donnent souvent la chair de poule et qui fait écho à un autre Chilien, Luis Sepulveda, lui aussi témoin et victime de la trop longue gouvernance dictatoriale.



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Je tremble, ô matador

Aux matinées fenêtres ouvertes, "Je tremble , ô matador, j'ai peur de voir ton sourire flotter le soir", fredonne la Folle d'en Face qui habite la petite maison aigrelette au coin de la rue. La rue se trouve dans un quartier populaire de Santiago du Chili, la Folle d'en Face est un travesti excentrique qui vit hors de son temps. La rencontre à l'épicerie avec Carlos, un beau macho qui lui demande de lui garder des caisses dans sa bicoque, va la faire trembler pour de bon......c'est parti. Nous sommes en septembre 1986, dans les journées noires de la dictature, le macho est un militant anti-Pinochet et les caisses contiennent des flingues.....

Parallèlement à ce récit, on suit un autre couple; Augusto Pinochet dans ses pensées secrètes, grotesque, affaibli, avachi sous les logorrhée rébarbatives de sa femme, une petite bourgeoise sotte, qui vit sous les ordres de Gonzalo, "son styliste " efféminé. Tandis qu'il fait des cauchemars mettant en scène sa propre mort, sa femme projette un voyage à Miami pour s'acheter des chaussures Versace en solde....

Alternant les deux récits, le rythme s'accélère jusqu'au dénouement final.



La prose est à l'image de la Folle, sensuelle, flamboyante, baroque, burlesque, mélancolique, à l'humour noir .....fleurie de poèmes....car Lemebel était avant tout un poète . Beaucoup de pudeur, aucune scène obscène ni de langage cru, bien que le sujet s'y prête fort.Et un sacré boulot de traduction, car le texte est bourré d'expressions et de mots du jargon de tantouse, dont on devine le sens mais introuvables sur le dico du net.





Dans le Chili de Pinochet où les homosexuels et les révolutionnaires appelés automatiquement communistes sont mis dans le même sac, une histoire d'amour originale et bouleversante.Entre rêve et réalité, des personnages terriblement attachants, qui frisent la caricature. Un texte partiellement autobiographique, basé sur un événement réel, relatant le profond clivage de la société chilienne entre pauvres et riches et les affres de la dictature. Fils d'un boulanger d'un quartier très pauvre de Santiago , Lemebel lui-même homosexuel en dira ,"No me hable del proletariado, porque ser pobre y maricón es peor » (Ne me parlez pas du prolétariat, parce qu'être pauvre et pédé est encore pire ). Un homme atypique aux multiples talents,mort en Janvier 2015, grand ami de Roberto Bolano et trés connu dans son pays et dans le monde littéraire hispanique et américain. C'est son seul livre traduit de l'espagnol.

Un livre qui me rappelle le cinéma d'Almodovar.....que j'adore.





Je tremble, ô matador,

j'ai peur de voir ton rire flotter,

dans l'air du soir !

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Je tremble, ô matador

Je n'avais pas tremblé autant, ô Lemebel, depuis ma lecture d' Avant la nuit de Reinaldo Arenas, découvert en 2000 grâce à l'adaptation de Julian Schnabel. Je croyais ne pas connaître Pedro Lemebel, et pourtant j'avais déjà vu une photo de lui, vêtu à la Frida Kahlo, un déroutant portrait en noir et blanc effectué dans le cadre de son projet Yeguas del Apocalipsis.

Parler de Lemebel, écrivain chilien, comme d'un homosexuel militant, comme la voix des travestis opprimés par une société machiste, serait bien réducteur. C'est une voix unique, inclassable, un style novateur, incroyablement libre, qui dans Je tremble, ô Matador ("Tengo miedo torero" chanson de Sarita Montiel, reprise par Lola Flores) relate l'attentat commis contre Pinochet à travers le destin de la Loca del Frente, La Folle d'en Face, travesti vieillissant fou d'amour.

Le contexte politique évoqué dans le roman est authentique, il s'agit de la préparation à Santiago de Chile en 1986 d'un attentat organisé contre le dictateur par le Frente Patriótico Manuel Rodríguez, l'Operación Siglo XX. Je tremble, ô Matador met en parallèle la vie de deux couples. D'un côté celui que forment La Loca del Frente et Carlos, jeune étudiant, membre du F.P.M.R. qui utilise son amoureux transi pour préparer l'attentat, d'un Frente à un autre. De l'autre, il y a les Pinochet, le dictateur vieillissant et sa femme Lucía Hiriart, toujours flanquée de son styliste Gonzalo Cáceres, rombière bigote obsédée par les tenues Nina Ricci.

La subversion est là, dans la mise en scène de ces deux couples aux antipodes l'un de l'autre, l'un retranché dans les quartiers résidentiels, l'autre survivant dans le Santiago des pauvres, des modestes, des sans voix, des marginaux. Je tremble ô Matador est une extraordinaire critique sociale et politique, qui mêle habilement les acteurs de la Grande Histoire aux Queers de la capitale, les discours officiels de Radio Cooperativa et les paroles des boleros. On pourrait faire un raccourci en évoquant Le baiser de la femme araignée de Manuel Puig, ou Fresa y chocolate de Senel Paz, mais Tengo miedo torero, est unique, bouleversant, une belle histoire d'amour dans un pays en guerre.

Pour conclure, voici un extrait du "Manifesto" de Lemebel, "Hablo por mi diferencia", qui donne envie de se plonger dans le reste de son oeuvre sans plus tarder:

"No soy Pasolini pidiendo explicaciones

No soy Ginsberg expulsado de Cuba

No soy un marica disfrazado de poeta

No necesito disfraz

Aquí está mi cara

Hablo por mi diferencia

Defiendo lo que soy

Y no soy tan raro

Me apesta la injusticia

Y sospecho de esta cueca democrática

Pero no me hable del proletariado

Porque ser pobre y maricón es peor

Hay que ser ácido para soportarlo

Es darle un rodeo a los machitos de la esquina

Es un padre que te odia

Porque al hijo se le dobla la patita

Es tener una madre de manos tajeadas por el cloro

Envejecidas de limpieza

Acunándote de enfermo

Por malas costumbres

Por mala suerte

Como la dictadura

Peor que la dictadura

Porque la dictadura pasa

Y viene la democracia

Y detrasito el socialismo

¿Y entonces?(…)"
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Je tremble, ô matador

Un vent de folie semble souffler en ce printemps 1986 le long de la Cordillère, la Folle d'en Face avec ses yeux de chatte apprivoisée, le Dictateur avec sa mégère - oups sa femme, incessamment bruyante et épuisante.



La Folle, ce travesti au regard vieillissant et à l'âme si romantique, s'éprend de ce beau Carlos, un jeune "étudiant" militant contre le Général Pinochet. Ce dernier part d'ailleurs en excursion pour un week-end avec sa femme, pas encore sorti de la ville qu'il est déjà fatigué, elle ne cesse de lui parler mode, couleurs et chiffons. Que de bruits dans cette ville, entre les cris des manifestants et ceux des fantômes exécutés ou disparus, sans compter les klaxons. Vive la campagne. Une tranche de pâté, mon chéri ? La Folle pose une magnifique nappe sur l'herbe sauvage, toute fleurie, des papillons sur la nappe, jolis papillons qui te picotent l'intérieur de ton âme. Ah c'est beau l'amour, se dit-elle... Un verre de vin, mon amour ? Du vin chilien, du beaujolais, les plaisirs d'un pique-nique à l'improviste. Tiens, ce ne serait pas la voiture du Général qui passe, lunettes noires et uniforme tristement gris. Ah c'est beau l'amour...



Dans le Chili du Pinochet, toujours ceinturé dans son costume d'un gris sale, d'un gris cendre, poussière des ombres et des torturés, que tu sois communiste ou pédé, un vent de poésie chuchote pourtant au-dessus des fleurs printanières. Pendant que l'austérité des discours du Dictateur époumone les ondes radios, la Folle d'en face chante, danse, telle une âme poétesse et amoureuse de son beau mâle intrigant. Que c'est beau, ces histoires d'amour, que c'est tendre et papillonnant. Que c'est dangereux, ces envies révolutionnaires, ces esprits littéraires, qu'un char pourrait détruire, qu'un soldat pourrait fusiller. Que c'est triste, l'amour, triste et beau, surtout quand l'âge et le rhum se fait vieillissant.
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Je tremble, ô matador

« Je tremble, ô matador ». Oui, elle tremble, la « Folle d’en Face », ce travesti transi d’amour pour le beau et viril Carlos. Elle tremble d’amour, mais personne ne la comprend, car « les larmes d’une folle solitaire comme elle ne verraient jamais le jour, ne seraient jamais des mondes humides épongés par les mouchoirs absorbants des pages littéraires. Les larmes des folles avaient toujours l’air fausses, des larmes de crocodile, des pleurs de clown, des larmes frisottées, accessoires de scène pour jouer une émotion loufoque. »

Et pourtant ! Quelle émotion, quelle pudeur et quels emportements ! Etre aimé de cette façon, qui n’en rêverait pas...



Pedro Lemebel a placé l’histoire d’amour du travesti dans le Chili de Pinochet, ce pantin moustachu affublé d’une femme pleurnicheuse. La ville de Santiago, « un cobra grisâtre rampant sur des visages ternis par la peur quotidienne de la dictature », ainsi que le somptueux « Cajón del Maipo » servent de cadre au Front patriotique Manuel Rodriguez, groupe clandestin armé, qui prépare un attentat pour le 8 septembre 1986, mais qui échouera de justesse.

Ce roman plein de poésie et de tendresse, mais aussi de folie érotique, évoque à coups de sous-entendus la préparation de l’attentat, grâce notamment à la complicité discrète et toute en falbalas de la Folle d’en Face. Grâce à son amour, aussi, qui pardonne tout, qui accepte et qui attend, sans toutefois se cacher sous une tonne d’illusions. Il/elle prête sa maison pour que Carlos aux yeux de braise et à la bouche tentante y entrepose des armes, sous couvert de caisses de livres d’université. Jamais la vérité n’est révélée, jamais le mot cru « attentat » n’est prononcé. Simplement le mot de passe inventé par la Folle, « Je tremble, ô matador », révèle son état d’esprit fiévreux à Carlos.



La folle combinaison d’un langage cru et truculent avec la poésie la plus pure m’a envoûtée.

Ah que j’aime ces phrases : « Elle l’incendia d’un regard de forêt obscure », « Quelque chose dans l’âme de chienne triste de la Folle d’en Face se fragilisait, l’incertitude la transformait en étamine de tulipe »...

La narration plonge donc dans le plus intime de la Folle, y mêlant également des dialogues savoureux avec, en contrepoint grotesque, les cauchemars délirants de Pinochet et les monologues superficiels de sa femme (« Ce que les gens sont peu imaginatifs en matière de cadeaux. Les commandants et leurs épouses qui s’obstinent à t’offrir des livres. Franchement ! Comme si tu lisais ces collections d’histoire et de littérature toutes reliées et pleines de dorures. Cela dit c’est pas du toc, et puis ça donne un cachet intellectuel à la pièce, sans compter que ça va bien avec les cadres dorés des tableaux »).



La traduction en français de « Tengo miedo, matador » a été pour moi une lecture jouissive, pleine de sensualité et de lucidité, de poésie et d’exactitude historique.

Pourquoi pas lire la version espagnole, un jour ?

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Je tremble, ô matador

La Folle d'en Face aime la radio qui distille toute la journée des chansons populaires, vieilles scies sentimentales qu'elle connaît par coeur.



Elle les fredonne pour oublier qu'elle n'a plus que quelques mèches sur le crâne, qu'elle vieillit et qu'il devient de plus en plus difficile, pour une vieille tapette comme elle, de trouver un micheton qui veuille bien suivre la danse chaloupée de ses jupons brodés…



Mais elle rencontre le beau Carlos : il est superbe, viril, jeune, étudiant-ou du moins il le clame- et traite avec respect et distinction ce vieux travesti sentimental, chez qui lui et ses compagnons viennent constamment apporter d'étranges paquets, et tenir de mystérieux conciliabules.



La Folle en est absolument folle, de son Carlos, mais elle n'est pas zinzin pour autant- pas folle la guêpe : elle sait bien qu'il vaut mieux ne pas poser de questions et encore moins ébruiter auprès de ses copines fofolles le va-et-vient suspect de cette bande de jeunes chez elle, avec tous leurs colis.



Elle ne précipite rien : elle se contente d'être là pour son bel hidalgo, et de lui déployer ses nappes brodées quand il l'emmène en pique-nique, non loin de la résidence secondaire du tyran. Une folle aux lunettes de chatte, portant chapeau jaune sur fourreau lamé, ça ne passe pas inaperçu !Tant mieux : on ne voit qu'elle, belle diversion , et on en oublie les étranges manoeuvres du beau Carlos qui espionne la route à la jumelle et court de ci de là, sur la montagne escarpée…



Il faut préciser que nous sommes en septembre 1986, au Chili, sous la dictature implacable du tyran aux lunettes noires, Augusto Pinochet, flanqué de son inénarrable femme, dame Lucia, aussi évaporée et futile que ses toilettes, et complètement inféodée à son coiffeur Gonzalo, féru d'astrologie… et que nous sommes à quelques jours d'un attentat -pardon, d'une « embuscade »- qui pourrait bien lui coûter la vie, à ce vilain pas beau…si on ne savait pas tous, malheureusement, que l'Affreux va encore sévir pas mal d'années avant que le juge Garzon ne le harponne par surprise…



J'ai adoré cette fable gaillarde et baroque, corsée comme un poème de Genet, fleurie comme un romancero de Garcia Lorca, drôle comme un roman picaresque.



Poétique et politique, kitsch et choc ! Un régal ! Merci les filles : Pecosa, Latina, Bookycooky, ClaireG !! C'est une pépite, les amours de votre matador et sa tendre tarlouze !



Oui j'ai tremblé -ô matador- et surtout j'ai été bouleversée, projetée en arrière, du temps des fêtes joyeuses d'avant les années sida, où J-P nous brisait le coeur en chantant Zarah Leander, où C. mettait sa perruque et des bas résille pour se transformer en Dalida, sous les yeux amoureux de son H. …pas chilien mais presque, et où la tendre bande de fofolles qui était nos cop(a)in(e)s entonnait Don't cry for me Argentina.. avant d'être emporté(e)s, les un(e)s après les autres, par le vent mauvais d'un cyto-mégalo- virus alors insoignable…



Mais j'ai ri, aussi, ô matador, aux soliloques pertinents et impertinents de la Folle, à ces dialogues fusionnels jusque dans la forme entre Carlos et elle, entre Carlos et lui- les pronoms personnels contribuant à semer l'équivoque et la pagaille- Je me suis délectée des délires cuculs- neuneus ( adjectif super trav'!!) de Lucia, ou paranos d'Augusto, obsédé par l'homosexualité, jusqu'à la caricature ..



Et, oui, j'ai tremblé , ô matador, devant l'horloge implacable de l'urgence, le « timing » de l'attentat-pardon, de l'embuscade- et celui de la traque répressive avec son étonnant chassé-croisé entre chasseurs et chassés…



Et, oui j'ai reconnu dans les personnages de Carlos et de sa belle commandante tant jalousée par la Folle, des silhouettes historiques : le couple de guerilleros, le sémillant Cesar Bunster, du Front populaire Manuel Rodriguez, -cellule « terroriste » émanant du PC chilien- qui échappa à la répression après l'attentat du 7 septembre 1986- comment faut-il vous le dire, que c'est une embuscade ? -, et qui vécut en exil, tandis que sa comparse, la belle et toute jeune commandante Tamara, mourait sous la torture et devenait une icône de la résistance à Pinochet.



Mais j'ai surtout admiré, ô matador : Pedro Lemebel a tout magnifié, transformé –c'est bien le moins pour un artiste qui a fait du travestissement son combat- de sa pétillante imagination, de sa langue magique, de sa verve féconde, pour faire vivre- à notre grand ravissement !- cette faune chamarrée et interlope, dispensant son empathie chaleureuse et ironique sur tous ses personnages…



Mais à présent, je tremble, ô matador : elle est trop vite éteinte, ta chanson !



Elle a un goût d'encore, ô matador !









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Je tremble, ô matador

"Quelle élégance ! soupira le garçon, admiratif. Avec trois fois rien vous bâtissez un royaume, princesse."



Vous l'avez vue ? Non ? Mais si… La Folle d'en face. Celle qui parle toujours si agréablement, nous dit un mot gentil en passant. Elle a rudement bien organisé son petit intérieur. D'une vieille baraque, elle en a fait avec deux étoffes et un brin d'imagination un palais rutilant. D'ailleurs, ils ne s'y sont pas trompés les petits jeunes, ils ont investi les lieux. Ah ces jeunes, toujours en train d'inventer des complots, des révoltes, des révolutions. Faut dire qu'avec Pinocchio, les jours des jeunes sont bien courts. Tout l'inverse d'un nez, et les menteurs au pouvoir. Alors ces jeunes, ils la voudraient la démocratie. Et cette Folle qui les accueille. Faut dire que son Carlos, il est bien mignon. Si j'avais encore l'âge… ce ne serait pas de refus. Mais nous les petites vieilles, à part les commérages, qu'est-ce qui nous reste ? L'autre jour la Folle et son Carlos sont partis en voiture faire un grand tour. Je me demande dans quel coin du Chili ils sont allés. C'est vrai que nous les Chiliens on ne le connait pas bien notre pays. Dans la misère, on ne voyage pas. Alors eux deux, ils les bousculent les contraintes. Chacun dans son genre, ils vous bousculent et parfois ils se bousculent. Lui il est persuadé que cette grande Folle ne comprend rien à leur bidouillage. Moi je sais qu'elle n'est pas dupe. Elle a une sensibilité et une âme de poète. Que j'aime quand elle se promène avec son grand chapeau jaune et ses lunettes de star holywoodienne. Ah ça en jette dans notre dictature. Tiens, Picocchio, il l'a bien mérité sa mémère qui bavasse tout le temps. Elle doit lui casser les oreilles entre deux coups de canons. Ah mais pourquoi je parle de celui-là. C'est la Folle qui me plait. Elle a des mots qui vous enchantent et celui qui lui donne la parole est un merveilleux Matador, j'en tremble encore de certaines ce ses phrases. Alors je voulais remercier Bookycooky pour ce merveilleux voyage qu'elle m'a permis de faire. "Peut-être la pornographie de ce récit l'avait-elle troublée au point de lui faner le verbe aimer."



"Ma Folle inévitable, ma Folle inoubliable."

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Tengo miedo torero

Au-delà d’une histoire d’amour homosexuelle entre un jeune patriote de gauche, qui projette d’assassiner Pinochet, et un gay, Pedro Lemebel joue avec les nerfs de toute forme dictature grâce à une écriture particulièrement transgressive, résolument résistante face au système culturel officiel chilien de l’époque. Très révélatrice d’une fin de règne dictatorial sombre et tragique, cette œuvre illustre surtout le grotesque et le ridicule de la démesure du système Pinochet. Artiste et écrivain courageux et authentique, Pedro Lemebel assume sa différence et se dresse contre les tabous et les préjugés moraux de la société chilienne, jusqu’à composer un tableau saisissant de la vie nationale
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Je tremble, ô matador

1986 au Chili, ça ne rigolait pas... Ce livre nous le fait vivre de l'intérieur, avec une histoire d'amour platonique mais finalement ambigüe entre un travesti homosexuel et un révolutionnaire. La langue est belle, alliant poésie et langage cru, mettant en contraste la passion de la folle d'en face et le cynisme désabusé de Pinochet/Pinocchio et son épouse.



Il m'a manqué cependant quelque chose d'indéfinissable dans ce court roman pour que cela soit un grand roman à mes yeux. Ce je ne sais quoi de tellement subjectif et indéfinissable qui fait que je suis resté partiellement au bord du paseo. Je suis néanmoins reconnaissant, comme d'habitude!, à Bookycooky qui m'a fait découvrir ce livre qui vaut largement la peine que l'on s'y penche.
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Je tremble, ô matador

La dictature de Pinochet à travers une folle sentimentalité, l’extrême théâtralisation des sentiments, des chansons populaires qui en laissent résonner l’immuable, mais aussi les rêves du dictateur, les pépiements de sa femme. Par ce roman queer, à l’écriture inventive, toute de décalage, Pedro Lemebel ne décrit pas seulement les souffrances, les maltraitances, de la Folle du Front mais fait entendre le basculement de tout un pays, faire comprendre comment il s’organise et tendre tout son récit autour de l’organisation d’un attentat. Je tremble,ô matador : belle histoire d’amour, de manipulation, de résistance.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Je tremble, ô matador

Pedrito Lemebel, une figure emblématique, aujourd'hui disparu, de la "movida" chilienne. Il animait un programme de radio et écrivait avec ses tripes.

Dans ce court roman, Lemebel monte une fiction entre un jeune terroriste qui monte un attentat contre le général Pinochet et un travesti qui le cache et devient amoureux de ce jeune fougueux.

La prose est d'une exubérance folle, le bagout est de taille et le Chili de l'époque, dépeint avec beaucoup de justesse.
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Je tremble, ô matador

Entremêlant l’histoire intime et celle d’un pays en mal de liberté, ce classique de la littérature queer bouleverse par la sensibilité avec laquelle il traite des individus vus comme marginaux.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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